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René-Louis L. est né à Perregaux (Oran) le 16 mai 1920. Il suit une formation de tourneur. À partir de l’âge de 23 ans, il est hospitalisé de manière quasi ininterrompue dans différents établissements en Algérie, dont l’Hôpital régional d’Orléansville et celui de Blida, pour un diagnostic de schizophrénie. En juin 1963, il est rapatrié avec un groupe d’une centaine de malades à l’Hôpital psychiatrique privé du Bon Sauveur à Picauville dans la Manche. Le certificat d’entrée précise : « Délire chronique de structure imprécise à thème hypocondriaque ». René L. demeure tout le reste de sa vie à Picauville. Il ne semble pas avoir reçu de visites de sa famille à partir de son arrivée en Métropole. Célibataire, il écrit de nombreuses lettres aux responsables de l’établissement, mais aussi au président de la République ; il remplit aussi des carnets et dessine beaucoup notamment des plans de villes et de maisons. C’est dans les archives de cet hôpital psychiatrique de la Manche que j’ai retrouvé ces documents lorsqu’à l’invitation du Centre d’art Le Point du Jour de Cherbourg, j’y ai fait une résidence avec le photographe Mathieu Pernot[1]. Au cours de ce séjour, j’ai pu consulter tout un ensemble de documents qui sont rarement archivés lorsque les personnels partent à la retraite, qu’il y a une restructuration ou bien que le patient décède, sortant de la file active. Ainsi, en est-il de la correspondance entre les psychiatres de l’institution et leurs collègues en ville, rendant lisible ce qui s’énonce généralement oralement ; dans le cadre du secret partagé, deux médecins échangent sans réserve sur un patient ; il en va de même des dizaines de cahiers de mains courantes des services sur lesquelles les soignants notent heure après heure les infimes évènements du quotidien.

« Nuit du 27 au 28 avril.
« 22h20 M. et Mlle G. boivent le café.
« À 0h45, M. ne dort toujours pas et déambule sans les couloirs. Veut absolument boire du café. Après lui avoir empêcher de dormir est remonté dans sa chambre. Lui ai donné un tilleul. Jusqu’à 4h30, a marché le long en large dans sa chambre et parlé seul. Veut en finir avec la vie et aller voir Dieu. S’est endormi vers 4h45 tout habillé sur son lit. Réveillé à 5h30. Fait sa toilette. »[2]

« Nuit du 28 au 29 avril.
« M. Endormi habillé jusqu’à 23h30. Ensuite a déambulé jusqu’à 4h30, fumant cigarettes sur cigarettes. Ai réussi à le faire s’allonger jusqu’à 5h30. Ne veut pas être dans l’obscurité. Pense que 2 heures de sommeil lui suffisent. A pris un tilleul à minuit.
Réfectoire allumé de 2h à 3h ainsi que les chambres de Mlle L. et D.
De 4h à 5h30, réfectoire à nouveau allumé ainsi que la chambre de D. Les rideaux du réfectoire étant tirés il n’est pas permis de voir qui s’y trouve. »

« Nuit du 29 au 30 avril.
« M. réveillé à 23h30. Ensuite a fumé dans le couloir à la lueur de sa pile électrique jusqu’à 1h30. A regagné sa chambre et a dormi jusqu’à 3h30. Depuis fait son ménage. Dit avoir dormi 3h et en est très content ! !
« Mlle L. a peu dormi dans l’ensemble.
Pas de lumière dans le réfectoire. Seule la chambre de L. est allumée depuis 4h45. »

« Nuit du 30 avril au 1er mai.
« J. est passé par la fenêtre de sa chambre suite à un litige avec B. ce midi. Vu par l’interne de service qui l’a transféré sur Valognes pour rayon X.
« Il est indispensable d’avoir des fenêtres qui ferment avec des crémones à clé. La sécurité des patients en dépend.
« M. réveillé à 23h30. Est resté assis dans le couloir à fumer cigarette sur cigarette jusqu’à 3h. ensuite a rangé sa chambre tous les produits des douches et WC, a fait le ménage à grande eau de son chevet. S’est endormi de 3h45 à 5h. Depuis fume et tient des propos mystiques. Parle très fort. »

« Nuit du 7 au 8 mai
« À 0h45, Mlle L. vient me trouver car elle veut absolument qu’on lui achète des vêtements et tient à rencontrer Mme D. parce qu’elle ne veut plus de « drogues » n’en voyant pas l’utilité ! !
« M. réveillé un court instant à 2h15 pour allumer radio et lumière. Ne dort pas aime rester dans l’obscurité. »

Les archives de René L. sont encore autres ; le plus souvent, on les retrouve dans d’autres lieux, les collections d’art brut, celles des musées, celles des amateurs-médecins ou collectionneurs. À Picauville, elles n’étaient pas dans le dossier médical ; elles étaient au rebu, dans des cartons remisés dans les bâtiments désaffectés. Choisir d’évoquer ce dossier du patient L. pour interroger le statut des archives psychiatriques relève dont d’un questionnement souvent négligé : en quoi les archives psychiatriques participe-t-elle non pas seulement de l’histoire de la santé mentale, mais d’une histoire générale ? Autrement dit, en quoi les archives des patients peuvent-elles contribuer à une histoire politique et sociale ?

« Hôpital de Picauville Cèdres A Cèdres B[3]
Cotentin Normandie France.
Date de la commande 10 mai 1984

« Mr Francois Mitterrand.
Président.

« Nous souhaitons la baisse des prix de 50/100 et la hausse des salaires de 15 000 F pour tous les hôpiteaux.
Voici le petit problème
Si Monsieur l’Instituteur a 30 élèves a 500 F par mois.
Egal 15 000 F.
En comparant le prix de votre mensualité de 25 000 F.
Les Pensionnaires a 1000 F par mois
Nous avons des salaires de misère de 100 F ou 200 F par mois.
J’ai plusieurs maladies de longues durées. Entrautes la rougeole et la jaunisse.
48 maladies en tout. Ce n’est pas grave
Je veu une paires de lunettes de lectures
Il y a des travailleurs qui gagnent 3 000 ou 4000 F par mois.
Le meilleur ouvrier de France gagne 6 000 F par mois.
À la Cafétaria pour l’Hôpital la diminution des prix et la hausse des salaires
À la Cafétaria il nous manques les pastilles médicinales à 2 F Il y a que les pastilles Vichy 2 F Et des bonbons 2 F
La diminutions des prix des friandises a 2 F le paquet Les sirops multicolores a 5 F le litre. Avec un litre de sirop est égal a 12 litres. Les pastilles médicinales aussi a 2 F
À la Cafétaria il faudrait un Docteur pour acheter des médicaments avec la permissions la vautre.
« J’ai commandé beaucoup de choses pour la France.
Maisons familiales.
Jardins d’alimentations
Champs d’arbres fruitiers.
Nombreux vélos avec les remorques Entièrement équipés. Costumes des sports. Toiles de tentes et boites de conserves et alimentations.
Nombreux cars de voyages. Chaises longues pour les malades.
Je suis né en Algérie. Je suis allé dans les Hôpiteaux dans les grandes villes. Je tiens debout quand même. Je suis valide. J’ai écrit pour les Invalides et aux aux pays en guerres et au peuple de France. J’ai fait plusieurs plans des Sports et Loisirs

« René L.
On peut pratiquer les Jeux Olympiques. »

Au début des années 1980, René L. s’adresse ainsi au Président de la République française ; la lettre n’est pas envoyée – les soignants l’ont-ils interceptée ? – pourtant rien de moins légitime que ce courrier. Il est comme le président socialiste un acteur de l’histoire ; leur histoire s’est croisée.

C’est d’une guerre à une autre, que René L. est passé, en quittant l’hôpital de Blida-Joinville pour celui de Picauville. Un an après les accords d’Evian et l’indépendance de l’Algérie qui en résulte, deux convois de patients « métropolitains » sont rapatriés vers le Cotentin. Quand ils la quittent à l’été 1963, Blida n’est plus la douce cité aux roses ; elle a souffert de cette longue guerre qui n’a pas dit son nom. La lutte de libération et sa répression ont été très violentes – dans les Aurès bien sûr, mais aussi dans les villes avec les attentats de l’Organisation armée secrète (OAS). La Manche, elle, se relève lentement du débarquement et des nombreux bombardements alliés qui ont fait des bourgs normands de vastes champs de ruines. L’ensemble des infrastructures ont été détruites à commencer par l’hôpital psychiatrique en grande partie à terre ; le territoire presque vingt ans après la Libération est encore très marqué par la guerre ; il y a toutes ces maisons jamais reconstruites, il y a les cimetières militaires qui ne cessent de s’étendre, canadiens, américains, anglais, mais aussi allemands ; il y a les plages barrées par les digues de béton ; il y a enfin ces trous d’obus qui ont transformé le paysage, qui l’ont comme troué.

René L. est surtout habité par une autre guerre, celle qu’il vit depuis l’âge de ses vingt ans ; elle est médicale : la schizophrénie que les médecins ont diagnostiquée chez lui et qui a entraîné son hospitalisation à 23 ans. Celle-là ne prend pas fin ; celle-là parfois s’emballe et lui impose un internement d’office quasi ininterrompu pendant cette période algérienne. En France, ce confinement se poursuit plus de vingt ans encore ; au début des années 70, son hospitalisation est désormais « volontaire », il séjourne quelques mois dehors, dans une maison de repos puis à la toute fin de sa vie, dans les années 90, il vit enfin en appartement thérapeutique dans le bourg attenant de Pont-l’Abbé.

« Certificat d’entrée – Le 18 6 63
Délire chronique de structure imprécise à thème hypocondriaque. A maintenir. »

« Certificat de quinzaine – Le 26 6 63
Délire chronique de structure imprécise à thème hypocondriaque. Affaiblissement global. A maintenir. »

« Certificat de situation – Le 25 1 64
Délire chronique partiellement oublié. Affaiblissement psychique global. Calme et tranquille, inactif. Le transfert vers un hôpital psychiatrique de la Gironde est possible, la famille ne s’est aucunement manifestée. À maintenir. »

« Certificat de situation – Le 7 2 66
Délire chronique de structure imprécise. Affaiblissement psychique partiel. »

« Certificat de situation pour transformation de placement d’office en placement volontaire – Le 13 11 72
[…] Longue litanie de plaintes hypocondriaques énumérées de façon pointilliste, attribuant un qualificatif à chaque partie du corps […] Pas d’incidents depuis son arrivée ici. Le placement d’office peut être transformé en placement volontaire. »

René L. est de ces sédiments enfouis de mémoire ; sa famille en 1962 ne l’a pas réclamé, pas plus que les années qui ont suivis son rapatriement ; il est comme la plupart des patients « européens » transférés alors, littéralement abandonnés. Si certaines familles cherchent la trace de leurs fils ou filles, soeurs ou frères, parents ou grands-parents tentent de les faire transférer à proximité de leur nouveau lieu de vie, quelques-uns d’entre eux se contentent d’une lettre annuelle ; quant à la majorité, elle fait silence. L’arrivée en France est compliquée, il faut tout recommencer ; pour les « musulmans » harkis[4], difficile de s’encombrer d’un malade qui stigmatiserait plus encore la famille.

« Monsieur M. Antal
17 rue Guillaume
26 Romans
à Monsieur le Directeur de l’Hôpital psychiatrique du Bon Sauveur à 50 Picauville
Romans ce 25 novembre 1971
Monsieur le Directeur,
Rapatrié d’Algérie depuis octobre 1963, j’étais sans nouvelles de ma femme et par le moyen du Ministre de la Santé et de Monsieur le Directeur de l’Hôpital psychiatrique de Blida-Joinville, en algérie, j’ai appris que ma femme a été rapatriée le 13 décembre 1963 de Blida sur l’Hôptal de Rennes 35.
Enfin Rennes vient de me signaler qu’elle a été admise chez vous – à Picauville 50 –
Je m’appelle M. Antal, né le 13 février 1898 à Cégled (Hongrie) naturalisé français, fils de feu Mathias M et de feue Etel M.
Ma femme s’appelle de son nom de jeune fille T. Chiara Sublime – Elle est née le 23 mars 1890 à Todi (Italie), Province de Pérugia. »
[…]
« Je suis naturalisé français, ayant servi pendant cinq ans dans la Légion Etrangère – Je me suis marié le 15 juin 1929 à Oran (Algérie). Nous avons eu deux filles […]
En 1929, je m’étais installé comme ébéniste à T. Ma femme a été fatiguée en 1938 et j’ai du la faire hospitalisée comme incurable mentale à l’Hôpital de Joinville Blida – Vous connaissez la suite –
Depuis octobre 1963 je suis rapatrié à 26 Romans où je vis comme retraité. Vu mon âge 73 ans et 9 mois, j’aimerais bien aller voir si encore elle est même de me reconnaître ainsi que sa fille Colette.
Ayez la bonté de m’envoyer des nouvelles de ma femme. Je vous en suis infiniment reconnaissant.
Veuillez agréer, Monsieur le Directeur mes respectueuses salutations
M.A. »

Ils furent nombreux ces bateaux qui quittèrent le port d’Alger pour rejoindre Marseille avec à leurs bords des centaines de malades hospitalisés dans les hôpitaux de la jeune Algérie indépendante. Le nouveau régime ne veut pas s’embarrasser de tous ces oubliés de la colonisation. Les cas les plus lourds sont rapatriés en avion, mais pour la plupart une longue traversée, souvent la première et la dernière, les conduits d’un continent à l’autre. Ensuite, gare St-Charles des trains les attendent pour aller certains dans le nord, d’autres en Bretagne ou à Bordeaux… Ces convois sanitaires sont d’abord composés des soldats français blessés lors des combats ; ils comptent ensuite des patients civils pieds-noirs et fonctionnaires soignés dans les différents services hospitaliers de toute l’Algérie : malades du coeur, patients atteints de cancer, de diabète, etc. ; viennent ensuite les harkis ; enfin, dernier des derniers, les personnes internées d’office dans les asiles psychiatriques comme à Blida-Joinville.

À Picauville, ce sont deux convois qui arrivent ; le premier d’hommes, une centaine, en août ; le second, féminin, moins important en décembre 1963. Dans les fiches médicales conservées qui accompagnent le convoi de femmes en décembre, il est précisé certaines conditions de ce transfert. Le docteur de Blida indique souvent que la malade a été abandonnée par sa famille, parfois qu’« un échange avec un malade algérien musulman [est] possible » que « le voyage doit s’effectuer sous surveillance médicale et de préférence en avion pressurisé », ou encore qu’une « convoyeuse personnelle est indispensable ». La plupart des patients de Blida, soit environ deux cents personnes quittent l’Algérie par la mer. Le rapatriement de chaque malade fait l’objet d’un arrêté du Préfet d’Alger signé de son Secrétaire général. Il y est précisé les conditions juridiques et administratives de ces transferts : Le Décret no 62-306 du 19 mars 1962 portant organisation des pouvoirs en Algérie, l’Instruction en date du 13 juillet 1962 du Président de l’exécutif provisoire algérien décidant de l’application du territoire algérien de la législation antérieure du 1er juillet 1962, l’article 23 de loi du 30 juin 1838 sur les aliénés et le certificat du médecin-chef de l’Hôpital de Blida attestant que le patient peut être transféré.

Ces femmes et ces hommes semblent les derniers des derniers comme si jusqu’au dernier moment la France coloniale n’avait pas voulu voir sa psychiatrie. C’est de cet hôpital de Blida qu’en 1955, Frantz Fanon démissionne, estimant que la psychiatrie participe du système d’aliénation dont est l’objet le colonisé.

L’hôpital qu’il quitte est récent ; il est le premier hôpital psychiatrique inauguré en Algérie face au refus croissant des hôpitaux en France d’accueillir les malades algériens. On est en 1938 ; un siècle exactement après l’adoption de la loi imposant pour chaque département un établissement de prise en charge psychiatrique. Prévu pour 1 200 lits, il a été construit à l’écart de la ville et comprend une station d’épuration, une étable, une mosquée et une chapelle, un stade de football et de nombreux pavillons ainsi de nombreux locaux techniques (cuisine, boulangerie, laverie, garage…) ; en 1962, sa capacité atteint 2 221 lits et emploie plus de 1 500 personnes ; les malades sont logés en dortoir collectif.

Bien que moderne, il est habité par une théorie, le primitivisme, des plus archaïques. Produite par le Pr Parrot, elle introduit dans la prise en charge des malades mentaux le code de l’indigénat ; autrement dit, c’est une psychiatrie coupée en deux qui est exercée en Algérie avant 1962, d’un côté, les Européens, de l’autre, les musulmans et à chacun des soins et des traitements différents[5].

René L., une fois quitté le pays natal, comme bien d’autres reste donc là, au milieu des marais normands, entre Carentan et Valogne. Seul, dans un dortoir majoritairement occupé par des patients originaires du bocage alentour, il vit pendant trente ans et se reconstruit symboliquement un abri sur les ruines de ces deux mondes disparus si différents, le colonial et l’asilaire. Un monde sur des grandes feuilles de papier à dessin, fait de traits et de courbes…

Comment lire ces lettres et ces dessins retrouvés dans les bâtiments désaffectés de la Fondation du Bon Sauveur ? Quel sens donner à ces multiples plans de villes ? On pourrait gloser sur ces constructions entre les bâtiments de Picauville, ceux asilaires construits en 1900 et les petites unités des années 1970, et les barres d’immeubles bâties avant l’indépendance par l’État colonial. On pourrait bien sûr y voir leurs reflets dans l’oeil du schizo… Les psychiatres n’ont pas cessé de commenter ces plans y décelant les signes du délire, mentionnant dans l’état de santé du patient cette pratique. Ils ont aussi veillé à ce que René n’envoie pas ses lettres au président de la République ni au ministre des Affaires étrangères. Il ne faudrait pas déceler dans ce geste de rétention une quelconque inquiétude des médecins quant à la dangerosité de ces figures. Non, René L. est pour son médecin traitant inoffensif et ses dessins aussi. Il n’a pas même pris soin de les archiver ; ils sont semblables aux longues cascades de mots prononcés, répétitives et infinies.

Et si précisément l’intérêt des dessins de René L. était là ; ils n’ont ni l’intensité du plancher de Jeannot, ni la superbe de ceux de Lepage et de ses châteaux fantastiques, ni la complexité des planches de Wolfi, ni même l’éclatante couleur des huiles de Séraphine ; ils sont gris, tracés sur des feuilles de format dit semi-raisin à la mine de plomb, d’un format quasi semblable ; ils n’ont rien de spectaculaire, et c’est cette extrême « ordinarité » qui nous touche peut-être aujourd’hui, plus de 25 ans après leur réalisation. René L. aurait saisi du fond de sa chambre, au jour le jour, un lent et invisible mouvement d’« uniformisation du monde ». Visionnaire du banal, peintre de l’architecture ordinaire ; lui que l’histoire a transpercé, mais qui est un point fixe, un témoin arrêté, a dessiné ce que peu peuvent percevoir. Il n’y a pas d’événement dans l’oeuvre de René L., son attention est ailleurs ; celle-ci est dans ce qui survient silencieusement, sans fracas ni fanfare. Elle dessine un monde fait d’institutions et de logements, il dessine vu du ciel les plans de nos cités, leur transformation progressive en d’immenses mégalopoles, ce tissu urbain qui s’étire sans fin, immense labyrinthe dont on ne sort pas. Ce ne sont pas des visions qui sont sous nos yeux, mais des relevés précis, détaillés des territoires que nous parcourons.

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