Recensions

Rendez-vous manqué avec la révolution américaine. Les adresses aux habitants de la province de Québec diffusées à l’occasion de l’invasion américaine de 1775-1776 de Pierre Monette, Québec-Amérique, 2007, 550 p.[Record]

  • François Charbonneau

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  • François Charbonneau
    Docteur de science politique, École des hautes études en sciences sociales

Pierre Monette adopte une approche à la fois originale et féconde pour aborder l’histoire du rapport des Canadiens (français) à la révolution américaine. L’auteur de Rendez-vous manqué avec la révolution américaine s’intéresse en effet aux différentes lettres ouvertes adressées aux habitants de la Province of Quebec pendant le conflit impérial, conflit qui oppose treize colonies britanniques d’Amérique du Nord à la Grande-Bretagne dans les années 1770. P. Monette défend dans ce livre l’hypothèse que le Québec est passé à un cheveu de devenir la quatorzième colonie britannique d’Amérique du Nord à se joindre aux États-Unis d’Amérique. La démonstration de P. Monette est, à cet égard, tout à fait convaincante. Étant donné que treize colonies ont choisi de former les États-Unis d’Amérique, on tend spontanément à décrire l’histoire des États-Unis, avant comme après l’Indépendance, comme s’il était évident que seules ces treize colonies allaient un jour former un unique corps politique. Mais il s’agit d’une illusion, puisque les colonies britanniques en Amérique ne se limitaient nullement à ces treize colonies. La Grande-Bretagne possédait en effet des colonies dans les Antilles, en Nouvelle-Écosse, en Floride, à Terre-Neuve, au Québec, etc. En d’autres termes, lorsqu’on parle de l’Indépendance américaine, il faut toujours garder à l’esprit que seulement treize parmi toutes les colonies britanniques ont choisi l’aventure de l’Indépendance en 1776. Les autres colonies avaient elles aussi des éléments patriotes plus ou moins importants prêts à en découdre avec la Grande-Bretagne et plusieurs d’entre elles ont sérieusement envisagé la possibilité de la rupture. Le livre de Pierre Monette nous apprend que les Canadiens, conquis seulement quelques années plus tôt, ont été sollicités très tôt par le Congrès américain pour s’engager à ses côtés dans l’opposition à la Grande-Bretagne et qu’un certain nombre d’entre eux sont ainsi allés grossir les rangs de l’armée rebelle. Mais la sollicitation n’est pas venue seulement du côté américain. L’auteur nous apprend en effet que, pendant toute la période de la guerre révolutionnaire, 18 lettres et adresses ont été écrites de part et d’autre de ce conflit à l’intention des Canadiens, dans le but de les convaincre soit de se joindre aux rebelles américains, soit de prendre les armes en faveur de la couronne britannique. Le plus grand mérite de l’auteur est d’avoir eu l’idée de colliger ces textes dans un seul ouvrage. Tous les textes sont en effet intégralement reproduits dans le livre, délicatesse digne de mention. L’intuition de P. Monette, qui se vérifie assez aisément au fil des pages de son ambitieux ouvrage de 550 pages, est que la soi-disant neutralité – voire l’indifférence – des Canadiens de l’époque a été surfaite, en partie par une historiographie ultramontaine qui cherchait avant tout à dissocier les Canadiens de l’aventure républicaine américaine. L’auteur cherche à montrer que, au contraire, la participation canadienne à la Révolution américaine a été beaucoup plus importante qu’on l’a cru jusqu’ici, c’est-à-dire que beaucoup de Canadiens étaient sympathiques à la cause américaine. P. Monette se heurte cependant à une difficulté importante, soit la relative rareté des documents d’époque qui attestent de cette sympathie à la cause américaine. Son analyse se révèle particulièrement astucieuse à ce chapitre, car il retient comme matériaux de son enquête les lettres elles-mêmes adressées aux Canadiens, notamment celles écrites par les autorités britanniques et ecclésiastiques canadiennes. On savait que ces lettres sont révélatrices de l’importance du Canada pour les belligérants, mais P. Monette nous fait voir qu’elles dévoilent tout un pan de la réalité de la participation canadienne elle-même. On suppose en effet que Mgr Briand ne se serait pas livré à une sévère invective des « sujets rebelles pendant la …