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L’idée de crise de la littérature comparée n’est pas nouvelle. D’ailleurs, comme l’écrivit Haskell Block, en 1970, dans une plaquette intitulée Nouvelles tendances en littérature comparée, « [i]l est fort possible que les conditions d’une crise soient réunies en permanence, non seulement dans les études humanistes de nos jours, mais également dans la vie quotidienne » (p. 15). Ce dernier tenait néanmoins à préciser que « [c]rise ne veut pas dire catastrophe » (p. 51).

« The Crisis of Comparative Literature » était, en fait, le titre de la communication que prononça René Wellek il y a un demi-siècle au Congrès de Chapel Hill (en Caroline du Nord), en 1958. Il s’agissait du deuxième congrès (et du véritable point de départ) de l’Association internationale de littérature comparée. Ce congrès était organisé par Werner P. Friederich, professeur américain d’origine suisse, qui enseignait à Chapel Hill. L’idée de Friederich était de réunir en un même lieu ses collègues américains de même que les comparatistes européens issus des pays libérés en 1945, ce qu’il parvint à faire avec l’appui de la Fondation Ford[1]. Pour faire un premier lien avec le contexte canadien et québécois, soulignons la présence, à Chapel Hill, d’un certain Northrop Frye « Every problem in literary criticism », déclare-t-il alors, « is a problem in comparative literature, or simply of literature itself » (cité par Block, 1970, p. 33). Frye analyse, lors de ce congrès, les mythes sous-jacents au poème Lycidas de Milton, dans une communication intitulée « Literature as Context: Milton’s Lycidas[2] ». Selon Block, il s’agit d’un « exemple […] excellent […] de l’analyse comparative d’un seul poème » (ibid.). Ici, comparatisme s’entend au sens d’étude des archétypes, des thèmes mythologiques et bibliques qui informent une oeuvre littéraire. « An avowedly conventional poem like Lycidas », écrira plus tard Frye dans Anatomy of Criticism, « urgently demands the kind of criticism that will absorb it into the study of literature as a whole » (1957, p. 100). Ainsi, pour Frye, la véritable critique littéraire, c’est celle qui fait le plus de liens et établit le plus de parenté et d’analogies possibles avec d’autres oeuvres. Rappelons d’ailleurs la place accordée historiquement, au sein des études comparatistes, à l’étude des rapports entre les mythes anciens et la littérature contemporaine. Un exemple éloquent en est le livre Lecture mythocritique du roman québécois d’Antoine Sirois, chercheur « [f]ormé en littérature comparée », comme il le rappelle lui-même dans l’introduction à cet ouvrage (1999, p. 9), dans lequel on retrouve entre autres une étude de la place du mythe d’Orphée dans quelques romans d’Anne Hébert.

Le point culminant du congrès de Chapel Hill fut cette charge lancée par René Wellek contre la méthodologie du comparatisme français. Issu de l’école linguistique de Prague, marqué par le formalisme russe, Wellek dénonça, dans sa communication, la tendance historicisante de la grande école française, pour prôner un comparatisme « structuraliste » (v. Block, 1970, p. 49). Les études d’influences pratiquées jusqu’alors étaient jugées stériles par Wellek et compagnie.

Plusieurs idées de Wellek furent reprises par Étiemble dans Comparaison n’est pas raison. La crise de la littérature comparée (1963)[3]. Certes, Étiemble reconnaît l’importance de l’étude des rapports de fait (liens directs, influences décelables) entre deux corpus littéraires « Mon comparatiste », écrit-il avec l’ironie qu’on lui connaît, « je le veux donc rompu au dépouillement des archives, des collections de petites revues. Outre une formation d’historien, je lui en souhaite une aussi de sociologue. Je ne lui interdirais même pas la culture générale » (1963, pp. 82-83). Mais Étiemble valorise l’étude des affinités et des parallélismes ahistoriques (v. Block, 1970, p. 26), en soulignant la légitimité de la comparaison « lors même qu’il ne saurait y avoir d’influence » (Étiemble, 1963, p. 24). Étiemble donne comme exemple une étude publiée en 1955 par James Liu comparant les conventions propres au drame poétique élisabéthain à celui de l’époque bien antérieure et bien différente des Yuan (Étiemble, 1963, p. 100).

Étiemble insiste en outre sur l’importance de revenir au texte, de faire l’expérience intime de sa beauté littéraire, de développer une conscience de la valeur intrinsèque de l’oeuvre (v. Block, 1970, p. 27). Dans l’expression « littérature comparée », rappelle-t-il, il y a comparée mais il y a aussi littérature. Étiemble propose en somme de combiner l’enquête historique et la réflexion critique (ou esthétique), afin que la littérature comparée aboutisse à une poétique comparée (Étiemble, 1963, p. 101).

Dans cet essai, Étiemble en profite aussi pour livrer quelques-unes de ses réflexions sur les rapports entre littérature comparée et traduction. L’art de la traduction, estime-t-il, est négligé par les comparatistes (ibid., p. 95). « La littérature comparée devrait accorder son dû à l’art de la traduction », écrit-il (ibid., p. 44). « Nous manquons de traducteurs compétents. L’enseignement de la littérature comparée devrait donc se consacrer à nous en former d’excellents » (ibid., p. 48). Étiemble adhère d’ailleurs à l’idée exprimée par André Gide (traducteur de Joseph Conrad, entre autres), selon laquelle « tout écrivain devrait consacrer une part de sa vie à enrichir sa littérature en lui offrant la traduction de quelques-uns des chefs-d’oeuvre qu’il est capable de sentir, parmi ceux des langues qu’il connaît » (ibid., p. 49). Il encourage l’étude comparée des traductions[4], laquelle – en appliquant avec tact la méthode de l’explication de textes – permet d’aller fort avant dans l’analyse de l’art du poème, croit Étiemble (ibid., p. 96). C’est le modèle achevé de l’explication comparée.

Pour Étiemble, le fait d’inciter les futurs comparatistes à apprendre le plus de langues étrangères possible n’est pas contradictoire avec l’idée d’accorder droit de cité à la traduction et à la traductologie dans le cadre des études de littérature comparée. Toutefois, tous ne partageaient pas cet avis à l’époque (pas plus, d’ailleurs, qu’aujourd’hui). Parmi les réfractaires figure notamment Haskell Block, qui n’était pas d’accord avec Étiemble sur la place de la traduction et de la littérature traduite dans les études comparatistes. « La littérature comparée n’est pas l’étude de la littérature étrangère traduite, malgré l’importance et la nécessité de celle-ci » (Block, 1970, p. 43). Ce sont entre autres les préoccupations de comparatistes comme Étiemble qui ont débouché sur la traductologie dans le cadre – ou en dehors – de la littérature comparée[5]. Étiemble s’intéresse aussi à l’enseignement de la littérature comparée. « Il faut […] remanier nos programmes » (Étiemble, 1963, p. 103), écrit-il en conclusion de son ouvrage, « … en pensant à l’an 2050 » (ibid., p. 105).

L’exemple de D. G. Jones

J’aimerais examiner – sur cette toile de fond historique – de quelle manière Douglas Gordon Jones a conjugué poésie, comparatisme et traductologie au cours des années 1960 et au-delà, en réponse à la situation telle qu’elle se présentait alors à lui. Sa réponse fut la littérature canadienne comparée, dont la traduction littéraire sera dès le départ un élément constitutif.

Rappelons brièvement, pour commencer, quelle est la contribution de D. G. Jones comme poète, critique, traducteur et professeur. Poète réputé, Doug Jones est l’auteur d’une dizaine de recueils. Il a remporté en 1977 le Prix littéraire du Gouverneur général (Poésie de langue anglaise) et le Prix de poésie A. J. M. Smith, décerné par la Michigan State University, pour son recueil Under the Thunder the Flowers Light Up the Earth. Un choix de ses poèmes figure dans toutes les anthologies de poésie canadienne-anglaise d’importance. Sa poésie, d’un grand lyrisme, est un commentaire vibrant et subtil sur les attitudes changeantes et les grandes préoccupations des Canadiens au cours des dernières décennies. Ses vers sont empreints de grâce, d’élégance, d’esprit et d’acuité intellectuelle.

Nous devons en outre à D. G. Jones un ouvrage critique incontournable : Butterfly on Rock: A Study of Themes and Images in Canadian Literature (1970). Publiée à une époque cruciale dans l’évolution de la conscience réciproque des deux principales communautés linguistiques et culturelles du pays, cette étude est vite devenue un classique dans le domaine des études littéraires canadiennes comparées. L’activité de réflexion critique est allée de pair, chez Jones, avec une activité soutenue de traduction de poésie québécoise vers l’anglais. Tout en poursuivant sa propre carrière poétique, il a mis ses talents de poète et de critique au service de la poésie québécoise (contemporaine et plus ancienne) qu’il lisait, admirait et décortiquait dans ses cours et ses articles. Ses traductions ont ainsi fait connaître de grands poètes québécois comme Paul-Marie Lapointe et Gaston Miron aux communautés canadienne-anglaise et internationale. Jones est d’ailleurs le fondateur, en 1969, de la revue de traduction poétique Ellipse, périodique auquel il a collaboré à un titre ou un autre pendant une bonne trentaine d’années. C’est une contribution dont la portée est incalculable. En fondant cette revue avec Sheila Fischman, il a créé un lieu d’échange entre les communautés culturelles de langue anglaise et française au pays. Pendant plusieurs décennies, il a travaillé personnellement à garder cet espace ouvert et fréquenté. Jones a remporté, en 1993, le Prix littéraire du Gouverneur général pour sa traduction vers l’anglais d’un recueil de Normand de Bellefeuille, Catégoriques un, deux et trois. Parmi les poètes canadiens de langue anglaise de sa génération, il a fait preuve d’une remarquable ouverture envers la poésie québécoise, qui a exercé une influence sur sa propre écriture poétique. C’est une contribution qui s’apparente, à certains égards, à celle de F. R. Scott, que Jones a bien connu et auquel il consacre deux études en 1983 (dont l’une porte sur Scott traducteur). Enfin, D. G. Jones fut professeur de littérature canadienne comparée à l’Université de Sherbrooke, de 1963 à 1994. Il a enseigné à des générations d’étudiants en littérature canadienne, en littérature québécoise, ainsi qu’en traduction. Il a formé et inspiré de nombreux poètes, traducteurs et professeurs de littérature, anglophones et francophones, comme Judith Cowan, Louise Desjardins, Richard Giguère et Pierre Nepveu.

Quand son collègue Ronald Sutherland crée, à l’Université de Sherbrooke, le programme de maîtrise en Littérature canadienne comparée au début des années 1960, il le fait pour l’essentiel dans l’esprit du comparatisme tel qu’il est redéfini à la fin de la décennie précédente par Wellek et d’autres. La touche originale de Sutherland sera de proposer de pratiquer ce comparatisme dans une perspective canadienne et québécoise. À l’orée de la Révolution tranquille, la période est éminemment propice à ce genre de réflexions. Dans ce contexte, la contribution particulière de Jones, qui se joindra à Sutherland, rappelons-le, comme professeur d’études anglaises et de littérature canadienne comparée dès 1963, est d’avoir conjugué ce comparatisme canadien avec la traduction littéraire, dans l’esprit prôné par Étiemble. À cette époque, on prend conscience du nombre infime de traductions existantes d’oeuvres littéraires québécoises et canadiennes-anglaises. En 1968, Philip Stratford fait paraître dans la revue Meta une étude comportant un premier inventaire de la littérature canadienne en traduction[6]. Au cours de la décennie suivante, la traduction va d’ailleurs continuer à être dans l’air du temps et à faire partie des préoccupations d’organismes fédéraux comme le Conseil canadien de recherches sur les humanités. À la fin de 1972, par exemple, un « comité de traduction » est formé au sein de cet organisme en vue de dresser des listes d’oeuvres canadiennes, de langue anglaise et française, ressortissant au domaine de la littérature et des sciences humaines et sociales, qui mériteraient d’être traduites, ainsi que de traducteurs susceptibles d’accomplir cette tâche. Antoine Sirois, alors directeur du Département d’études françaises de l’Université de Sherbrooke, préside ce comité, composé de Philip Stratford, d’André Clas et de Michael Gnarowski[7]. Dans un tel contexte, la contribution de Doug Jones a été d’élire la poésie comme champ d’action, de s’adonner à la traduction poétique et de proposer celle-ci comme modèle de lecture et d’analyse de la poésie québécoise, comme l’approche comparatiste de l’heure.

Une poétique comparatiste

Dès les années 1960, pour les besoins de l’enseignement de séminaires de théorie de la littérature canadienne comparée, par exemple, Jones ajoute à sa fréquentation de nombreux poètes canadiens de langue anglaise et française celle de traductologues de la première heure comme George Steiner de même que celle de plusieurs théoriciens structuralistes français comme Roland Barthes. Sa réflexion sur le comparatisme littéraire canadien sera enrichie par la découverte, à travers Marshall McLuhan, des travaux de l’historien canadien Harold A. Innis. Jones s’intéresse particulièrement à la thèse développée par Innis sur les modes de communication privilégiés par certaines sociétés, thèse qu’il applique à son tour au contexte littéraire canadien. Dans un courriel récent, Jones résume ainsi les conclusions auxquelles il est arrivé « What we see in much of the English-Canadian literature is a society characterized by a predominantly spatial bias of communication. What we see in Quebec literature in French from the nineteenth to at least the mid-twentieth century is a society with a strong temporal bias of communication[8] ». Toutefois, Jones précise qu’il n’a pas voulu pour autant, dans ses écrits théoriques, établir à tout prix des comparaisons entre poètes canadiens et québécois : « Most of my articles may not be particularly useful, in themselves, as examples of “comparative” criticism[9] ».

Dans un article intitulé « Grounds For Translation », Jones note la difficulté de traduire le poème « Soir d’hiver » de Nelligan. Pourtant, écrit-il, « [e]xperience I think tells us there is something wrong with the idea that poetry is untranslatable » (Jones, 1977, p. 66). À l’instar de George Steiner, qui vient de publier After Babel (en 1975), il estime que tout acte de communication se distingue autant par ce qu’il voile que par ce qu’il dévoile. De même que la langue est un outil à la fois collectif et individuel, Jones note un jeu d’aller et de retour entre l’individuel et le collectif en littérature. À la fin de son article, de manière tout à fait postmoderne, Jones salue la liberté de mal traduire, « the freedom to play with what is given, to reverse what is given, to transform and recreate » (ibid., p. 86) : « It is precisely through translation, » conclut-il, « that is, inevitably, mistranslation, mis-reading, that the poet, the writer, all of us who share an articulate culture, manage to find nourishment, manage to avoid being locked in “the prison house of language” » (ibid., p. 88).

Cet article de Jones montre bien de quelle façon traduction et comparatisme sont intrinsèquement liés à ce moment précis de l’histoire littéraire du pays. L’auteur se demande ainsi 

Why do we translate Quebec poetry? Because, in a sense, we have been asked to. It is an immediate response to the cry to be heard, to be recognized, to be given existence in the eyes of others. And who is going to listen if English-Canadians do not, the people who have shared the same geography, the same history, who have been “host” and “hostis”, friend and enemy, for over two centuries? […] If we translate Quebec poetry so that Quebeckers may exist, we do so as well so that we may exist. Any genuine intercourse is reciprocal, reinforcing our existence, providing a heightened and more articulate sense of our own identity – of one’s self and the other. Nor are English-Canadians possessed of such a large and assured identity that they have no need of such reinforcement.

Jones, 1977, pp. 78, 80

Jones souligne, en outre, l’importance de la diffusion des traductions : il donne l’exemple d’une soirée de lectures de poèmes de Gaston Miron et de Paul-Marie Lapointe dans la traduction de Jones, à Pittsburgh, en présence du traducteur et des auteurs. « I’ve seen an audience in Pittsburgh come alive to Paul-Marie Lapointe and Gaston Miron, so that for a few hours at least Lapointe and Miron and, indeed, Quebec, existed on the banks of the Monangahela » (ibid., p. 78)[10]

L’article de Jones, « Grounds For Translation », fut reproduit dans The Insecurity of Art. Essays on Poetics, recueil de textes publié sous la direction de Ken Norris et Peter Van Toorn chez Véhicule Press en 1982. David Homel fait, dans la revue Spirale en décembre 1983, une recension de ce titre et d’un autre paru l’année précédente chez le même éditeur (une anthologie de poésie de langue anglaise du Québec, Cross/cut. Contemporary English Quebec Poetry).

Homel insiste sur le fait que les « écrivains anglophones d’ici sont un groupe spécial : des gens très conscients du dualisme historique de leur pays ». Pour eux, poursuit Homel, « rester en contact avec les courants littéraires du Québec français est chose essentielle. L’écrivain anglais en est un pour qui – pour reprendre la pensée du poète Doug Jones – vivre dans une terre de Babel ne donne aucunement lieu à l’angoisse : sa réaction, c’est de traduire. Et ainsi, écrit Homel, naquit le poète-traducteur : John Glassco […], Frank Scott […] et Jones lui-même » (Homel, 1983, p. 9).

Ainsi, après notre Babel à nous, qu’est-ce qu’on fait? La réponse de Jones : on traduit, et ce faisant, on compare et on prend des notes. La prise de conscience de la présence de l’Autre est fulgurante. Il n’y a pas de temps à perdre. Ainsi, voici l’avènement du poète-comparatiste-traducteur.

La poésie même de D. G. Jones se ressent d’ailleurs de l’heureux alliage de ces trois champs d’activité et d’écriture. Un exemple éloquent de cette interaction entre l’écriture poétique et la traduction poétique, nourrie des réflexions d’un comparatiste féru de littérature québécoise, se donne à lire dans la suite poétique « Saint Martins/Sint Maartens », publiée par Jones dans un recueil intitulé Wild Asterisks in Cloud (1997). Jones a écrit ce long poème lors d’un séjour avec sa femme, Monique, dans cette île des Petites Antilles, où il avait emporté avec lui la traduction anglaise, par Eliot Weinberger, du long poème Altazor de l’écrivain chilien Vicente Huidobro, livre que lui avait offert Hugh Hazelton (un autre poète-comparatiste-traducteur) « My poem is a kind of poetic journal of our stay on the island where I read this translation along with the original text, and used bits of it as I wrote my own poem, which ended up quoting bits in Spanish and making quite a few references to that text », précise-t-il (Jones, 2009). L’une de ces citations de Huidobro par Jones a trait au rire des morts que le poète chilien dit entendre sous la terre : « la risa de los muertos debajo de la tierra » (Jones, 1997, p. 120). De là, Jones renvoie à Alain Grandbois qui écrit, dans son poème « Le silence », qu’il suffit peut-être de gratter la surface de la terre pour que, « d’un seul coup », surgissent « toutes les musiques » des morts, ceux de la Deuxième Guerre mondiale en particulier (Grandbois, 1990, p. 167). En plus d’intégrer dans son propre poème quelques vers de Grandbois en français, Jones y mêle quelques extraits de cette poésie dans sa propre traduction anglaise. Comme il le souligne lui-même :

The poet writes about his world with the assistance of another poet writing in Spanish who is made clear in English by an American translator, leading the poet to quote another poet in French, which he then translates into his (and presumably his eventual reader’s) English – as a way of making a point, and expressing his sense of connections, and, well, developing a poem.

Jones, 2009

Le fait qu’une autre voix, celle d’un poète chilien, traduit en anglais par le traducteur américain Weinberger, se joint ici à celles de Grandbois et de Jones n’est pas sans signification elle témoigne d’une ouverture aux voix de toutes les Amériques, qui est sans conteste l’une des avenues de plus en plus explorées par les études comparatistes et traductologiques d’aujourd’hui.

En somme, par sa contribution originale, Jones a montré que le comparatisme, loin d’être une approche inadaptée aux études traductologiques actuelles, était au contraire propre à éclairer et à enrichir la compréhension de nombreuses pratiques littéraires et traductives au Québec et ailleurs au pays.