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Dans leur pratique quotidienne, les terminologues, traducteurs, lexicographes et lexicologues étudient, consultent, décortiquent et analysent les contextes dont ils ont besoin pour élaborer le système conceptuel d’un domaine, rendre de façon efficace un texte dans une langue différente, choisir une citation pertinente ou encore (re)définir des mots. La problématique des contextes en linguistique de corpus n’est pas nouvelle, mais elle gagne en importance dans un monde où les sciences et les techniques évoluent de plus en plus rapidement et où les langues subissent les contrecoups des enjeux politiques et économiques liés à la mondialisation. En effet, les mots, les termes, les locutions et les phraséologies changent selon leur contexte d’utilisation, qu’il soit sur papier ou numérisé, et doivent être répertoriés pour garantir une communication efficace constante.

Comme nombre d’autres sciences, la linguistique de corpus se transforme. Les outils informatiques ont ouvert de nouvelles pistes de recherche et permettent des analyses approfondies sur de larges corpus et sur des contextes variés. Les travaux qui en découlent intéressent aussi bien les enseignants-chercheurs et leurs étudiants que les langagiers-praticiens et leurs clients puisque les applications possibles – telles l’élaboration de listes de cooccurrences et le repérage de néologismes – sont diverses.

1. Présentation générale

C’est dans un tel contexte – sans jeu de mots – que s’insère l’ouvrage dirigé par Daniel Blampain, Philippe Thoiron et Marc Van Campenhoudt. Il s’agit des actes des septièmes Journées scientifiques tenues à Bruxelles du 8 au 10 septembre 2005 et organisées par le réseau des chercheurs Lexicologie, Terminologie et Traduction en collaboration avec l’Institut supérieur de traducteurs et interprètes. Les Journées avaient pour titre « Mots, termes et contextes ».

Ces Journées ont eu du succès auprès de la communauté des chercheurs puisque le comité scientifique a reçu plus de 90 propositions de communication envoyées par des spécialistes oeuvrant dans une trentaine de pays. De toutes ces propositions, 62 ont donné lieu à des présentations puis à des articles pour les actes. En tout, 76 auteurs ont contribué à l’ouvrage de 741 pages… Oui, c’est une brique!

Les articles comptent entre dix et vingt-deux pages. Tous sont précédés d’un résumé de cinq à vingt lignes et d’une liste de cinq ou six mots-clés renvoyant au sujet abordé ou à la méthodologie employée. Une bibliographie détaillée accompagne chaque contribution.

1.1 Spécialités représentées

Le nombre de sciences et de disciplines représentées dans les actes est impressionnant. Parmi celles-ci figurent la didactique des langues, l’ethnolinguistique, l’informatique, l’interprétation, la lexicographie, la lexicologie, la linguistique de corpus, la linguistique informatique, la morphologie, l’ontologie, la pragmatique, la rédaction technique, la sémantique, la sociolinguistique, la socioterminologie, la terminologie d’entreprise, la terminologie générale, la terminotique, la traduction pragmatique et la traductologie. Une telle liste de domaines n’est pas sans révéler à quel point l’étude des contextes est généralisée et pertinente pour obtenir des données empiriques fiables.

1.1 Langues, dialectes et langues de spécialité

Les langues examinées et les dialectes analysés par les auteurs sont également nombreux et variés. Nous n’avons qu’à mentionner l’anglais, l’arabe, le créole, le dioula, l’espagnol, l’eurolecte, le français, le grec, le nouchi, le portugais et le roumain pour nous rendre compte de l’intérêt que suscitent les langues africaines, européennes et moyen-orientales auprès de la communauté scientifique. On peut espérer que des travaux portant sur les langues orientales soient présentés aux prochaines Journées afin d’enrichir les échanges entre chercheurs.

Remarquons que les langues de spécialité touchant à la botanique, à la biomédecine, à l’économie, à l’histoire, à la métallurgie et à la politique ajoutent déjà une variété appréciée aux sujets abordés.

2. Points faibles et points forts

Puisqu’il suit le format d’une réunion scientifique internationale, l’ouvrage comporte les points forts et les points faibles associés habituellement aux actes de colloque. Pour suivre la tradition populaire, commençons par les points faibles et terminons par les points forts.

2.1 Points faibles

Le premier point faible concerne la présentation générale du livre. En effet, celui-ci ne comporte pas d’introduction synthétisant les articles. Il est vrai que la grande diversité des contributions rend la rédaction de toute introduction difficile, mais une présentation individuelle ou par thèmes aurait facilité la lecture ou la consultation. Pour pallier le problème, on ne peut pas se fier aux titres, car ils ne sont pas nécessairement transparents. En outre, si l’on veut lire un auteur particulier, il faut encore s’armer de patience puisque les articles ne sont pas classés selon le nom des auteurs. Les pages 15 à 17 renferment bien une liste alphabétique des chercheurs, mais sans renvoi à la première page des articles, la liste est simplement nominative.

Le point faible suivant porte sur les résumés au début de chaque article. Ils n’ont pas tous la même valeur descriptive : certains sont précis et détaillés, d’autres sont flous et généraux, certains sont courts (cinq ou six lignes) et d’autres sont longs (quinze lignes). Mentionnons qu’il n’y a pas toujours corrélation entre longueur et précision. Un résumé se distingue cependant des autres en ce qu’il reprend mot pour mot la conclusion de l’article qu’il présente.

Le dernier point faible a trait à la qualité de l’information. Quelques articles comportent des anglicismes, des erreurs d’accord et des fautes de syntaxe qui nuisent à la communication. De plus, à la lecture de certaines contributions, on s’aperçoit que les illustrations et les exemples étaient originellement présentés en couleurs tandis que la publication est imprimée en noir et blanc. Les descriptions et les explications données par les auteurs font occasionnellement référence à ces couleurs. De fait, elles sont quelque peu fragilisées et la compréhension de la matière est amoindrie. Enfin, les références citées dans un article ne figurent pas toutes dans la bibliographie, ce qui nuit à la recherche de renseignements complémentaires.

2.2 Points forts

Malgré quelques points faibles, l’ouvrage comporte des points forts qui le rendent utile et pertinent pour les langagiers. Ainsi, il présente de nombreuses recherches prometteuses dans moult spécialités ayant en commun la langue. Qui plus est, la variété des sujets abordés constitue une richesse théorique incontestable pour quiconque désire assouvir sa curiosité intellectuelle, se lancer dans une nouvelle recherche ou se ressourcer dans son domaine. L’angle d’approche de chaque auteur étant unique, on ne constate aucune redondance et on a le privilège de lire des points de vue différents sur divers sujets. C’est le signe que le comité scientifique a effectué un excellent travail de sélection.

Tout au long des actes, le concept de contexte est l’axe autour duquel rayonnent des recherches diverses et originales. Lorsqu’on parcourt les articles, on se rend compte de la polysémie du terme contexte : le contexte de l’un n’est pas forcément le contexte de l’autre. Chaque auteur évoluant dans une discipline différente, employant des outils d’analyse parfois uniques, se penchant sur un problème particulier et étudiant une ou plusieurs langues modifie le sens du mot pour l’adapter à ses travaux. Par conséquent, de nombreux auteurs ont dû déterminer ce qu’ils entendaient par contexte. Si l’on veut trouver une définition spécifique ou une conception scientifique touchant les contextes, ce livre est véritablement une bonne source à consulter.

Nous devons noter également la qualité des chercheurs en général et la renommée internationale de certains d’entre eux comme François Gaudin, qui a co-rédigé un article très intéressant avec Maria-Cristina Alexandru, et Pierre Lerat, qui a écrit un article passionnant. Par souci d’espace, nous ne mentionnerons que ceux-ci, même si d’autres excellents chercheurs méritent mention. La présence de ces grands renforce la valeur scientifique des actes.

3. Conclusion

L’ouvrage dirigé par Blampain, Thoiron et Campenhoudt brosse un tableau assez complet de ce qui se fait actuellement en recherche sur corpus. Il servira de livre de référence au terminologue, au traducteur, au lexicographe, au lexicologue ou à tout autre chercheur qui désire étudier la langue à l’aide de contextes. Enfin, il s’inscrit dans la lignée des actes de colloque qui apportent une contribution à l’avancement de la pensée et de la réflexion scientifiques modernes.