FR:
Résumé
La négativité du discours du personnage d'André Ferron dans L'Hiver de force de Réjean Ducharme n'a jamais été envisagée du point de vue du bavardage. Le nous de cette narration (qui englobe André et Nicole Ferron) ne peut jamais s'abstraire du bavardage collectif. Ce nous, c'est celui d'une nation qui bavarde sur elle-même, qui se commente à satiété, qui veut affirmer une parole à défaut d'avoir quelque chose à dire. Cette narration, poreuse en réalité, est sans cesse traversée par les bavardages de tout le monde, par les multiples discours aliénés qui, voulant imposer une idéologie, retournent sur la personne qui les énonce et ne fait qu 'exposer sa propre subjectivité. Ce nous réitéré, scandé sans fin, est tout sauf l'affirmation d'un sujet. Il s'agit plutôt d'un objet sans voix, pur produit communicationnel, traversé pas tous les discours sociaux, tous les bavardages d'une société de consommation qui refuse de hiérarchiser ses discours et préfère laisser surgir le chaos des voix à travers lequel peut aussi apparaître la pire des réactions politiques. Dans L'Hiver de force, et par ce bavardage "insensé", c'est peut-être d'abord la raison qui est enjeu.
EN:
Abstract
Much has been said about the negative dimension of everything André Ferron says in Réjean Ducharme's L'Hiver de force. However, this dimension has never been considered in relation to chatter. By combining the voices of André et Nicole Ferron, Ducharme's novel projects a narrative "we" which can never be lifted out of collective chatter. This " we " is spoken by an entire nation making chatty comments about itself, to the point of saturation. Despite the vacuousness of what it says, it hastens to impose its own speech and, as the novel stresses linguistic alienation, there ensues a porous narrative embodying just about anyone's or everyone's chatter. By attempting to impose a single ideology, these words ricochet back upon the person who pronounces them, thereby uncovering a vulnerable subjectivity. Due to this endlessly repetitious ranting and raving, Ducharme's "we." does everything but affirm a subject's existence. It is rather a speechless object, the pure product of communication, one drenched in all the multiple discourses and chatter of a consumer society that refuses to establish any priorities in its own talk and prefers to unleash a chaos of voices likely to provoke the very worst of political reactions. Because of its nonsensical chatter, L'Hiver de force seems to put reason itself on trial.