Comptes rendus

La revanche scolaire. Des élèves multiredoublants, relégués, devenus superdiplômésBertrand Bergier et Ginette Francequin, Ramonville-Saint-Agne, Érès, coll. « Sociologie clinique », 2005, 287 p.[Record]

  • Marielle Létourneau

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  • Marielle Létourneau
    Étudiante au DESS, Département de didactique, Université de Montréal

L’échec scolaire a été abondamment traité, analysé, documenté, interprété au cours des dernières années comme en témoigne la récurrence du thème dans la littérature sociologique. La réussite scolaire a elle aussi été étudiée sous toutes ses coutures. Les études portant sur le sujet laissent entendre qu’à l’intérieur de la structure scolaire contemporaine deux avenues s’offrent à l’étudiant : celle de la réussite et celle de l’échec. Entre les deux, un gouffre quasi infranchissable. La spécificité et l’originalité que présente la recherche qu’ont menée Bertrand Bergier et Ginette Francequin résident en ce qu’ici, échec et réussite se croisent, se conjuguent. En effet, le sociologue et la psychologue ont tenté de comprendre comment échec et réussite peuvent s’articuler au sein du parcours scolaire d’un seul individu, au sein d’un même cursus scolaire. Comment un étudiant multiredoubleur, relégué, décrocheur peut-il finalement parvenir à compléter un doctorat en médecine ? De tels parcours existent. Bertrand Bergier et Ginette Francequin les ont débusqués et sont parvenus à former un échantillon de 111 étudiants atypiques. Chacun d’eux a redoublé de deux à cinq fois entre la maternelle et le bac, a été orienté vers un cycle court (CAP ou BEP) ou a abandonné l’école quelque temps avant de revenir en force, de réintégrer les rangs et de parvenir à valider, à tout le moins, un deuxième cycle universitaire. Ces étudiants que l’on croyait depuis toujours incapables de performer, que l’on disait « inaptes aux études », que l’on qualifiait de « nuls », ont prouvé qu’il est possible de faire fi des statistiques et de réussir envers et contre tous. Mais comment s’y sont-ils pris ? Comment sont-ils parvenus à franchir des obstacles que l’on pourrait croire insurmontables ? C’est ce que tentent de découvrir Bergier et Francequin. En analysant les différents parcours scolaires atypiques des 111 répondants, les auteurs dégageront certaines constantes qui, par-delà les déterminismes sociaux et les différences individuelles, permettent de croire que ces « histoires » atypiques sont « susceptibles d’être rejouées ». Afin de mener à bien leur recherche, les auteurs ont comparé l’échantillon type de 111 individus à deux autres échantillons : un premier constitué de 104 personnes ayant terminé au moins un deuxième cycle universitaire sans toutefois avoir cumulé de retard ou de redoublement (parcours long classique) et un second constitué de 107 personnes ayant redoublé ou ayant complété un cycle professionnel sans toutefois entreprendre d’études universitaires (parcours court). L’ouvrage est le fruit de l’analyse des données qualitatives qui résultent de cette triple comparaison et il est divisé en deux parties distinctes. La première permet de mettre en relief et d’étudier comment les différentes variables sociologiques classiques que sont l’âge, le sexe et, bien sûr, l’origine sociale agissent sur le parcours scolaire. Ces premiers chapitres sont consacrés, en quelque sorte, aux caractéristiques « typiques » de cette population atypique. On apprend, entre autres, que la majorité des élèves de l’échantillon est souvent plus jeune que la moyenne des étudiants à son arrivée au primaire. Ce léger avantage est généralement de courte durée puisque les nombreux redoublements qui ponctueront le cheminement scolaire de ces enfants viendront ronger cette avance. On apprend également que les filles, après avoir accumulé un certain retard au cours de la formation secondaire, seront souvent tentées de mettre fin à leurs études universitaires plus prématurément que les garçons, que ce soit pour des raisons d’indépendance économique ou pour des raisons affectives ou familiales. Finalement, on apprend que l’origine sociale a une grande incidence sur le parcours scolaire des étudiants. En effet, si les élèves issus des milieux populaires sont souvent « fortement » encouragés, voire forcés …

Appendices