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La mort subite est un décès ayant une cause cardiaque, associée généralement à l’athérosclérose coronarienne chez des personnes présentant une faible fraction d’éjection ventriculaire ou ayant été victimes d’un infarctus du myocarde. La tachycardie ventriculaire ou la fibrillation ventriculaire sont à l’origine de la perte subite du débit cardiaque, qui mène au décès imminent en l’absence d’une défibrillation cardiaque. La réanimation cardio-vasculaire ou la défibrillation du myocarde peuvent permettre aux personnes de survivre à la mort subite. Cependant, celles-ci présentent une incidence importante de récidive (Raj et Sheldon, 2001). À titre de prévention, au-delà de 100 000 personnes à travers le monde ont reçu, lors des dernières années, un défibrillateur à synchronisation automatique (DSA) implantable afin de corriger les arythmies ventriculaires sévères (Raj et Sheldon, 2001). La fonction du DSA implantable est d’évaluer le rythme cardiaque et d’y générer des impulsions électriques lorsque des arythmies malignes surviennent. Maintenant placé dans la cavité sous-cutanée au-dessus du muscle pectoral, un système de dérivation transveineux est relié à l’endocarde. Vingt-cinq secondes suivant la phase initiale d’une arythmie mortelle, cet appareil transmet un choc de 25 joules ou moins directement au muscle cardiaque, ce qui permet au coeur de retrouver son rythme régulier (Day, Paul, Williams, Smeltzer, et Bare, 2007; Lewis, Heitkemper, et Dirksen, 2003; Urden, Stacy, et Lough, 2006).

L’efficacité du DSA implantable est démontrée (Eckert et Jones, 2002). Pourtant, les personnes porteuses de l’appareil et les membres de leur famille questionnent tout de même la fiabilité du défibrillateur. Ainsi, ces personnes éprouvent fréquemment des difficultés psychologiques et physiologiques (Dickerson, Posluszny, et Kennedy, 2000; McHugh Shuster, Phillips, Dillon, et Tomich, 1998). De ce fait, il est important que l’infirmière connaisse les besoins spécifiques de cette clientèle en termes de sujets à aborder lors des séances d’information et de soutien. Ces séances adaptées aident les personnes porteuses d’un DSA implantable et les membres de leur famille à développer les habiletés d’adaptation requises leur permettant d’adopter et de maintenir de sains comportements de santé (McHugh Shuster et al., 1998). L’infirmière détient donc un rôle primordial lors du suivi systématique de cette clientèle.

Recension des écrits

Les personnes porteuses d’un DSA vivent une adaptation psychosociale difficile lors de l’expérience entourant l’implantation de l’appareil (Dickerson et al., 2000; Steinke, Gill-Hopple, Valdez, et Wooster, 2005). En milieu clinique, l’infirmière observe que plusieurs de celles-ci éprouvent de l’anxiété et craignent de ressentir une douleur au moment d’une décharge électrique du DSA si des arythmies récurrentes se produisent. Certains appréhendent recevoir un choc électrique accidentel lors des activités sexuelles (Steinke et al., 2005). McHugh Schuster et al. (1998) ajoutent que d’autres doutent du fonctionnement de leur appareil au moment opportun, augmentant ainsi la peur de mourir. À l’opposé, certaines personnes considèrent leur DSA comme étant leur ange gardien (Steinke et al., 2005). Eckert et Jones (2002) expliquent qu’une dépendance envers l’appareil se produit fréquemment. Par conséquent, plusieurs individus porteurs d’un DSA se sentent obligés de modifier leurs habitudes de vie ou même d’abandonner un style de vie valorisé.

D’autres affectations psychologiques soulevées incluent l’altération du sommeil, le manque d’efficacité personnelle perçue associée à l’activité physique, l’impuissance, la difficulté à se concentrer, la dépression, la surprotection des membres de la famille et la perte de contrôle (Eckert et Jones, 2002; McHugh Shuster et al., 1998). Cette perte de contrôle ainsi que la surprotection des personnes du réseau de soutien informel peuvent renforcer le sentiment de dépendance chez les personnes porteuses d’un DSA (Labbé et Robichaud-Ekstrand, 1994). Pour s’adapter à la situation, les personnes porteuses d’un DSA et les membres de leur famille ressentent le besoin d’exprimer leurs sentiments et leurs émotions ainsi que de partager leurs expériences (Eckert et Jones, 2002; Steinke et al., 2005). Les résultats de Williams, Young, Nikoletti et McRae (2004) ainsi que ceux de Dickerson et al. (2000) indiquent que ce partage d’expériences permet aux participants d’un groupe de soutien de développer une attitude positive à l’égard de leur situation puisqu’ils ne se sentent plus seuls à vivre cette expérience.

Puisque les groupes de soutien dédiés aux personnes porteuses d’un DSA et à leur famille sont perçus comme étant une source valable d’information (Dikerson et al., 2000; Williams et al., 2004) et permettent d’établir des liens interpersonnels (Eads, Sears, Sotile et Conti, 2000), les participants en retirent plusieurs bienfaits (Dikerson et al., 2000). Ceux-ci englobent l’écoute et le partage d’expériences communes et l’acquisition de nouvelles méthodes d’adaptation. L’entraide vécue lors de la participation au groupe de soutien permet d’augmenter le sentiment de valorisation et de contrôle, favorisant ainsi une attitude positive envers leur situation. Par conséquent, le groupe de soutien représente un environnement confortable permettant aux participants d’être informés, d’apprendre, de partager et de s’entraider, répondant ainsi à leurs besoins d’information et de soutien.

Considérant les bienfaits émanant d’une participation à un groupe de soutien, Eckert et Jones (2002) préconisent la création de séances d’information et de soutien auprès de personnes porteuses d’un DSA implantable et des membres de leur famille. Il importe donc d’identifier les sujets de discussion jugés pertinents et les caractéristiques préférées d’un groupe de soutien non seulement selon la perspective du professionnel de la santé, mais surtout selon celle des individus qui vivent cette expérience de santé.

Devis et but de l’étude

Cette étude, de type descriptif, a comme but d’identifier les besoins d’information et de soutien recherchés par des personnes porteuses d’un DSA implantable. Plus précisément, elle identifie les sujets de discussion à aborder lors des séances d’information du groupe de soutien et évalue la satisfaction de la qualité et de la quantité de l’information reçue. De plus, cette recherche précise les caractéristiques préférées d’un groupe de soutien et qualifie l’aide reçue provenant du réseau de soutien informel lors de la période entourant l’implantation du DSA.

Questions de recherche

Quels sont les besoins d’information et de soutien recherchés par les personnes porteuses d’un DSA implantable? Lors des séances d’information du groupe de soutien suite à l’implantation du DSA : (a) Quels sujets de discussion ces personnes désirent-elles aborder? (b) Sont-elles satisfaites de la qualité et de la quantité de l’information reçue? (c) Quelles sont leurs préférences en ce qui concerne les caractéristiques du groupe de soutien? (d) Quelle importance accordent-elles aux personnes significatives de leur réseau de soutien informel?

Méthode

Pour êtres éligibles à participer à cette étude, les sujets doivent avoir subit une implantation d’un DSA suite au syndrome de mort subite. Ils doivent vivre à leur domicile et être inscrits au groupe de soutien semi-formel, mis en place par l’équipe du département d’électrophysiologie. Pour être apte à compléter le questionnaire, les sujets ont besoin de comprendre et d’être capables de lire le français. Au total, 60 personnes étaient inscrites au groupe de soutien et le recrutement des sujets s’est effectué lors d’une des séances d’information d’un groupe de soutien dans un établissement de soins tertiaires, spécialisé en cardiologie.

1. Sujets

Parmi les 60 personnes inscrites au groupe de soutien, 32 étaient présentes à la séance d’information. L’échantillon de convenance se compose de 25 hommes (78 %), 4 femmes (13 %) et 3 autres sujets (9 %) qui n’ont pas identifié leur sexe. Ils sont âgés entre 32 et 74 ans, avec une moyenne d’âge de 60 ans et plus de la moitié sont mariés. La majorité des sujets ont consenti à recevoir un DSA implantable entre 2 et 7 jours suivant l’événement de la mort subite. La période d’implantation du DSA s’étale entre 3 mois et 6 ans.

2. Instrument de mesure

L’instrument de mesure est un questionnaire conçu pour évaluer les besoins d’information et de soutien de personnes porteuses d’un DSA. Il comprend 21 questions réparties en quatre sections : 1) les données sociodémographiques des sujets à l’étude; 2) le contenu, la qualité et la quantité de l’information reçue; 3) les caractéristiques préférées d’un groupe de soutien; et 4) la provenance et l’importance de l’aide reçue du réseau de soutien informel lors de la période de l’implantation du DSA. Une équipe de deux professionnels de la santé, une professeure et deux étudiantes au programme de baccalauréat en sciences infirmières ont développé le questionnaire. Ce questionnaire est présenté en annexe. Il prend environ 15 minutes à compléter.

La section ciblant le contenu des séances d’information reprend les facteurs de stress des personnes porteuses d’un DSA identifiés dans l’étude de Kuiper et Nyamathi (1991). Lors de l’analyse de contenu de leur instrument par un panel de cinq informateurs clés, ces facteurs ont été regroupés en catégories de facteurs de stress physique, psychologique et social. Ce sont ces trois catégories qui sont utilisées dans le questionnaire de la présente étude pour déterminer les sujets de discussion que les personnes porteuses d’un DSA implantable désireraient aborder lors des séances d’information offertes par le groupe de soutien. Le reste du questionnaire est de conception maison.

Afin de vérifier la validité de contenu du questionnaire de la présente étude, deux informateurs clés experts (infirmières cliniciennes spécialisées en électrophysiologie) de même que trois patients qui participaient à ce moment au groupe de soutien l’ont révisé. Les commentaires provenant de ces trois patients ont permis de confirmer la pertinence et la clarté des questions et des sujets de discussion potentiels.

3. Déroulement de l’étude

Ce projet fut approuvé par les membres des comités internes de la recherche et d’éthique du centre hospitalier de soins tertiaires où s’effectuaient les rencontres du groupe de soutien des personnes porteuses d’un DSA implantable. Les infirmières qui coordonnaient les séances d’information du groupe de soutien ont en premier lieu demandé aux participants s’ils étaient en accord que deux étudiantes en sciences infirmières viennent leur présenter verbalement le projet de recherche. Leur professeure était présente lors de cette rencontre. Les participants au groupe de soutien étaient informés qu’ils étaient libres de répondre ou non, sans avoir à se justifier et sans compromettre la qualité des soins qu’ils recevaient. La seule consigne présentée était de compléter le questionnaire et de le retourner par la poste en-dedans d’une semaine. Les documents distribués aux 32 participants présents à la séance d’information incluaient une lettre d’introduction expliquant le projet de recherche, une formule de consentement, une enveloppe de retour pré affranchie et le questionnaire. Pour les 28 autres personnes inscrites au groupe de soutien, mais qui étaient absentes lors de cette séance d’information, ces documents leur ont été envoyés par la poste. Aucun rappel téléphonique n’a été effectué. Au total, 60 questionnaires ont été distribués et 32 ont été complétés; présentant ainsi un taux de réponses de 53 %.

Résultats

Bien que le nombre de sujets participant à la présente étude soit de 32, tous n’ont pas répondu à chacune des questions, nous rapportons les fréquences en fonction du nombre de répondants. Les sujets de discussion de la catégorie sociale sont considérés les plus importants à aborder lors des séances d’information (11/29; 38 %), suivi de ceux des catégories psychologique (10/29; 34 %) et physique (8/29; 28 %). Le tableau 1 présente, par catégorie, l’ordre d’importance des sujets de discussion. Trois-quarts des participants déclarent être très satisfaits ou satisfaits de la qualité (24/32; 75 %) et de la quantité (24/32; 75 %) de l’information obtenue lors de la période entourant l’implantation du DSA.

Tableau 1

Les sujets de discussion à aborder lors des séances d’information, par catégorie et en ordre d’importance

Les sujets de discussion à aborder lors des séances d’information, par catégorie et en ordre d’importance

Note. DSA = défibrillateur à synchronisation automatique.

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En ce qui concerne les caractéristiques préférées d’un groupe de soutien, la majorité des sujets (23/32; 72 %) choisit un groupe de soutien semi-formel et une minorité (5/32; 16 %) préfère un groupe de soutien formel. Seulement 13 % (4/32) des sujets optent pour le groupe de soutien informel. Quant au lieu de préférence de rassemblement, 87 % (27/31) des participants privilégient se rencontrer dans une petite salle. Selon eux, ils trouvent avantageux que ces rencontres se réalisent aux trois mois (18/32; 56 %). Presque la moitié des sujets (14/30; 47 %) aimerait participer à un groupe de soutien composé de 10 à 15 personnes. Seulement un (1/30; 3 %) des participants souligne vouloir être seul avec l’infirmière. D’autre part, la moitié des participants apprécient la présence de leur conjointe ou conjoint (15/29; 52 %), un moins grand nombre préfère la présence de leur famille (9/29; 31 %), et très peu de participants ressentent le besoin d’être accompagné par une autre personne significative (2/29; 7 %) comme une ou un ami ou une tante ou un oncle.

Pour favoriser leur adaptation à l’expérience d’être porteur d’un DSA, 52 %, 13 sur 25 des répondants souhaitent recevoir un suivi téléphonique de la part de l’infirmière en plus des séances d’information. Un nombre important de sujets accepterait recevoir un appel téléphonique d’un nouveau patient porteur d’un DSA implantable (18/24; 75 %). La majorité des répondants qualifie l’aide reçue des membres de leur famille lors de la période de l’implantation de leur DSA comme étant importante (11/32; 69 %). Treize des 28 sujets (46 %) indiquent recevoir une aide importante provenant de leurs amis, 5 sur 22 (23 %) précisent que leurs collègues de travail leur apportent une aide importante, tandis que 6 sur 27 (22 %) réalisent l’importance de l’aide provenant de leurs voisins. Le tableau 2 présente la provenance et l’importance de l’aide reçue du réseau de soutien informel lors de la période de l’implantation du défibrillateur à synchronisation automatique.

Tableau 2

Provenance et importance de l’aide reçue du réseau de soutien informel lors de la période de l’implantation du défibrillateur à synchronisation automatique

Provenance et importance de l’aide reçue du réseau de soutien informel lors de la période de l’implantation du défibrillateur à synchronisation automatique

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Discussion

Les caractéristiques de l’échantillon de la présente étude ainsi que l’ordre d’importance des sujets de discussion que les participants désiraient aborder lors des séances d’information sont sensiblement similaires à celles de l’étude de Kuiper et Nyamathi (1991). Puisque plusieurs participants n’étaient pas encore retournés à leur emploi suite à l’implantation de leur DSA, le sujet de discussion concernant le travail ou la vie à la maison était considéré comme étant le plus important à introduire. Les finances étaient aussi un sujet de discussion qui préoccupait les participants. Ceci n’est pas étonnant puisque la majorité était proche de l’âge de la retraite ou était déjà à la retraite. On constate également que leurs intérêts s’orientaient davantage vers les activés sociales, les vacances et les voyages, ce qui leur demandait de développer un réseau de soutien en dehors de leur travail.

La conduite automobile était un sujet de moyenne importance. Cette observation est surprenante considérant le rapport de la Conférence consensuelle de la Société canadienne de cardiologie (SCC) (Simpson et al., 2003) indiquant que, lorsqu’une personne reçoit un choc électrique du DSA, son permis de conduire doit lui être retiré pour une période de six mois. Puisque la majorité des participants étaient accompagnés de leur conjoint, il semblait avoir une hésitation à discuter du stress marital. Le magasinage est ressorti comme étant le dernier sujet à discuter. Une raison pourrait être que la majorité des participants étaient des hommes d’âge moyen.

La dépendance émotionnelle à l’égard du DSA implantable fut le sujet prioritaire à discuter dans la catégorie psychologique. Cette dépendance influence le niveau de motivation à se prendre en charge. Tout comme soulevé par d’autres auteurs (Eckert et Jones, 2002; Kuiper et Nyamathi, 1991; Steinkeet et Wooster, 2005), cet élément s’explique puisque plusieurs participants sont hésitants à reprendre leurs activités physiques habituelles, croyant que celles-ci pourraient provoquer une arythmie lors d’un effort et occasionner un choc électrique accidentel. De plus, dans cette même catégorie, comme certains n’avaient pas entièrement confiance en leur appareil, le sujet de discussion de la mort soudaine est ressorti. Les personnes qui ont survécu à une mort subite grâce à une défibrillation cardiaque externe, ont été confrontées à l’imminence de leur mort. Par conséquent, elles se questionnent sur leur avenir et leur devenir, ce qui diminue leur niveau de motivation à prendre en charge leur santé et leur sentiment de sécurité à participer à diverses activités. Pour terminer avec cette catégorie, l’incertitude et l’adaptation à l’égard du congé de l’hôpital étaient une préoccupation mineure. La disponibilité d’un groupe de soutien peut expliquer que ce sujet fut de moindre importance pour les participants de cette étude.

Le niveau d’activités et l’équilibre entre l’exercice et la relaxation sont grandement influencés par le niveau d’énergie. Ces items inter-reliés, sont les trois premiers sujets de discussion de la catégorie physique. Dougherty et collègues (2004) précisent que lors des trois premiers mois suite à l’implantation, les porteurs d’un DSA se questionnent sur la gestion des symptômes physiques et le niveau d’activité sécuritaire à entreprendre. De plus, la baisse d’énergie s’explique par les multiples craintes et les modifications exigées au style de vie. Certains appréhendent recevoir un choc du dispositif ou de perdre conscience en public. D’autres s’inquiètent de la fiabilité de la batterie de l’appareil, des interférences magnétiques qui pourraient désactiver ou affecter la synchronisation du défibrillateur et du système d’alarme.

Les médicaments anti-arythmiques peuvent aussi causer un effet de lassitude. De ce fait, le sujet de discussion sur le régime médical est en quatrième ordre d’importance. Le sujet de l’activité sexuelle est ressorti comme étant une des dernières priorités de discussion. Il semble que ce sujet serait plus aisément discuté lors de séances privées avec l’infirmière en présence du conjoint. D’autres auteurs retrouvent ces préoccupations d’ordre physique éprouvées par les individus porteurs d’un DSA implantable (Eckert et Jones, 2002; Steinke et al., 2005).

La majorité des sujets ont indiqué une préférence à participer à un groupe de soutien semi-formel. Ils désirent recevoir l’information par divers professionnels de la santé afin de s’assurer de l’exactitude de l’information reçue. Les idées erronées sont clarifiées et les participants obtiennent des réponses à leurs questions. Ce type de groupe permet de communiquer plus efficacement l’information, de faciliter la communication entre les participants et de bien gérer l’interaction. De cette façon les expériences sont partagées, de nouvelles stratégies d’adaptation sont découvertes et l’angoisse de certains est contrôlée. Un des thèmes qui a été soulevé dans l’étude d’Eckert et Jones (2002) est le besoin des personnes porteuses d’un DSA de parler de leurs diverses expériences. Ces personnes ressentent aussi une responsabilité à continuer de participer au groupe afin d’aider les autres (Williams et al., 2004). Dickerson, Posluszny et Kennedy (2000) résument ce besoin en une augmentation du sentiment d’altruisme. Ces personnes deviennent alors une source de soutien importante, et même des mentors pour les nouveaux arrivés. Ceci est possiblement une raison que les trois-quarts des participants ont accepté de recevoir un appel téléphonique d’un nouveau patient porteur d’un DSA implantable. En fait, le groupe de soutien semi-formel permet de créer une cohésion, tout en favorisant l’autonomie du groupe.

Pour améliorer la qualité des échanges et de créer un sentiment d’appartenance, les participants préfèrent se réunir à tous les trois mois dans une petite salle d’une grandeur pouvant accommoder 10 à 15 personnes. Cette fréquence rejoint les recommandations de Williams et al. (2004) à l’effet d’offrir des séances d’information et de soutien plus fréquemment qu’au six mois. De plus, les participants désirent être accompagnés principalement de leur conjoint ou d’un autre membre de leur famille. Les personnes porteuses d’un DSA implantable trouvent important d’être assurées qu’un membre de leur famille puisse leur venir en aide en cas d’urgence. Aussi, le fait d’être accompagné d’un proche aux séances d’information augmente les chances que l’information offerte soit mieux comprise et retenue. Le suivi téléphonique par l’infirmière est une source de sécurité pour les individus porteurs d’un DSA et les membres de leur famille.

Eckert et Jones (2002) montrent que le soutien social produit un effet considérable chez les personnes porteuses d’un DSA implantable. Dans la même veine, nos résultats suggèrent que la famille et les amis représentent un soutien important pour une grande partie de cette clientèle. En ce qui a trait au soutien provenant des voisins, les réponses sont partagées. Puisque les participants devaient voyager diverses distances pour se rendre au lieu de la rencontre du groupe soutien, il aurait été intéressant d’examiner si le lieu de résidence, rural versus urbain, influence le soutien reçu. Cependant, le lieu de résidence ne faisait pas partie des items au questionnaire. Les collègues de travail ne sont pas perçus comme étant une source importante de soutien. Nous spéculons qu’étant donné l’âge moyen de 60 ans, certaines personnes sont possiblement à la retraite.

Limites de l’étude

Cette étude comporte des limites. La maturation des sujets dans le temps peut avoir influencé la validité interne de l’étude. Par exemple, l’administration du questionnaire à trois mois suivant l’implantation du DSA pour certains sujets comparativement à six mois pour d’autres, peut avoir influencé les types de besoins d’information et de soutien identifiés. Les besoins des hommes comparativement aux femmes peuvent être différents, surtout en ce qui concerne le soutien attendu et le transport pour se rendre au groupe de soutien. Cependant, puisque seulement quatre femmes faisaient partie de cette étude, il ne fut pas possible d’effectuer des analyses permettant de distinguer les différences des besoins entre les hommes et les femmes. Une dernière limite reliée à la validité interne de l’étude repose sur le fait que les choix des besoins d’information et de soutien étaient prédéterminés par catégorie selon les résultats d’une étude antérieure sur les facteurs de stress éprouvés par cette population. Il aurait été avantageux d’offrir la possibilité aux participants le choix de formuler d’autres besoins non énumérés dans la liste.

La méthode d’échantillonnage est une limite de cette étude influençant la validité externe. L’échantillon recueilli de façon non aléatoire et accidentelle a conduit à un échantillon de convenance. Bien que tous les sujets inscrits au groupe de soutien aient été approchés, seulement la moitié a participé. L’échantillon de la présente étude représente donc seulement un faible pourcentage de la population. L’effet de réactivité peut avoir affecté la validité externe de l’étude provoquant chez les sujets de l’étude une modification de leurs réponses parce qu’ils sont au courant de leur participation à l’étude (Campbell et Stanley, 1963). Comme dernière limite, les caractéristiques sociodémographiques des non-répondants n’ont pas été déterminées dans cette étude.

Recommandations pour la pratique infirmière

Les résultats de cette étude permettent aux infirmières de mieux planifier et de coordonner les séances d’information et de soutien des personnes porteuses d’un DSA implantable. Ces données leur serviront à l’élaboration d’un suivi systématique de la clientèle. Cette planification devrait pouvoir répondre au besoin identifié dans cette enquête d’introduire, à tous les trois mois, des séances d’informations de type semi-formel en présence de 10 à 15 participants. Nous recommandons que les sujets de discussion, identifiés prioritaires par les participants de cette étude, soient présentés par divers professionnels de la santé. Par exemple, le travailleur social pourrait élaborer sur le retour au travail. Le psychologue aborderait les émotions reliées à la peur de mourir subitement, à la dépendance du dispositif et à la solitude, tandis que le sexologue discuterait avec les participants des difficultés rencontrées lors des activités sexuelles. L’éducateur physique pourrait offrir des trucs sur la conservation de l’énergie permettant d’entreprendre des activités physiques, surtout lors de l’adaptation suite au congé de l’hôpital. Une diététicienne répondrait aux questions reliées au régime alimentaire.

Le temps requis pour se rendre aux rencontres dépasse 30 minutes pour la majorité des participants, cependant ce déplacement ne cause aucun problème. Williams et ses collègues (2004) rapportent que certaines personnes choisissent de ne pas participer à un groupe de soutien en raison de la distance à parcourir pour se rendre au lieu de la rencontre. Avec la venue et l’utilisation des nouvelles technologies de l’information comme les cafés Internet, il deviendra possible dans le futur pour des personnes vivant dans des milieux ruraux et éloignés de participer à de tels groupes de soutien par l’entremise de la vidéoconférence.

Recommandations pour la recherche infirmière

Dans des recherches futures, une étude pourrait explorer davantage les besoins d’information et de soutien des personnes porteuses d’un DSA implantable ainsi que ceux de leur famille. Aussi, il serait intéressant d’identifier les besoins divergents des personnes qui viennent de recevoir un DSA implantable comparativement à celles qui l’ont reçu depuis plusieurs années. De plus, les besoins particuliers des femmes comparativement aux hommes. Il serait intéressant d’explorer les différentes formes de soutien attendu et reçu, incluant : 1) l’aide matérielle correspondant à un soutien sous forme de biens ou d’argent; 2) l’aide physique correspondant aux services et soins prodigués pour la personne; 3) l’aide émotionnelle comprenant des interactions sur des sentiments personnels se faisant de manière non directive entre deux individus; 4) l’orientation personnelle qui inclut des informations ou des conseils donnés dans le dessein d’orienter des actions et 5) la rétroaction positive qui représente une évaluation spontanée d’actions et d’idées. L’inventaire de comportements de soutien de Lepage (1984) évalue ces types d’aides provenant du réseau de soutien informel. Il a été traduit du Inventory of Socially Supportive Behaviors de Barrera, Sandler et Ramsay (1981).

Les participants à cette étude ont indiqué l’importance de recevoir un suivi téléphonique de l’infirmière en plus de participer au groupe de soutien. Une étude de type expérimental pourrait évaluer l’apport de ce suivi téléphonique. Une autre étude de type corrélationnel pourrait déterminer l’association entre les types d’aide attendue au congé de l’hôpital et celle reçue durant la période de convalescence par le réseau de soutien informel ainsi que par les professionnels de la santé.

Conclusion

Les personnes porteuses d’un DSA implantable désirent aborder des sujets de discussion ayant rapport à leur travail et la vie à la maison, les vacances et les voyages ainsi que les finances. La dépendance émotionnelle à l’égard du DSA implantable, le niveau de motivation à se prendre en charge et à augmenter le niveau d’énergie sont aussi des sujets importants à discuter. Les participants se disent satisfaits de la qualité et de la quantité de l’information reçue. Cependant, ils proposent des séances d’information en plus petits groupes et à tous les trois mois. Ils préfèrent être accompagnés de leur conjoint ou autres membres de leur famille à ces réunions.

Cette étude permet à l’infirmière de mieux diriger les divers professionnels de la santé dans sa sélection des sujets de discussion à aborder lors des séances d’information du groupe de soutien. Elle joue un rôle pivot dans la coordination de l’équipe multidisciplinaire en agissant à titre de coordonnatrice de suivi systématique de cette clientèle.