Abstracts
Résumé
Ce texte se penche sur Psaume pour abri, une cantate « radiophonique » du compositeur québécois Pierre Mercure. Cette oeuvre, qui fut commandée à Mercure par Radio-Canada à l’intention du Grand prix de la communauté radiophonique des programmes de langue française à l’automne 1962, est contemporaine de la Guerre froide, et plus précisément des épisodes du débarquement de la Baie des cochons et de la crise des missiles, à Cuba. La cantate de Mercure nous renvoie aujourd’hui l’image de l’anxiété que peuvent avoir ressentie ceux qui vécurent dans l’ombre constante d’un possible désastre nucléaire. Selon l’auteur, Psaume pour abri constitue une dénonciation des multiples formes de la violence émanant des sphères politiques, et — si l’on accepte de se prêter au jeu des associations — s’insère assez bien dans les mouvances de l’idéologie socialiste. Dans cet article, les écrits de divers penseurs et musiciens du xxe siècle se recoupent et nous informent sur la façon dont les arts en peuvent arriver à faire figure d’engagement. C’est par le truchement de l’imagination caractéristique au milieu des arts, ainsi que par le développement des modes alternatifs de la pensée que ses avancées techniques rendent possible, que plusieurs y ont vu un potentiel de transfiguration des sociétés modernes. C’est sous cette forme de symptôme d’une époque et de ses idées que l’auteur souhaite ici considérer Psaume pour abri.
Abstract
This article explores Psaume pour abri [Psalm for shelter], a “radio” cantata by Quebec composer Pierre Mercure. He was commissioned to compose this piece to represent the cbc at the Grand prix de la communauté radiophonique des programmes de langue française in the fall of 1962. It coincides with two major events of the Cold War: the Bay of Pigs Invasion and the Cuban Missile Crisis. Psaume pour abri reflects the anxiety of those who constantly lived under the threat of a nuclear catastrophe and denounces multiple forms of political violence, while also aligning itself with socialist ideology. In this essay, the writings of many prominent thinkers and musicians from the 20th century are brought together to demonstrate the ways in which the arts can enact commitment. It is by means of imagination, which is a strong characteristic of artists, as well as through the development of alternative modes of thinking made possible by technological advances, that many of these intellectuals have envisioned a potential transfiguration for modern societies. In short, I approach Psaume pour abri as a “symptom” of a specific era and its ideas.
Article body
La notion d’engagement par les arts est ancienne et soulève de nombreuses questions. Dans le cas de la littérature, la possibilité pour l’artiste de prendre position, de s’engager en s’outillant de sa plume est intrinsèque, puisqu’il est dans la nature du verbe de révéler ; on le dit signifiant, en ce qu’il a le potentiel de nommer ce à quoi il réfère. Or, cette même faculté de signifier ne participe pas aussi aisément de la logique des autres domaines des arts. Pour ceux qui y oeuvrent, l’une des questions qui s’imposent pourrait se formuler ainsi : comment l’artiste peut-il s’engager à travers son art, si ce dernier se révèle inapte à rendre explicite ce pourquoi et ce vis-à-vis de quoi il se positionne ? Loin de nier l’intérêt du discours — verbal — qu’une oeuvre a la possibilité de s’adjoindre, je souhaite me pencher ici sur ce qui peut constituer le sens de cette oeuvre et sur la façon dont ce sens peut à son tour témoigner d’un engagement. Également, comment ces notions — sens, signification, engagement — nous renseignent-elles sur les motivations et sur l’environnement qui virent éclore l’idée latente, par exemple, d’une oeuvre musicale ? Il n’est pas nécessaire que ces deux notions, la signification et le sens, s’opposent ; je les crois même plus complémentaires qu’exclusives. Outre le contexte historique contemporain de l’oeuvre, il est possible, dans un deuxième temps, de considérer les formes idéologiques qui peuvent en avoir empreint la facture.
Je me pencherai ici sur le cas particulier de Psaume pour abri, une cantate « radiophonique » du Québécois Pierre Mercure, qui lui fut commandée par Radio-Canada à l’automne 1962, à l’intention du Grand prix de la communauté radiophonique des programmes de langue française[2], et composée sur des poèmes de Fernand Ouellette. Contemporaine de la Guerre froide, et plus précisément des épisodes du débarquement de la Baie des cochons et de la crise des missiles de Cuba, cette oeuvre mixte nous renvoie aujourd’hui l’image de l’anxiété de ceux-là mêmes qui vécurent dans l’ombre constante d’un possible désastre nucléaire. Dénonciation des multiples formes de la violence politique, Psaume pour abri s’insère assez bien dans les mouvances de l’idéologie socialiste. En les considérant côte à côte avec cette oeuvre, les écrits de divers penseurs et musiciens du xxe siècle résonnent d’un écho particulier et se recoupent — parfois malgré les visions divergentes qu’ils présentent — sur la façon dont les arts peuvent finir par incarner les idéaux de l’engagement. C’est par le truchement de l’imagination caractéristique au milieu des arts, ainsi que par le développement des modes alternatifs de la pensée que celle-ci rend possible, que plusieurs y ont vu un lieu privilégié de transfiguration des sociétés modernes. Je me pencherai ici plus spécifiquement sur le cas de la musique. C’est sous sa forme de symptôme d’une époque et de ses idées que je souhaite ici considérer Psaume pour abri.
Situer Pierre Mercure et Psaume pour abri dans la production musicale d’après-guerre
Le début de la carrière de Pierre Mercure ne laissait peut-être pas présager l’évolution qui le mènera jusqu’à l’écriture de sa dernière partition, H2O per Severino (1965), une oeuvre ouverte sérielle en huit mouvements, conçue à Darmstadt. Les moyens plutôt traditionnels déployés dans la composition de la Cantate pour une joie (1955), écrite sur des textes de Gabriel Charpentier, rendaient en effet difficile à anticiper l’avant-gardisme du langage tardif que le compositeur déploie, moins de dix ans plus tard, dans un opus tel que Lignes et points (1964). En contrepartie, son catalogue semble traversé par la recherche constante des moyens musicaux les plus justement adaptés au degré d’expressivité propre à chacune de ses compositions. En ce sens, le fil conducteur traversant sa production serait caractérisé non pas par les moyens techniques ou langagiers auxquels il fait appel, mais plutôt par l’intégrité d’une pensée musicale où l’expression fait figure de clé de voûte. Il faut souligner que Mercure semblait lui-même conscient des conséquences que ses choix stylistiques avaient sur son positionnement parmi les compositeurs de sa génération, lesquels défendirent fréquemment les idéaux de l’avant-garde avec une conviction ne dédaignant pas la polémique. À titre d’exemple, rappelons qu’en 1956, il se prononçait au sujet de la Cantate pour une joie — une oeuvre où l’on sent bien les influences de Stravinski et de Honegger[3] et qui est aussi, à titre comparatif, d’un an la cadette des mélodies entièrement sérielles de Serge Garant (Caprices, 1954[4]) — en des termes qui témoignent à la fois du poids imposé par le jeu des allégeances esthétiques, de même que de sa propre recherche d’intégrité, d’un langage personnel capable de communiquer des intentions précises aux mélomanes : « J’ai eu honte tout d’abord de sa simplicité […] Et puis j’ai vu et compris que j’étais moi-même. C’est là un langage simple, en somme facile à écouter, une musique populaire » (Bisbrouck 1956, 2). Plus encore, la confirmation de l’idéologie globale de Mercure esquissée ici semble pouvoir être synthétisée en cette seule affirmation : « On se préoccupe trop des moyens du langage, de la manière de parler, de la technique. On pense moins à ce que l’on veut dire » (Bisbrouck 1956, 2).
Ce qui ne signifie pas, cependant, que l’acquisition d’un solide métier demeura étrangère à ses préoccupations. Tout au long de sa carrière, Mercure appuiera sa volonté expressive sur la maîtrise d’un nombre croissant d’éléments de langage caractéristiques de son époque. Deux séjours d’étude à Tanglewood, aux États-Unis (étés 1951 et 1952), ainsi que quatre en Europe (Paris, 1949-1950, 1957-1958, été 1962 ; Dartington, été 1962 ; Darmstadt, étés 1962 et 1965) jalonnent sa carrière, mettant en lumière une démarche constante de perfectionnement de son métier. Au cours de ces voyages, Mercure a notamment établi des contacts avec Luigi Dallapiccola — de qui il est devenu l’élève et l’ami à Tanglewood —, Pierre Schaeffer et le Groupe de recherches musicales (GRM) (second séjour en Europe), Henri Pousseur et Luigi Nono (1962[5]). Au cours de son premier passage à Paris, le compositeur se libère rapidement des cours de Nadia Boulanger. L’influence des idées automatistes se fait alors déjà sentir chez lui, et ses réflexions, plutôt que de s’ancrer dans une pratique musicale traditionnelle, se tournent à tâtons du côté des nouvelles formes d’expérimentations caractéristiques de l’après-guerre[6]. Un documentaire posthume préparé par Lyse Richer sur la carrière de Mercure relate ses propos :
Je cherchais. En 1949, à cause de mon éducation, à cause de mes cours avec Champagne, et bien sûr à cause d’une culture musicale tonale vieille de deux siècles, je me suis dirigé vers ceux qui perpétuaient cette tradition. Mais ce n’était pas ce que je cherchais. Construire des oeuvres à partir du hasard, voilà ce que nous faisions, mes amis et moi-même. Et j’avais beaucoup plus de plaisir à réaliser ces oeuvres qu’à faire les devoirs proposés par Nadia Boulanger. Et elle le savait. Et elle crut que je n’étais pas sérieux. Et puis je l’ai quittée[7].
Ses contacts ultérieurs avec Dallapiccola, Schaeffer, Pousseur et de nombreux autres, incluant le flûtiste Severino Gazzelloni (dédicataire de H2O per Severino), permettent subséquemment à Mercure d’étendre encore davantage l’éventail de ses moyens, ainsi que d’acquérir la maîtrise des possibilités offertes par certaines des technologies les plus récentes de son époque. C’est d’ailleurs via son exploration du médium électronique que Mercure opère d’importantes transitions langagières dans sa musique, transitions qui, en définitive, contribueront à modeler la série de ces oeuvres tardives qui permettent aujourd’hui de l’inscrire au nombre des pionniers de la musique contemporaine au Québec[8].
Psaume pour abri est la première oeuvre d’un triptyque issu de ces prospections électroniques, titres qui constituent autant d’essais de synthèse entre les musiques électronique et acoustique[9]. Parmi elles, seule la cantate fait appel au texte, et elle présente une dramaturgie qui ne refuse toujours pas entièrement Honegger. Cette parenté tient peut-être d’une collaboration passée entre Mercure et la comédienne Charlotte Boisjoli, qui créera le Psaume quelques années plus tard : dans le cadre d’une présentation télédiffusée de la Jeanne d’Arc au bûcher d’Honegger à Radio-Canada, le 20 novembre 1958, Mercure avait fait appel à celle-ci pour interpréter le rôle de « la pucelle d’Orléans » (Laplante 1967, 5). Boisjoli ayant également assuré la partie de la récitante lors de l’unique exécution du psaume de Mercure, je remarque pour ma part des ressemblances mélodramatiques entre les parties de récitante des deux oeuvres.
Ce n’est effectivement pas sans une certaine théâtralité que Charlotte Boisjoli déclame les vers du poète québécois Fernand Ouellette. Les cinq poèmes auxquels Mercure eut recours pour l’écriture de sa cantate font partie du recueil Le soleil sous la mort, dont la première édition officielle remonte à 1965[10]. À leur lecture, on remarque d’entrée de jeu que la lumière solaire constitue l’une des thématiques communes à ces cinq poèmes : dans chaque titre, l’absence de cette lumière caractérise l’essentiel de l’environnement d’un récit se déroulant suite à une apocalypse atomique. Au départ du psaume, « Le soleil se tait./L’atome se suicide[11]. », puis « On sèche comme un paysage/qui a soif depuis sa mémoire[12]. ». La poésie de Ouellette peint une noirceur muette (« Ah ! La nuit nous traverse/du poumon à la tête,/de la plaie au silence[13]. ») et fait de la lumière le souvenir douloureux des lueurs éteintes (« Dans l’opacité de sa tête,/qui pourra souffrir un nid/de lumière[14] ? »). C’est ce fil narratif que Mercure adopte lorsqu’il compose Psaume pour abri. À partir de l’élément déclencheur qu’est l’explosion redoutée de l’arme nucléaire, le compositeur tisse entre la poésie de Ouellette et sa propre musique une trame qui constitue d’abord l’environnement sonore d’un sombre non-lieu. Ce n’est que dans le dernier poème qu’apparaît enfin une lueur d’espoir, au moment où la récitante déclame les vers « Le sang/doucement/aima la chair./Et les membres montèrent en plein matin/à perte de feuilles et d’oiselles./Le soleil se hissait à l’homme[15]. ». Musicalement, ce retour de la lumière est préparé par une longue note tenue qui, pendant près de cinquante secondes, domine la trame instrumentale et s’en va aboutir à l’un des seuls fragments réellement mélodiques de l’oeuvre.
À travers le récit de cette oeuvre, Pierre Mercure livre un vibrant plaidoyer d’humanité, et dénonce les violences qui émanent du monde politique. Dans la préface, le compositeur va même jusqu’à paraphraser un extrait de l’ouvrage Les petites choses de notre histoire de Pierre-Georges Roy (1919), lequel dépeint la violence exercée à l’encontre de deux Iroquois faits prisonniers par Frontenac[16]. Mercure, ce faisant, insiste encore davantage sur l’horreur et la violence politique, qu’il dénonce. Ouellette, abonde aussi en ce sens, décrivant Psaume pour abri comme « un cri contre la barbarie, l’atrocité, l’absurde », formule que la littérature a depuis pris pour habitude de réitérer (Maillard 1971, 26[17]).
Peignant l’angoisse suffocante d’un désastre nucléaire, la poésie de Ouellette se fait le témoin d’une époque. Au tournant des années 1960, la Guerre froide bat son plein, et les menaces proférées de part et d’autre du Rideau de fer font se dresser au-dessus du monde la menace de l’hiver nucléaire. Dans ce contexte, Psaume pour abri apparaît sans conteste comme la représentation musicale d’un futur projeté, la sombre anticipation de ce que pourrait être le destin de l’humanité advenant le cas funeste où l’horlogerie diplomatique cesserait de battre la mesure de l’espoir.
Politique internationale à l’arrière-plan
J’ai écrit en introduction que Psaume pour abri est une oeuvre engagée. Cette question de l’engagement par les arts est complexe, puisqu’elle présente autant de faces qu’on peut porter sur elle de regards individuels. N’en citons qu’un. En 1950, Jean-Paul Sartre écrit la préface de l’essai L’artiste et sa conscience de René Leibowitz. Il y interroge ce dernier lorsqu’il demande : « ne faut-il pas voir dans les formes les plus récentes de cet art [la musique] quelque chose comme la présentation du pouvoir de crier ? » (Sartre 1950, 13). Cela étant, quelle forme ce cri prendrait-il ? Pour quelle raison crier, dans quel but ? Questions auxquelles il peut être difficile de répondre dans le cas des arts autres que la littérature, ceux-ci ne profitant pas, comme celle-ci, d’aptitudes méta-discursives. Tout au plus, ces autres arts — et parmi eux la musique — ont ceci de particulier qu’on accompagne souvent leurs productions de quelque glose afin d’en faire émaner une signification précise : on les dit redevables à l’influence de tel créateur, on en justifie le caractère ou l’esthétique en l’inscrivant au sein d’une mouvance, on (ré)clame son droit à l’autonomie absolue, ou encore, à l’inverse, se déclare-t-on engagé. En musique, dans ce dernier cas, le contenu verbal supplée à l’ineffable qui est inhérent au sonore, et communique l’intention dont l’oeuvre se veut la manifestation.
Le soir de la première radiophonique de Psaume pour abri, le compositeur Pierre Mercure se rendit au micro de l’émission « Wednesday Night Concert » de la Canadian Broadcasting Corporation (CBC) afin d’y présenter lui-même sa toute dernière création. Il y alla de ces mots, qui rendent compte du contexte politique dans lequel cette cantate fut composée :
J’ai choisi ces poèmes en particuliers parce que je crois en la nécessité qu’un artiste s’interroge sur son temps et qu’il endosse la tâche d’exprimer son époque. Nous vivons à une ère d’anxiété particulièrement grande, et nous sommes fréquemment à la merci du tempérament de tyrans gigantesques. Nous sortons tout juste d’une campagne électorale au cours de laquelle les mots force nucléaire, guerre atomique, et têtes nucléaires ont été prononcés beaucoup plus souvent que la terre et l’homme. J’ai choisi ces poèmes parce qu’ils évoquent l’angoisse d’une humanité condamnée à vivre dans des abris sans lumière ni air. Une humanité qui se souvient de son passé et qui rêve de soleil tout en criant son angoisse devant l’atroce idée que l’atome, la base de tout humain, de l’humanité, soit devenu notre tortionnaire. Je crois que la méchanceté a toujours été dans l’homme, et que notre angoisse présente doit ressembler considérablement à l’anxiété éprouvée par Jeanne d’Arc devant ses juges[18].
À travers ce commentaire, n’est-ce pas, d’abord, le témoignage d’un moment de notre histoire politique — tant nationale qu’internationale — qui nous parvient ? Apportons quelques précisions. La campagne électorale à laquelle Mercure fait référence est celle du printemps 1963, qui vit le naufrage, le 8 avril, du Parti progressiste-conservateur de John Diefenbaker face aux libéraux de Lester B. Pearson. À la suite d’un vote de non-confiance réclamé à la fois par les libéraux et les députés du Crédit social de Robert N. Thompson, le Parti conservateur est destitué sur la base de l’insatisfaction croissante — sinon généralisée — vis-à-vis de ses politiques relatives à la nucléarisation de la défense nationale, et à la suite de la dégradation des relations canado-américaines. Situation importune s’il en est une, puisqu’au coeur de la Guerre froide, la défense du territoire nord-américain contre la menace soviétique s’avère être une question centrale aux échanges diplomatiques des deux pays, par ailleurs engagés dans la défense conjointe de leurs espaces aériens via l’accord du Commandement de la défense aérospatiale de l’Amérique du Nord (NORAD). Les incessantes tergiversations canadiennes au sujet de l’achat, de la production, de la possession et du stockage de l’armement nucléaire avaient, depuis quelques années déjà, attiré sur le gouvernement Diefenbaker de nombreuses critiques provenant de la classe politique canadienne ; l’inaction prolongée de ce cabinet au moment de la crise des missiles de Cuba, qui survint fin octobre 1962, acheva d’exacerber la contrariété de Washington vis-à-vis d’Ottawa. Suite à un communiqué incendiaire du Département d’État américain et à la démission presque simultanée du ministre canadien de la défense, Douglas Harkness, Diefenbaker et son gouvernement sont défaits au début de 1963, sur fond de questions diplomatiques, militaires et de prolifération nucléaire[19].
Voilà donc le contexte latent aux événements auxquels Mercure fait référence dans son discours de présentation de Psaume pour abri. Si ces notions s’avèrent ici importantes, c’est que la hantise du désastre atomique y est centrale. La question d’un conflit armé — nucléaire, de surcroît — ayant été centrale à la campagne fédérale de 1963, on ne s’étonne pas que les poèmes de Fernand Ouellette aient trouvé pareille résonnance chez Mercure[20]. Soulignons encore que, ayant été écrits entre le 20 octobre 1961 et le 14 janvier 1963, ces poèmes de Ouellette sont à peu près contemporains du revers politique essuyé par les Américains au débarquement de la Baie des cochons (Cuba, avril 1961) et de la crise des missiles (octobre 1962) — ces deux moments de la Guerre froide au cours desquels la course mondiale à l’armement semble atteindre son paroxysme. L’anxiété qu’évoque Mercure ne serait-elle pas, en ce sens, symptomatique de l’esprit du temps, de l’époque depuis laquelle le compositeur nous lance son appel ? Cette notion de symptôme, nous y reviendrons. Soulignons seulement que cette prise de parole, cet appel au rejet d’un discours strictement guerrier est en fait le prolongement du plaidoyer d’humanité omniprésent dans l’oeuvre commune de Mercure et de Ouellette. C’est là une première forme, verbale, de l’engagement.
Une pensée artistique renouvelée comme levier d’émancipation sociale
Cette forme de l’engagement de Mercure par l’entremise de Psaume pour abri, qui s’incarne dans l’aspect langagier de l’oeuvre, doit cependant être nuancée. C’est qu’on ne peut ici contourner l’ancienne aporie de la signification et du sens, qu’incarnent respectivement l’éloquence du verbe et l’abstraction du sonore. Le langage étant signifiant, on courrait le risque — en ne s’en tenant qu’à la dimension écrite — que le discours de Mercure et la poésie de Ouellette n’établissent qu’à eux seuls la mesure définitive de l’engagement supposé de la cantate, qu’ils ne fassent ombrage à la prise de position possible qui est inhérente à la musique. La section qui suit a pour objectif de donner la parole à différents penseurs qui ont nourri, de leurs réflexions sur les arts, cette idéologie socialiste qui prône l’émancipation des sociétés et des individus qui les composent. On verra ensuite comment Psaume pour abri s’inscrit en phase avec ces propositions idéologiques qui se penchent également sur la capacité des arts non-littéraires à s’engager.
Il convient d’abord de s’interroger sur le sens que la musique peut avoir et qui vient conférer un caractère d’engagement à son objet, l’oeuvre. Sous quelle forme chercher, dans celle-ci, le cri qui surnage, si l’on consent à ignorer le contenu verbal ? Quand Sartre en appelle aux « formes les plus récentes de cet art » (1950, 13), que désigne-t-il précisément ? Dans l’échange qui les occupe, Leibowitz ne dissocie que difficilement les perspectives musicale et textuelle quand il traite de l’engagement du compositeur. Cependant, l’un des aspects les plus clairement formulés de sa pensée, la notion de nouveauté, recoupe ce mot récentes déjà rencontré chez Sartre[21]. À travers cette téléologie idéelle, on ne manque pas de reconnaître la foi placée par l’avant-garde de l’époque dans l’idée du progrès technique, paradoxalement héritée de la tradition romantique et anticipant le développement massif des technologies des communications au xxe siècle. Pour Leibowitz, l’engagement social de l’artiste réside d’abord dans son engagement envers son art et dans l’embrassement des difficultés techniques qui se posent à lui.
Pas plus que l’homme de science ou le philosophe, l’artiste véritable ne refusera de regarder en face la complexité, peut-être effrayante, des techniques dont il doit se servir, parce que c’est là son seul moyen d’incarner, de manière nouvelle la nouveauté de ce qui doit être neuf pour constituer un message valable et constructif pour les autres membres de la société.
C’est donc dans l’invention technique et dans l’acte de liberté qu’elle incarne que réside le terme médiateur entre la liberté artistique et la liberté de l’homme, entre l’engagement artistique et l’engagement social. Le musicien engagé est celui qui, bravant l’ordre établi sur le plan musical, brave par là même l’ordre établi sur le plan social et collabore ainsi à l’instauration d’une société de liberté[22]
Leibowitz 1950, 86-87
Puis, plus loin :
Un artiste […] doit avoir le courage de faire face aux problèmes les plus radicaux que pose son travail. En d’autres termes, il doit s’engager entièrement envers les acquisitions les plus avancées (aussi complexes et terrifiantes qu’elles soient) de l’évolution de son art. S’il est capable de faire cela, il produira, de par son engagement même, un art qui sera essentiellement engagé
Leibowitz 1950, 111-112
Il faut préciser que pour le musicien polonais, l’homme qui sert le mieux sa société est celui qui excelle d’abord dans sa pratique artistique. L’engagement social de l’artiste transiterait donc premièrement via son métier. Dans les propos de Leibowitz, on décèle par ailleurs quelques relents de l’idéal romantique de l’artiste rédempteur. Bien ancrée dans le discours caractéristique de l’ère industrielle, la question de la condition du prolétaire anime la réflexion : on cherche à faire prendre conscience à la masse des travailleurs de sa servitude, à être l’onde sismique qui lui révélera la normalisation de sa condition d’homme, à dénoncer son aliénation[23]. Réconcilier les positions de Sartre et de Leibowitz s’annonce cependant difficile, puisque ainsi que le souligne l’intellectuel français, la complexité musicale croissante inhérente au discours de Leibowitz ne peut manquer, à long terme, d’en restreindre la portée à une seule « poignée de spécialistes[24] » (Sartre 1950, 15).
Cette volonté de celui qui cherche à faire prendre conscience de sa condition à l’homme du xxe siècle, on s’en doute, n’est pas propre à ces deux figures. Plutôt, elle semble s’inscrire dans l’esprit du temps, comme le symptôme des préoccupations qui marquèrent toute une époque. Par exemple, en 1941, Max Horkheimer — directeur de l’Institut für Sozialforschung d’où émergea l’École de Francfort — avait abordé des questions similaires dans un court texte intitulé « Art and Mass Culture ». Selon lui, dans un système où la vie de l’individu a été réglée selon les normes du travail, et compte tenu de l’effacement progressif de la place de la religion, les arts, soi-disant autonomes dans la société moderne, ont été à leur tour investis de la capacité à créer un univers parallèle dans la vie privée, par le biais de l’expérience esthétique qui nourrit à son tour la vie intérieure de l’individu. Plus encore, faisant écho aux idées du psychologue et philosophe américain John Dewey, Horkheimer avance que l’art transgresse les barrières des formes acceptées de la pensée, incarnées notamment dans « le langage de la propagande et dans la littérature commercialisable[25] » (Horkheimer 1941, 279). Alors que ces dernières s’appliquent à renforcer les barrières que consolide le langage, les arts, selon lui, d’autant qu’ils se réclament d’une forme alternative de communication des idées, dénoncent la normalisation engendrée par le système[26].
Cet appel au renouvellement des schèmes de la pensée, parallèle à la poursuite d’un constant renouveau technique dans l’essai de Leibowitz, trouve par ailleurs un écho particulièrement sensible chez le compositeur Luigi Nono. Dans un texte de 1963 intitulé « Musique et resistenza », le compositeur italien assimile en quelque sorte la notion d’engagement à celle de résistance. Rappelant d’abord le danger de ne percevoir l’engagement de l’art musical que dans le texte qui le soutient ou la prose qui l’accompagne, il poursuit en insistant sur ce que la musique a de souverain. Il écrit que
ce thème de la résistance, on doit le rechercher potentiellement présent dans ces expressions où la vérité et la nouveauté de la recherche, de l’invention et de la réalisation élargissent et développent la capacité de l’imagination, l’intelligence de la réception et la conscience de l’homme tendu vers l’élimination des différents « garrots » de la société néocapitaliste, pour la libération socialiste
Nono 2007 [1963], 167
Cette affirmation recoupe à elle seule les deux positions abordées précédemment. D’une part, la nouveauté de la recherche et de l’invention rappelle aisément les positions adoptées par Leibowitz ; d’autre part, cet idéal de la conscience de l’homme tournée vers l’élimination de « garrots » semble évoquer le refus de cette même normalisation des schèmes de la pensée dont parle Horkheimer. Arrivés à ce point de notre réflexion, ne devrait-on pas rapprocher ces deux perspectives qui pourraient avoir entre elles, au fond, plus de parenté qu’il ne le semble d’entrée de jeu ? Une illustration de cette idée sera ici utile.
Il est coutume de considérer que l’apparition de nouveaux moyens techniques pousse les compositeurs les plus novateurs à renouveler les modes d’organisation du sonore afin qu’ils témoignent des possibilités offertes par ces nouveaux moyens[27]. Autrement dit, en présence de matériaux sonores de nature inédite, certains compositeurs pourront chercher à établir une adéquation entre leur démarche et la nature même des sons auxquels ils ont recours. Prenons l’exemple de la musique concrète : après la guerre, le développement des technologies d’enregistrement ayant permis à Pierre Schaeffer de capter une diversité de sons musicalement inédits, il convenait qu’il cherchât, dans un deuxième temps, à en identifier et à en classifier les caractéristiques afin de pouvoir ensuite les organiser de façon « musicale » — ce fut le début de ce qu’il nomma ultérieurement le « solfège des objets sonores » (Schaeffer 1966). Voici encore un autre exemple, provenant cette fois de l’univers électroacoustique : en 1955-1956, Stockhausen composa son bien connu Gesang der Jünglinge. Pour cette oeuvre, il fit reposer les structures macro- et microformelle sur la polarisation des caractéristiques des différents phénomènes sonores offerts par les moyens de la musique électronique naissante. Ainsi, selon Decroupet et Ungeheuer, la pensée fondamentale sous-jacente à la démarche structurelle de Stockhausen pour cette oeuvre consistait en « la transition des phénomènes simples (son sinusoïdaux et voix) au bruit en passant par les impulsions[28] » (Decroupet et Ungeheuer 1998, 107).
Ce que l’on constate ici, c’est donc que le fait de travailler à partir de phénomènes sonores nouveaux incite le compositeur à développer de nouvelles formes d’idées musicales. Ce faisant, il établit en quelque sorte une relation circulaire entre les notions de nouveauté du moyen et de réinvention des schèmes de la pensée — qui, selon plusieurs, finissent par se scléroser à force de reproduire mécaniquement les pratiques héritées de traditions antérieures. Cette attitude corrélant la contemporanéité du moyen avec la pensée créatrice, ce serait finalement elle qui ferait de l’oeuvre le symptôme de son époque[29].
L’imagination pour impératif
À ce stade, voyons comment, au cours de la même période, de semblables idéaux animent certaines artistes-phares du Québec. L’année 1948 y est riche en prises de position polémiques. Dans son ouvrage consacré aux relations entre art, politique et révolution, le professeur, économiste et syndicaliste québécois Louis Gill rappelle qu’en février 1948 — soit six mois avant le manifeste Refus global — paraissait le manifeste Prisme d’yeux « qui est un plaidoyer en faveur d’une libération sociétale générale nécessaire à l’indépendance de l’art […] un manifeste en faveur de la liberté de la pensée et de l’indépendance de l’art » (Gill 2012, 10). Prisme d’yeux, signé par un groupe d’artistes gravitant autour du peintre Alfred Pellan, n’a pourtant pas aujourd’hui le même écho que Refus global, ce second manifeste publié à l’initiative de Paul-Émile Borduas qui fait aujourd’hui figure de pionnier de la contestation artistique de l’après-guerre[30]. Gill décrit Refus global dans les mots qui suivent :
Écrit politique fondateur du Québec moderne, ce manifeste est un rejet de la société québécoise arriérée de l’époque duplessiste, dominée par la religion, les préjugés et les privilèges, qui paralysait la pensée, l’imagination et la création. Il affirme l’absolue nécessité de l’indépendance de la pensée et de la création artistique et littéraire. L’automatisme, dont les signataires se réclament, est l’expression de cette recherche[31]
Gill 2012, 9
Cependant, malgré les revendications formulées dans ces manifestes, il fallut attendre la mort du Premier ministre unioniste Maurice Duplessis, en 1959, puis l’élection du Parti libéral de Jean Lesage en 1960, avant qu’un véritable vent de transformation des moeurs sociales et culturelles ne souffle enfin sur la province. Révolution « tranquille » et éveil national d’un côté, et Guerre froide de l’autre : ces différents événements politiques ont en commun d’être contemporains, en Occident, du passage de l’ère industrielle à l’ère post-industrielle. Sur le plan social, cette transition se reflète notamment dans les réflexions portant sur la nature et les visées de l’instruction publique, tant au Québec, au cours de la Révolution tranquille, qu’en France, par exemple, lors des manifestions de Mai 68. Au pays, cette période connaît de profonds remaniements dans les structures de l’enseignement dispensé par l’État, d’abord et avant tout via le fleuron de cette intense période de transformations sociétales qu’est la Commission royale d’enquête sur l’enseignement dans la province de Québec (1961-1966) — mieux connue sous le nom de Commission Parent. Lui succéda, entre 1966 et 1968, la Commission royale d’enquête sur l’enseignement des arts au Québec, que présida le sociologue et écrivain Marcel Rioux[32]. Les commissaires de cette seconde enquête « développent une critique aussi tranchante que polie [des] travaux et [des] conclusions [du Rapport Parent] », écrit Claude Corbo ; « cette critique porte sur les insuffisances ou les limites du Rapport Parent en matière d’enseignement des arts » (Corbo 2006, 10). L’auteur poursuit en rapprochant les questionnements propres à cette seconde étude des préoccupations qui s’avèrent toujours être d’actualité, cinquante ans plus tard.
Le Rapport Rioux tient des propos qui rejoignent et peuvent nourrir les débats actuels sur la nature et les finalités de l’éducation. […] Il y a, dans nombre de milieux d’affaires et de gouvernements, une volonté résolue d’arrimer toujours plus étroitement l’éducation aux besoins de l’économie […] Par ailleurs, on assiste à une « marchandisation » des pratiques et des activités culturelles dont certains veulent qu’elles constituent des objets de commerce comme tous les autres biens de consommation. […] Quel genre d’être humain les systèmes d’éducation doivent-ils former ? Quelle est la place des arts dans la vie des personnes et des sociétés ? En quoi les arts peuvent-ils contribuer à la formation des nouvelles générations ? En quoi les arts permettent-ils d’échapper à la seule fonctionnalité socioéconomique ? Voilà autant de préoccupations qui s’expriment dans le Rapport Rioux et qui rejoignent les débats intenses de notre temps
Corbo 2006, 11[33]
L’une des réponses que l’on pourrait apporter à toutes ces questions, c’est Fernand Ouellette — qui fut lui-même commissaire pour l’enquête Rioux — qui la propose. À l’occasion d’une entrevue qu’il m’a accordée, Ouellette affirmait que
la recherche véritable [qui sous-tendait la Commission Rioux] c’était : comment les arts peuvent-ils aider, dans n’importe quelle discipline, à avoir plus de créativité. En physique, en chimie, en n’importe quoi. […] On croyait que l’intégration des arts permettrait aux gens de développer leur créativité davantage, et que quand ils arriveraient à l’université en chimie, en architecture, en n’importe quoi, ils auraient plus de créativité. L’imagination plus éveillée par les arts, quoi. C’est ça, un peu, le théorème de base[34]
Ouellette 2015
À travers le prisme de ce « théorème de base » de la Commission Rioux, le rôle projeté des arts dans l’idéal d’émancipation des sociétés modernes se confirme encore un peu plus. De fait, cette affirmation de Ouellette semble, à elle seule, faire la synthèse de l’idéologie socialiste dont on a jusqu’ici observé diverses manifestations : désigner l’imagination comme objectif prioritaire afin de favoriser la transfiguration perpétuelle de la face sociale, puisque, sans imagination, point de démarches nouvelles, point de rénovation de la pensée, mais toujours le risque d’une sclérose croissante par les garrots consentis de l’homme par l’homme.
Démarches techniques derrière Psaume pour abri
À la lumière de ces réflexions, revenons à Psaume pour abri, cette fois du point de vue de ses aspects techniques. Composée en peu de temps, entre décembre 1962 et mars 1963, cette cantate fait appel à d’importants effectifs et est élaborée sous forme d’un palindrome de sept sections dont les durées augmentent et décroissent (3 minutes, puis 4’, 5’, 7’ (divisées en 2’+3’+2’), 5’, 4’, et 3’, pour un total de 31 minutes[35]). Le palindrome s’articule autour du poème « Le mal de la paix », déclamé par la seule récitante au cours de la quinzième minute[36]. Un « Plan général » (« février-mars 1963 ») qui se trouve dans les archives de Mercure détaille la succession des poèmes, et planifie les interventions de la récitante et des deux choeurs, ainsi que l’orchestration et les principaux modes de jeux instrumentaux caractéristiques de chaque passage (Figure 2). Ces derniers correspondent à l’organisation palindromique des textes et des durées.
Dans un article qu’il a consacré à la musique de Mercure, le compositeur Brian Cherney faisait de nombreuses observations qui méritent d’être étendues à Psaume pour abri. D’abord, cette omniprésence de la symétrie que l’on vient d’observer n’est pas le propre, chez Mercure, de la seule cantate : dans son texte, Cherney révèle de nombreuses occurrences de cette pratique musicale si fréquente au xxe siècle dès le Triptyque de 1957 (Cherney 2011, 100-104[37]). Une seconde observation qui serait valable au sujet de Psaume pour abri est l’indéniable similarité graphique entre certains schémas préparés par Mercure et la notation des intensités dans la partition de l’Elektronische Studie II (1954) de Stockhausen (Cherney 2011, 107). Dans le cas de Psaume, c’est le « Plan général » tout entier qui se présente sous cette forme : y sont respectivement illustrés, sur les axes horizontal et vertical, la « cancellation de phases » et « l’amplitude d’écoute » de chaque section et de chaque intervention des musiciens et de la bande. La similitude entre les schémas de Mercure et la partition de Stockhausen nous renseigne sur la connaissance qu’avait vraisemblablement Mercure des pratiques récentes dans le domaine de l’électronique au moment où il composa Psaume pour abri.
En ce qui a trait à l’enregistrement de la bande, un document nommé « Réalisation technique de la bande sonore » (Figure 3) nous informe sur les étapes de son enregistrement. On y apprend que Mercure a initialement utilisé cinq sources sonores spatialisées — électroniques et instrumentales (cordes et cuivres) — à partir desquelles il a constitué une première bande stéréo. L’étape suivante consista en un second enregistrement, daté du 28 mars 1963 : à ce moment, la première bande fut spatialisée autour des deux choeurs, de la récitante et du quatuor de percussions, selon la disposition rendue explicite par un nouveau document tiré du Fonds Mercure (Figure 4). La captation stéréo de cette superposition de la première bande et des instruments rassemblés le 28 mars 1963 constitue l’enregistrement final et définitif de l’oeuvre.
La Figure 4 illustre pour sa part la disposition des instrumentistes, et met en lumière la minutie observée par Mercure dans la captation des sons provenant du choeur parlé, lequel devait se déplacer en décrivant de grands cercles entre les instrumentistes et les haut-parleurs diffusant la première bande, sans doute dans le but de créer une forme de spatialisation. À ce sujet, soulignons que Cherney y voit l’influence de Varèse. Il écrit en effet que « Psaume pour abri manifeste l’influence du Poème électronique de Varèse, surtout dans son utilisation de l’espace sonore » (Cherney 2011, 105). À mon avis, ce n’est pas là la seule influence du compositeur français qu’il soit possible de déceler. Alors qu’en 1965, Mercure affirmait « je crois [être près de Varèse], quoique dans mon écriture il n’y a absolument rien, je pense, qui le laisse voir » (Saint-Aubin 1965, 3), une écoute attentive de l’oeuvre et une étude de la Figure 2 révèlent que les différentes techniques de jeu et les types de sons des percussions et des groupes instrumentaux et vocaux — sons à hauteurs non-définies, claviers frappés en tremolos, sons longs qui résonnent ; la harpe et le piano sont aussi employés principalement pour leurs qualités percussives. De la même façon, les choeurs chantés (au début et à la fin) et parlés (au milieu de l’oeuvre) alternent entre eux, tout comme les glissandi ascendants (troisième section) et descendants (cinquième section) constituent les paramètres musicaux qui délimitent la succession palindromique des sections[38]. Je suis d’avis que ce travail sur la distribution des timbres instrumentaux crée un contrepoint non pas des hauteurs, mais bien des qualités sonores : la prise en charge des timbres comme matériel de composition, de même que l’aspect percussif de certains modes de jeux instrumentaux constituent finalement une approche résolument moderniste, qui rappelle la démarche timbrale varésienne plus que Mercure ne semble le croire[39]. D’un point de vue plus théorique, il faut encore préciser que certains documents conservés dans le Fonds Mercure nous révèlent une partie des démarche du compositeur quant à la gestion des différents paramètres : on y retrouve d’abord un « Cube des variations des paramètres de densité » (Figure 5), où interagissent les trois paramètres de la densité horizontale, de la densité verticale et de la morphologie. En explicitant la polarisation de chaque paramètre — de « lent ou soutenu » à « rapide ou détaché » pour le plan horizontal, de « une note ou un accord » à « deux notes ou groupes de notes » pour le plan vertical, et « sonorités plus ou moins tendues » pour l’aspect morphologique —, ce document permet d’éclaircir l’interaction de certains paramètres dans la conceptualisation de cette oeuvre. Un document de nature similaire révèle pour sa part que le compositeur a aussi fait appel à des tables de permutations numériques dont je n’ai pu, à ce jour, identifier l’usage exact (Figure 6). Bien que ces matériaux archivés ne révèlent pas le plan du déroulement de ces interactions, le document nous renseigne malgré tout sur les procédés compositionnels auxquels Mercure a eu recours, en phase avec le haut souci d’organisation des matériaux musicaux manifesté par de nombreux compositeurs de l’après-guerre.
Tous ces documents témoignent du souci du détail et de la construction rigoureuse de la musique de Pierre Mercure. Le niveau de planification et d’organisation des différents aspects du matériau, les tables de permutations, le cube des variations paramétriques et les étapes de l’enregistrement des bandes, toutes ces traces tangibles de la démarche du compositeur révèlent un processus créateur hautement structuré, qui ne craint pas d’avoir recours à des modes complexes d’organisation du sonore[41]. Il va de soi que l’oeuvre ne se résume pas à ses étapes les plus purement techniques, mais ces dernières s’inscrivent néanmoins résolument dans l’attitude générale d’une époque. Ce que je souhaite démontrer en mettant ces aspects en lumière, c’est que l’approche adoptée par Mercure au moment de la composition de Psaume pour abri témoigne de cette acceptation, mentionnée précédemment, d’embrasser les moyens et les défis qui sont posés à l’artiste par son époque. Ainsi Mercure affirmait-il que
l’artiste, le compositeur doit être sincère dans sa représentation de notre nouvelle ère. Il lui incombe de jouer son rôle dans ce nouveau monde qui évolue inévitablement, qu’il le veuille ou non. L’artiste doit choisir : le faire sien ou s’évader. Mais ne serait-ce pas avouer sa défaite que d’abandonner la lutte au moment où de si graves questions sont en jeu ?
Maillard 1971, 24
Que ces questions soulevées par Mercure aient seulement trait à la musique de son époque, ou qu’elles se rapportent de surcroît aux maux politiques de celle-ci, il est difficile d’en décider. Il nous faut cependant considérer qu’il n’y a peut-être pas lieu de chercher à établir une si nette distinction. On l’a vu, il fut un temps où l’on croyait que la première forme de l’engagement, c’était d’abord d’accepter de se confronter aux problématiques propres à son temps. C’est dans ce contexte que je suis d’avis qu’il convient de resituer l’oeuvre.
Conclusion
En rétrospective, rappelons les principales idées soulevées dans ce texte. On y a abordé la question de l’engagement de l’artiste à travers la pratique de son art. Si l’on en considère l’aspect textuel, la trame narrative de Psaume pour abri ne laisse aucun doute quant à la nature des intentions du poète et du compositeur. Cette grande fresque d’apocalypse met en scène « l’âme de l’homme,/la morte,/[qui] comme un nuage d’insectes/[aurait] dévasté l’infini[42] ». Partout l’obscurité, le chaos, l’abîme de l’homme. À la lecture de cette poésie et du discours de présentation de Mercure, on se remémore combien, devant la menace constante d’un glissement diplomatique, ceux qui virent l’érection du Mur de Berlin peuvent avoir vécu cette période dans un sentiment d’anxiété. Que ces traces nous parviennent aujourd’hui justifie déjà qu’on s’y attarde, puisque l’appel lancé vers nous depuis cette Guerre froide dont nous ne sommes pas encore si éloignés a le potentiel de nous éclairer sur les conflits qui nous sont contemporains et qui croissent en conséquence des affrontements d’hier. Ce rôle de la connaissance et de la compréhension du passé correspondent à ce qu’Antonio Gramsci assimilait à la notion de culture, postulant que cette dernière consiste en « l’atteinte d’une conscience supérieure, à travers laquelle il nous est possible de comprendre notre valeur et notre place dans l’histoire » (Gramsci 1994 [1916], 10). Connaître, donc, pour s’évader de ces tranchées circulaires et concentriques que sont trop souvent les conflits de l’homme (armé). Connaître, mais aussi s’affranchir, toujours, de cette connaissance pour se réinventer. Sur le plan musical, c’est dans la recherche de renouveau technique que Leibowitz et Nono ont vu le moyen de secouer la sclérose qu’engendre la répétition des habitudes créatrices héritées du passé. Ajoutons à cela l’idée voulant qu’à un moyen nouveau corresponde une démarche nouvelle, et l’on se souviendra que Horkheimer et Nono appelaient au développement de l’imagination, ce levier permettant de faire s’écrouler les formes prescrites de la pensée. Ces impératifs d’imagination, de renouveau et d’exploration de l’inédit, puisqu’ils font de l’oeuvre achevée le symptôme du moment qui l’a vu naître, constituent ce sens qui supplée à la signification dont l’absence de texte nous priverait en contexte de musique strictement instrumentale. Qu’il me soit enfin permis de postuler que l’engagement de l’artiste dont l’art est dit non-signifiant s’observe, en fait, dans ce que l’oeuvre devient symptomatique de son temps, dans ce qu’elle génère de sens au coeur de son époque.
Voilà finalement, à mon avis, quelle forme prend l’engagement de Pierre Mercure au moment où il compose Psaume pour abri. Écrite au cours d’une importante période de transition dans la pratique créatrice du compositeur, cette oeuvre se veut non seulement le symptôme affiché (textuel) de la crainte d’une débâcle nucléaire, mais aussi le témoin d’un désir de participer aux avancées musicales de son temps : sonder les possibles de l’univers électronique et de l’enregistrement sur bande, s’éloigner des formes reçues du lyrisme, y substituer la nouveauté d’une expressivité qui, abstraite, n’en demeure pas moins riche de sens, et offrir le fruit de ses recherches au public, sans doute dans l’espoir que ce dernier s’ouvre à de nouvelles représentations du monde qui l’entoure. Il aura fallu une imagination considérable à ce musicien — d’abord plutôt traditionnel dans sa démarche — pour s’émanciper au-delà des frontières du commun et de l’accepté. Au fil de ses différents voyages, il a trouvé les moyens techniques de cette émancipation ; dans cette grande soif de transcendance du visage d’un peuple qu’était la Révolution tranquille, il aura peut-être aussi puisé ce qu’il lui fallait d’inspiration pour s’y abandonner. Il ne fait aucun doute que cela participât de l’ère du temps ; nul étonnement, pour conclure, que l’oeuvre de Mercure reflète certaines notions de ce Rapport Rioux auquel Ouellette prit part : qui prescrivait qu’on logeât la créativité des arts au sein de ce creuset de l’affranchissement par la connaissance qu’est l’instruction publique, et qu’on fit de l’idéal de l’art le moyen de l’utopie.
Appendices
Note biographique
Paul Bazin poursuit des études doctorales à l’Université McGill, où il consacre ses études à l’héritage musical d’Ivan Wyschnegradsky. Il est détenteur d’un baccalauréat en chant de l’Université de Sherbrooke (2010) et d’une maîtrise en musicologie de l’Université de Montréal (2013), dans le cadre de laquelle il s’est consacré à l’analyse des mélodies de Serge Garant. Boursier de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec et du Conseil de recherche en sciences humaines, Paul Bazin a consacré textes et conférences à la musique des compositeurs québécois. Depuis l’automne 2017, il occupe les postes de Directeur administratif et de Secrétaire de rédaction de la revue Circuit, musiques contemporaines.
Notes
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[1]
Ce texte est l’aboutissement de diverses conférences présentées à Sherbrooke et à Montréal au cours du printemps 2016 dans le cadre de la série « Présences de la musique » de la Société québécoise de recherche en musique (SQRM) ; il m’a également valu de remporter le premier prix du Dean’s Essay Prize de l’École de musique Schulich de l’Université McGill au printemps 2017. Je suis redevable au musicologue Jean Boivin, dont j’ai été l’assistant de recherche à l’Université de Sherbrooke, d’avoir eu la générosité de partager avec moi la documentation qu’il avait en sa possession. Je tiens aussi à remercier chaleureusement le poète Fernand Ouellette de m’avoir reçu chez lui et d’avoir bien voulu échanger avec moi ses souvenirs et sa vision de cette oeuvre à laquelle il a contribué ; sincères remerciements, également, à madame Michèle Mercure, fille du compositeur, pour son accueil et pour avoir généreusement consenti à ce que les documents provenant des Fonds Mercure de Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ) soient reproduits ici. Au moment de rédiger ce texte, je bénéficiais du soutien financier du Conseil de recherche en sciences humaines (CRSH).
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[2]
En 1963, cette oeuvre a aussi été présentée au Prix Italia et à la Tribune internationale des compositeurs de l’Organisation des Nations unies pour l’éducation, la science et la culture (UNESCO) (Laplante 1976, 6). Comme dans le cas d’autres oeuvres avec bande magnétique de Pierre Mercure, la bande de Psaume pour abri a été perdue. Diverses pièces de correspondance entre la famille et la Société Radio-Canada, préservées dans les archives du compositeur, relatent les recherches menées pour la retrouver, sans succès. De nouvelles exécutions de l’oeuvre sont donc impossibles. Il est toutefois permis d’espérer : au printemps 2015, la bande magnétique de Tétrachromie a été retrouvée à Montréal par Mario Gauthier. En partenariat avec le Centre de musique canadienne au Québec (CMC Qc), l’oeuvre a pu être reconstituée et donnée en création par la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ), le 20 septembre 2016, à la salle Pierre-Mercure. Gauthier soupçonne par ailleurs que des fragments de bande magnétique manipulés et mis de côté durant son travail sur Tétrachromie pourraient en fait appartenir à Psaume pour abri. Ces artéfacts devront éventuellement être formellement identifiés. Ceux qui seraient désireux d’entendre l’oeuvre pourront néanmoins se tourner vers la captation de la diffusion radiophonique initiale, portée sur le troisième disque du coffret de l’Anthologie de la musique canadienne consacré à Pierre Mercure (1990) et qui en constitue l’unique enregistrement disponible à ce jour.
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[3]
Au sujet de l’influence du compositeur français, Mercure affirmait : « Je me suis donné finalement pour seul modèle, Arthur Honegger, le moins compromettant de tous les grands contemporains, puisqu’il ne possède pas à mon sens de genre musical tellement défini. Il est surtout pour moi le symbole d’une recherche plus humaine que savante. » (Le journal musical canadien 1956, 2)
-
[4]
Il est aussi intéressant de noter les parallèles entre Cantate pour une joie et Psaume pour abri. Outre le fait que les deux oeuvres soient des cantates, elles partagent notamment les thématiques de la destruction, de la « soif » de la joie (Cantate pour une joie) ou de la lumière (Psaume pour abri), et font s’incarner l’espoir à travers la figure de la jeunesse : « Le jeune homme est parti par-dessus la mer/emportant avec lui des gerbes de glaïeuls/et son cri est allégresse » (« Le cri de joie », Gabriel Charpentier) et « L’enfant seul a de l’aube/greffée/aux sens. » (« Le mal de la paix », Fernand Ouellette).
-
[5]
Jean Boivin (2011) a consacré un article à la présence des compositeurs canadiens à Darmstadt au cours des années 1950 et 1960, incluant Mercure. L’influence des compositeurs que ce dernier fréquenta est considérable. Parmi les archives de Mercure conservées à BAnQ, à Montréal, on retrouve pour Psaume pour abri plusieurs esquisses de dédicaces qui, outre les membres de sa famille, s’adressent à ces compositeurs dont on peut croire qu’ils exercèrent une ascendance sur lui dans le contexte spécifique de cette oeuvre : « À Edgar Varèse, John Cage, Luigi Nono et Henry Pousseur » et « Cette oeuvre est dédiée à Henry Pousseur et Luigi Nono pour leur enseignement à Darmstadt et à Dartington à l’été 1962 […] dans l’espoir d’un monde meilleur » (Fonds Pierre Mercure, documents MSS60 06_M,P90|4_24.2 et MSS60 06_M,P90|14_27.3). Au sujet de l’influence idéologique de différents compositeurs sur Mercure, voir Triebel 2015.
-
[6]
Bien qu’indirectement rattaché au manifeste Refus global, Mercure entretient diverses relations et collaborations avec nombre de ses signataires. À ce sujet, voir notamment Caron et Goldman 2011.
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[7]
Dans le cadre du documentaire, les propos de Mercure sont lus par Jean Deschamps. Le documentaire se retrouve sur le premier disque du coffret consacré au compositeur dans l’Anthologie de la musique canadienne tandis que Psaume pour abri est gravé sur le troisième disque (Mercure 1990).
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[8]
En plus de son passage au GRM en 1957-1958, au cours duquel il travaille la musique concrète auprès de Pierre Schaeffer, Mercure se rend à Darmstadt en 1962 et en 1965. Dans son article consacré aux compositeurs canadiens ayant participé aux cours d’été de Darmstadt, Jean Boivin (2011, 65) confirme que Mercure était notamment inscrit au séminaire « Pratiques de production de la musique électronique » (« Produktionspraxis ») donné par Hermann Heiß (pour la programmation complète des leçons données à Darmstadt en 1962, voir Borio et Danuser 1997, vol. 3, 614). Triebel (2015, 20) mentionne aussi que Mercure se rend à New York, à la fin des années 1950, pour étudier la musique électronique auprès du compositeur et pédagogue Richard Maxfield, dont trois créations furent ensuite programmées lors de la Semaine internationale de musique actuelle (SIMA) de 1961 (Rivest 1998).
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[9]
Ces trois oeuvres sont Psaume pour abri (1962-1963), Tétrachromie (1963) et Lignes et points (1964).
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[10]
Les cinq poèmes sont « 50 mégatonnes », « Psaume pour abri–i », « Le mal de la paix », « Psaume pour abri–iii » et « Géologie ». Lorsque Mercure approcha Ouellette pour obtenir de lui un scénario de cantate, le 30 novembre 1962, il était à la recherche de textes inédits. Ouellette lui proposa alors des textes inédits écrits au cours de la dernière année, et qui devaient n’être publiés qu’en 1965 suite à de légères retouches. À noter que de tous les textes utilisés par Mercure, seul « Le mal de la paix » fut écrit suite à l’acceptation du projet par Radio-Canada, le 10 décembre 1962. Ce dernier, central à l’oeuvre, date du 14 janvier 1963. Ces informations m’ont été généreusement fournies par Fernand Ouellette lui-même.
-
[11]
Extrait de « 50 mégatonnes ».
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[12]
Extrait de « Le mal de la paix ».
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[13]
Extrait de « Le mal de la paix ».
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[14]
Extrait de « Psaume pour abri–iii ».
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[15]
Extrait de « Géologie ».
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[16]
« Frontenac en 1692, voulant intimider les prisonniers iroquois par un exemple rigoureux, condamna deux de ceux-ci à être brulés vifs. L’un d’eux évita le supplice en se donnant la mort avec un couteau qu’il trouva dans sa prison. L’autre subit le tourment qui dura trois heures. C’est la femme de l’intendant, Madame Bochart Champigny, qui mit fin au supplice en ordonnant à un esclave de décharger sur la tête du malheureux un grand coup de massue dont il expira. On aurait pris soin de baptiser la victime avant de la soumettre à la torture ». Cet extrait, qui est conservé dans les archives de Mercure (document MSS60 06_M,P90|4_24.2 fol. 5), semble être un résumé, de la main du compositeur, des événements relatés dans le chapitre du livre de Roy intitulé « Les Iroquois brulés vifs à Québec et à Montréal » (1919, 64-70).
-
[17]
Fernand Ouellette a pris la parole pour dénoncer la violence dans différents conflits. Ainsi, à la suite de l’explosion de la première bombe du Front de libération du Québec (FLQ) ayant tué un homme (le 21 avril 1963, soit à quelques jours seulement de la première de Psaume pour abri), il dénonce le recours à la violence des responsables, soutenant que nulle cause ne peut légitimement réclamer l’usage de celle-ci : « il n’y a pas si longtemps, vous étiez peut-être parmi les premiers à manifester contre les armes nucléaires. […] On ne peut pas être contre les armes nucléaires, contre la torture et la dégradation et mettre sa confiance dans une révolution par les armes et les bombes. La gravité de la violence ne s’évalue pas en fonction du but à atteindre » (Ouellette 1963, 1-2).
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[18]
« I have chosen these particular poems because I believe in necessity, that [an] artist must be concerned about his time and he has a task to express his epoque. We live in a[n] era of particular anxiety and we are often at the mercy of the temperament of gigantic tyrants. We have just ended an electoral campaign where the words nuclear force, atomic war, war heads, were spoken much more often than the earth and man. I have chosen these poems because they speak of the anguish of the humanity that is condemned to live in shelters without light nor [sic] air. A humanity that remembers its past and dreams of the sun while shouting its anguish in front of the atrocity that [the] atom, the base of all human, mankind, has become our torturer. I believe that wickedness [?] has always been in man, and our present anguish must resemble a lot the anguish that Johann of Arc had in front of her judges ». Toutes les traductions sont de l’auteur, sauf indication contraire. Il est possible d’entendre la présentation intégrale de l’oeuvre par le compositeur sur le service d’écoute en continu du Centre de musique canadienne, à l’adresse http://www.centremusique.ca/fr/node/15114 (Mercure 1963). Cette présentation n’est pas reproduite dans l’Anthologie de la musique canadienne.
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[19]
Pour plus de détails à ce sujet, voir Fortman 1989, notamment les pages 487-497.
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[20]
À l’occasion d’une entrevue accordée au critique Claude Gingras, Pierre Mercure faisait allusion à l’importance que prenait pour lui l’actualité internationale : « J’épluche trois journaux par jour pour savoir ce qui se passe dans le monde » (cité dans Gingras 1965). Dans le contexte qui nous occupe ici, il semble aussi possible d’établir un parallèle avec une autre réflexion formulée par Ouellette dans son tout premier roman, qui renvoie l’image d’un protagoniste happé par une médiatisation croissante et s’accélérant au cours du xxe siècle, et l’inconfort en découlant : « L’Histoire ne peut que violenter ceux qui la vivent en acte ou en communion de vie […] La perception de la simultanéité du vécu de par la terre ne sollicitait pas l’homme ainsi qu’aujourd’hui, ne l’adossait pas à ses croyances en le prenant à la gorge pour qu’il se remette en question » (Ouellette 1980, 24-25).
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[21]
Il faut ici de préciser que Sartre n’acquiesce aux idées de Leibowitz qu’avec réticence, et qu’il n’y consent qu’au sujet de Schönberg et de son Survivant de Varsovie (1947). Le plus souvent, Sartre insiste sur l’idée que « l’artiste engagé devrait communiquer à l’aide de moyens expressifs d’emblée compréhensibles par ceux qu’il cherche à aider » (Carroll 2002, 597 : « the committed artist should communicate using expressive means readily understood by those whom it sought to help »). L’échange entre les deux hommes, de même que la réticence de Sartre à l’idée de reconnaître un potentiel d’engagement dans les arts autres que la prose, portent la marque de la notion d’art engagé développée par Sartre, notamment dans Qu’est-ce que la littérature ? (1948).
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[22]
En italique dans le texte original.
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[23]
Sartre interroge : « [l’art musical] ne pourrait-il donc influencer pour son humble part le cours de l’histoire en contribuant à présenter aux classes travailleuses l’image d’un «homme total» qui s’est arraché à l’aliénation » (1950, 13).
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[24]
« Vous me direz que la plupart des bourgeois n’entendent rien à la musique ; et c’est vrai. Mais il est vrai aussi que ceux qui peuvent la goûter appartiennent à la bourgeoisie, bénéficient de la culture bourgeoise […] il est rare qu’un gros industriel soit mélomane. Cela s’est vu pourtant : mais je ne me souviens pas d’avoir remarqué un ouvrier à vos concerts » (Sartre 1950, 15).
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[25]
« These barriers consist precisely in accepted forms of thought […] in the language of propaganda and marketable literature ».
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[26]
À ce sujet, il souligne notamment que l’art, dès lors qu’il se trouve réduit à l’objet d’une production de masse, voit l’impératif économique faucher son autonomie, de même que l’autonomie des idées qu’il véhicule. Il ajoute que « tant que les dernières oeuvres d’art servent à communiquer, elles dénoncent les formes dominantes de communications qui agissent comme instruments de destruction » (Horkheimer 1941, 279 : « To the extent that the last works of art still communicate, they denounce the prevailing forms of communication as instruments of destruction »).
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[27]
Il n’est pas rare de rencontrer cette idée à la lecture de plusieurs textes de la littérature récente consacrés aux moyens de produire de nouveaux types de sons (en musique électronique, par exemple) suite à la Seconde Guerre mondiale. À titre d’exemple, le lecteur pourra consulter les chapitres préparés par Nick Collins (2007, 171-200) et Sergi Jordà (2007, 87-106) dans le Cambridge Companion to Electronic Music. Plusieurs chapitres des deux tomes des Théories de la composition musicale au xxe siècle (Donin, Feneyrou et Aimard 2013) abondent aussi en ce sens.
-
[28]
« The transition from simple phenomena (sine tones and voice) via impulses to noise ». En d’autres termes, la transition du son pur à un espace sonore saturé, via des sons de nature intermédiaire.
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[29]
Ce qui ne signifie pas cependant que l’apparition de certaines approches créatives s’est faite sans heurts. Un penseur aussi important et influent qu’Adorno, à la pensée musicale complexe et parfois trouble, fait figure d’exemple. Alors qu’il a d’abord fait l’apologie de la méthode sérielle de la Seconde école de Vienne, Adorno a modifié sa position quant aux nouvelles approches créatives lorsqu’elle s’est butée à la croissance accélérée de la pensée scientifique dans les différentes sphères créatives, ce qui le plaça éventuellement en porte-à-faux vis-à-vis de plusieurs représentants de l’avant-garde de l’après-guerre, notamment à Darmstadt. Conférant au compositeur le devoir d’insuffler à l’oeuvre l’expression symptomatique de son temps, le confrère d’Horkheimer s’est d’ailleurs montré hostile, dans un texte polémique de 1955, aux musiciens-chercheurs qui s’étaient montrés prompts à justifier par la science leurs explorations du sonore : « Le vain espoir de l’art, dans ce monde désenchanté, de se sauver lui-même à travers une pseudo-métamorphose en science, devient le némésis de l’art » (Adorno 2002 [1955], 193 : « The vain hope of art, that in the disenchanted world it might save itself through pseudomorphosis into science, becomes art’s nemesis »). La complexité des positions d’Adorno à ce sujet est bien expliquée dans « Mimésis et vérité dans l’esthétique d’Adorno » (Ricard 1996).
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[30]
À titre de repère historique, il pourrait être pertinent de rappeler que la publication de ces deux manifestes précède de peu la tenue de la Commission royale d’enquête sur l’avancement des arts, des lettres et des sciences (Commission Massey) — commandée en 1949, la commission prend fin avec le dépôt de son rapport, le 1er juin 1951 — qui faisait état du retard accusé par le domaine des arts au Canada face aux produits de la culture américaine. À ce sujet, voir notamment Druick 2007 ; Kallmann et Stewart 2006 ; et Litt 2012.
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C’est moi qui souligne.
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Ci-après désignée comme la Commission Rioux. Je suis d’autant plus heureux de présenter brièvement la Commission Rioux dans ces pages que je n’ai rencontré aucune information à son sujet dans les sources que j’ai consultées. C’est Fernand Ouellette qui me révéla l’histoire de cette Commission lors de notre rencontre de décembre 2015. J’espère de ce fait travailler à la réhabilitation de ce qui me semble être une page importante de notre histoire culturelle.
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Il est possible de voir, dans les questionnements formulés ici par Corbo, certains des motifs et des prémisses aux grèves étudiantes du Printemps érable, en 2012.
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C’est moi qui souligne.
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Les règles du concours pour lequel ce Psaume a été composé spécifiaient que les oeuvres devaient être d’une durée minimale de trente minutes.
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Ce Psaume est écrit pour récitante, choeur parlé, choeur chanté (qui sont deux choeurs distincts) quatuor de percussions, quintette de cuivres, quatuor à cordes, harpe, clavecin, piano, célesta et bande magnétique. Les interprètes ayant pris part à l’enregistrement sont Charlotte Boisjoli (récitante), la Chorale Bach de Montréal (choeur chanté ; George Little, dir.), les étudiants de deuxième année de l’École nationale de théâtre (choeur parlé ; Gabriel Charpentier, dir.), Kenneth Gilbert (clavecin), Marie Iosh (harpe), Serge Garant (piano-célesta), Arthur Garami et Mildred Goodman (violons), Otto Joachim (alto), Walter Joachim (violoncelle), James Ranti et Jean-Louis Chatel (trompettes), Aimé Lainesse (cor), Vincent Clarke (trombone), Robert Ryker (tuba), Guy Lachapelle, Pierre Béluse, Louis Charbonneau et Tom Cavanagh (percussions) ; Pierre Mercure a assuré la direction musicale et la réalisation de l’oeuvre en vue de sa diffusion radiophonique (Mercure 1990, notes du livret, 19).
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L’article de Cherney a aussi été reproduit dans l’ouvrage collectif dirigé par Jonathan Goldman, La création musicale au Québec (Cherney 2014).
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Il est intéressant de noter que le choeur parlé confère un caractère parfois bruitiste à l’oeuvre en créant l’effet d’une foule aux propos indistincts. L’inintelligibilité du texte inscrit Psaume pour abri aux côtés d’autres oeuvres vocales de l’après-guerre, telles que Nuits de Xenakis (1967) ou Le marteau sans maître de Boulez (1954).
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Rappelons aussi que Fernand Ouellette fut le premier biographe d’Edgard Varèse — la première édition de la monographie remonte à 1966 — après avoir dirigé, en 1959, l’ouvrage Visages d’Edgard Varèse auquel prirent notamment part les compositeurs québécois Serge Garant, Gilles Tremblay, François Morel et Jean Vallerand, de même que Varèse lui-même. Les références de ces ouvrages apparaissent dans la bibliographie. J’utilise la typographie Edgard, moins fréquente lorsqu’il est question du compositeur que Edgar. C’est que les ouvrages de Ouellette le nomment sous cette forme, qui serait aussi l’orthographe utilisée par Varèse lui-même.
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Cette table de permutations n’est pas sans évoquer celles utilisées par Dallapiccola, Maderna et Nono en vue de la composition de leurs propres oeuvres. Cette observation renforce la conviction que l’enseignement des trois compositeurs italiens ait pu jouer d’influence sur l’approche créatrice de Mercure. Cette observation est d’ailleurs approfondie par Triebel (2015, 25-28).
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Encore que les attaches de Mercure à certaines musiques du passé demeurent relativement évidentes. Il me semble en ce sens légitime de rappeler que le compositeur a placé cette oeuvre sous le signe de la cantate, genre qu’il a pu chercher à réactualiser. Peut-être est-il possible d’y voir une réponse baroque à la « Leçon de composition comparée : Le Moyen Âge et la Nouvelle musique » (« Vergleichende Kompositionslehre : Mittelalter und Neue Musik ») (Borio et Danuser 1997, vol. 3, 614) dispensée par Bruno Maderna alors que Mercure était à Darmstadt, en 1962. Ce dernier reprend en effet, dans Psaume pour abri, l’alternance choeur/soliste typique de la cantate ; à travers l’instrumentation (clavecin) et le — rare — recours à des gestes stéréotypés (formules cadentielles) reparait par ailleurs timidement le continuo de l’orchestre baroque, tandis que les percussions en tremolo font entendre à plusieurs reprises ce qui ressemble à une série jouant un rôle similaire à celui du basso ostinato. Plusieurs documents contenus dans les archives de Mercure laissent croire qu’il aurait élaboré une longue série, sans doute de 24 sons, telle que celle utilisée pour Tétrachromie (Triebel 2015, 49-65) et Lignes et points (Cherney 2011, 108-111) (voir Figure 6). Cette dernière idée s’avère cependant difficile à confirmer puisqu’il ne nous reste que des extraits fragmentaires de la partition de Psaume pour abri.
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Extrait de « Psaume pour abri–iii ».
Bibliographie
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