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Pour souligner le 400e anniversaire de la ville de Québec, Aurélien Boivin a préparé une anthologie des grandes oeuvres du patrimoine littéraire de la vieille capitale. Québec, quatre fois séculaire, a été célébrée à l’envi par des générations de poètes et d’écrivains. Les uns exaltent les attraits uniques de son site ; certains, le pittoresque des rues du vieux quartier ; d’autres, le spectacle saisissant des glaces sur le fleuve. Dès l’arrivée des Français dans la vallée laurentienne, le petit village iroquois nourrit chez les voyageurs européens toutes les promesses. Pour Cartier, c’est la beauté de la végétation qui retient l’attention, en particulier la floraison de la vigne sur l’île d’Orléans qu’il surnomme affectueusement l’isle de Bascuz (p. 6). Champlain, à la recherche du passage vers la Chine, convoite par anticipation les diamants dans des rochers d’ardoise, qui sont meilleurs que ceux d’Alençon (p. 10), qu’il pense trouver dans ses parages. Louis Hémon livre deux siècles plus tard un portrait touchant de la ville qui, par la piété que ses habitants ont conservée intacte de leurs ancêtres, prend cette physionomie d’aïeule, aux yeux des païens d’outre-mer (p. 60). En fait, la plupart des visiteurs qui contemplent la capitale hésitent, ne sachant pas où la situer, entre tradition et nouveauté. Si ce florilège fait la part belle aux récits, on y trouvera encore les témoignages admiratifs de grands poètes. Pierre Morency livre un véritable hymne à Québec, la ville qu’on voudrait avoir visitée avant de mourir (p. 70), tandis que Louis Fréchette reconnaît dans son panorama un des plus beaux coups d’oeil qui soient au monde (p. 552). L’on suivra encore Félix Leclerc dans son célèbre Tour de l’île aux accents patriotiques.
L’itinéraire du recueil nous convie à un pèlerinage historique. À la vieille capitale se trouvent associées certaines figures incontournables : Champlain, Frontenac, Montcalm que plusieurs écrivains s’emploient à immortaliser, mais aussi les filles du Roy, dont la destinée romanesque inspire Anne Hébert dans Le Premier Jardin. D’autres textes évoquent les épisodes qui fermentent dans l’imaginaire national, comme la défaite française sur les plaines d’Abraham et l’épidémie de choléra de 1832. Sous la plume de nombreux écrivains, la chronique rime encore avec la légende qui lui colle à la peau. Des fables amérindiennes aux rumeurs sur la Corriveau, l’anthologie fait revivre les mythes urbains qui infiltrent le quotidien des habitants de la capitale.
On ne peut que saluer le recueil thématique d’Aurélien Boivin qui contient des pages célèbres d’Octave Crémazie, de Philippe Aubert de Gaspé, de Louis Fréchette, de Jean-Claude Dupont, de Roger Lemelin, mais aussi des oeuvres de circonstance, moins connues du grand public, comme celles de Jean-Baptiste Caouette et de Charles Bolduc. La sélection, des plus riches et variées, offre un panorama de quatre siècles littéraires. Réduit au minimum, l’appareil de notes aurait pu cependant être plus étoffé. On regrettera que l’auteur se soit servi d’éditions secondaires sans avoir consulté la version originale et que la présentation des auteurs et des textes reste laconique. Toutefois, ces quelques réserves n’entament en rien la qualité de l’ouvrage qui se lit avec plaisir du début à la fin.