
Volume 13, Number 3, 1972 Idéologies et politiques étudiantes
Table of contents (14 articles)
Articles
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Pratique politique étudiante au Québec
Paul R. Bélanger and Louis Maheu
pp. 309–342
AbstractFR:
La mobilisation politique des populations étudiantes n'est pas en soi un phénomène vraiment contemporain. Certaines études ont déjà établi que des groupes étudiants ont participé à des mouvements politiques à diverses époques de l'histoire. Par contre, la pratique politique étudiante, ces dernières années, s'est amplifiée en même temps qu'elle se caractérisait par des traits plus spécifiques et particuliers à cette population. Aussi a-t-on vu croître, en sociologie, un intérêt nouveau pour l'analyse de ces phénomènes. Les études consacrées à ce sujet se multiplient de même que les schémas d'analyse se diversifient.
Pour l'étude de la pratique politique étudiante québécoise contemporaine, nous avons, pour notre part, opté pour une grille d'analyse qui n'enferme pas l'étudiant, comme agent politique, dans le système d'enseignement supérieur. Sa mobilisation politique ne nous semble pas, au premier chef, être fonction de sous-cultures étudiantes plus ou moins contestataires et typiques des milieux universitaires ou des seules difficultés de fonctionnement des systèmes universitaires. Encore moins sommes-nous portés à penser que la marginalité sociale de la jeunesse étudiante est un facteur déterminant de politisation : « camper hors de la nation » ou de la société n'est pas de nature à susciter la mobilisation politique.
Au contraire, notre analyse ne produit une définition de l'étudiant comme agent politique qu'au moyen de déterminations structurelles qui conditionnent, provoquent et organisent la pratique politique étudiante qui vise elle-même à modifier le cadre sociétal où elle émerge. Au nombre des principales caractéristiques de la période des années '60 dans l'histoire du Québec, il nous faut retenir la politisation des problèmes de fonctionnement de l'appareil scolaire québécois : les rapports entretenus par cet appareil avec d'autres structures de la société, le système de production économique par exemple, devenaient l'enjeu de luttes et de rapports politiques. L'État et les diverses couches sociales qui appuyaient ses politiques d'intervention auprès de l'appareil scolaire rencontraient l'hostilité et l'opposition plus ou moins soutenues d'autres couches sociales qui appréciaient différemment les politiques de l'État en ce domaine.
Avec l'adoption du bill 60 qui créait, en 1963, le Ministère de l'éducation du Québec, le parti au pouvoir imposa une restructuration de l'appareil scolaire qui impliquait une responsabilité plus nette et ferme accordée à l'État et la mise en place d'organes officiels de consultation, comme le Conseil supérieur de l'éducation, où l'Église était loin de conserver une fonction prépondérante. Le législateur devait même consulter, au moment de la formation du premier Conseil supérieur de l'éducation, de multiples associations qui n'avaient pu auparavant s'imposer comme interlocuteurs dans un secteur contrôlé par l'Église. Parmi celles-ci, notons les associations d'enseignants; les associations d'administrateurs dans le domaine scolaire; les associations de parents et parents-maîtres; les associations syndicales; et diverses associations d'affaires. Puis finalement, le législateur dut consentir, après que des représentations eurent été faites dans ce sens, à prendre aussi l'avis d'associations étudiantes et d'associations de professeurs et d'administrateurs universitaires.
On a pu également observer, dans le processus de régionalisation de commissions scolaires, que même au niveau local et régional, les agents qui contrôlaient traditionnellement l'appareil scolaire pouvaient voir leur position sociale remise en cause. Bref, la politisation des problèmes d'éducation a modifié les rapports de force entre les divers groupes sociaux qui se préoccupaient des politiques d'intervention de l'État auprès de l'appareil scolaire.
L'État devait aussi se lancer, au cours des années '60, dans des transformations importantes des structures académiques et du contenu des programmes d'enseignement. Ces mutations de structures et de programmes académiques visaient essentiellement à reprendre le retard que connaissait le Québec, par rapport aux principales provinces canadiennes, et notamment l'Ontario et la Colombie-Britannique, dans le développement de son appareil scolaire. On attribuait à ce retard les problèmes de développement économique du Québec qui se manifestaient par un revenu moyen inférieur à celui des provinces canadiennes riches et par une productivité industrielle, en général, plus faible.
La main-d’œuvre québécoise ne présentait pas des standards de qualification très élevés, ni des niveaux d'instruction jugés satisfaisants. Aussi, l'intervention de l'État auprès de l'appareil scolaire québécois avait-elle un sens bien précis : elle concernait la préparation et la modernisation d'une main-d’œuvre professionnelle au moyen de transformations apportées aux structures et au contenu de l'enseignement. Afin d'assurer une plus grande adaptation de l'appareil scolaire aux exigences de développement de la société, l'État misait essentiellement sur le « capital humain » et le perfectionnement des « ressources humaines » comme facteur de production.
Ainsi cette intervention s'est accompagnée d'une augmentation considérable des investissements en éducation. Les dépenses totales d'enseignement au Québec qui étaient, à la fin des années '50, de l'ordre de $300,000,000, passaient en 1963 à $719,319,000 ; elles ont donc plus que doublé sur une période de cinq ans. Les dépenses du Ministère de l'éducation sont passées de près de $200,000,000 en 1960-61 à près de $710,000,000 en 1967-68, puis à $1,100,114,000 en 1970-71 ; sur une période de dix ans, ces dépenses ont été multipliées à peu près par dix. Ces hausses représentent des taux d'augmentation annuelle qui sont légèrement supérieurs à l'augmentation annuelle des dépenses du gouvernement du Québec; ainsi, la proportion du budget total consacrée à l'enseignement est passée de 23% en 1959 à 32% en 1964, puis à 34.7% en 1969.
Il faut encore souligner que cette intervention de l'État auprès de l'appareil scolaire s'est accompagné d'un discours idéologique de circonstance. L'État, au moyen de slogans tels « Qui s'instruit s'enrichit », devait expliquer à la population combien l'éducation était le moyen par excellence de la promotion collective de la communauté canadienne-française. Le Québec était invité à joindre les sociétés industrielles avancées qui valorisaient, comme politique de croissance et de progrès, le développement et le perfectionnement continus des «ressources humaines».
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Les étuditants, les dirigeants et l'université : Doctrines étudiantes et doctrines universitaires
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Doctrines universitaires et systèmes universitaires : une étude de cas
Richard Simoneau
pp. 365–380
AbstractFR:
En quoi les idéologies universitaires reflètent-elles l'histoire du système universitaire ? L'idéologie, comme on le sait, n'exprime point la réalité mais le rapport des agents, des groupes sociaux à la réalité. Toutefois elle n'est point pour cela pure illusion. La mise en parallèle des doctrines universitaires étudiées précédemment et des procédés de gestion et de direction de l'institution démontre bien qu'en tous les cas ce que l'idéologie divulgue n'est pas moins important que ce qu'elle cache.
Bien sûr, l'idéologique étant pourvu d'un rythme et d'une temporalité propres, son histoire ne peut totalement coïncider avec celle des autres niveaux de pratique (direction, gestion et production des ressources) de l'institution : elle s'y articule, s'en dissocie, la précède et la prolonge. Existent entre les différents niveaux de visibles inter-relations ; parfois des liens de congruence, parfois des rapports d'incompatibilité. Ce sont ces inter-relations que l'analyse veut d'abord mettre à jour, en faisant temporairement abstraction de la question des déterminismes qui les sous-tendent.
Le type de découpage auquel nous aurons recours est fonction de données sur les procédés de gestion, les types de production, les modes de direction caractéristiques de l'institution universitaire aux divers moments de son histoire récente, et il est en même temps congruent avec les séquences idéologiques que l'analyse a préalablement dégagées. Ainsi, nous avons distingué trois périodes dans l'histoire universitaire de Laval dont les repères chronologiques sont approximativement les suivants : de la fondation de l'université au XIXe siècle jusqu'aux années de la seconde guerre mondiale, pour la première période, l'après-guerre et les années cinquante, pour la seconde, la dernière décennie, pour la période la plus récente. Pour les fins de l'analyse comparative nous avons privilégié trois moments précis : 1940, 1955, 1968-69 ; nous avons eu aussi fréquemment recours à des données d'autre origine.
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L'Anti-Congrès
François Béland
pp. 381–397
AbstractFR:
Souvenons-nous des étudiants de 1968.
Dès janvier, ils ébranlent les fondements des organisations syndicales qui les représentent et des administrations scolaires ou universitaires qui gèrent leurs artivités académiques. Les nouvelles revendications s'expriment hors des cadres traditionnels : l'A.G.E.U.M. est exclue de la grève des étudiants de la Faculté des sciences sociales de l'Université de Montréal. Les revendications des « nouveaux » étudiants sont inconnues des « anciens » militants syndicaux : méthodes pédagogiques libertaires, refus de toute hiérarchie universitaire ou scolaire et responsabilité de l'étudiant envers le savoir qu'on lui enseigne.
Pendant l'été, les associations étudiantes collégiales et universitaires engagent des animateurs syndicaux étudiants. L'U.G.E.Q. abandonne le rôle d'encadrement idéologique et organisationnel que lui avaient légué ses fondateurs. Elle refuse toute mission représentative, elle s'en remet au « milieu » étudiant, lieu de spontanéité et de créativité culturelle et politique, tandis que les plus militants de ses membres font un « tour du Québec », rencontrent les permanents syndicaux étudiants et les leaders locaux des institutions d'enseignement. Un cahier de revendications et un nouveau mode d'action revendicative émergent lors d'une session d'étude organisée par l'U.G.E.Q. : la semaine syndicale d'août. Militants, animateurs, leaders locaux sont présents à cette véritable préfiguration d'octobre, réunion d'un combat nouveau, comme le congrès de février 1969 allait en marquer la fin apocalyptique.
Éclatent les événements d'octobre (1968).
Logique, l'U.G.E.Q. informe, prête assistance technique, mais ne dirige pas. Les centres d'action sont les unités locales, plus ou moins militantes, qui se transforment en communautés libertaires révolutionnaires. L'unité du mouvement est donnée par quelques revendications, par l'intention libertaire commune et par les expressions idéologiques raffinées de leaders locaux dont l'audience s'élargit grâce aux média d'information.
Après les événements d'octobre, les directions des cégeps prennent les
mesures disciplinaires que l'on sait : exclusion de leaders, interdiction d'assemblées, renvoi d'étudiants, suspension de professeurs, saisies de journaux étudiants, contrôle des présences étrangères sur les campus, etc. L'U.G.E.Q. se révèle impuissante à organiser la résistance des étudiants et à empêcher l'application de ces mesures. En fait, ce n'est déjà plus son rôle : coordonner, informer n'est pas organiser.
Donc, contestée de l'intérieur, incapable de réagir aux actions les plus
vexatoires des administrations scolaires, asphyxiée par une grave crise financière, l'U.G.E.Q. disparaît en juin 1969 de l'horizon politique et syndical du Québec à la suite d'un congrès en parfaite continuité historique avec les événements qui l'avaient précédé depuis presque un an et demi. Il nous semble en effet que le congrès de février 1969 doit se comprendre comme la dernière manifestation d'un cycle commencé en janvier 1968. Le syndicalisme étudiant que le Québec avait connu pendant la révolution tranquille, disparaît avec la conjoncture politique qui avait favorisé ce mode d'organisation. Des revendications nouvelles, des actions nouvelles, le fractionnement des organisations syndicales en groupuscules politiques ne sont pas des événements indépendants les uns des autres, ils se présenteront en une même et courte période historique, contemporaine d'événements similaires en d'autres pays. Ce sera une période d'interrogation radicale de la pensée occidentale, du capitalisme qui la soutient, de la techno-structure qui en profite, du contenu de l'enseignement, de la hiérarchie des savoirs, des titres universitaires qui la cristallisent ; cette interrogation est pourtant inconditionnellement liée à chacune des formations sociales dont elle manifeste les contradictions.
Le congrès de février reprend l'ensemble des débats, questions et affrontements caractéristiques de cette période troublée. Les groupuscules, survivants de la dislocation des organisations syndicales, le domineront. Tellement que ce qui demeure de syndicats étudiants verront leurs représentants s'organiser spontanément en groupuscules à l'intérieur du congrès même. Le congrès est le lieu de leur rencontre ultime. C'est d'eux qu'il sera question ici,) des thèmes de leur discours, homonymiques de par leur condition commune d'étudiant ; à la fois opposition à la « rigidité de l'intelligence contemporaine », exorcisme de la parole et copie fidèle de l'académisme.
Notes de recherche
Comptes rendus
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Nive VOISINE, Histoire de l'Église catholique au Québec (1608-1970)
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Gabriel CLÉMENT, Histoire de l'Action catholique au Canada français
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Normand WENER, Jocelyne Bernier et Jacques Champagne, Croyants du Canada français; Groupements et participation
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André GÉLINAS, Les parlementaires et l'administration au Québec
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Madeleine FERRON et Robert CLICHE, Quand le peuple fait la loi
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Christian MORISSONNEAU : La société de géographie de Québec
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L'étudiant Québécois. Défi et dilemmes