VertigO
La revue électronique en sciences de l’environnement
Volume 12, Number 1, May 2012 Comprendre et maitriser les risques techniques et environnementaux : aller au-delà du risque ? Guest-edited by Dominique Bourg, Pierre-Benoît Joly, Alain Kaufmann, Frédérick Lemarchand, Marc Mormont and Dominique Pécaud
Table of contents (15 articles)
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Comprendre et maitriser les risques techniques et environnementaux : aller au-delà du risque ? Avant-propos
Dominique Bourg, Pierre-Benoît Joly, Alain Kaufmann, Frédérick Lemarchand, Marc Mormont and Dominique Pécaud
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Dénombrer pour maitriser les dommages des catastrophes naturelles
Cloé Vallette and Stéphane Cartier
AbstractFR:
Dans une visée opérationnelle, la puissance technique des moyens de communication offre l’opportunité inédite de documenter et d’enregistrer systématiquement les catastrophes naturelles. Le paradoxe réside dans l’exposition croissante au danger alors que nos sociétés dépensent une énergie considérable à produire des indices chiffrés facilitant la réduction des catastrophes. Illustrée par des études de cas, la relation entre chiffrage et liste de bénéficiaires conditionne la production et les usages sociopolitiques du décompte. Enregistrés dans des bases de données, ces chiffres semblent gagner en impartialité en neutralisant l’évènement. Néanmoins, l’examen des différences méthodologiques entre EM-DAT (The International Disaster Database) et DesInventar révèle des positionnements conceptuels divergents. Utilisé comme indicateur ou comme preuve, le chiffrage des impacts légitime un mode de gestion du territoire et des activités, soit libéral, soit prescriptif.
EN:
To provide information and record natural disaster, communication medium technical strength offers new opportunities. In spite of this high number production to facilitate disaster reduction, paradox is that danger exposure constantly raises in ours societies. Illustrated trough cases studies, relation between damage assessment and beneficiary’s list conditions count socio-political uses. Recorded on databases for decision-making, this number seems reaching impartiality. Nevertheless, methodology heterogeneity between two databases, EM-DAT (The International Disaster Database) and DesInventar, shows different conceptual positions. If number is an indicator, the management is liberal. If number is an evidence, management is prescriptive.
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Vulnérabilité, risques et environnement : l’itinéraire chaotique d’un paradigme sociologique contemporain
Sylvia Becerra
AbstractFR:
Vulnérabilité est une notion polysémique, multiscalaire, multidimensionnelle (Nathan, 2009 ; Janin, 2006, 2008 ; Léone, 2007 ; Bogardi, 2004 ; Bohle, 2002 ; Fabiani, Theys, 1987) dont l’utilisation va bien au-delà de la simple identification des critères sociaux traditionnels comme l’âge, le genre, la classe sociale ou le niveau des revenus (Birkmann, 2006). En France, elle a du mal à s’imposer comme un véritable concept sociologique, tandis qu’ailleurs les chercheurs, notamment américains ou latino-américains, travaillent sur cette problématique depuis une trentaine d’années. Cet article explicite l’itinéraire du paradigme de la vulnérabilité sociale dans l’étude des risques environnementaux à partir d’une revue de ses définitions et usages par les sciences sociales, et du rappel de quelques grandes questions scientifiques pour lesquelles la notion a été mobilisée en particulier par les sociologues. Il interroge les enjeux et les défis de ce nouveau paradigme pour la sociologie contemporaine.
EN:
Vulnerability is a polysemous, multiscalar, multidimensional notion (Nathan, 2009 ; Janin, 2008 ; Léone, 2007 ; Bogardi, 2004 ; Bohle, 2002 ; Fabiani, Theys, 1987), far from the simple identification of the social traditional criteria as the age, the gender, the social status or the level of income (Birkmann, on 2006). In France, it is not yet a sociological concept applied to environmental issues, whereas somewhere else the researchers, in particular American or Latin American, work on this problem since around thirty years. This article clarifies the route of paradigm of the social vulnerability in the study of the environmental risks. It presents first a review of its definitions and uses by the social sciences. It secondly exposes some scientific questions for which the notion was mobilized by sociologists. Lastly, we analyze the stakes and the challenges of this new paradigm for the contemporary sociology.
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La perception et l’évaluation des risques d’un point de vue psychologique : note de recherche
Jacky Leneveu and Mireille Mary Laville
AbstractFR:
Toute modélisation du risque et de l’incertitude nous donne l’illusion d’une certaine maîtrise de ceux-ci. Tentant de saisir la complexité des aléas de notre environnement, les gestionnaires du risque (chercheurs, ingénieurs, techniciens, opérateurs, cadres, concepteurs, responsables politiques, experts, assureurs) ont mis en place des modèles formels de l’évaluation du risque. Ces modèles considèrent que l’individu évalue le risque de manière rationnelle et objective. Or, les travaux de psychologie cognitive ont montré que nos décisions sont souvent illogiques, voire irrationnelles, alors qu’on est persuadé qu’elles le sont. Afin d’élaborer des outils à penser le risque, nous devons dorénavant inclure les facteurs psychologiques dans les modélisations du risque et de l’incertitude pour que celles-ci soient adaptées à la complexité des aléas de l’environnement naturel ou artificiel.
EN:
The modeling of risk and uncertainty gives us the illusion of control. To better understand the complexity of the hazards of our environment, risk managers (researchers, engineers, technicians, operators, managers, designers, politicians, experts, insurers, …) have created models for risk assessment called formal models. These models consider that the individual assesses the risk in a rational and objective. However, the researches of cognitive psychology have shown that our decisions are often illogical or irrational, as we are convinced otherwise. To develop tools to think risk, we must now include psychological factors in the models of risk and uncertainty. These models must adapt to the complexity of environmental hazards, natural or artificial.
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Le risque au défi de la mémoire organisée : l’exemple de la gestion des mines d’uranium françaises
Sophie Bretesché and Marie Ponnet
AbstractFR:
Cet article vise à analyser le rapport entre la mémoire et la publicisation des risques environnementaux associés aux anciennes mines d’uranium françaises. L’exploitation des mines d’uranium est liée à l’histoire du développement d’une nouvelle technologie, de sa maîtrise à son intégration dans une société jusqu’à sa gestion une fois l’arrêt total. La production d’uranium amorcée au lendemain de la Seconde Guerre mondiale s’est achevée en France en 2001 à la fermeture de la dernière mine. L’angle de recherche proposé porte sur les conditions de la vigilance post-exploitation et questionne les modalités de gestion des risques sur la longue durée. En effet, l’histoire des mines d’uranium n’est pas linéaire, elle articule plusieurs récits : l’épopée de l’exploitation, le réaménagement des sites et la surveillance, et enfin la vigilance dans la prise en compte du risque. Il s’agit plus particulièrement d’analyser la façon dont la mémoire se constitue et comment elle représente un enjeu stratégique dans la prise en compte publique du risque. Si la reconstitution d’événements susceptibles de faire trace intervient dans la mobilisation de cette mémoire, ce constat pose avec acuité la prise en charge du « mémorable » dans la gestion du risque.
EN:
This article aims to analyse the relationship between memory and communication of the environmental risks associated with old french uranium mines. The uranium mining is related to the history of new technology’s development, from its control to its integration into society until its management after the blackout. Uranium production began in the aftermath of World warII ended in 2001 in France with the closing down of the last mine. The research angle focuses on the conditions of post-operational vigilance and the risk management methods in the long run. Indeed, the history of uranium mining is not linear but it articulates several stories : the saga of exploitation, site rehabilitation and monitoring, and finally of vigilance in the consideration of risk. This is specifically the matter to analyse how memory represents a strategic factor in public risk management. If the reconstruction of events is likely to be involved as traces in the memory mobilization, this observation questions the place of the “memorable” in the risk management.
ES:
Este articulo pretende analizar la relación entre la memoria y la aparición de riesgos asociados a las antiguas minas de uranio francesas. La explotación de las minas de uranio está ligada a la historia del desarrollo de una nueva tecnología, del dominio de la misma, hasta su integración en la sociedad, hasta su gestión una vez que ha sido cerrada completamente. La producción de uranio en Francia, fue iniciada al final de la segunda guerra mundial y terminó en 2001 cuando la ultima mina fue cerrada. El ángulo de la investigación propuesta se dirige hacia el dispositivo de seguimiento de esas antiguas minas y se interroga sobre el modo de gestión de riesgos a largo plazo. En efecto, la historia de las minas de uranio no es lineal y comprende varios relatos : La epopeya de la explotación, la restauración de las zonas, la supervisión y finalmente la toma de consideración de los riesgos.Se trata principalmente de analizar el modo en el que la memoria se constituye y como esta tiene un lugar estratégico en la consideración publica del riesgo. Si la reconstitución de hechos susceptibles de dejar huella interviene en la movilización de esta memoria esta constatación pone de relieve la toma en consideración del “memorable” en la gestión del riesgo.
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Les dimensions spatiales et territoriales de la gestion de crise à Lima
Robert D’Ercole, Sébastien Hardy, Pascale Metzger, Jérémy Robert and Pauline Gluski
AbstractFR:
Les questions posées par la gestion d’une crise majeuresur un territoire urbain, comme celle que pourrait provoquer unséisme ou un tsunami de grande amplitude à Lima,constituent une problématique peu abordée par lagéographie. C’est pourquoi l’équipe derecherche PACIVUR de l’IRD, dans le cadre du projet SIRAD, aposé l’hypothèse que la gestion d’unesituation de crise sur un territoire consistait, d’un point devue spatial et territorial, à mettre en relation les lieuxaffectés par la catastrophe et les lieux qui disposent desressources permettant de secourir les premiers. À partir decette hypothèse, la recherche réalisée àLima a consisté à construire une base de donnéesgéoréférencées sur les ressources degestion de crise, puis à analyser leurvulnérabilité et leur répartition sur leterritoire par rapport à la localisation des espaces les plusvulnérables (qui auront donc potentiellement besoin de secours).Cette approche permet d’identifier les lieux critiques lorsd’une situation d’urgence et de mettre à jour lavulnérabilité du système de gestion de crise.
EN:
Geography does not really address the issue of the management of a major crisis in an urban area, such as that could cause an earthquake and / or a large magnitude tsunami in Lima. Therefore the PACIVUR research team from the IRD, in the framework of the SIRAD project has assumed that the management of a crisis in a territory consisted in making, in terms of space and territory, a connection between areas affected by the disaster and areas that have the resources that will help the first. From this assumption, research conducted in Lima was to build a geo-referenced database about the resources for crisis management, and to analyze their vulnerability and their distribution in the territory in relation to the location of the most vulnerable areas (which will potentially need help). This approach allows identifying critical areas at the time of an emergency situation, and revealing the vulnerability of the crisis management system.
ES:
La geografía muy raramente ha considerado la gestión de una crisis mayor en un área urbana, como la que podría causar un terremoto y / o un tsunami de gran magnitud en Lima. Por esto, el equipo de investigación PACIVUR del IRD, en el marco del proyecto SIRAD, planteó la hipótesis de que la gestión de una crisis en un territorio consiste, desde un punto de vista espacial y territorial, en relacionar las áreas afectadas por el desastre y las que cuentan con los recursos que ayudarían a las primeras. En base a esta hipótesis, la investigación realizada en Lima consistió en crear una base de datos geo-referenciados sobre los recursos de gestión de crisis, para poder analizar su vulnerabilidad y su distribución en el territorio en relación con la ubicación de las áreas más vulnerables (las que potencialmente necesitarán ayuda). Este enfoque permite identificar áreas críticas en una situación de emergencia y revelar la vulnerabilidad del sistema de gestión de crisis.
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Apports de la résilience à la géographie des risques : l’exemple de La Faute-sur-Mer (Vendée, France)
Patrick Pigeon
AbstractFR:
L’article cherche à comprendre pourquoi on observe aujourd’hui un recours accru à la notion de résilience en géographie des risques, bien qu’il reste limité. La principale justification vient de la volonté, vérifiée dans une discipline proche, l’écologie, d’identifier des problèmes liés aux coévolutions entre les villes et leurs environnements, et à leurs gestions. Ces coévolutions se sont intensifiées au cours des dernières décennies, posant la question des relations entre catastrophes et urbanisation. C’est ce qui permettrait de comprendre le caractère contradictoire de la notion de résilience, en lien étroit avec la place paradoxale des catastrophes dans des sociétés qui n’ont pourtant jamais été autant urbanisées. La notion de résilience pourrait donc être utile à la compréhension, notamment géographique, des catastrophes, précisément par son caractère contradictoire. L’article s’appuie sur l’exemple de la catastrophe de La Faute-sur-Mer pour défendre les interprétations proposées. Finalement, cela nous amène à souligner les limites des utilisations officielles de la notion, comme celles de l’ONU, lorsqu’elle désigne le renforcement des sociétés locales dans le but de prévenir les catastrophes.
EN:
The paper investigates a very recent, yet challenged trend to use resilience concept in risk geography. It may reflect the need to understand increased coevolutions between urbanization and environment related disasters. This may be consistent with what we find in a science very close to geography, ecology, from where resilience concept comes, at least in part. In both cases, the contradictory aspects of resilience can be stressed on. Yet, relying on a field case study, La Faute-sur-Mer disaster, we find that the contradiction may help geographical interpretation. It reveals that resilience, as well as disasters, may not have the same meaning depending on the scale and/or the actors of analysis. This interpretation seems consistent with what searchers belonging to resilience alliance group noticed before. And it helps to question the official UNO use of resilience as a concept which describes policies hoping to reduce disasters intensities while enhancing local societies capacity to cope.
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Risque et démonstration, la politique de capture et de stockage du dioxyde de carbone (CCS) dans l’Union europeenne
Rebeca Neri O’Neill and Alain Nadaï
AbstractFR:
La technologie de captage et de stockage du CO2 regroupe plusieurs techniques industrielles visant à séparer (captage) le dioxyde de carbone de ses sources industrielles et énergétiques, à le transporter vers un lieu de stockage et à l’isoler de l’atmosphère sur le long terme. Cette technologie a été imaginée au cours des années 1970 par des chercheurs et des industriels et faite de quelques applications dans le monde. La dernière décennie a consacré l’émergence d’une politique du CCS dans l’Union Européenne. La Commission européenne s’est engagée, en partenariat avec des acteurs industriels, dans une démarche de « démonstration » du CCS, articulée autour du développement de 10 démonstrateurs à grande échelle d’ici à 2015. Ce processus a été jalonné d’intenses débats et de conflits locaux, notamment en ce qui concerne les risques liés aux fuites de CO2 à court terme (acidification de milieux de surface ou de nappes souterraines) ou à long terme (manque d’efficacité dans la lutte contre le changement climatique). Ces débats ont aussi porté sur le coût élevé et la pertinence (technologie « bout de chaîne ») de l’option CCS par rapport à des actions de maîtrise de la demande d’énergie ou au développement d’énergies non carbonées. Notre article analyse l’articulation entre démonstration et définition du risque en retraçant, au fil de l’émergence de la politique européenne du CCS et de sa constitution en « politique de démonstration », les modalités au travers desquelles les protagonistes de ce processus mobilisent des cadres normatifs, stabilisés ou émergents, sur les risques.
EN:
Carbon capture and storage (CCS) combines several techniques in order to capture carbon dioxide emitted by industrial and energy production processes, transport it and store it in geological reservoirs, so as to isolate it from the atmosphere for long time periods. This technology was invented in the 1970s by researchers and industrialists. A few industrial projects applying CCS are today in different parts of the world. In the EU, a CCS policy emerged during the last decade. The European Commission, in partnership with industry players, has committed to a process of CCS "demonstration", aiming to develop 10 large-scale demonstrators by 2015. The emergence of EU CCS policy was marked by intense debates and local conflicts, especially with regard to the risks associated with potential leakages of CO2 in the short term (acidification of surface media or groundwater) or in the long term (CCS claimed to be ineffective in the fight against climate change). These discussions have also addressed the high cost and the relevance (end-of-pipe technology) of the CCS option in comparison with other CO2 mitigation options (reduction in energy demand, development of low-carbon energy technologies). This paper analyzes the relationship between CCS demonstration and the definition of the associated risks, by looking at the way in which protagonists involved in the CCS policy process resort to normative, stabilized or emerging risk frameworks.
Section courante
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Les organisations publiques d’aide au développement et la dialectique environnement-développement
Tiphaine Lemenager, Aurélie Ahmin-Richard and Laurent Mermet
AbstractFR:
Reconnaissant qu’il existe aussi bien des dimensions synergiques que des dimensions antinomiques au sein de la dialectique Environnement – Développement, nous abordons ici la question de savoir comment une organisation d’aide au développement peut parvenir à promouvoir un développement plus respectueux de l’environnement. Une lecture stratégique des débats en cours à ce propos nous conduit tout d’abord à proposer une typologie qui identifie dans quelle mesure les tenants d’une position accordent au final une plus ou moins grande priorité à l’environnement par rapport au développement. À l’aune de cette grille de lecture, nous nous intéressons plus spécifiquement aux bailleurs de fonds via l’expérience rapportée de l’Agence Française de Développement. Nous proposons alors de confronter les ambitions environnementales de cet acteur aux efforts concrets qu’il réalise. Est-ce suffisant, ou bien est-ce trop peu? La réponse dépend évidemment de la perspective générale que l’on adopte sur les questions environnementales. Mais pour ceux qui tiennent à l’intégration de l’environnement (une intégration qu’il faut alors poursuivre), comme pour ceux qui voudraient qu’une priorité plus grande lui soit accordée (un virage qu’il faut engager), il convient sûrement de poursuivre les efforts importants déjà consentis. Notre travail dégage en conclusion quelques questions et perspectives de recherche qui nous semblent importantes à développer pour aller dans ce sens.
EN:
Recognizing that there are both synergistic as well as paradoxical dimensions within the Environment - Development dialectic, this paper examines the question of how an aid agency may favor a development taking environmental challenges into account. Strategic reading of current debates in this respect leads us first to propose a typology that identifies the extent to which proponents of a position give greater or lesser priority to the environment with respect to development. Based on this grid, we focus more specifically on donors through an analysis of the French Development Agency. We therefore propose to compare the environmental ambitions of this actor with the various efforts it makes. Is it enough, or is it too little? The answer obviously depends on the general perspective that is adopted on environmental issues. But for those who wish to integrate the environment (an integration which must be pursued), and for those who want to stress the importance of this issue (a move which must be taken), it clearly appears that aid agencies have to continue the great efforts already being made. To conclude, our study identifies a few questions and research opportunities that seem relevant to develop in order to advance in this direction.
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L’apport de la psychologie cognitive à l’étude de l’adaptation aux changements climatiques : la notion de vulnérabilité cognitive
Annamaria Lammel, Emilie Dugas and Elisa Guillen Gutierrez
AbstractFR:
Le présent article étudie le rôle de la cognition dans l’adaptation humaine aux changements climatiques et la place que la psychologie cognitive peut jouer dans ce domaine. Nous partons du postulat que la cognition humaine, médiatisée par la culture, joue un rôle central dans les processus d’adaptation à l’environnement climatique et à ses modifications. L’accélération actuelle des changements climatiques globaux met à l’épreuve les modes de traitement des informations climatiques. En effet, la nature imprévisible et complexe des phénomènes climatiques actuels ne permet pas à la culture de fournir les connaissances et les outils cognitifs nécessaires pour traiter ce problème. De ce fait, l’individu peut se retrouver en situation de vulnérabilité cognitive. Prenant en considération les contraintes environnementales et les caractéristiques culturelles, nous présenterons dans un premier temps, quelques résultats d’études préliminaires, menées auprès d’adultes de Nouvelle-Calédonie et de Paris, sur la représentation du climat, des changements climatiques et sur la capacité humaine à s’adapter à ces changements. Dans un second temps, nous fournirons une comparaison intra-culturelle portant sur la représentation du climat dans différentes conditions géographiques et climatiques, en France. Nos résultats suggèrent que la culture, mais aussi l’expérience climatique et environnementale, ont des répercussions sur l’adaptation cognitive. Les adultes parisiens présentent une plus grande vulnérabilité cognitive, donc une adaptation cognitive moins performante. Nous considérons que ces résultats peuvent être expliqués par la pensée analytique dominante chez les populations urbaines occidentales, et l’absence de représentations bi-métriques.
EN:
This article examines both the role of cognition in human adaptation to climate change and the role that cognitive psychology can play in this field. We start from the assumption that human cognition, mediated by culture, plays a central role in the adaptation to climatic and environmental changes. However, the current acceleration of global climate change perturbs the cognitive treatment of climate information. The character unpredictable and highly complex of climate in addition to the fact that culture does not provide knowledge as well as cognitive tools necessary to understand it might produce cognitive vulnerability. Taking into account the environmental constraints and cultural characteristics, firstly we present some preliminary results of our fundamental research conducted among adults in New Caledonia and Paris on the representation of climate, climate change and the representation of the human capacity to adapt to global climatic changes. Secondly, we will provide a comparison of intra-cultural representation of the climate in different geographical and climatic conditions in France. Our results suggest that both culture and climatic experience affect cognitive adaptation. Parisian adults exhibit the highest cognitive vulnerability, therefore a less adaptive cognition. We believe these results can be explained by the persistence and inadaptability of analytical thinking dominant in western urban populations along with the lack of bi-metric representations.
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Le coût de l’adaptation aux changements climatiques dans les pays en développement
Romain Weikmans
AbstractFR:
Diverses études ont récemment estimé le coût de l’adaptation des pays en développement ; leurs résultats sont fréquemment cités tant dans la littérature académique qu’institutionnelle et jouent un rôle très important dans les négociations climatiques internationales puisqu’ils représentent la seule base objective de discussion. À ce jour, les évaluations fournissent des estimations allant de 4 à 109 milliards de dollars par an ; pareille fourchette reflète très clairement l’état précaire des connaissances actuelles. En effet, en comparaison avec la littérature s’intéressant aux coûts d’abattement des émissions, la recherche sur les coûts de l’adaptation n’en est qu’à ses débuts. D’importantes lacunes persistent dans les études existantes tant en termes de portée (c.-à-d. la couverture de tous les impacts) qu’en termes de profondeur (c.-à-d. la prise en compte de toutes les options d’adaptation). En outre, les coûts additionnels de l’adaptation ont parfois été calculés en appliquant des facteurs de majoration à des fractions d’investissement « sensibles » au climat – ces facteurs étant censés refléter le coût supplémentaire permettant de rendre les investissements résistants aux changements climatiques. Cependant, dans de nombreux pays en développement, de faibles niveaux d’investissement ont conduit à un « déficit d’adaptation » qu’il importe de combler sans quoi les fonds destinés à l’adaptation seront largement insuffisants pour faire face aux défis posés par les changements climatiques anthropiques. Basé sur une revue de la littérature, cet article présente les résultats, les hypothèses sous-jacentes et les limites majeures des principales estimations du coût de l’adaptation pour les pays en développement.
EN:
Several recent studies have reported the costs of adapting to climate change for developing countries and have proved influential in international negotiations given the role of adaptation in a post-2012 climate agreement. However, their estimates range from US$4 to US$109 billion a year. This wide range is symptomatic of the poor state of knowledge. Indeed, compared to the mitigation literature, adaptation cost research is still in its infancy. Important knowledge gaps remain both in terms of scope (whether all impacts are covered) and depth (whether for a given impact all adaptation options are considered). Moreover, the additional costs of adaptation have sometimes been calculated as climate mark-ups against low levels of assumed investments. In many developing countries, low levels of investment have led to a current ‘adaptation deficit’, and this deficit will need to be removed without which the funding for adaptation will be largely insufficient to face the challenge of climate change. Based on a literature review, this article presents the results, underlying hypothesis and main shortcomings of the most recent studies on adaptation costs for developing countries.
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L’arbre hors forêt en domaine littoral (ouest de la France) : mise en scène de l’objet, gestion et patrimonialisation
Yves Petit-Berghem
AbstractFR:
En France, en position côtière, les conditions d’existence des arbres sont difficiles puisque les contraintes rigoureuses associées au climat littoral interdisent leur venue ou du moins la perturbent. Pourtant, chaque littoral a son paysage arboré. La société le met en scène, se l’approprie et le gère. Objet géographique facilement perçu, l’arbre est isolé ou regroupé, dépérissant ou conquérant, apprécié ou stigmatisé. Malgré un réel attrait, peu de chercheurs se sont penchés sur l’arbre hors forêt, en particulier en région littorale. Afin de combler cette lacune, une réflexion en géographie environnementale est engagée. Les espaces littoraux de la façade occidentale longtemps perçus comme périphériques du monde rural (anciennes terres incultes ou d’utilisation collective) ont été retenus. La démarche employée est systémique et fait appel à des données de nature variée (observations au sol, sources historiques, travail d’enquête). Les résultats montrent que l’arbre hors forêt a du sens puisqu’il participe à la construction de l’espace et à son évolution. Source d’enjeux, l’arbre n’indiffère pas : il véhicule des images, des comportements, des conflits, et renvoie toujours au territoire et à ses dynamiques spatio-temporelles.
EN:
Trees on the seafront suffer the harsh living conditions that are associated with coastal climates and which impede their taking root or, at the very least, disrupt their growth. And yet, every coastline has its wooded landscape. For society, trees are part of the scenery, there to be appropriated and managed. A tree - that readily perceived geographical object - may stand alone or in a group, be dying away or conquering new ground ; it is sometimes valued, sometimes ill-appreciated. However, despite this high level of interest, very few studies have explored trees outside forests, particularly in coastal areas. To bridge that gap, an environmental geography approach is required. Areas of the western coast have been selected for their specific nature (uncultivated lands or semi-natural areas like heaths, dunes, wetlands). The methodology used includes the concepts of the systemic approach by integrating highly diversified data (ground observations, historical sources, investigative work). Results show that the significance of trees outside forest lies in their role in the creation and evolution of spaces. They are a source of value to which human society is not indifferent. Trees can be vectors of images, behaviour or conflict, where issues regarding landscape refer to territories and their spatial and temporal dynamics.
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Effectivité juridique des instruments de protection des espaces naturels appliquée aux projets routiers en France
Fanny Mallard and Denis François
AbstractFR:
Certaines modifications majeures des milieux naturels sont liées à la construction et à l’utilisation des routes. Ainsi, en France, malgré les engagements juridiques, chaque année des espaces naturels sont transformés. Quarante-trois instruments juridiques de protection des espaces naturels et évaluations environnementales ont été identifiés et classés selon la hiérarchie des normes françaises. Une classification complète et synthétique de ces instruments nationaux, européens et internationaux est présentée. Ceci met en lumière la structure complexe de l’ensemble du système de protection, souvent contradictoire ou redondante. L’effectivité de l’ensemble du système juridique de protection des espaces naturels vis-à-vis des projets routiers est analysée sur la base de textes officiels et de la jurisprudence. Le plus effectif et pertinent des instruments est le réseau Natura 2000, cependant son applicabilité est limitée au regard des exigences communautaires. Les instruments nationaux sont généralement juridiquement ineffectifs. Parmi les espaces naturels, la forêt est la mieux protégée. Malgré l’effectivité de la protection offerte par quelques instruments, ils n’ont pas réussi à enrayer le déclin de la biodiversité. La sanctuarisation de ces espaces naturels est nécessaire, mais ne peut être qu’une mesure d’urgence. L’application du concept de trames vertes et bleues de la loi Grenelle II permettrait de compenser les déficiences de conservation si elle se basait sur des obligations coercitives. Les évaluations environnementales ont une portée décevante et elles interviennent relativement tard dans le processus de décision. Ces instruments prennent encore peu en compte la notion d’écosystème. Ceci peut s’expliquer par l’absence d’outil d’évaluation quantitative des impacts des projets au stade opportunité.
EN:
Some major changes to natural environments are related to the construction and the use of roads. In France, despite legal commitments, each year natural areas are disrupted. Forty-three legal instruments of natural areas protection and environmental assessments have been identified and classified according to the hierarchy of rules applicable under French law. A comprehensive and detailed classification of these national, European and international instruments is presented. Highlights the complex structure of the whole system, often contradictory or redundant. The effectiveness of the whole legal framework in protecting natural areas relative to road projects is analyzed on the basis of official legal texts and case law. The Natura 2000 network appears to be the most effective and relevant instrument. However, its applicability is limited in light of the EU requirements. National instruments are generally legally ineffectual. Among the natural areas, forest is the best protected by binding instruments. Despite the effectiveness of the protection offered by few instruments, overall they have failed to stem the loss of biodiversity. Establishing nature sanctuaries and enforcing existing instruments are necessary short term means of improvement. Introducing the concept of green and blue networks of the Grenelle law II could compensate today shortcomings of conservation, provided it based on coercive obligations. Environmental assessment instruments – including EIA – have a disappointing reach and they occur relatively late in the decision process. These instruments do not yet incorporate the ecosystem concept. This can be explained by the lack of an ecological assessment tool of the impacts of projects at the opportunity stage.
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Diagnostic de l’échec de la contractualisation des mesures agri-environnementales pour réduire les incursions des Flamants dans les rizières de Camargue (France)
Lisa Ernoul, François Mesléard and Arnaud Béchet
AbstractFR:
Les incursions des flamants roses dans les rizières de Camargue ne concernent que quelques pourcentages de la sole rizicole, néanmoins les dégâts occasionnés ponctuellement peuvent être conséquents et nécessiter un re-semis complet des parcelles touchées. Le rôle dissuasif de la présence de haies sur la venue des flamants ayant été démontré, un contrat visant à indemniser l’entretien des haies autour des rizières a été proposé dans le cadre des Mesures-Agri-Environnementales (MAE). Pour autant, très peu de riziculteurs ont souscrit à ce contrat. Nous montrons que ce faible taux de contractualisation s’explique par la restriction des MAE aux périmètres du Parc Naturel Régional de Camargue et Natura 2000, et par le fait que la présence et l’entretien des haies sont perçus par la majorité des riziculteurs comme incompatibles avec les pratiques culturales intensives. Afin que soient opérés les changements paysagers nécessaires à la réduction des dommages, les MAE devront mieux prendre en compte la zone affectée et les subventions correspondent davantage aux coûts financiers. Ce mesures ne seraient seules suffire. Il paraît également nécessaire de s’appuyer sur des riziculteurs clés dans leur démarche.
EN:
Flamingo forays in the Camargue rice fields only affect a small percentage of the surface area ; however, the damage incurred in the individual fields can be important and may even require the entire area to be replanted. Previous research has demonstrated hedges around rice fields could reduce the attractiveness of the fields for flamingos. In consequence, Agri-environmental Schemes (AES) were proposed to compensate farmers for hedge maintenance. These AES have not been contracted in great numbers and few new hedges have been established in the study area. We demonstrate that the lack of contractualisation can be explained by several factors : the administrative limits of the AES, the poor financial compensation for the measures and the perceived incompatibility of hedges with current agricultural practices. In order to promote the landscape changes necessary to reduce flamingo forays, we propose that the current AES be extended to cover the territory affected by the incursions and be reformulated to take into consideration the time and effort necessary for farmers to produce these changes. The AES alone may not be sufficient and a pilot farmer approach linked to AES could be a possible tool to spur the change in practices required in the Camargue.
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Évaluation de la contamination métallique d’une ressource en eau de la ville de Curitiba, Brésil
Didier Marie Jacques Joel Pitrat and Maria Cristina Borba Braga
AbstractFR:
Comme beaucoup de cours d’eau proches des régions urbanisées au Brésil, la rivière du Passauna et son réservoir d’eau alimentant la ville de Curitiba souffrent d’un problème de pollution organique sous l’effet d’une pression anthropique croissante. Par ailleurs, une étude récente a détecté un phénomène surprenant d’enrichissement des sédiments par du plomb (>100 ppm) et du chrome (>200 ppm), malgré les mesures prises pour protéger ce bassin contre la pollution industrielle. Le présent travail a cherché à vérifier la réalité de cette pollution métallique et à comprendre la nature des sources polluantes. Des mesures d’éléments traces métalliques (ETM) ont été effectuées dans l’eau et les sédiments au moyen de techniques propres, complétées par des analyses granulométriques et de carbone organique total (COT) dans les sédiments. L’interprétation des résultats s’est appuyée sur le calcul d’indices de contamination (Facteur d’enrichissement et Index de géo-accumulation) et d’outils d’analyse statistique (corrélation, ACP) pour identifier l’origine des métaux traces ayant enrichi les sédiments. Ce travail a montré qu’une ancienne décharge municipale, située en bordure de la rivière, avait un impact modéré et localisé sur les sédiments pour Cu, Pb et Zn. Sur le reste de la zone d’étude, aucun autre impact par le Pb n’a été constaté, mais les résultats obtenus indiquent l’existence d’une source géogénique diffuse enrichissant les sédiments superficiels avec du Cr dans la partie inférieure de la rivière et l’entrée du réservoir.
EN:
Like many watercourses close to urbanized areas in Brazil, the Passauna River and its reservoir supplying the city of Curitiba suffers from organic pollution due to growing anthropogenic pressure. However, a recent study has detected a surprising enrichment of the sediments by Pb (> 100 ppm) and Cr (> 200 ppm), despite this basin’s protection against industrial pollution. The objective of this study was to assess the reality of this pollution and to understand the nature of the polluting sources. Measurements of trace metals were performed in water and sediments sampled in this basin, using trace-metal clean techniques and supplemented by grain-size and total organic carbon (TOC) analysis for sediments samples. The interpretation of the results has been supported by the calculation of contamination indexes (Enrichment Factor, Geo-accumulation Index) and the use of statistical analysis tools (correlation, PCA). This work showed that a former municipal landfill, located along the bank of the river, had a light and localized impact on the sediments with Cu, Pb and Zn. No impact with Pb has been recorded in the rest of the study area, but a geogenic source explaining the enrichment of superficial sediments with Cr has been detected in the lower part of the river and entrance of the reservoir.