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Le présent article expose les résultats d’une recherche réalisée en 2016-2017 par l’équipe de Relais-femmes (RF) et la chercheuse[1] Louise Lafortune. Cette occasion d’aller au-delà de l’accompagnement-formation réalisé de 2007 à 2015 (Lafortune et autres 2015) a permis de clarifier les liens entre l’approche féministe et le développement de compétences professionnelles. Les données recueillies au cours de cette recherche collaborative sont issues d’entrevues interactives réunissant principalement l’équipe de RF, entrevues fondées sur une approche féministe et le référentiel de compétences établi lors de la publication de 2015.

Au cours de la recherche, la notion d’intersectionnalité est apparue incontournable. L’équipe de recherche-intervention, composée des milieux de pratique et universitaire, voulait mettre en interaction le féminisme intersectionnel et le socioconstructivisme provenant de deux cadres théoriques, sociopolitique et socioéducatif, qui suggèrent que différentes oppressions ainsi que certains préjugés et stéréotypes relèvent de construits sociaux. Les réflexions collectives en partenariat ont permis de discuter sur le plan tant conceptuel que pratique d’une pédagogie féministe intersectionnelle socioconstructiviste dans le travail d’accompagnement-formation de RF. L’équipe mixte (praticiennes et chercheuses) est consciente que les résultats obtenus représentent l’état actuel des réflexions et s’inscrivent dans une démarche à plus long terme.

Cette recherche représente une conceptualisation autant du sens que RF veut donner à une pédagogie féministe intersectionnelle socioconstructiviste (FIS) que des compétences à développer chez les formatrices de RF et chez les intervenantes dans différents groupes communautaires et de femmes. Les objectifs consistent à clarifier le sens d’une pédagogie FIS dans le travail d’accompagnement-formation de RF auprès des groupes communautaires et de femmes ainsi qu’à préciser les compétences pour mettre en oeuvre ce type de pédagogie.

Deux questions de terrain ont mené à cette recherche et à ses deux objectifs :

  • Comment définir une pédagogie FIS pour analyser et améliorer le contenu et la forme des accompagnements-formations de RF?

  • Quelles sont les compétences à développer dans une perspective féministe intersectionnelle en vue de réfléchir sur les pratiques actuelles, de les analyser et d’orienter le recrutement de nouvelles travailleuses?

Dans ce qui suit, le contexte théorique tient compte de la complexité des concepts mis en relation : le féminisme intersectionnel, le socioconstructivisme, l’accompagnement-formation et les compétences. Les aspects méthodologiques précèdent les résultats proposant des compétences à développer pour mettre en oeuvre une pédagogie FIS ainsi que l’état de la réflexion à propos du sens d’une telle pédagogie. Ces résultats sont critiqués avant de conclure sur des perspectives de recherche.

Le contexte théorique

Le contexte théorique tente de situer le débat actuel sur le féminisme intersectionnel et d’expliquer la volonté de s’inscrire dans un paradigme socioconstructiviste pour l’accompagnement-formation et pour l’élaboration de compétences.

Une approche féministe intersectionnelle

C’est dans le contexte des études féministes et d’influences de féministes noires défendant l’impossibilité de penser les rapports de genre sans considérer les questions raciales et celles qui sont liées aux classes sociales que le concept d’intersectionnalité prend forme (Crenshaw 1989). Selon Sirma Bilge (2010), le développement de la pensée intersectionnelle émerge de la dénonciation de l’ethnocentrisme, de l’invisibilité des questions raciales dans les débats féministes et du manque de problématisation du sexisme dans les mouvements antiracistes. Influencé par les revendications des mouvements de femmes de l’Amérique latine, de l’Afrique et de l’Asie, le terme sera largement employé après la Convention de Beijing (en 1995), et ce, au sein tant des organisations internationales que des universités. Des groupes de femmes du « tiers-monde », soutenus par des féministes occidentales, dénonceront l’image projetée de l’homogénéité des femmes en tant que groupe et souligneront l’importance de prendre en considération les rapports de classes, de races[2], d’ethnies et de religions (Mohanty 1984).

Ainsi, l’approche intersectionnelle s’est développée à partir du désir des mouvements féministes de comprendre les multiples oppressions qui touchent différemment et directement la vie des femmes. Les analyses basées exclusivement sur le « genre » seraient insuffisantes pour décrire la complexité des interactions sociales et l’imbrication entre le genre, la race, la classe sociale, l’orientation sexuelle, l’ethnie, la religion. Une approche intersectionnelle contribuerait à une analyse des expériences et des oppressions vécues par ce groupe social hétérogène (Simien 2007). Le modèle intersectionnel est décrit généralement selon trois prémisses : « 1) les oppressions sont vécues de manière simultanée et sont difficilement différentiables les unes des autres; 2) les systèmes d’oppression s’alimentent et se construisent mutuellement tout en restant autonomes; 3) par conséquent, la lutte ne peut pas être conceptualisée comme un combat contre un seul système d’oppression – les systèmes doivent être combattus simultanément sans être hiérarchisés » (Pagé 2014 : 203).

Comme les expériences et les conditions de vie politique et sociale sont tributaires de facteurs qui s’influencent mutuellement, Patricia Hill Collins et Sirma Bilge (2016 : 2) considèrent que l’intersectionnalité constitue « une façon de comprendre et d’analyser la complexité dans le monde, dans les personnes et dans l’expérience humaine ». La proposition de Collins (2017 : 60) voulant faire interagir les concepts d’intersectionnalité et de systèmes de domination comme « modes concrets de structuration de ces oppressions » semble pertinente. Cette auteure souligne que, « nonobstant les intersections en cause, des rapports de pouvoir structurels, disciplinaires, hégémoniques et interpersonnels sont sous-jacents à des formes d’oppression très différentes ». L’articulation entre le concept d’intersectionnalité et celui du rôle du pouvoir proposé par Collins (2017) contribue à l’analyse de l’interconnexion entre les systèmes d’oppression, dont le sexisme, le classisme et le racisme (Corbeil et Marchand 2006). À ces systèmes s’en ajoutent d’autres, dont le patriarcat, le capitalisme, l’hétérosexisme, le colonialisme, le capacitisme, l’impérialisme (Pagé 2014).

Si l’usage du concept d’intersectionnalité désignant une théorie, une approche épistémologique ou un modèle d’intervention suscite des discussions et remet en cause sa portée réelle (Harper et Kurtzman 2014), l’idée de Collins et Bilge (2016) de concevoir l’intersectionnalité comme un outil d’analyse a encouragé la réflexion sur la notion de pédagogie féministe intersectionnelle au sein de l’équipe de RF. Cet outil analytique favorise l’intervention, la compréhension et l’analyse selon six champs :

  1. les inégalités, en contribuant à une investigation qui dépasse la relation entre genre-classe-race;

  2. les rapports de pouvoir structurels, interpersonnels, disciplinaires et hégémoniques;

  3. les relations humaines, en stimulant le dialogue et la coalition entre les personnes et les groupes;

  4. le climat social, en notant les influences des contextes historique, intellectuel et politique propres à l’analyse de la pensée et des actions des individus;

  5. la complexité pour comprendre et analyser le monde;

  6. la promotion de la justice sociale.

Comme stratégie d’analyse, cet outil est important pour RF qui présente son approche féministe selon des principes comme la transformation des rapports sociaux de genre, la déconstruction des stéréotypes et des préjugés ainsi que le développement d’une démarche de prise de conscience des oppressions et des privilèges (Corbeil et Marchand 2006; Lafortune et autres 2015).

L’intersectionnalité suppose une pratique de réflexion critique dans le travail d’accompagnement-formation. Elle contribue à l’analyse de l’imbrication des systèmes d’oppression comme mécanisme à la base de la production et de la régulation des injustices et des inégalités sociales dans la vie des femmes (Bilge 2009; Collins 2017; Zambrini 2014). Elle fait partie d’un projet de justice sociale qui exige aussi de reconnaître les privilèges rattachés notamment à la race, à la classe, au sexe ou à l’orientation sexuelle (Collins 2017).

Par ailleurs, le concept d’intersectionnalité, peu utilisé en éducation, comporte des bases en relation avec celui d’équité sociopédagogique (Lafortune 2006a et 2006b) qui suppose une imbrication de quatre dimensions :

  1. la mixité scolaire pour éviter de perpétuer les stéréotypes;

  2. une éducation à la citoyenneté pour instaurer une approche démocratique (CSE 1998; Lafortune et Gaudet 2000);

  3. une inclusion scolaire visant une équité entre les élèves (Vienneau 2004; Rousseau et Bélanger 2004); et

  4. la réflexion-interaction pour favoriser des remises en question relativement aux croyances et aux préjugés (Lafortune 2006a et 2006b).

Le travail d’accompagnement-formation de RF aborde l’intersectionnalité et l’équité sociopédagogique en incitant les femmes à prendre conscience de la pluralité des expériences de discrimination (Corbeil et autres 1983; Corbeil et Marchand 2010), en créant une ouverture à la diversité et en évitant les généralisations abusives (Lafortune et autres 2015). Tout comme l’intersectionnalité tend à considérer la complexité des interactions entre les différentes oppressions et les systèmes de domination, l’équité sociopédagogique cherche à tenir compte de la diversité des situations éducatives et sociales dans l’acte pédagogique et l’accompagnement-formation.

Considérant les diverses oppressions, les différents privilèges et les nombreux systèmes de domination comme une construction sociale, l’équipe d’accompagnement-formation choisit de s’inscrire dans un paradigme socioconstructiviste.

Le socioconstructivisme en éducation

Considérant différents points de vue, Marie-Françoise Legendre (2008) confronte une idée largement véhiculée voulant que le socioconstructivisme soit une théorie de l’apprentissage ou de l’enseignement ou un modèle pédagogique (Jonnaert et Vander Borght 1999). Selon elle, le socioconstructivisme est un choix paradigmatique faisant référence à une vision du monde orientant les représentations, les intentions et les actions. Adopter un tel paradigme conduit à regarder les situations sous un certain angle. Il joue un rôle dans la formation citoyenne et la façon d’analyser les situations et de proposer des pistes de solution. Un tel choix n’est donc pas neutre et intègre certains présupposés. Selon ce paradigme, les savoirs résultent d’une confrontation interpersonnelle : ils supposent échanges, négociation de points de vue et validation réciproque. Selon Legendre (2008) ainsi que Lafortune et autres (2015), cet engagement exige, au-delà des paroles, une cohérence entre ce qui est dit, ce qui est fait et ce qui est dit de faire, entre ce qui est promu et l’actualisation dans la pratique.

Dans le même sens, Elsa Chachkine (2011) considère le socioconstructivisme comme un paradigme sous-tendant que chaque individu construit ses connaissances à partir de ses acquis et expériences antérieures contextualisées. Pour sa part, le ministère de l’Éducation, du Loisir et du Sport (MELS 2005 : 1) considère ainsi le constructivisme :

[Le constructivisme est] une position épistémologique selon laquelle une personne développe son intelligence et construit ses connaissances en action et en situation et par la réflexion sur l’action et ses résultats. Elle appréhende et comprend les situations nouvelles à travers ce qu’elle sait déjà et modifie ses connaissances antérieures afin de s’y adapter. Chaque adaptation à une situation élargit et enrichit le réseau de connaissances antérieures d’une personne, cette progression continue lui permettant de gérer des situations de plus en plus complexes.

Se fondant sur les travaux de Piaget et de Bruner, Mamadou Sarr (2015) souligne que l’apprentissage est un processus continu de construction et de déconstruction de la perception de la réalité et que l’individu apprend en construisant du sens. Deux principes sont dégagés : l’apprentissage se révèle à la fois un processus actif et constructif et un processus cumulatif. Barbara Class et Daniel Schneider (2004) ajoutent qu’une pédagogie socioconstructiviste suppose la confrontation des connaissances qui, elle, induit l’adaptation et la transformation nécessaires à l’évolution des connaissances.

De leur côté, Louise Lafortune et Colette Deaudelin (2001 : 206) affirment ceci : « Le socioconstructivisme est issu d’une conception constructiviste où l’apprentissage est vu comme un processus social et interpersonnel (Vygotski 1978). Ces interactions contribuent à ébranler les conceptions, à susciter des conflits sociocognitifs et à amener à justifier les interprétations. » Une approche socioconstructiviste a pour objet de donner du sens au contenu de formation considérant que les personnes accompagnées structurent leurs connaissances de façon active en interaction avec les autres. Cela signifie que ce qui est dit n’est pas construit de la même façon par tout le groupe et surtout pas comme la personne accompagnatrice-formatrice l’espérerait.

Henri et Lindgren-Cayrono (cités dans Chachkine (2011)) proposent quatre principes andragogiques pouvant avoir un intérêt pour le travail de RF :

  1. établir un climat d’apprentissage égalitaire et convivial;

  2. prendre en considération les expériences et les acquis antérieurs;

  3. trouver un juste équilibre entre l’imposition d’une structure et l’autonomie pour laisser des choix;

  4. avoir recours à des approches pédagogiques axées sur la discussion.

Pour leur part, Sarr (2015) ainsi que Lafortune et Deaudelin (2001) relèvent l’importance de créer des conflits sociocognitifs interindividuels, nés des interférences entre les connaissances individuelles et celles du collectif, ce qui pousse les personnes apprenantes à élargir l’horizon de leurs conceptions antérieures.

Un accompagnement-formation

La mise en oeuvre d’un accompagnement-formation réflexif-interactif vise l’évolution du groupe sur le plan conceptuel et théorique en évitant de rester sur des impressions, sur ses propres perceptions. Dans l’optique féministe intersectionnelle adoptée par RF, l’accompagnement-formation est ainsi défini (Lafortune et autres 2015 : 22) :

[C]haque personne exprime ses propres idées, conceptions, valeurs… tout en acceptant de les mettre en interaction avec d’autres personnes et d’être confrontée à la perpétuation de stéréotypes, préjugés et idées préconçues […] Il ne s’agit pas de rechercher l’uniformisation ou une idée commune […], mais plutôt de reconnaître ce qui est relativement semblable et […] les différences comme étant un apport plutôt qu’un frein. L’ensemble de ce travail vise une coconstruction […] afin que chaque personne soit une source d’inspiration.

La conception de l’accompagnement préconisée par RF n’est pas nécessairement celle qui est véhiculée dans la littérature. Cependant, l’idée d’offrir un soutien à la mise en oeuvre d’un changement de pratique rejoint les préoccupations de ceux et celles qui proposent d’offrir un suivi pendant une certaine période de temps (L’Hostie et Boucher 2004; Lafortune et Deaudelin 2001; Pelletier 2004; Paul 2004). Par ailleurs, il existe des divergences quant au sens donné à l’accompagnement. Maela Paul (2004 : 308) considère qu’« accompagner c’est se joindre à quelqu’un pour aller où il va en même temps que lui ». Cette conception est souvent diffusée et exprimée dans divers milieux; cependant, elle ne semble pas toujours supposer une formation alliant théorie et pratique. D’autres écrits (Charlier, Dejean et Donnay 2004; Dionne 2004; Boucher et Jenkins 2004; Gather-Thurler 2004; Lafortune et Deaudelin 2001; Lafortune et Martin 2004; Savoie-Zajc 2004) véhiculent une conception différente de l’accompagnement qui s’adresse plutôt à un groupe de personnes comme dans le travail de RF. Cette conception suppose la possibilité d’accompagner plusieurs personnes dans un processus de changement en groupe et non à l’occasion de rencontres individuelles. Cet accompagnement s’inscrit dans une perspective socioconstructiviste, car il se veut un « soutien axé sur la construction des connaissances [et le développement de compétences] des personnes accompagnées en interaction [et réflexion] avec les pairs » (Lafortune et Deaudelin 2001 : 200).

Des compétences

Plusieurs discussions entourent le concept de compétences, surtout à cause des représentations qui y ont été associées au cours des dernières décennies. Celui qui est le plus souvent utilisé est inspiré des travaux du ministère de l’Éducation du Québec (MEQ 2001) et de Tardif (2006) (cités par INSPQ 2011) qui conçoivent une compétence comme un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces d’un ensemble de ressources tant internes qu’externes à la disposition d’une personne.

Toujours dans le domaine de l’éducation, Philippe Jonnaert (2002) considère que les compétences sont en développement et se construisent en situation; qu’elles sont réflexives et temporairement viables. Jonnaert (2009) (cité par INSPQ 2011) ajoute qu’une compétence est la mise en oeuvre, individuelle ou collective, de savoirs, de savoir-être, de savoir-faire ou de savoir-devenir dans une situation donnée. Une compétence est donc contextualisée dans une situation et dépendante de la représentation que la personne se fait de cette situation.

Pour Legendre (2008), la notion de compétence n’est pas en elle-même socioconstructiviste ou cognitiviste; elle peut être interprétée selon différents référentiels théoriques. Cependant, les compétences peuvent être complexes, en évolution, interactives, globales et intégratives. Tardif (2006) (cité par INSPQ 2011) précise cinq caractéristiques inhérentes à une compétence : intégrative, combinatoire, développementale, contextuée et évolutive. Linda Allal (2002) indique en outre qu’une compétence inclut des apprentissages et des connaissances à mettre en relation et qu’elle (comme Tardif (2006) cité par INSPQ 2011) s’applique dans une famille de situations. Nadine Postiaux (2010 : 8), pour sa part, souligne que « la littérature semble s’accorder sur l’idée qu’une compétence se manifeste dans la confrontation à des situations complexes qui vont permettre cette mobilisation ». « Dans une perspective féministe, une compétence est un savoir-agir fondé sur la mobilisation et l’utilisation efficaces de ressources internes et externes tout en considérant comme une priorité l’égalité et l’équité dans les rapports sociaux » (Lafortune et autres 2015 : 20).

Guy Le Boterf (2001) précise ainsi les caractéristiques d’une personne compétente : un savoir agir et réagir dans un contexte particulier, c’est :

  • savoir faire face à l’imprévu, à l’inédit (initiative, créativité);

  • savoir combiner les ressources et les mobiliser en situation de travail (intégration);

  • comprendre pourquoi et comment on réussit (ou on échoue) (métacognition, pratique réflexive);

  • transposer sa compétence dans d’autres contextes (transposition, adaptation, autonomie) (l’italique est une interprétation des propos de l’auteur).

Cela suppose de prendre conscience de ses ressources et de les mobiliser en situation de pouvoir, par exemple, expliquer, justifier, argumenter ses choix, ses points de vue, ses apprentissages, ses interventions; d’anticiper les actions et de s’autoévaluer pendant et après l’action (adaptation, analyse); de développer des attitudes propices à l’apprentissage, notamment la curiosité et le désir d’apprendre. Selon Matthias Pépin (2016) (citant Dewey), cela signifie aussi qu’agir efficacement demande de bien réfléchir avant l’action, sans quoi la prévision de cette action ne serait qu’un pur exercice intellectuel, sans conséquence pour la phase d’action. Une compétence relève ainsi d’une action réfléchie : l’acquérir, c’est aussi « développer une capacité d’analyse pour problématiser des situations indéterminées qui surviennent, juger des ressources qui seront nécessaires pour surmonter les problèmes rencontrés et les mettre en oeuvre à bon escient pour rétablir le continuum expérientiel » (Pépin 2016 : 27).

Une compétence est en développement lorsqu’il y a progression dans la maîtrise des actions professionnelles et que le degré de complexité se révèle croissant selon l’aspect inédit de la situation. Ce développement est stimulé par des déséquilibres cognitifs ou des obstacles qui sèment des doutes ou des questionnements et qui mènent à des essais (Lafortune (dir.) 2004; Lafortune, Lepage et Persechino 2008).

Les aspects méthodologiques : une recherche collaborative partenariat

La démarche méthodologique retenue pour notre recherche est qualitative et collaborative. Elle s’appuie sur un travail collectif entamé en 2007 par RF et Louise Lafortune autour de l’accompagnement-formation en milieu féministe. Cette démarche opère selon la méthode inductive, optant pour la coconstruction de la recherche à partir de discussions pratiques. Elle répond ainsi au modèle d’accompagnement-formation de RF qui priorise le « décloisonnement entre milieux universitaires et milieux dits de pratique par la rencontre de leurs savoirs théoriques et expérientiels » (Lafortune et autres 2015 : 9).

Le contexte de la recherche

La recherche collaborative menée en partenariat comporte deux volets : une pédagogie féministe intersectionnelle socioconstructiviste (FIS) et les compétences pour la mettre en oeuvre. Elle s’est déroulée en 2016-2017 sous la forme d’entretiens de groupe dirigés par la chercheuse Lafortune avec l’équipe de RF. Marquée par les préoccupations féministes, la démarche méthodologique privilégiée comporte une composante scientifique et une autre pour faire réfléchir sur la transformation des pratiques et des rapports sociaux. Cette recherche en partenariat implique un engagement des partenaires vers la coconstruction de connaissances à partir du bagage théorique et pratique des deux parties. Cette facette de la recherche est pertinente dans le cas du projet pédagogique de RF pour penser conjointement l’aspect intersectionnel et l’accompagnement-formation.

La collecte, le codage et l’analyse de données

Les résultats de cette recherche sont issus de multiples entretiens collectifs réalisés par la chercheuse Louise Lafortune avec l’équipe de RF, entretiens basés sur un travail préalable commun ayant mené à une publication (Lafortune et autres 2015). Les entretiens collectifs ont été préparés et se sont déroulés selon les étapes suivantes qui comprennent aussi les données ayant servi au codage mixte (codes préalables et codes émergents) et les éléments d’analyse réalisés :

  • Deux jours d’entretiens (novembre 2016) – discussion à partir du codage des résultats de l’accompagnement-formation de la période 2007-2015 : principes de l’approche féministe; compétences professionnelles; principes et conditions de la pratique réflexive-interactive; caractéristiques d’une innovation sociale;

  • Deux demi-journées d’entretiens (décembre 2016) – entretiens en deux groupes à partir des données recueillies lors du premier entretien (novembre 2016) et de l’analyse (mise en interaction des différents points de vue) selon les thèmes : pédagogie féministe et compétences professionnelles à développer; prise de conscience du rôle de l’intersectionnalité dans la pédagogie féministe; volonté de se situer dans un paradigme socioconstructiviste;

  • Deux entretiens (en février et en mars 2017) – portant sur la place de l’intersectionnalité dans les actions actuelles de RF permettant d’approfondir une pédagogie FIS dans l’accompagnement-formation : discussion à partir du résultat de l’analyse des données recueillies en décembre 2016 orientée vers les objectifs de la recherche;

  • Un entretien en grand groupe d’une journée (mai 2017)[3] – discussion en vue de la clarification et de la critique des résultats à propos d’une pédagogie FIS selon trois volets : le féminisme intersectionnel, la pédagogie socioconstructiviste et les compétences à développer. Le codage du contenu des échanges et des critiques a permis une validation et une révision des résultats;

  • Un entretien-bilan d’une journée (juin 2017) – consistant en une analyse (mise en interaction des résultats issus des entretiens avec l’équipe de RF et des critiques issues de l’entretien de grand groupe de mai 2017) pour élaborer la première version des résultats;

  • Un entretien avec l’équipe de RF (septembre 2017) – discussion en vue de la finalisation de l’analyse critique des résultats et du cadre théorique. Des entretiens en petits groupes ont permis de terminer l’article scientifique, aboutissement de la recherche.

La synthèse des résultats de la recherche

La synthèse des résultats prend la forme d’un référentiel de compétences pour la mise en oeuvre d’une pédagogie FIS dans le travail d’accompagnement-formation de RF et d’une perspective pour approfondir le sens donné à la pédagogie FIS dans ce contexte. Chaque compétence est énoncée, expliquée, précisée et exemplifiée en rapport avec le travail d’accompagnement-formation. L’ordre de présentation des compétences adopté ci-dessous ne présume pas de leur priorité.

Compétence 1 : Mettre en oeuvre un accompagnement-formation réflexif-interactif basé sur une analyse FIS

Contrairement aux pratiques traditionnelles de formation qui présupposent une transmission unilatérale des connaissances, l’accompagnement-formation réflexif-interactif, visé par RF, cherche à mobiliser des savoirs à partir d’un dialogue constructif entre les parties. Dans une ambiance qui favorise l’expression des idées, des conceptions et des valeurs, chaque personne, quels que soient son origine ethnoculturelle, sa race, son sexe, sa situation socioéconomique, ses positions politiques ou ses convictions religieuses, est invitée à entrer en interaction avec d’autres et à s’exposer aux stéréotypes, aux préjugés et aux idées préconçues difficiles à contrer.

Les personnes accompagnatrices réalisent une analyse FIS dans un espace de dialogue intégratif et inclusif, conçu avec l’apport des personnes accompagnées, tout en ayant conscience des inégalités et des privilèges sur le plan social, culturel, politique, économique et éducatif. Cette perspective de coconstruction suscite la reconnaissance et la remise en question de ses propres idées en acceptant de les partager avec les autres membres du groupe et de les laisser évoluer dans une perspective d’équité (voir compétence 4) et d’égalité (voir compétence 5). Les activités de formation sont construites pour comprendre la complexité et la diversité des situations des femmes, mais en évitant de hiérarchiser les oppressions. Par exemple, les réflexions collectives ont amené l’équipe à se rendre compte que les oppressions étaient prises en considération, tandis que les privilèges n’étaient pas assez mis en évidence.

Compétence 2 : Exercer une pensée sociale critique s’engageant dans une réflexion et une analyse de sa pratique et des pratiques en interaction-collaboration

Le travail de RF s’inscrit dans un enchevêtrement de dossiers, de concepts et de contextes. L’analyse FIS de cette complexité contribue à poser un regard critique sur le plan social, politique, économique et éducatif, et elle contribue à la responsabilisation sur le plan éthique. Cette perspective s’inscrit dans une pratique réflexive-interactive dont l’objet est de comprendre ce qui se passe, comment et pourquoi en cherchant des stratégies pour améliorer la pratique (Lafortune et autres 2015). Ainsi, le rôle du travail en équipe consiste à s’interroger sur les décisions, à mettre en évidence des préjugés, à créer des incertitudes, à rendre des décisions équitables et à développer une collaboration.

À partir du partage d’expériences, de la confrontation des pratiques individuelles et collectives de même que de l’acceptation de possibles conflits cognitifs, les personnes accompagnatrices s’engagent dans le développement d’une pensée critique basée sur la pratique réflexive-interactive et amènent les membres du groupe accompagné à le faire. Dans un espace sécuritaire, les personnes accompagnées sont incitées à accepter la remise en question, à repenser les rapports de pouvoirs et l’imbrication des oppressions et à changer ou à renouveler leurs pratiques. Par exemple, le contenu et la forme des formations sont repensées pour insérer des moyens d’ébranler les certitudes, tout en diminuant l’impact des résistances aux changements à réaliser dans les pratiques.

Compétence 3 : S’engager dans une démarche de développement professionnel

Aux yeux de l’équipe de RF, le développement professionnel est considéré comme un développement collectif plutôt qu’individuel et la pratique de l’intervision (qui suppose des critiques mutuelles et non une supervision qui présume d’une hiérarchie) est favorisée. Ce type de développement réclame une posture réflexive, de curiosité et d’apprentissage continu en vue de l’amélioration des pratiques tant organisationnelles que d’intervention dans son milieu de travail. Pour s’engager dans un tel développement, il est nécessaire d’être agente de changement social pour réduire ce qui contribue à perpétuer les inégalités de genre, et ce, afin de comprendre les enjeux féministes de même que les courants sociaux et politiques et de développer une analyse critique de son milieu (Lafortune et autres 2015).

Pour les personnes accompagnatrices, le développement professionnel signifie réfléchir, individuellement et collectivement, sur leurs valeurs et leurs activités professionnelles, les analyser et les remettre en question. Cela suppose, à l’échelle individuelle, de dégager son cheminement professionnel (autoévaluation, autocritique), d’en discuter (interévaluation, intercritique), en reconnaissant les oppressions et ses propres privilèges ainsi que ceux des membres du groupe. Il est aussi important de rester à l’affût de l’actualité concernant les rapports sociaux sous différents angles, les problématiques qui en découlent et les enjeux qui les entourent (Lafortune et autres 2015). Pour RF, le développement professionnel présuppose une posture de recherche de cohérence démontrant un engagement professionnel féministe intersectionnel qui se reflète dans l’accompagnement-formation et dans l’engagement dans une pratique réflexive-interactive, ce qui induit une réflexion et une analyse de sa pratique et de celle des autres. Par exemple, des questions se sont posées et se posent sur le caractère féministe et intersectionnel du travail de formation. L’équipe vise une cohérence entre théorie et pratique et s’interroge, notamment, sur la place occupée par l’intersectionnalité dans les stratégies de formation.

Compétence 4 : Coconstruire un leadership partagé et collectif

Dans le travail de RF, le leadership partagé et collectif se traduit par un processus d’influence : il s’exerce et se développe par la réflexion individuelle et collective, en interaction. Dans une perspective d’équité sociopédagogique, les interventions sont analysées et régulées fréquemment et collectivement entre les personnes accompagnatrices-formatrices et celles qui sont accompagnées en vue d’établir une responsabilité partagée (Lafortune 2012; Lafortune et autres 2015). Ce type de leadership suscite des prises de conscience menant à des actions élaborées, réalisées, évaluées et adaptées dans un travail de collaboration entre les membres de l’équipe de RF, les personnes accompagnatrices et les personnes accompagnées. En effet, la coconstruction requiert une coordination qui entraîne des prises de décision collectives et des interventions concertées dans une perspective FIS.

Les personnes accompagnatrices agissent selon une rigueur souple ou une souplesse rigoureuse, ce qui diffère de la rigidité ou du laisser-aller. Partant du principe d’équité, elles reconnaissent les capacités et les ressources des autres et sont capables de remettre en question les idées et d’exprimer des désaccords en argumentant dans le respect et l’esprit d’entraide. Elles incitent les autres à prendre certains risques vers des changements de pratiques, à soutenir les expériences, surtout celles qui suscitent de l’insécurité, tout en amenant les personnes accompagnées à comprendre les forces en jeu pour conduire les équipes vers l’action dans une pratique réflexive-interactive féministe intersectionnelle. Par exemple, des réflexions demeurent sur les façons d’aborder le partage du pouvoir selon différentes cultures, orientations sexuelles ou milieux socioéconomiques pour une meilleure intégration de l’intersectionnalité dans le déroulement des formations.

Compétence 5 : Travailler avec la complexité et la diversité des points de vue

Le travail de RF est réalisé auprès de milieux diversifiés (féministe, universitaire, communautaire, syndical, institutionnel, gouvernemental, etc.) qui l’obligent à composer avec la complexité des situations, avec une multiplicité de personnes et de conceptions du monde. Pour atteindre une transformation sociale plus égalitaire et équitable, le développement des interactions s’effectue dans un climat de respect, considérant les différents privilèges et oppressions qui s’interinfluencent.

En vue de gérer la complexité et la diversité des points de vue, les personnes accompagnatrices jouent un rôle d’écoute, d’observation, de remise en question et de distance critique afin de mettre en évidence diverses oppressions, leur imbrication et leur inséparabilité. Durant les rencontres, il est important d’adopter un fonctionnement démocratique pour entendre l’autre, expliciter la contribution des différents points de vue, mais aussi pour négocier, échanger, confronter en évitant toute forme de discrimination et de jugements hâtifs. Par exemple, la présence de femmes d’origines diverses dans les formations exige une écoute particulière des propos pour les contextualiser en tenant compte de l’intersectionnalité.

Compétence 6 : Tenir compte de la dimension affective en considérant les oppressions et les privilèges en présence et en action

Le travail de RF suppose une compréhension des réactions affectives qui émergent en accompagnement-formation lorsque des déséquilibres cognitifs et des remises en question sont en cause. Tenir compte de la dimension affective requiert d’analyser la complexité de la situation : émotions, manifestations, causes, conséquences et solutions. Cela suppose une mise à distance de la situation et l’analyse des composantes de la dimension affective en action.

Les personnes accompagnatrices prennent en considération la dimension affective en reconnaissant les rapports de pouvoir et les différences entre les diverses situations des femmes. Une telle perspective demande une connaissance de soi, surtout en situation émotionnelle intense, une anticipation des réactions affectives au moment de la préparation d’une intervention et une prévision d’adaptations possibles dans l’action. Cette attitude suppose de prêter attention à ce qui semble susciter l’enthousiasme, l’engagement, le passage à l’action, les craintes, les déceptions, les refus ou la résistance et de réaliser des retours-synthèses-bilans en équipe dans un esprit d’intercritique, tout en conservant un espace sécuritaire. Par exemple, dans une formation où est manifeste une préoccupation pour la diversité comme « Embauche et maintien des femmes de la diversité », ou au fil d’une discussion sur l’analyse différenciée selon les sexes (ADS) dans un groupe mixte, les réactions affectives sont très présentes. Il est nécessaire de se préparer aux réactions provoquées par les stratégies utilisées.

À noter que le développement d’une seule compétence ne peut assurer la mise en oeuvre d’une pédagogie FIS. C’est en complémentarité et en interaction (non en juxtaposition) que ces compétences contribuent à agir en situation selon une pédagogie FIS. Un des objectifs de notre projet de recherche consistait clarifier le sens d’une pédagogie de ce type. Tenant compte de l’ensemble des débats actuels sur la pédagogie féministe, l’intersectionnalité, le socioconstructivisme, les compétences et l’accompagnement-formation, l’atteinte de cet objectif semble difficilement possible avec une complète satisfaction. En cours de recherche, il a donc été convenu de proposer des éléments à prendre en considération dans une définition éventuelle de cette pédagogie et ainsi de contribuer au débat actuel sur le sujet. Ainsi, une pédagogie FIS :

  • est une approche d’accompagnement-formation qui considère que les personnes en formation construisent leurs connaissances en interaction;

  • voit l’équité et l’égalité comme une priorité dans la planification, l’action et le retour sur l’action d’accompagnement-formation;

  • tient compte des divers systèmes d’oppression et des privilèges de manière à éliminer ou à diminuer les répercussions des propos ou des gestes qui perpétuent des stéréotypes ou des préjugés relativement, en particulier, au sexe, à la race, aux situations socioéconomiques et socioculturelles, à l’orientation sexuelle, aux conceptions religieuses;

  • met en oeuvre une pratique réflexive-interactive pour réfléchir sur sa pratique d’intervention, l’analyser et contribuer à l’analyse de celle des autres selon une grille FIS.

L’analyse critique des résultats et l’originalité de la recherche

Dans un accompagnement-formation réalisé de 2007 à 2015 (Lafortune et autres 2015), l’équipe de RF, tout en observant le chemin parcouru pour préciser l’approche féministe, les conditions de réalisation et les compétences à développer, constatait certaines insatisfactions. La recherche (2016-2017) a permis de relever que le concept d’intersectionnalité était sous-jacent au travail de RF, mais pas assez pris en considération de façon explicite dans les pratiques d’accompagnement-formation. Il devait être approfondi et intégré dans la pédagogie FIS préconisée.

Comme quelques membres de l’équipe travaillaient sur la notion de pédagogie féministe depuis près de dix ans, la connaissance des idées et des pensées des unes et des autres de même que la relation de confiance établie ont contribué à une réalisation satisfaisante de ce travail. La recherche a constitué dès lors un espace de transfert des connaissances pour l’équipe de RF, les membres du conseil d’administration et les groupes associés. Les lectures et l’exercice d’autoréflexion ont contribué de façon importante à la conception du présent article ainsi qu’aux activités associées au travail de RF.

Grâce à la collaboration de personnes issues des milieux universitaire et communautaire, ayant des expertises complémentaires sur le plan théorique et pratique, englobant des domaines aussi variés que les sciences politiques, l’éducation, la géographie, la sexologie, la littérature, le travail social, la psychologie et les sciences, la recherche a tiré profit de différentes formes de validation. Comme les résultats obtenus sont issus d’interactions avec des personnes qui ont à développer les compétences ressorties, ils sont de nature à influencer les pratiques.

Il y a eu également le défi d’écrire, dans un court délai, un article scientifique construit selon une logique de pratique réflexive, de collaboration et de coconstruction. Enfin, au cours d’une prochaine étape, les perspectives intersectionnelles et socioconstructivistes nécessitent des mises en relation avec les contenus de formation-accompagnement déjà élaborés.

Le projet de recherche a contribué à mettre en rapport ces perspectives et à lier les points de vue tant sociopolitiques que socioéducatifs en vue de proposer une pédagogie FIS et des compétences pour la mettre en oeuvre dans l’accompagnement-formation.

Conclusion

La recherche collaborative menée en partenariat par Lafortune et RF fournit des éléments de réflexion permettant de clarifier le sens d’une pédagogie FIS et de déterminer les compétences nécessaires pour l’intégrer au travail d’accompagnement-formation. Ce travail a exigé de tenir compte, notamment, de diverses situations sociales, de sexe, ethnoculturelles, de race, d’orientation sexuelle ou de religion associées à la situation des femmes. Il suppose une analyse sociale, politique et éducative de cette situation au regard de la diversité et de l’hétérogénéité des groupes de femmes. En outre, il commande une compréhension des autres dans diverses situations selon une analyse FIS. Un engagement social est également nécessaire pour bien comprendre les diverses oppressions et les systèmes de domination.

La conservation de traces écrites du travail accompli depuis 2007 a permis de réaliser cette recherche, tout en donnant lieu à la publication d’un ouvrage (Lafortune et autres 2015), et d’ouvrir la réflexion sur une nouvelle recherche mise en route en 2016-2017. Ces documents prennent actuellement la forme d’écrits basés sur quatre fonctions de l’écriture : susciter une prise de conscience, exercer une mise à distance, présenter plus de cohérence et réaliser des mises en relation (Lafortune 2011).

Une perspective de recherche à envisager serait de clarifier les attitudes pertinentes pour développer les compétences issues de la recherche. Un travail semblable pourrait être fait en vue de préciser les connaissances à intégrer dans la mise en oeuvre d’une pédagogie FIS. Une autre perspective de recherche consisterait à revoir certains accompagnements-formations de RF, à en critiquer les aspects intersectionnels présents ou manquants et à compléter la recherche en réalisant une analyse de cas. Il serait également possible d’envisager de futures études sur l’intersectionnalité, les invisibilités des oppressions et les privilèges en jeu dans les groupes de femmes. Il est également proposé d’élaborer une grille d’analyse FIS pour que d’autres groupes puissent examiner leurs propres documents de formation et les améliorer. Enfin, il serait intéressant de procéder à une rencontre supplémentaire avec le grand groupe de personnes ayant contribué aux réflexions qui ont permis de raffiner les résultats de la recherche afin d’explorer une suite à donner au projet et de partager les réflexions qui ont émergé au-delà de cette rencontre.