Abstracts
Résumé
Ni déploration, ni prédication, le livre de Michel Deguy est avant tout une méditation sur l’entrelacs de finitude et d’infini qui fait notre condition, ou, si l’on préfère, qui compose notre structure existentiale. Le fil de trame serait ici le propos fameux de Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme », relu, en mode heideggérien, comme ce qui figure la torsion même du Dasein, ou tressage existential de l’infini et du fini. Deguy nous mène à envisager l’infinition au cœur du fini, la distention ou disjonction interne d’une finitude comme transie d’infini. Analyse avec fin, analyse sans fin…
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« L’opération est poétique. »
Michel Deguy
Les titres de Michel Deguy sont toujours remarquablement éclairants, eux qui font voir, d’un coup de Witz qui est un coup de pensée. Pour reprendre une image chère à l’auteur, ils sont comme autant de voyants, l’augure rimbaldien se voyant relayé, en nos temps de détresse, par le fanal d’alerte qui pointe et « donne l’exemple »[1]. La Fin dans le monde : au-delà de ce qui est bien plus qu’un jeu de mots homonymisant les désastres conjoints de la fin et de la faim[2], ce titre indique que la fin, aujourd’hui, n’est plus un principe eschatologique. Ni prémisse d’on ne sait quel Jugement censément ultime, ni foudre vengeresse amassée sur nos têtes coupables, elle est terminaison inscrite au cœur des choses, précipitée, et de ce fait programmée, et comme engrammée, par ce que Deguy nomme la « déterrestration » en cours – voir cette formule frappante, qui allie dans sa frappe la question du terme et celle des fins globalisées de l’homme : « La fin du monde erre dans le monde comme sa "mondialisation". »[3] C’est en effet l’une des thèses centrales de ce livre nouant poétique pensive et préoccupation de notre plus extrême contemporain, que de montrer comment la fin œuvre à même ce monde, lequel s’opère vivant, dirait-on, de sa propre mondéité, ce qu’illustre, pour le penseur, la destruction de la civilisation Inuit[4], sans parler de celle de notre globe sinistré, arasé, émondé[5]. On pourrait suivre, dans La Fin dans le monde, la ligne du sans retour, tramant de chapitre en chapitre un mouvement qui, de l’infini au fini et inversement, ouvre, non sur la déploration du perdu, mais sur ce que Sans retour, le livre, nommait déjà « perte active »[6].
Ni déploration, donc, ni prédication, La fin dans le monde est avant tout une méditation sur l’entrelacs de finitude et d’infini qui fait notre condition, ou, si l’on préfère, qui compose notre structure existentiale. Le fil de trame serait ici le propos fameux de Pascal : « L’homme passe infiniment l’homme », relu, en mode heideggérien, comme ce qui figure la torsion même du Dasein, ou tressage existential de l’infini et du fini[7]. Deguy nous mène à envisager l’infinition au cœur du fini, la distention ou disjonction interne d’une finitude comme transie d’infini. Analyse avec fin, analyse sans fin…
La fin s’involue dans son terme, s’infinit dans sa limite, se retourne et se déchire en soi. Cela n’en finit pas de (ne pas en) finir ; ce qu’inscrivait déjà le thrène déchirant et déchiré, dédié À ce qui n’en finit pas [8] , et qui se redit ici, sur une autre tonalité, dans le compte rendu du dernier livre d’Yves Charnet :
« La néoténie n’affecte pas que les premiers mois, ou les premières années. Nous sommes en inachèvement tout au long de la vie. Nous sommes inachevables. Le peu-à-peu même, la croissance, en savoir et en sagesse, en compréhension, par neuves et menues révélations, nous signifie que nous n’y arriverons jamais – au bout, au but. Il n’y a donc pas de fin. »[9]
Aussi faut-il redire la salubre urgence du propos de Deguy, à l’ère d’un catastrophisme guère éclairé et grand pourvoyeur de fictions américaines sur la fin du monde proche[10], ou, sur l’autre versant, de promesses d’éternité alliant l’incurie spéculative au cynique calcul des fins politiques… se souvient-on de certain « lipdub » de l’UMP ? « Il n’y aura pas de fin du monde. La vie est une éternité » : tel y était le refrain entonné par la ministre Christine Lagarde. De ce refrain, et de tout ce qu’il emporte dans le sillage de son symptôme (l’immanence intégrale et hilare, à portée de bulletin de vote), La fin dans le monde constitue la pensive antithèse… Ni incantation des fins dernières, ni promesse éternitaire. Mais rien moins que l’endurance de l’infini, à même l’ « immanence voilée » dans laquelle il s’offre[11]. C’est, écrit Deguy, que « la fin nous demande de donner parole à l’infini, la fin de la fin comme infini. […] Le propre du fini est de se jeter à l’infini, comme le fleuve à l’embouchure. » Ce qui engage toute une poétique dont l’analyse de la diérèse infinitisante chez Baudelaire fournit un remarquable exemple.[12]
Ce qui est en jeu ? Rien moins que « le poème du monde sauvegardé par tous les moyens »[13]. Ces moyens sont ceux de ce que Deguy nomme « philopoésie ». Ce pourquoi La fin dans le monde s’affronte implicitement à la triple question kantienne : que puis-je savoir ? que dois-je faire ? que m’est-il permis d’espérer ? Et que la « mutation en cours » compose un paradigme inédit, à interpréter, dans la suite de Réouverture après travaux[14], comme mise en œuvre de ce que Heidegger donnait à penser comme Gestell, ou processus de la technique immanente à sa propre réalisation globalisée[15], voilà qui fait, de La fin dans le monde, une auscultation vive de notre présent.
Que puis-je connaître ? Rien d’autre que ce que m’offre l’intelligence du processus global, toujours à méditer, analyser, comprendre. Que dois-je faire ? Que m’est-il permis d’espérer ? Ici, les deux questions kantiennes sont comme nouées l’une à l’autre, en un programme de résistance critique, proprement po-éthique[16]. Car il ne s’agit plus d’espérer, redit le poète et penseur, mais bien, déposant l’espérance, de mettre en œuvre la conscience salubre du perdu, ranimant la perte active aux lieux mêmes où cela fut. Non point « faire son deuil » (antienne à laquelle Deguy règle sobrement son compte) mais réinscrire le perdu : « Être en deuil pour ne pas en finir ; ni avec lui, ni avec ce qu’il donne à voir dans sa tonalité. »[17] (Mentionnons-le au passage : La fin dans le monde est aussi, même si point uniquement, livre de deuil, réinscrivant les noms de la perte vive, ineffaçable, et livre œuvrant à métaboliser le deuil, à l’infinir activement – énergie du désespoir…).
Que dois-je faire ? Que puis-je espérer ? Les deux questions se nouent dans le programme même de la déposition des reliques, de ce que Deguy, de livre en livre, nomme palinodie, ou encore simonie. Le programme d’ « immanence voilée » de La Fin dans le monde prend une résonance particulière : ce qu’il s’agit de déposer, c’est l’espérance d’une fin du monde hors du monde. Avérer le sans-retour, l’irréversible, le désenchantement du monde, le transfert des reliques, la translatio studiorum (derniers mots du livre) n’exclut pas, bien au contraire, de se monter au ton de l’infini – celui de l’admirable poème éponyme des Canti de Leopardi, évoqué à plusieurs reprises, et qui donne au livre, avec la mention de Dante, de la Derelitta de Botticelli, et de tel Christ aux Oliviers de Mantegna, comme une note italienne.
Nouant le connaître, l’agir et l’espérer (la déposition espérante de l’espérance…), La fin dans le monde envisage la situation présente : ce que Deguy nomme la mutation en cours, laquelle est affaire de pensée – donc, de poésie. Ce nouage lucide est tramé dans la matière même du livre, dont il faudrait commenter longuement la composition très concertée. Les temps qui viennent, motif qui se réfléchit et se développe selon un jeu de variations quasi musical, sont ceux d’un logos déserté. Fin de la logicité, épuisement, dans l’imagerie publicitaire, de la triade du dire-penser-voir. « […] ce qui se prépare […] c’est la sortie du logos, du "logikon" (verbe ; parole ; pensée, etc.] devenu un “medium“ parmi d’autres (ou “support“ facultatif). »[18] Ou encore : « […] la publicité ravage tout. Le logos, lui, demandait le travail pensif d’imaginer : l’"image" à l’écran fascine et stérilise l’imagination (comme le craignit Baudelaire). »[19] Ainsi se déclinerait notre moderne dispositif, ou Gestell, « mutation qui emporte l’intelligence humaine hors du logos », et en laquelle se scelle, sur un mode irréversible, ce que Réouverture après travaux, après La Raison poétique, analysait comme le culturel en cours – une certaine fin, à n’en pas douter, de tout ce qui a pu se trouver désigné sous le nom de Bildung.
C’est qu’il est, pour Deguy, un « indéconstructible », celui du penser-parler en langues, où se scelle notre logicité de mortels-vivant-parlants. Forte proposition, développée de livre en livre, et que l’on aimerait aussi pouvoir discuter, en lui opposant telle pensée de la figuralité, celle de Lyotard, par exemple, installant naguère, dans Discours Figure, l’extériorité irréductible du sensible face à la logicité du discours… Mais précisément – et là encore, il y aurait matière à discussion : pour Deguy, le sensible n’est pas affaire de sens inscrit, déposé « dans » le texte, il le redit à propos de ce mythe qu’est pour lui l’écriture de la sensation : « "Noter la sensation", disent inlassablement volontiers les écrivains. Et Proust inlassablement, depuis Jean Santeuil, parle en termes de sensation. Mais la sensation est ce qui se perd dans le logos. Lisez, il n’y a rien à voir ni à sentir. Il y a à imaginer et à penser. »[20]
C’est aussi cette foi[21] indéfectible dans le logos qui fait, de La fin dans le monde, l’inverse d’un bréviaire de désespoir. Le programme y est de résistance lucide, et la « philopoésie », ou amour de la pensée en poème, est l’un des noms de cette résistance : « "mon" mode de résistance s’appelle poésie ; résistance à la mutation qui entraine celle-ci hors du logos, de la parole, hors “logicité“, au profit de “l’image“ et du “corps“. »[22] On notera comment Deguy substitue ici le rapport à une transcendance à réinventer à ce qu’il nomme volontiers le « coup de dé » (dé-croire, dé-construire, dé-poser). On pourrait même avancer que le trans (ses modalités, sa pratique, son avenir) constitue la grande affaire de La fin dans le monde. C’est la question, par excellence, de notre temps :
« Comment concevoir, après l’expérience, la transcendance (le trans, le über), aujourd’hui, c’est la question qui rassemble toutes les questions qui sont en question ici et qui font question pour nous autres contemporains, nous autres poètes, nous autres humains. »[23]
Question qui se déploie, déroule sa torsade, sur plusieurs chapitres, plusieurs portées distinctes du livre ; question redoutable, dans la mesure où elle prescrit d’inventer la possibilité, encore inédite, d’une transcendance sans métaphysique. Dans la logique athée de Deguy (« ne pas dé-décroire », lisait-on dans Un homme de peu de foi[24]) liée à la conscience de l’irréversibilité de la fin d’une métaphysique déconstruite par Heidegger, il s’agit de fourbir la pointe d’un paradoxe sans lequel penser n’est rien, ou bien peu de choses :
« Comment donc maintenir une transcendance non métaphysique ni religieuse, c’est la responsabilité qui nous incombe. »[25]
« Il s’agit en effet d’inventer une transcendance moderne, qui ne devrait plus rien à la relation au Transcendant, majuscule, ens realissimum. »[26]
L’affaire du trans se joue en trois points majeurs. Elle mobilise, si l’on peut dire, une topique, une dynamique et une économique. C’est, tout d’abord, l’inventaire des lieux où la transcendance serait à réinventer, comme naguère l’amour du poète des Saisons en enfer. Que l’ère soit, de part en part, celle du culturel, attise la difficulté de la question. « La trans-action mondialisante est la traduction », constate Deguy, pour formuler quelques lignes plus loin, les données du problème : la poésie se trouve emportée dans le phénomène culturel ; mais peut-elle résister,
« jouer comme une force d’emportement ailleurs dans la translatio en cours, si celle-ci était transculturelle comme une modalité du trans, de la transcendance donc (dans un sens ni religieux ni métaphysique) si l’âge culturel ne devait être qu’une transition et qu’il dépendît de la pensée humaine vernaculaire de conduire cette transformation… ? Il ne semble pas »[27].
Et pourtant… « l’opération est poétique », et il incombe à la philopoésie de « donner parole à l’infini »[28]. La possibilité d’une résistance par la poésie (« La poésie peut-elle être transformatrice, aider à l’invention de transcendance moderne, […] c’est-à-dire coopérer à la naissance des nouveaux trans ? »[29]) se trouve alors relancée, aiguisée, dynamisée, par l’évocation d’un mouvement spécifique : celui d’une transcendance pour notre temps, telle que le poète en trouve l’exemple, à deux reprises, dans les travaux de la commission « Vérité et réconciliation » présidée par Desmond Tutu. Dans l’énoncé programmatique de cette commission, se donne à voir une transcendance qui ne tombe pas du ciel, qui est « le nom du mouvement humain vers le sublime »[30]. La fin dans le monde s’attache à désigner, et comme à chorégraphier, ce mouvement :
« Il s’agit de conserver et transformer un principe et un mouvement d’élévation (Baudelaire) dans la théorie et l’action, de "dépassement" non dialectique. »[31]
C’est ici que le propos de Deguy débouche sur ce que l’on pourrait nommer une poétique des facultés, qui rouvre le dossier du schématisme[32], en appelle à cette « imagination transcendantale » kantienne, dont on se souvient qu’elle est tout ensemble synthèse pure et mise en image originaire. C’est qu’il y va du « travail pensif d’imaginer »[33], admirable expression qui dit bien quels sont les ravages du culturel, ou dispositif global. La fin dans le monde, cet éloge de l’éloge, peut se lire comme un éloge de l’imagination, la kantienne, celle qui « invente l’image, le milieu imaginaire, où l’infans devient être-parlant, esprit»[34] , celle qui « généralise par transport »[35] – c’est-à-dire par voie de métaphore, de comme. On perçoit alors, dans le livre, toute la pertinence de l’axe Kant-Baudelaire, moins exploré que la ligne Kant-Heidegger. La transcendance, en son mouvement sublime et brisé, en ses « rechutes », implique de relire Baudelaire « avec » Kant. Le programme pourrait s’établir à rebours : du Salon de 1859 consacré à l’imagination « reine des facultés », au fameux paragraphe 49 de la Troisième Critique, montrant comment l’imagination met au service de la raison sa puissance de figuration sensible, selon les voies d’une énergie figurante, d’une puissance donatrice de forme, mais au-delà du concept, et par conséquent sous un mode indéterminé[36]. Si la transcendance est à réinventer, ce n’est pas en vertu d’on ne sait quel irénisme visant à dénier, conjurer, effacer, le travail de la fin « dans » le monde. C’est bien parce qu’il y va d’une force imaginante, pour reprendre une expression de Bachelard (« les forces imaginantes de notre esprit ») elle-même récemment reprise par la juriste Mireille Delmas-Marty… Ou, pour le dire avec le Hugo du William Shakespeare : « Le poète philosophe parce qu’il imagine. »
C’est ici, précisément, qu’intervient la dimension économique évoquée plus haut, et à entendre au sens d’une répartition des valeurs et des forces. On trouve, au chapitre, une réflexion aiguë sur le destin du transcendantal, en nos temps délibérément anti-kantiens – voire, la chose serait à montrer longuement, néo-hobbesiens. La destruction de la métaphysique, ou idéoclastie, est pour Deguy le signe du nouveau paradigme. Aussi importe-il, plus que jamais, de « ne pas renoncer à la justice (majuscule devenue inutile) sous prétexte que l’injustice règne et ne peut pas ne pas régner. Rendre la justice, qui n’existe pas dans les faits, est au programme de la raison pratique. »[37] C’est un peu comme si ce monde s’était opéré vivant du transcendantal. La figurabilité, pourtant, était à ce prix, elle dont la donne représentative est structurellement corrélée à celle de l’ici en deux, dont le doublet empirico-transcendantal est comme le chiffre :
« Le doublet empirique (l’expression langagière) du "transcendantal" est le "langage imageant" (qu’il est d’usage de dire "image"), qui rend ainsi manifeste sa condition de possibilité. […] Aucun "phénomène" ne serait visible s’il n’était imbu de comparabilité […] »[38].
Formulons, pour finir, cette hypothèse : et si la mutation en cours, celle que décrit La fin dans le monde, se trouvait inscrite au déni de ce doublet empirico-transcendantal dont Foucault esquissait naguère le tracé, dans Les Mots et les choses, lorsqu’il déployait son « analytique de la finitude », caractérisant le « sommeil anthropologique » par « la confusion de l’empirique et du transcendantal dont Kant avait pourtant montré le partage »[39] ? En 1966, Foucault pensait que l’Anthropologie, et le sommeil dogmatique qui selon lui la commandait, était en train de se défaire sous nos yeux. On se souvient du pari sur lequel se terminent les Mots et les choses : « alors, on peut bien parier que l’homme s’effacerait, comme à la limite de la mer un visage de sable. » La fin dans le monde ne vise, toutefois, ni à effacer l’effacement (ce qui est le programme de certains discours pseudo-humanistes d’aujourd’hui), ni à achever l’homme (ou programme de certains nihilismes à vocation renaturalisante). Si le doublet empirico-transcendantal, figure, pour Foucault, ce qui est voué à s’épuiser en apologie des positivités ou en incantations idéalistes, la voie suivie par Deguy est tout autre. Elle vise, ranimant le fameux doublet, le relançant au-delà de lui-même, à réactiver « le travail pensif d’imaginer ». Il y va de ce que Deguy nomme, en résonance avec Hannah Arendt, la vie de l’esprit.
Appendices
Notes
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[1]
Cf. Michel Deguy, La fin dans le monde, Hermann, coll. « Le Bel Aujourd’hui », Paris, 2009 [désormais abrégé en : FM], p. 34 : « Oui, cette pensée est une affaire de voyants – mais il ne s’agit pas de l’extra-lucidité shamanistique de quelques Poètes majuscules, bien plutôt des signaux lumineux que nous envoient les phénomènes. » Ou encore p. 213 : « L’exemple éclaire et sa provenance (le "schématisme") et la situation "exemplaire". C’est un voyant. »
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[2]
Et peut-être pointant une certaine faim d’en finir qui ne serait pas étrangère au temps présent.
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[3]
FM, 73.
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[4]
Id., 26 : « La mort des Inuits montre ce qui se passe partout, sous une forme ou sous une autre. Nul n’est épargné. »
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[5]
Cf. le chap. « Écologie et poésie », in FM, 39-46. Les tout récents sinistres climatiques, en France et dans le monde, ajoutent, au propos un triste codicille…
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[6]
Quelques citations concernant, dans La Fin dans le monde, le « sans retour » comme l’un des fils de trame du livre : « "L’autre cap" (Jacques Derrida) est celui du sans retour » (34) ; « il s’agit de dépouiller le vieil homme, non pour un retour à, mais "sans retour", dans un mouvement d’invention. » (49) ; « Le sans retour nous éloigne toujours plus de ce dont nous dépendons continûment comme de l’origine et des commencements ? Il nous fait sortir… du religieux et d’autres grandes choses. Ce qui est laissé en arrière (et que le culturel spectralise) demande à être transformé pour être transporté […]. » (224).
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[7]
Ibid., 176 : « Il faut arriver à entendre non chrétiennement la pensée de Pascal : d’une transcendance au dedans ; c’est l’humanité qui traverse l’homme d’une différence infinie. »
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[8]
Cf. le commentaire de Michel Deguy, évoquant, dans un entretien accordé à Jean-Michel Maulpoix, « le titre "À ce qui n’en finit pas", qui est à double entente, contradictoire : le "finir" et le "n’en pas finir", le désir de la fin et le désir que ça n’en finisse pas. Dans ces polarités, je ne peux pas prendre le parti de l’une, puisque l’unité en question est d’entrée de jeu divisée. Quand les couples sont vraiment trouvés, il n’y a pas pour moi de préférence de l’un contre l’autre. Il ne s’agit pas de jouer l’un contre l’autre, mais de jouer l’unité qui se partage dans ces deux pôles. » (Entretien du 2 juillet 2002 sur l’hybridité, paru dans le n° 66 du Nouveau Recueil).
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[9]
FM, 229.
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[10]
Un exemple parmi tant d’autres : le récent film 2012, dramatisant, hystérisant le motif de l’Apocalypse imminente, à grands renforts de prédictions mayas et de bande annonce proclamant que « le jour où nous cesserons d’aider notre prochain… ce jour nous aurons perdu notre humanité » (sic).
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[11]
L’expression doit être resituée dans son contexte, qui est celui d’une méditation sur l’autre versant de la vie, à même la vie : « L’autre côté, c’est l’autre côté de la vie dans la vie […] comme n’étant pas de ce monde pour être à ce monde. » (FM, 32). Ce qui implique aussi, pour Deguy, l’enjeu écologique, au sens vrai du terme, qui est celui du monde, du Welt, contre le souci environnemental de l’Umwelt. Il y va d’une « dimension d’immanence voilée, à portée de la pensée. »
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[12]
Voir les analyses de FM, 13-14 n, sur la diérèse généralisée comme marque formelle de l’infinité, à partir de la « lecture agrandie » que requiert le poème de Baudelaire : « Reprenant les termes d’Augustin, c’est comme si par là l’âme entrait au-dedans de sa propre distensio […] La diérèse serait la figure de l’infini dans la diction. » Analyses qui sont à rattacher, comme c’est explicitement suggéré par Deguy lui-même, à celles que l’on trouve dans L’Impair (Farrago, 2000), et notamment au chapitre « L’infini et sa diction, Baudelaire », p. 123-133.
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[13]
Ibid., 229.
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[14]
Michel Deguy, Réouverture après travaux, Paris, Galilée, 2007.
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[15]
Cf. M. Heidegger, « Le dispositif », trad. de l’allemand par S. Jollivet, in Po&sie, n° 115, p. 9-24, et notamment p. 23 : « Tout ce qui est présent, la nature y compris, déploie ainsi sa présence en cette mise en réserve du fonds que commande le dis-positif. Le dis-positif est, en cette disposition même, "universel". Il concerne tout ce qui est présent ; tout, non seulement en sa totalité et une chose après l’autre, mais dans la mesure où tout ce qui est présent est requis comme tel en sa substance à partir et en vue de l’imposition. »
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[16]
Ibid, 46 : « "mon" mode de résistance s’appelle poésie ; résistance à la mutation qui entraine celle-ci hors du logos, de la parole, hors "logicité", au profit de “l’image“ et du "corps" », et aussi p. 106, où il s’agit de « résister à la sortie hors du logos (pensée-parole) partout engagée, et bientôt triomphante. Le logos n’était pas un medium parmi d’autres, un support. »
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[17]
Ibid., 92.
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[18]
Ibid., 102.
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[19]
Ibid., 228.
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[20]
Id., 154-155.
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[21]
Une foi qui serait à différencier de la croyance, sur le mode proposé par Jean-Luc Nancy, dans La Déclosion, ce livre dont le programme est par moments si proche de celui de Deguy. Il faudrait comparer le terme de déclosion, forgé par Nancy sur un mode heideggérien, et l’injonction de La fin dans le monde, qui est de ré-ouvrir.
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[22]
Ibid., 46.
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[23]
Ibid., 79.
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[24]
Michel Deguy, Un homme de peu de foi, Paris, Bayard, 2002.
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[25]
Ibid., 107.
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[26]
Ibid. ,114.
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[27]
Ibid., 100.
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[28]
Ibid., 11 : « […] la fin nous demande de donner parole à l’infini, la fin de la fin comme infini. »
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[29]
Ibid.,101.
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[30]
Ibid., 102.
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[31]
Ibid., 114.
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[32]
Cf. notamment les p. 209-215, au chapitre « Philopoésie ».
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[33]
Ibid., 228 : « […] la publicité ravage tout. Le logos, lui, demandait le travail pensif d’imaginer : l’"image" à l’écran fascine et stérilise l’imagination (comme le craignit Baudelaire). »
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[34]
Ibid., 70.
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[35]
Ibid., 86. Resituons dans le contexte : « l’imagination "montre l’exemple"… qui fait voir. Et le transporte à d’autres contextes (circonstances) : l’imagination généralise par transport. »
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[36]
Ce qui impliquerait de relire Blumenberg « avec » Deguy, dans la mesure où les Paradigmes pour une métaphorologie offrent un commentaire important de ce même paragraphe 49. Le rapport à Blumenberg est évoqué aux p. 214-215 de La fin dans le monde.
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[37]
Ibid., 206. On notera la résonance de ce passage avec Force de loi, de Derrida, où se voit réaffirmée l’inconditionnalité de la justice par rapport au droit.
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[38]
Ibid., 211-212.
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[39]
Michel Foucault, Les Mots et les choses, une archéologie des sciences humaines, Gallimard, Paris, 1966, p. 352.