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1. Introduction

Le présent travail s’inscrit dans le cadre d’une étude multidisciplinaire visant à valider les éléments du cycle hydrologique dans les simulations du modèle régional canadien du climat (MRCC) (CAYA et al., 1995) sur le Québec. Le volet télédétection du projet vise à exploiter les données satellitaires afin de valider des variables du MRCC impossibles à valider à partir des observations conventionnelles (i.e., couverture de neige, le gel du sol, l’équivalent en eau de la neige).

Le couvert nival est un facteur clé dans la modélisation de la circulation atmosphérique, du bilan hydrique ainsi que des changements climatiques. L’albédo élevé de la neige influence le bilan radiatif du système océan-terre-atmosphère. Par ailleurs, le contenu en eau de la neige représente un important réservoir hydrique. En effet, durant le cycle annuel, la neige couvre entre 10 % à 40 % de l’hémisphère nord (HALL et al., 2001a; CORDISCO et al., 2003).

La source conventionnelle d’information sur le couvert nival est le réseau de stations météorologiques où des observations journalières de la présence et/ou de la profondeur de la neige sont relevées. Ce réseau de stations ne permet pas de fournir des données assez précises pour cartographier le couvert nival à grande échelle et avec une bonne résolution spatiale en raison de sa faible densité. Les données satellitaires dans le visible et l’infrarouge comme dans les micro-ondes passives représentent alors des sources alternatives d’information sur le couvert nival. Plusieurs produits satellitaires de la couverture nivale sont disponibles en temps réel. Toutefois, leur qualité varie considérablement en fonction des caractéristiques du capteur et de la plateforme, des procédures de traitement des images et des techniques de classification de la neige (SIMIC et al., 2004).

Depuis les années 1960, le National Environmental Satellite Data and Information Service (NESDIS) mettait à la disposition des usagers du système IMS (Ice Mapping System) des cartes hebdomadaires de l’étendue de la neige couvrant l’hémisphère nord. Celles-ci étaient réalisées manuellement à partir des images AVHRR et des satellites géostationnaires (GOES, METEOSAT). L’analyste se basait sur la dernière image claire pour délimiter manuellement l’étendue de la neige. Ensuite, le résultat était numérisé avec une résolution nominale de 190 km. Ce système a été amélioré pour produire des couvertures journalières avec une résolution de 23 km (RAMSAY, 1998). À partir de 1999, la résolution spatiale du produit du NESDIS est passée à 5 km grâce à une autre amélioration du système IMS qui prend en compte les données du capteur de micro-ondes passives SSM/I (Special Sensor Microwave Imager) embarqué sur le satellite DMSP (Defense Meteorological Satellite Program) (ROMANOV et al., 2000).

Parallèlement, depuis 1986, le National Operational Hydrological Remote Sensing Center (NOHRSC) produisait une cartographie régionale de l’étendue journalière de la neige dans 3 000 à 4 000 bassins versants aux Etats-Unis et au sud du Canada (BITNER et al., 2002; HALL et al., 2002). Ces cartes sont produites d’une manière semi-automatique à partir des données de AVHRR et GOES, à une résolution spatiale nominale de 1 km. Par ailleurs, depuis fin 1999, des cartes du couvert nival réalisées à partir des images MODIS sont disponibles : une couverture régionale quotidienne et hebdomadaire (étendue maximale de la neige pendant les huit derniers jours) à une résolution de 500 m ainsi qu’une couverture globale d’une résolution de 0,5 degrés. Ce produit est toujours en phase de test et développement (HALL et al., 1995; HALL et al., 2001b; HALL et al., 2002; SIMIC et al., 2003).

La précision des résultats de la modélisation climatologique dépend grandement de la qualité de la cartographie de l’étendue du couvert nival. Puisque la maille de modélisation varie entre 25-45 km, la couverture nivale devrait être produite à une résolution de l’ordre de quelques kilomètres (ROMANOV et al., 2000). Par conséquent, il s’avère qu’aucun des produits opérationnels disponibles sur l’étendue de la neige, dont nous venons de faire une brève revue, ne peut être utilisé pour la validation des simulations du MRCC. Ceci est en raison de leur couverture spatiale limitée ou de leur résolution spatiale inadéquate et surtout à cause de la non-disponibilité d’une série d’observations présentant des caractéristiques spatiales adéquates et couvrant la période de temps retenue pour la validation du MRCC (1975-1999). En effet, les cartes produites par le NOHRSC, de résolution de 1 km, présentent une couverture spatiale limitée. Celles produites par le NESDIS n’ont atteint une résolution convenable qu’après 1997. Quant aux cartes produites à l’aide des images MODIS, d’une résolution de 500 m, elles ne sont disponibles que depuis la fin de 1999. D’autre part, la faible résolution temporelle des satellites de haute résolution spatiale limite leur utilisation dans le suivi temporel de la couverture de la neige (HALL et al., 2002).

Par conséquent, il a été décidé d’explorer le potentiel des données acquises dans le visible et dans l’infrarouge par le capteur AVHRR de NOAA, pour le suivi spatio-temporel de la couverture de la neige au sol. Ce capteur est tout à fait approprié pour les études de changement climatique et le suivi temporel de l’état de la surface terrestre. En effet, une longue série d’observations quotidiennes (de 1981 à aujourd’hui), d’une qualité constante (permettant le suivi temporel) et d’une résolution spatiale au nadir de 1,1 km (un niveau de précision satisfaisant pour des études régionales) est disponible en ligne (http://www.saa.noaa.gov).

Parmi les 25 années hydrologiques concernées par l’étude (1975-1999), trois hivers ont été retenus pour le développement et la validation initiale de l’approche satellitaire, en raison de leur caractère particulier : 1986-1987, 1991-1992 et 1998-1999. Dans un premier temps, un algorithme opérationnel de cartographie de la neige à l’aide des données AVHRR pour la zone d’étude a été développé en se basant sur les méthodes et les algorithmes publiés dans la littérature. Ensuite, les résultats de cartographie ont été validés par rapport aux observations de l’occurrence et de l’épaisseur de la neige au sol.

2. Méthodes et matériel

2.1 Données satellitaires

Les données images utilisées proviennent du capteur AVHRR, embarqué à bord du satellite NOAA (Tableau 1). Afin de pouvoir suivre l’évolution de la neige au sol, surtout pendant les phases de formation et de fonte, les images quotidiennes du 1er octobre au 15 décembre et du 1er avril au 31 mai de chacune des trois périodes cibles (1986-1987, 1991-1992 et 1998-1999) ont été retenues. Les images du début de l’après-midi ont été privilégiées. Pendant cette période de la journée, les images sont moins sensibles aux effets topographiques qui se manifestent par des variations dans les conditions d’illumination (VOIGT et al., 1999). Après une sélection visuelle, seules les images présentant une couverture nuageuse minimale ont été retenues (164 images parmi les 411 identifiées initialement). Les images sélectionnées ont été utilisées pour l’étalonnage et la validation de l’algorithme de cartographie du couvert nival.

Tableau 1

Caractéristiques du capteur AVHRR.

Characteristics of the AVHRR captor.

Caractéristiques du capteur AVHRR.

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Les données AVHRR doivent subir au préalable une série de prétraitements. Ceci comprend l’étalonnage des données brutes ainsi que leur correction radiométrique et géométrique. L’ensemble des prétraitements a été réalisé dans le logiciel PCI (PCI GEOMATICS, 2003). L’étalonnage des données AVHRR permet de transformer les données brutes fournies par le capteur en paramètres physiques. Les données dans le visible et l’infrarouge proche (canaux 1 et 2) sont converties en albédo (A1 et A2) (La procédure d’étalonnage des données des canaux 1 et 2 qui a été appliquée tient compte de la variation temporelle des paramètres d’étalonnage du capteur. En effet, ces deux canaux subissent une dégradation continue tout le long de la vie active du capteur (RAO et CHEN, 1996). Par conséquent, les paramètres d’étalonnage sont mensuellement corrigés et mis à jour au niveau des entêtes des fichiers d’images brutes, et ce à partir de novembre 1996. Pour les dates antérieures, les paramètres ont été mis à jour manuellement en se basant sur les valeurs corrigées disponibles en ligne (http://noaasis.noaa.gov/NOAASIS/ml/calibration.html). Les données dans l’infrarouge moyen et thermique (canaux 3, 4 et 5) sont converties en températures de brillance (T3, T4 et T5).

Les mesures de réflectance dans les canaux 1 et 2 ont été normalisées par rapport aux conditions d’illumination (correction par rapport à l’angle zénithal solaire). Cette normalisation permet de comparer les données de réflectance dans les canaux 1 et 2 d’une même image ainsi que celles d’images de dates d’acquisition différentes. Par ailleurs, afin de tenir compte des fluctuations saisonnières dans les conditions d’illumination, les deux premiers canaux ont été normalisés par rapport à la distance moyenne Terre-Soleil.

Les données de AVHRR dans le visible et l’infrarouge sont affectées par l’atmosphère, principalement : H2O, O3, CO2 et les aérosols. La correction des effets atmosphériques requiert des données de profils atmosphériques (composition, pression et température de l’atmosphère), obtenues au moment de l’acquisition de l’image. Malheureusement, nous ne disposons pas de telles données et l’utilisation de profils atmosphériques standards ne ferait qu’alourdir la procédure de prétraitement sans pour autant que le gain en précision en soit évident. En effet, l’incertitude induite par les effets atmosphériques dans les données des deux premiers canaux de AVHRR ne dépasse pas les 6 % (VAN LEEUWEN et ROUJEAN, 2002). D’ailleurs, les procédures de détection de la neige de nombreuses études (GESELL, 1989; VOIGT et al., 1999; KANGAS et al., 2001; ANANASSO et al., 2003; APPEL et BACH, 2003) utilisent des données au sommet de l’atmosphère sans que la qualité des résultats ne soit grandement affectée pour autant. Par conséquent, les données utilisées ici n’ont subi aucune correction atmosphérique.

Également, les images ont été corrigées géométriquement à l’aide des données de navigation du satellite (position, altitude, trajectoires, etc.) transmises avec les données brutes ainsi que la géométrie de la terre. À partir de chacune des images, une sous-région couvrant le territoire à l’étude (82°30’O, 58°N; 60°O, 46°N) a ensuite été extraite (pour les images de la saison 1998-1999, l’étendue de la zone extraite des images est légèrement plus petite : (79°O, 58°N; 60°O, 46°N) (Figure 1).

Figure 1

Étendue des sous-images AVHRR et localisation des stations météorologiques utilisées dans la validation temporelle des résultats de l’algorithme de classification.

Extent of AVHRR sub-images and location of the meteorological stations used in the temporal validation of the classification algorithm results.

Étendue des sous-images AVHRR et localisation des stations météorologiques utilisées dans la validation temporelle des résultats de l’algorithme de classification.

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2.2 Algorithme de classification de la neige au sol

Étant donné que la neige, contrairement à plusieurs surfaces naturelles, affiche une grande réflectance dans l’infrarouge moyen en plus d’avoir une réflectance élevée dans le visible, plusieurs techniques prometteuses exploitant cette propriété ont été appliquées avec succès pour la cartographie de la neige : classification spectrale supervisée (QOBILOV et al., 2001), classification spectrale non supervisée (SLATER et al., 1999), les réseaux de neurones artificiels (WELCH et al., 1992), les techniques de segmentation (SIMPSON et al., 1998) ou la modélisation sous pixels (FORTIN et al., 2000; VIKHAMAR et SOLBERG, 2002). Cependant, ces techniques, quoique parfaitement efficaces à l’échelle locale, le sont moins à l’échelle régionale ou globale puisqu’elles requièrent un effort soutenu pour leur étalonnage et leur application. Par conséquent, pour les études de suivi de la neige à grande échelle et sur une longue période de temps, comme dans le cas de la présente étude, des techniques de classification à l’aide de seuils hiérarchiques sont plus appropriées en raison de leur simplicité, transparence et rapidité (HALL et al., 2001a).

Différents algorithmes employant des seuils appliqués à l’imagerie AVHRR ont été proposés dans la littérature (GESELL, 1989; HUTCHISON et LOCKE, 1997; VOIGT et al., 1999; KANGAS et al., 2001; ANANASSO et al., 2003; APPEL et BACH, 2003). Afin de discriminer les différentes surfaces présentes dans la scène, les seuils employés sont conçus en se basant sur les différences dans leur réponse spectrale dans les canaux de AVHRR. Les différents seuils correspondent à la valeur d’une bande ou une combinaison de bandes de AVHRR. Il sont déterminés empiriquement et diffèrent d’un algorithme à un autre. Ils sont appliqués à l’ensemble de l’image d’une manière séquentielle, pixel par pixel. Cependant, l’ensemble des algorithmes emploie la réflectance dans la bande 3 de AVHRR (3,7 µm) comme critère de ségrégation entre la neige et les nuages. En effet, dans les deux bandes du visible, les surfaces enneigées et les nuages présentent des propriétés spectrales similaires. En revanche, les surfaces enneigées se caractérisent par une plus faible réflectance dans l’infrarouge moyen que les nuages bas, formés de gouttelettes d’eau. Ceci est moins vrai pour les nuages formés de cristaux de glace.

Toutefois, la réflectance dans la bande 3 de AVHRR (infrarouge moyen) n’est pas disponible directement dans les données AVHRR. (Depuis avril 1999, l’information dans l’infrarouge moyen est désormais disponible à partir des données AVHRR grâce à la nouvelle bande 3a (1,6 µm) ajoutée au capteur embarqué sur NOAA-15. Cette bande est composée entièrement d’énergie solaire réfléchie). En fait, le rayonnement mesuré par le capteur dans cette région spectrale est composé, pendant le jour, du rayonnement solaire réfléchi par la surface terrestre et de l’énergie émise par cette dernière (pendant la nuit, celle-ci est composée uniquement de l’énergie émise par la terre). Certains auteurs (ALLEN et al., 1989; GESELL, 1989) ont proposé une méthode indirecte d’estimation de la réflectance dans la bande 3 (3,55-3,93 µm) utilisant la température de brillance dans la bande 4 (10,3-11,3 µm) pour estimer l’énergie émise par la surface terrestre dans la bande 3 et la soustraire par la suite de l’énergie mesurée par le capteur dans cette bande. KONGAS et al. (2001) ont proposé une autre méthode d’estimation de la réflectance dans la bande 3. Elle consiste à utiliser la différence de température entre ces deux bandes (T3-T4) comme une mesure de la réflectance dans l’infrarouge moyen. C’est cette dernière méthode que nous avons adoptée et appliquée.

L’algorithme de classification développé dans la présente étude a été inspiré de celui proposé par VOIGT et al. (1999). Il s’agit d’un algorithme à seuils multi-canaux. Selon VOIGT et al. (1999), la technique présentée surpasse la classification dirigée et non dirigée. Comparée aux observations au sol, la technique affiche un taux de réussite variant entre 60 % et 90 %.

L’algorithme est conçu pour distinguer trois catégories de surface : neige, nuages et non-neige. Il est constitué d’une combinaison de six seuils séquentiels. Toutefois, le seuil utilisant la réflectance de la bande 3 est différent de celui proposé initialement par VOIGT et al. (1999). L’application des seuils va du moins restrictif au plus sévère. Un pixel qui réussit à passer à travers tous les seuils est classé comme neige, sinon il est catégorisé comme nuages ou autre (Figure 2) :

  1. Le pixel doit avoir une valeur de température dans la bande 4 (T4) inférieure à la température maximale que pourrait avoir la neige. Sinon, le pixel est classé autre que neige ou nuage;

  2. Le pixel doit aussi avoir une valeur de température dans la bande 4 (T4) supérieure à la température minimale que pourrait avoir la neige. Sinon, le pixel est classé en nuages (plus froids que la neige);

  3. Le pixel doit avoir une différence de température entre les bandes 4 et 5 (∆T45) inférieure à celle des voiles nuageux. Sinon, le pixel est classé en nuages;

  4. Le pixel doit avoir un indice de végétation NDVI (NDVI = (A2 - A1)/(A2 + A1) où A1 et A2 sont les réflectances dans les bandes 1 et 2, respectivement) inférieur au maximum que pourrait avoir la neige. Sinon, le pixel est classé autre que neige ou nuage. Les valeurs de NDVI varient entre 1 et -1. Normalement, la neige présente des valeurs de NDVI négatives ou de faibles valeurs positives;

  5. Le pixel doit avoir une différence de température entre les bandes 3 et 4 (∆T34) inférieure à la valeur maximale que pourrait avoir la neige. Sinon, le pixel est classé en nuages. Dans la bande 3, la réflectance de la neige est beaucoup plus basse que celle des nuages bas;

  6. Le pixel doit avoir une valeur de réflectance dans la bande (A1) supérieure à la valeur minimale de l’albédo que pourrait avoir la neige. Sinon, le pixel est classé autre que neige ou nuage. La neige a normalement un albédo dans le visible supérieur aux autres surfaces.

Figure 2

Organigramme de l’algorithme multi-canaux hiérarchique séquentiel de classification des images AVHRR.

Flow chart of the sequential hierarchical classification algorithm of AVHRR images.

Organigramme de l’algorithme multi-canaux hiérarchique séquentiel de classification des images AVHRR.

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2.3 Étalonnage et validation de l’algorithme

Dans le but d’étalonner l’algorithme de classification, des échantillons de pixels ont été extraits à partir de chacune des images sélectionnées, au-dessus de zones appartenant aux trois catégories de surface présentes dans la scène (neige, nuages et non-neige). Ces zones ont été identifiées visuellement et délimitées manuellement dans le système PCI. Par la suite, les percentiles des données radiométriques (T4, ∆T45, NDVI, ∆T34 et A1) des échantillons de pixels ont été calculés. Les percentiles ont servi à bâtir les valeurs des seuils de l’algorithme.

L’algorithme de classification ainsi étalonné a été appliqué à l’ensemble des images. Afin d’en mesurer les performances, les observations de la profondeur de la neige au sol au niveau des stations météorologiques d’Environnement Canada sont utilisées comme références. Les résultats de classification à l’intérieur d’une fenêtre de 3 x 3 pixels, centrée au-dessus de chaque station, ont été extraits. Ensuite, l’occurrence de chaque catégorie de surface à l’intérieur des fenêtres de pixels a été comptabilisée. L’ensemble de la fenêtre de 3 x 3 pixels a été considéré comme appartenant à la catégorie de surface la plus fréquente. Les fenêtres présentant un taux de couverture nuageuse supérieur à 50 % ont été écartées de la comparaison. Les statistiques d’occurrence ont été par la suite comparées avec les observations de la profondeur de la neige, ce qui permet de bâtir la matrice de confusion ou de contingence. Celle-ci fait l’inventaire des sites de référence selon leur appartenance aux différentes catégories de surface et leur affectation par l’algorithme à telle ou telle catégorie. La matrice de confusion permet de calculer les paramètres de performance de l’algorithme de classification, à savoir : le taux de succès de la classification, les erreurs d’omission et de commission et le coefficient Kappa.

Le taux de succès de la classification représente le rapport du nombre de sites bien classés dans une catégorie donnée par rapport au nombre total de sites de la catégorie en question. L’erreur d’omission représente la fraction de sites d’une catégorie donnée qui ont été faussement classés par l’algorithme dans d’autres classes de surface. L’erreur de commission donne la quantité de sites appartenant à d’autres classes de surface et qui ont été attribués par erreur à la catégorie en question. Toutefois, le taux de succès de la classification ainsi que les erreurs d’omission et de commission ne sont pas indépendants de la qualité de l’échantillonnage des pixels. Le coefficient Kappa (K) par contre permet de juger de la qualité de la classification indépendamment de l’échantillonnage. Il permet aussi de mesurer le gain obtenu à l’aide de la méthode de classification par rapport à une classification complètement aléatoire. Les valeurs de K varient de 0 à 1 : une valeur 0 n’indique aucun gain par rapport à une classification aléatoire et la valeur 1 correspond à une classification parfaite. Généralement, des valeurs supérieures à 0,40 indiquent une classification acceptable. K est calculé comme suit :

où r est le nombre de lignes dans la matrice de confusion, xii est la valeur de la ie diagonale de la matrice de confusion, xi+ est le total de la ligne i de la matrice, x+i est le total de la colonne i et N représente la taille totale de l’échantillon.

En plus de la validation locale au niveau des stations météorologiques, les performances de l’algorithme de classification ont été examinées en fonction des types d’occupation du sol et selon l’évolution spatio-temporelle de l’étendue de la neige, aussi bien au niveau global qu’à l’échelle du bassin versant.

3. Résultats

Le tableau 2 présente les valeurs des seuils de l’algorithme de classification. Les tests de comparaison (test de Student) effectués sur les données extraites au-dessus des zones d’échantillonnage ont montré que les caractéristiques radiométriques des différentes catégories de surface sont significativement différentes dépendamment s’il s’agit d’images d’automne ou de printemps. Par conséquent, il a été décidé d’établir des valeurs seuils différentes pour les images d’automne et de printemps. La valeur seuil de ∆T45 par contre demeure temporellement stable.

Tableau 2

Seuils de l’algorithme de classification des images AVHRR.

Thresholds of the AVHRR image classification algorithm.

Seuils de l’algorithme de classification des images AVHRR.

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Les premier et deuxième seuils correspondent, respectivement, au 99e et 1er percentiles de la température T4 observée au-dessus des échantillons de pixels enneigés. Il est à remarquer que les valeurs de température sont plus élevées au printemps qu’elles ne le sont en automne, ce qui reflète bien des conditions plus douces pendant la fonte de la neige. La valeur du troisième seuil a été établie à 2°K, une valeur typique utilisée pour détecter la plupart des voiles nuageux minces. Quant au quatrième seuil, sa valeur correspond au 99e percentile de NDVI des pixels de la classe neige. Le cinquième seuil, quant à lui, représente le principal discriminant entre la classe neige et la classe nuages. Toutefois, ce seuil ne permet pas de séparer avec précision les surfaces enneigées et les nuages formés de cristaux de glace. Or, ces derniers sont plus fréquents vers la fin de l’automne. Pour cette raison, la valeur du cinquième seuil pour les images d’automne a été fixée à un niveau plus sévère, à savoir le 95e percentile contre le 99e percentile pour les images de printemps. La valeur du sixième seuil servant à séparer les pixels de neige des pixels non enneigés a été établie au 1er percentile de l’albédo de la bande 1. Ceci se base sur le fait que les pixels sans neige présentent une réflectance dans la bande 1 inférieure à celle des pixels enneigés.

Afin de juger de la capacité de l’algorithme de classification à reproduire la variabilité spatiale et temporelle de l’étendue du couvert nival, pour chacune des trois périodes visées par l’étude, deux dates ont été retenues : l’une pendant la période de formation du couvert nival (fin octobre) et l’autre pendant la période de fonte de la neige au printemps (fin avril). En plus d’être sélectionnées dans la période critique de l’évolution de la couverture de la neige, ces dates ont été choisies en raison de la présence des trois catégories de surface ainsi que du couvert nuageux relativement faible au-dessus de la zone d’étude. Les six images qui en résultent ont été coupées sur les frontières du Québec et du Labrador. Également, les étendues d’eau marines et continentales ont été masquées (Figure 3).

Figure 3

Couvert nival obtenu à partir des images AVHRR

Snow cover obtained using AVHRR images

Couvert nival obtenu à partir des images AVHRR

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Malgré la présence de nuages pendant les six dates, il est possible de distinguer clairement la ligne du front de neige. Ainsi, par comparaison à l’étendue de la neige pendant la saison 1998-1999, considérée comme une année moyenne du point de vue de l’avènement des périodes de formation et de fonte de la neige, la saison hivernale en 1986-1987 a été plus courte. Il semble qu’en 1987 la fonte de neige a été plus précoce qu’en 1999. En effet, bien que le front de neige se trouvait au même niveau le 26 octobre 1987 qu’à pareille date en 1998, celui-ci se trouvait beaucoup plus au nord à la fin d’avril 1987 qu’il ne l’était en 1999. En ce qui concerne la période 1991-1992, la saison hivernale a été plus tardive qu’en 1998-1999 : le couvert nival s’était établi plus tard en automne pour disparaître plus tard au printemps. Ainsi, à la fin du mois d’octobre 1991, le front de neige se trouvait encore très au nord. À la fin du mois d’avril 1992, des régions normalement dégagées en cette période de l’année étaient encore couvertes de neige (les abords du Saguenay et du lac St-Jean et les basses terres de la péninsule Gaspésienne).

Dans le but de vérifier la validité des résultats sur l’étendue de la neige ainsi obtenus, les observations de la profondeur de neige au sol enregistrées au niveau d’un certain nombre de stations météorologiques d’Environnement Canada ont été comparées aux résultats de classification des images AVHRR. Le nombre de stations employées varie d’une période à une autre (Figure 3).

Selon les résultats figurant dans le tableau 3, l’algorithme a réussi à identifier correctement l’état de surface (neige, non-neige) autour des stations météorologiques avec des taux de succès allant de 73 %, dans les cas les plus défavorables, à 97 %, dans le meilleur des cas. Ceci correspond à des niveaux de qualité de classification allant d’acceptable (= 0,44) à très bien (= 0,87). Par ailleurs, certains sites sous couvert nival ont été incorrectement classés, et ce avec des erreurs d’omission dépassant les 60 % pour certaines dates. Ceci s’expliquerait par le nombre relativement faible de sites sous couvert nival disponibles pour l’analyse par comparaison au nombre de sites appartenant à la catégorie non-neige.

Tableau 3

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau de stations météorologiques pour deux dates critiques.

Classification results of AVHRR images compared with snow observations at meteorological stations for two critical dates.

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau de stations météorologiques pour deux dates critiques.

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Les observations de la profondeur de la neige au sol pendant les trois périodes : 1998-1999, 1991-1992 et 1986-1987, au niveau de 15 stations météorologiques choisies de manière qu’elles soient uniformément distribuées sur le territoire à l’étude (Figure 1), ont servi pour la validation temporelle de l’algorithme de classification. Les observations de la neige au sol correspondant aux dates d’acquisition des 164 images AVHRR ont été comparées aux résultats de classification. Le tableau 4 en présente les résultats.

Tableau 4

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau des 15 stations météorologiques de validation.

Classification results of AVHRR images compared with snow observations at 15 validation meteorological stations.

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau des 15 stations météorologiques de validation.

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Pour l’ensemble des stations, environ 50 % des dates ont été contaminées par les nuages, et ceci a été plus important en automne. Pour les dates restantes, l’algorithme de classification a correctement identifié les conditions de surface (neige, non-neige) dans le voisinage de l’ensemble des stations dans 87 % des cas. Ceci correspond à une très bonne qualité de classification (= 0,72). Il est à noter que les résultats de classification concernant la classe neige concordent très bien avec les observations au sol avec un taux de succès pour cette classe de l’ordre de 90 %. En revanche, les performances de l’algorithme en ce qui concerne l’identification de la classe non-neige sont plus faibles, ce qui se traduit par une légère tendance de l’algorithme à sous-estimer la présence de la classe non-neige. Ceci est particulièrement vrai pendant la période de fonte où la classe non-neige a été correctement identifiée dans 79 % des cas contre 86 % en automne.

Les paramètres de performance de l’algorithme de classification pour ces 15 stations météorologiques ont été également calculés en fonction des types d’occupation du sol (Tableau 5). Les 15 stations ont été regroupées en trois classes d’occupation : forêt, transition et milieu ouvert, en se basant sur la cartographie de l’occupation du sol du Canada produite par le Centre canadien de télédétection avec une résolution spatiale de 1 km (CIHLAR et BEAUBIEN, 1995). Comme prévu, l’algorithme de classification affiche de meilleures performances en milieu ouvert qu’en milieu forestier. Ceci est essentiellement dû au fait que la présence d’un couvert forestier plus ou moins dense obscurcit plus ou moins les pixels enneigés et masque la neige sous-jacente. Par conséquent, le pixel est dominé par la signature spectrale de la forêt au détriment de la neige. Ceci s’est traduit, dans ce cas, par une précision de la classification de la classe neige de 95 % en milieu ouvert contre 89 % en milieu forestier. La classe transition affiche des performances intermédiaires.

Tableau 5

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau des 15 stations météorologiques de validation en fonction des types d’occupation du sol.

Classification results of AVHRR images compared with snow observations at 15 validation meteorological stations according to soil occupation types.

Résultats de la classification des images AVHRR comparés aux observations de la neige au niveau des 15 stations météorologiques de validation en fonction des types d’occupation du sol.

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Dans le but de vérifier la capacité de l’algorithme à suivre dans le temps l’état du couvert nival au niveau local, l’occurrence de la classe neige, telle qu’estimée par l’algorithme de classification dans le voisinage d’une station météorologique donnée, a été comparée à la profondeur de la neige qui y est réellement mesurée aux dates de l’acquisition des images AVHRR (Figure 4). Il s’agit de la station Hemon (72,60°O; 49,07°N, Alt :183 m), une station relativement représentative de la partie méridionale du territoire à l’étude (Figure 1). Il en ressort alors qu’à l’aide de l’algorithme de classification développé ici, il est possible de suivre l’évolution du couvert nival autour de cette station, en particulier le début de la formation du couvert nival en automne et le début de la fonte de la neige au printemps. La date de l’apparition de pixels enneigés pour la première fois dans la fenêtre de voisinage de la station marquerait le début de l’établissement de la neige. En revanche, la date de l’apparition de pixels sans neige pour la première fois dans la fenêtre extraite des images de printemps indiquerait le déclenchement de la fonte de neige. D’après la figure 4, ces dates concordent assez bien avec l’évolution de la profondeur de la neige (représentée par des triangles blancs). Il faut signaler que les valeurs de la hauteur de la neige enregistrées à la station Hemon au cours de la saison 1986-1987 sont assez faibles (< 45 cm) par comparaison aux deux autres saisons en raison de sa faible durée qui a été fidèlement reproduite dans les résultats de classification. La saison hivernale tardive de la période 1991-1992 a été également bien reproduite par l’algorithme de classification dans le voisinage de la station Hemon.

Figure 4

L’occurrence de la classe neige dans la fenêtre 3x3 pixels centrée sur la station météorologique Hemon versus la profondeur de la neige observée.

Snow class occurrence in the 3x3 pixel window centered on the Hemon meteorological station versus the observed snow depth.

L’occurrence de la classe neige dans la fenêtre 3x3 pixels centrée sur la station météorologique Hemon versus la profondeur de la neige observée.

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Par ailleurs, les résultats de classification des images AVHRR à l’aide de l’algorithme ont été compilés sur une douzaine de bassins versants du Québec. Nous ne présentons ici que ceux du bassin versant Lac-Saint-Jean (Figure 1). Le bassin d’une superficie de 81 000 km2 a été découpé sur les mailles de simulation du MRCC. La figure 5 donne le pourcentage du bassin occupé par chacune des trois classes sur le bassin Lac-Saint-Jean pour les trois périodes visées par l’étude. Ces résultats illustrent la capacité de la procédure de classification satellitaire à suivre l’évolution dans le temps du couvert nival au niveau du bassin versant. En effet, malgré la présence d’un couvert nuageux assez important par moment (particulièrement dans les images d’automne), il est possible de localiser les dates du début de la formation et de la disparition du couvert nival au-dessus du bassin. Également, il est possible de discerner les différences climatiques entre les trois périodes visées par l’étude qui se manifestent en différences dans la durée de la saison hivernale. Par exemple, le 5 mai 1998, près de 50 % du bassin Lac-Saint-Jean se trouvait encore couvert de neige (Figure 5). En revanche, vers le 15 avril 1987, près de la moitié du bassin se trouvait déjà sans neige. Par ailleurs, en 1992, c’est vers le 12 mai que 50 % du bassin Lac-Saint-Jean se trouvait sans neige.

Figure 5

Couverture du bassin versant Lac-Saint-Jean déterminée à partir des images AVHRR pour les trois périodes visées par l’étude.

Land cover of Lac Saint-Jean basin determined using AVHRR images for the three studied periods.

Couverture du bassin versant Lac-Saint-Jean déterminée à partir des images AVHRR pour les trois périodes visées par l’étude.

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4. Discussion

Avec un taux global de succès de 87 % et un taux de succès de la classification de la neige de 90 %, les résultats de l’algorithme sont comparables à ceux d’autres études utilisant des méthodes analogues. VOIGT et al. (1999), qui ont utilisé un algorithme similaire, ont trouvé que les résultats de leur approche appliqués au territoire suisse s’accordent avec les observations au sol dans 60 % à 90 % des cas. Quant à ROMANOV et al. (2000) dont l’algorithme utilise des seuils de classification et les données dans le visible et infrarouge du satellite GOES combinées à celles du capteur micro-ondes passives SSM/I, ils ont réussi à suivre l’étendue du couvert nival à l’échelle de l’Amérique du Nord avec un taux de succès de 85 %. Également, APPEL et BACH (2003) ont développé et appliqué un algorithme à seuils pour la détection de la neige en Allemagne utilisant l’imagerie NOAA-AVHRR présentant un taux de succès de 95 %.

Il faut signaler ici que le taux de succès de la classification qui a été retenu pour caractériser les performances de l’algorithme est celui calculé avec les 15 stations météorologiques uniformément réparties sur le territoire (Tableau 4). Quoique les résultats de la classification présentés au tableau 3 (résultats des six dates particulières) soient calculés au niveau d’un nombre plus élevé de stations, ces résultats s’avèrent biaisés. En effet, la plupart des stations incluses dans le calcul sont localisées dans la partie sud-ouest du territoire contre quelques stations seulement au nord et au nord-ouest (Figure 3), ce qui a favorisé artificiellement les résultats de classification de la catégorie non-neige au détriment de la classe neige puisque cette dernière a été sous-représentée dans le jeu de données de référence.

D’autre part, les résultats de validation ont montré que l’algorithme a tendance à sous-estimer la classe non-neige particulièrement au printemps où la classe non-neige a été classifiée avec une précision de 79 % contre 86 % en automne (Tableau 4). Ceci s’expliquerait par le fait qu’au printemps, la neige est plus métamorphosée (plus dense et dont les grains sont plus grands suite à la fonte) qu’en début de saison hivernale (neige fraîche, grains fins). Ceci se traduit par une baisse de la réflectance de la neige, en particulier dans les bandes du visible, augmentant par le fait même le risque de confusion avec les surfaces sans neige. Ceci apparaît clairement dans la valeur du sixième seuil de l’algorithme qui n’est autre que la valeur du 1er percentile de la réflectance de la neige dans la bande du rouge de AVHRR. Ce seuil, qui est responsable de la séparation entre neige et non-neige, affiche une valeur moitié plus faible au printemps qu’en automne (Tableau 2). Par conséquent, afin d’augmenter le taux de succès de la détection de la classe non-neige, il serait raisonnable de revoir la valeur de ce seuil à la hausse. Toutefois, ceci risquerait d’engendrer une sous-estimation de la classe neige. Or, en modélisation hydrologique et climatique, la sous-estimation du couvert nival serait plus problématique qu’une surestimation de la classe non-neige.

L’examen visuel des résultats de la cartographie de la neige pour les six dates retenues pour la validation spatiale (Figure 3) démontre la capacité de l’algorithme à reproduire la variabilité spatiale des classes neige et non-neige ainsi que sa capacité à saisir les différences interannuelles entre les trois saisons à l’étude. Toutefois, l’examen attentif de la figure 3 montre que l’algorithme affiche une certaine confusion entre la neige et les nuages. Ceci apparaît clairement par exemple dans la carte du 27 avril 1992 où, à l’extrême sud-ouest du territoire, une bande nuageuse a été confondue avec de la neige. L’examen des résultats de cartographie de toutes les dates (non présentés ici) montre que, malgré l’emploi du cinquième seuil (consacré à la distinction entre nuages et neige), l’algorithme identifie de hauts nuages comme étant de la neige. Généralement, ces nuages sont formés de cristaux de glace. Également, dans le cas où il y a deux couches de nuages superposées, l’ombre que jette la couche supérieure sur la couche inférieure est, dans certains cas, classée à tort comme neige. Il s’est avéré que la différence de température (T3-T4) pour ces zones d’ombre est inférieure à la valeur retenue du cinquième seuil, en particulier au printemps (qui est d’ailleurs moins sévère que la valeur de l’automne) (Tableau 2), ce qui signifie que la valeur de ce seuil devrait être révisée à la baisse afin de tenir compte de ces cas particuliers.

Par ailleurs, faute de données de référence au sol sur le couvert nuageux, il n’a pas été possible de valider les résultats de classification de la classe nuage. Par conséquent, le taux global de succès de l’algorithme qui est de 87 % (Tableau 4) ne reflète que les performances de l’algorithme vis-à-vis des classes neige et non-neige. Au cas où de telles données de référence sur les nuages seraient disponibles, ce taux devrait être différent de celui figurant au tableau 4. Il sera alors en fonction du taux de succès éventuel de la classe nuage : si les nuages sont bien identifiés, le taux de succès global serait supérieur ou égal au taux actuel; sinon, les performances seraient plus faibles.

En ce qui concerne la validation en fonction de l’occupation du sol, les résultats concordent avec ce qui a été publié sur le sujet (BARTON et al., 2000; TAIT et al., 2001; HALL et al., 2002; VIKHAMAR et SOLBERG, 2002) : la détection de la neige est plus aisée en milieu ouvert qu’elle ne l’est en milieu forestier, où les arbres masquent le signal de la neige sous-jacente. Toutefois, là aussi, la validation souffre d’un léger biais. En effet, le gradient décroissant de la densité de la forêt est un gradient nord-sud qui est pratiquement le même pour la durée croissante de la saison hivernale. Par conséquent, dans les milieux ouverts, la classe non-neige a été sous-représentée. Ce qui expliquerait le taux de succès de la classification plus faible de cette catégorie de surface (Tableau 5).

Il faut par ailleurs préciser que la validation des résultats de la classification des images d’un capteur tel AVHRR à l’aide d’observations au sol présente certaines limites. En plus des limites sur la disponibilité des données au sol ou sur leur répartition spatiale, les mesures aux stations météorologiques ne sont que des observations ponctuelles et, par conséquent, ne sont pas forcément représentatives des conditions intégrées à l’échelle du pixel d’un kilomètre et encore moins au niveau d’une fenêtre de 3 x 3 pixels centrée sur le point d’observation. Ceci est aussi vrai pour la validation globale de l’algorithme que pour la validation en fonction de l’occupation du sol. Dans ce dernier cas, le couvert végétal autour de certaines stations affichait une grande variabilité. De plus, les stations météorologiques sont généralement installées sur des sites dégagés qui sont, dans certains cas, très différents des milieux environnants. Dans ce cas, l’imagerie satellitaire à haute résolution, telle celle des capteurs LANDSAT-TM ou SPOT-HRVIR et dont la résolution spatiale est de 30 m pour le premier et 20 m pour le second, serait une alternative intéressante aux stations météorologiques pour la validation des résultats de l’algorithme développé dans la présente étude. La détection du couvert nival à l’aide d’images LANDSAT et SPOT a été largement étudiée et appliquée (EHRLER et al., 1997; KLEIN et al., 1998; VIKHAMAR et SOLBERG, 2002; HANICH et al., 2003). De telles approches pourraient être appliquées au territoire à l’étude. Par la suite, les résultats pourraient être compilés au niveau des pixels AVHRR. Ceci permettrait d’étudier avec plus de précision les performances de l’algorithme pour la détection les différentes catégories de surface, y compris les nuages, ainsi qu’en fonction de l’occupation du sol. De plus, ceci permettrait de traiter le cas des pixels mixtes (partiellement couverts de neige) et déterminer par exemple à partir de quel pourcentage de couverture nivale un pixel est identifié comme appartenant à la classe neige et dans quelles conditions de couverture du sol ceci a lieu. Cela n’est pas faisable à l’aide de notre algorithme puisqu’un pixel ne peut être attaché qu’à une seule catégorie de surface dont la signature spectrale est dominante à l’intérieur du pixel.

L’application de la procédure développée dans le présent travail s’est trouvée souvent limitée par la présence de nuages persistants au-dessus du territoire visé. Afin de pallier à ce problème, il est possible de produire des images hebdomadaires de l’étendue maximale du couvert nival. Celles-ci seraient des images composites construites à l’aide des images journalières de l’étendue de la neige. Si un pixel a été classé sous la catégorie neige au moins une fois au cours de la semaine, il sera classé comme telle dans l’image composite. Sinon, il sera classé comme un pixel sans neige s’il est déclaré comme tel au moins dans une des images journalières. Ainsi, il est possible d’augmenter la taille du territoire observé sous des conditions dégagées dans l’image résultante.

D’autre part, il est également possible d’appliquer une procédure pour fusionner la cartographie de la neige obtenue à l’aide des données AVHRR et celle obtenue à l’aide du capteur de micro-ondes passives SSM/I. Cette procédure permettra d’allier la haute résolution spatiale du capteur AVHRR à la capacité de SSM/I de pénétrer les nuages. En effet, ROMANOV et al. (2000) ont développé un système automatique de cartographie de la neige utilisant les observations du visible et de l’infrarouge du capteur GOES et des données micro-ondes du capteur SSM/I. Selon ces auteurs, l’application de cette méthodologie aux données AVHRR serait une amélioration à leur technique car les conditions d’observation de AVHRR sont meilleures que celles de GOES (meilleure résolution spatiale, plus faible angle de visée, etc.).

5. Conclusions

L’objectif principal du présent travail a été de développer une procédure simple de suivi spatio-temporel de la couverture de la neige au sol à l’aide des images du capteur NOAA-AVHRR. Cet objectif a été atteint. Un algorithme de classification de la neige à l’aide des données AVHRR a été développé en se basant sur les travaux publiés dans la littérature. Cet algorithme a été appliqué sur les trois périodes visées par l’étude : 1998-1999, 1991-1992 et 1986-1987. Ensuite, les résultats obtenus ont été validés à l’aide d’observations de l’occurrence et de la profondeur de la neige au sol, et ce aussi bien sur le niveau spatial que temporel. Il faut rappeler que les valeurs des différents seuils de l’algorithme ont été établies d’une manière empirique. Ils sont par conséquent spécifiques aux conditions du Québec. Pour l’application de l’algorithme ailleurs qu’au Québec, les seuils doivent être étalonnés au préalable sur les conditions du couvert nival de la région en question.

Ainsi, l’algorithme identifie correctement les pixels enneigés et sans neige avec une précision globale de 87 % par comparaison aux observations au sol, et ce avec une bonne qualité de classification. L’algorithme permet de détecter la présence de la neige avec une précision moyenne de 90 % et les surfaces sans neige avec une précision moyenne de 82 %. Il est à noter que les performances de l’algorithme sont comparables au printemps et en automne. Également, l’algorithme détecte la présence de la neige en milieu ouvert avec une plus grande précision qu’en milieu forestier. Par ailleurs, l’algorithme permet de situer le début des périodes de formation et de fonte de la neige, et ce tant au niveau local qu’à l’échelle du bassin versant, notamment en présence de conditions de ciel dégagé. Il permet également de saisir la dynamique interannuelle et les variations spatiales dans l’établissement et la disparition du couvert nival, ce qui démontre que la procédure développée dans le présent travail représente un outil approprié pour le suivi spatio-temporel de l’état de la surface terrestre.

L’emploi de l’imagerie à haute résolution spatiale (LANDSAT ou SPOT) permettrait de mieux mesurer la précision des résultats de l’algorithme, et ce en fonction de l’occupation du sol et en fonction du taux de couverture en neige du pixel. La limitation à l’application de l’algorithme que présente la présence d’un couvert nuageux persistant pourrait être palliée soit en élaborant des images composites hebdomadaires ou par l’emploi conjoint des données AVHRR et des micro-ondes passives.