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Une clarification d’ordre méthodologique s’impose avant l’entrée dans le vif du débat. En dépit de la chute du Mur de Berlin et le démantèlement des régimes de démocraties populaires, les relations au niveau mondial restent intergouvernementales et non internationales ; celles-ci demeurent un idéal lointain à atteindre. Contrairement à l’idée surgie au cours des années 60 selon laquelle l’État allait se dissiper devant l’expansion phénoménale des firmes et banques multinationales, celui-ci surmonte les défis existentiels et continue d’occuper le centre décisionnel sur l’échiquier mondial. Il exerce allègrement son monopole de force « légitime » à l’intérieur et fournit un cadre légal pour l’échange avec le monde extérieur.

Après les décennies de certitude de la guerre froide et la dissuasion nucléaire, les rapports inter-étatiques, libérés de la mainmise des super-puissances, entament une période de turbulence. Les antagonismes ethnique et tribal éclatent dans plusieurs régions. Ces conflits révèlent la nature artificielle et prétendument complexe des relations internationales. La dimension ethnocentrique et tribale des conflits post-guerre froide expose l’inconsistance dans l’évolution des relations internationales dans deux mondes avec des intérêts incompatibles : le club restreint des pays surdéveloppés et le reste.

C’est dans ce contexte d’anarchie localisée et contrôlable que plusieurs observateurs des relations mondiales cherchent à trouver des points de repère communs et reposent des questions sur les éléments de l’identité des groupements que l’on pensait compris. Daniel S. Papp analyse les relations internationales contemporaines et tente de repérer des cadres d’analyse accessibles pour en faciliter la compréhension[1]. D’autres formulent des hypothèses sur les micro-question, oubliées en faveur des macro-problèmes existentiels durant la guerre froide ; ils reviennent sur les débats désormais classiques de l’identi-fication des structures et acteurs des relations internationales. Le contexte l’exigeant, les questions d’ordre national, ethnique et tribal, de la violence dans certaines de ses formes tels guerre, armes et terrorisme ou encore de la question des femmes reprennent une place de choix dans l’analyse des relations internationales. À ces questions s’ajoutent des interrogations sur la pauvreté, les droits humains, l’environnement et l’explosion démographique[2]. L’avenir de la guerre en préoccupe plusieurs qui évoquent l’utilité d’une relecture des textes devenus désormais classiques pour comprendre mieux la dynamique des relations internationales depuis la fin de la guerre froide[3]. Certains observateurs poussent les limites rigides du cadre d’étude en proposant un nouvel ordre du jour pour les relations internationales. Ils s’interrogent sur le passage de la polarisation du système bipolaire à la mondialisation dans la politique mondiale[4].

I – Longévité des théories classiques

Malgré l’affirmation de Dougherty et Pfalzgraff selon laquelle la théorie des relations internationales change constamment[5], on assiste à une remarquable continuité dans la référence aux paradigmes classiques comme cadre d’analyse dans la littérature sur les relations internationales. Toutes les recherches d’innovation et de théorisation tournent autour de la mise à jour des théories existantes, leur purification ou encore la création de contre-théories. La permanence des théories classiques et leurs dérivés est un signe des temps. La vision réaliste, qui est liée directement à la problématique de puissance et à la domination universelle des États-Unis, maintient sa suprématie sur les autres écoles de pensée. Contrairement à la longue vie du duo réaliste-idéaliste, l’émergence et la courte vie des théories marxiste et de dépendance, populaires dans le contexte de l’euphorie de décolonisation et de contre-pouvoir de l’Union soviétique, ne sont que des souvenirs lointains.

La théorie idéaliste est particulièrement malmenée par les conditions euphoriques de l’après-guerre froide et la consolidation de la puissance américaine. Les événements du 11 septembre 2001 et la « guerre contre le terrorisme » ne font que renforcer cette domination massive et le recul des idéaux plus conciliants dans les relations mondiales.

A — L’école réaliste

L’école réaliste impose sa réalité à la discipline des relations internationales. L’essence de la doctrine est la notion de power politics ; notion selon laquelle les États cherchent le pouvoir pour survivre ; que les principes moraux et légaux qui gouvernent les relations entre les individus au sein d’un État ne peuvent commander les relations inter-étatiques. De même, les guerres se produisent à cause de l’absence d’une autorité suprême centrale au sein du système mondial capable de résoudre pacifiquement les conflits et d’imposer des pénalités. Les États ne peuvent donc que s’appuyer sur leurs propres moyens pour se protéger ou pour obtenir leur droit[6]. Comme dans toute autre doctrine, le réalisme et son extension, le néoréalisme, ont leur point de référence historique et contemporain. La Guerre du Péloponnèse de Thucydide, Le Prince de Machiavel, le Léviathan de Hobbes, The Twenty Year’s Crisis, 1919-1939. An Introduction to the Study of International Relations de E.H. Carr, Politics Among Nations de Hans Morgenthau, Paix et guerre entre les nations de Raymond Aron, The Theory of International Politics et Structural Realism After the Cold War de Kenneth Waltz[7], The Theory of Hegemonic War de Robert Gilpin[8] sont parmi les plus remarquables sources d’approvisionnement pour les disciples de l’école réaliste à qui R.K. Betts consacre la deuxième partie de son ouvrage qui contient de larges extraits des textes de ces géants de la question réaliste. D’autres contributions parviennent de Hedley Bull, Society and Anarchy in International Relations ; Robert O. Keohane et Joseph S. Nye, Power and Inter-dependence et John Mueller, Retreat from Doomsday. The Obsolescence of Major War. Si pour Bull l’anarchie est le fait central dans la vie internationale et le point de départ dans l’élaboration d’une théorie sur cette même vie[9], Keohane et Nye affirment que la politique internationale, comme toute autre politique, est une lutte dominée et organisée par la violence pour la conquête du pouvoir[10]. En dépit de la confirmation de certains sur le caractère anarchique des relations internationales contemporaines, il faut rappeler que celles-ci n’ont jamais été si anarchiques pour autant. Le fait qu’il ait toujours existé une certaine coopération, certes fragmentée à l’occasion, entre les États ou des groupes d’États, remet en question la rigueur analytique de la doctrine réaliste.

Si pour certains « le réalisme classique est centré sur la capacité et la lutte pour la survie des États en contexte anarchique pur[11] », pour d’autres, notamment Thomas Hobbes, l’importance de l’anarchie dans les théories de relations internationales est le résultat de l’imposition des idées économiques libérales[12].

Betts rappelle l’argument des tenants du réalisme selon lequel la fin de la guerre froide devrait confirmer leur théorie au lieu de la remettre en question. Les adeptes de la tradition libérale offrent une conception des possibilités de paix très différente de la vision réaliste. La disparition inattendue de l’Union soviétique et la fin de la guerre froide ont surpris non seulement les soviétologues mais ont aussi déclenché une virulente polémique entre réalistes et idéalistes, chaque camp se réclamant de la justesse de son paradigme.

Il n’y a pas de doute que depuis le 11 septembre la politique dominante à l’échelle mondiale est lourdement réaliste. Tout porte à croire que les faucons de Washington poursuivent le renforcement de la stabilité hégémonique de l’« hyper-puissance » dans un environnement stratégique très favorable. La théorie de la stabilité hégémonique allègue que la stabilité économique et politique dans le monde ou dans une région donnée exige la présence d’une puissance dominante. « Seul le pouvoir peut arrêter le pouvoir », affirme le réalisme. Les événements du 11 septembre ont conforté la vision réaliste sur le caractère anarchique de la communauté internationale et l’inévitabilité de la guerre[13]. La réalité du monde de l’après 11 septembre illustre bien que dans la croyance de l’équilibre des forces, il faut un équilibre positif ; un équilibre opérationnel selon les règles du jeu à somme nulle : une puissance qui gagne au détriment des autres ! Préoccupée par le high politics et le macro-événementiel, l’école réaliste se consacre peu aux événements à l’intérieur des États. D’après le néoréalisme, l’État demeure l’acteur principal du jeu mondial. Cependant, l’objectif primordial de l’État n’est pas la puissance mais la survie dans un environnement anarchique. La différence essentielle entre les États n’est pas d’avoir des objectifs différents ; elle réside dans leurs différentes capacités d’influencer le cours des événements internationaux. Les néo/réalistes cohabitaient bien avec l’urss dans le contexte de la guerre froide où la guerre nucléaire a été empêchée à travers la realpolitik de la destruction mutuelle assurée. C’était donc la peur qui dictait le comportement des superpuissances sur l’échiquier mondial. La fin de la guerre froide brouille les cartes et amène instabilité et insécurité d’une autre nature. Mais, comme il fallait s’y attendre, l’État maintient, et renforce jusqu’à un certain degré, sa place d’acteur incontournable sur la scène mondiale[14].

D.S. Papp[15] étudie l’évolution du système de l’État moderne depuis le Traité de Westphalie en 1648 jusqu’à présent. Après avoir examiné deux expansions d’empires européens, traduites par la colonisation des territoires non-européens, il identifie trois vagues de prolifération d’États : a) 1870-1930, le nombre d’États européens passe de 15 à 35 ; b) 1945-1990[16], cette période de décolonisation coïncide avec la chute des vieux empires coloniaux et l’augmentation phénoménale du nombre d’États (de 54 à 170) ; c) la troisième prolifération a lieu quand certains États en Europe de l’Est et l’Union soviétique se décomposent et donnent ainsi lieu à l’émergence de 21 nouveaux États indépendants. Ce processus de dissolution/reconstruction et de prolifération continue. La prolifération de la structure étatique ne signifie guère l’importation de la culture et la façon de faire de l’État à l’européenne. L’État-nation, modèle importé d’Europe, demeure un projet inachevé dans les régions du Tiers-Monde où l’État unitaire et la nation fonctionnelle sont à construire.

B — La théorie idéaliste

À l’opposé des théories néo/réalistes qui se nourrissent des conflits, l’école idéaliste fleurit dans les périodes d’optimisme. R.K. Betts reconnaît l’existence de trois variantes générales de la théorie libérale concernant la coopération internationale : l’économie, la politique interne et l’institutionnalisme néo-libéral. « Libéral » dans ce contexte décrit une large tradition philosophique qui évoque les valeurs de la liberté politique et économique individuelle ainsi que le marché libre des idées et entreprises. Les concepts idéalisme et internationalisme libéral sont parfois utilisés de façon interchangeable, suivi par le terme utopisme, employé de manière péjorative par certains critiques de l’idéalisme[17].

Betts commence la reproduction des textes majeurs de grands tenants de l’idéalisme par Kant qui ouvre le débat avec son écrit classique Projet de paix perpétuelle. À l’instar des religions dualistes orientales, notamment le Zoroas-trisme, Kant croit que l’être humain apprend de ses erreurs, et dans la lutte perpétuelle entre l’instinct et la raison, celle-ci triomphe enfin, de la même façon que Ahura Mazda (Divinité) l’emporte sur Ahriman (Satan). Kant reconnaît l’existence d’une constitution républicaine et d’un système de droit international fondé sur la fédération des États libres comme la fondation d’une paix perpétuelle[18].

À la lumière de la lecture des textes recensés, il est permis d’affirmer que le processus décisionnel en matière de politique étrangère est plus ou moins similaire dans toutes les écoles de pensée, y compris les paradigmes réaliste et idéaliste. Le processus décisionnel se résume en un nombre d’actions qu’un État doit entreprendre en vue de formuler et d’implanter sa politique étrangère. Comme D. Papp[19] l’indique, différents États choisissent différents processus dans le domaine de la politique étrangère. Les agents d’implantation d’une telle politique varient selon les cas et les circonstances. Certains États accordent un rôle à certaines agences gouvernementales dans le domaine décisionnel tandis que d’autres pourraient avoir un système plus centralisé et fermé.

II – Clashologie[20] ou conflits de valeur

Le texte de S. Huntington sur le choc des civilisations[21] a suscité une énorme réaction partout dans le monde. La présence de conflits dans la pensée huntingtonienne révèle la parenté entre son texte et l’école réaliste. Cependant, l’importance capitale et grandissante de ce texte justifie son traitement séparé et nous amène à étudier la problématique de la clashologie en dehors du cadre des écoles classiques. Écrit avec beaucoup de soin, le texte est une des oeuvres politiques contemporaines les plus commentées et dénoncées par la majorité des critiques. Exemple représentatif du réalisme américain, il est valorisé par les réalistes rigides installés à Washington. La décision de l’onu de déclarer 2001 l’année du « Dialogue entre les civilisations » après que Mohammad Khatami, le président de la République islamique d’Iran, a proposé l’idée devant l’Assemblée générale en 1999, révèle le mécontentement massif de la communauté des États face à la substitution du communisme par l’Islam comme ennemi. M. Khatami voulait démontrer la volonté des musulmans, au nom de l’Islam, de dialoguer avec les autres civilisations, y compris l’Occident, sur la base du respect mutuel et de la compréhension réciproque.

Fred Halliday[22] réfute la thèse belliqueuse de Huntington sur l’inévitabilité de la confrontation entre le monde musulman et l’ère civilisationnelle occidentale[23]. Selon Halliday, les cultures paranoïaques ont une composante et des causes historiques, mais leur résurgence dans le monde post 1989 reflète des facteurs contemporains et transnationaux. D’une part, le contexte dans lequel des questions d’intérêt national, comme l’immigration notamment, sont confondues avec des politiques internationales, et, d’autre part, un climat intellectuel dans lequel des prétentions sans borne, même globales, sont faites sans recourir à une vision empirique ou historique des faits[24]. Halliday ne croit pas à la validité de la thèse de Huntington. De plus, ce dernier a omis de prendre en compte le nombre de conflits à l’intérieur du monde islamique entre les musulmans eux-mêmes.

III – Mondialisation et questions non conventionnelles

La fin de la guerre froide et le processus contemporain de la mondialisation ont créé un contexte favorable dans lequel il est désormais permis de se pencher sur des sujets négligés, mais importants. La mondialisation, souvent limitée à son aspect économique, est multidimensionnelle et complexe. Le respect des droits humains[25] et les questions environnementales font partie de cet ensemble. L’hypothèque de la confrontation Est-Ouest levée, la question « périphérique » des droits humains prend l’avant-scène. Une relecture plus libérale du Préambule de la Charte des Nations Unies en faveur des doits individuels remet en question l’invincibilité de la primauté de la raison d’État sur toute autre considération. La sécurité humaine devient à la mode, même si les États accusés restent toujours les mêmes, d’ailleurs comme les accusateurs. Jill Steans[26] affirme qu’avant 1989, les droits humains ont été utilisés comme une arme idéologique ou un moyen de la politique étrangère par les États-Unis contre l’Union soviétique et ses États satellites ; cela semblait justifier davantage leur marginalisation dans l’étude des relations internationales. La critique concernant le recours utilitaire au concept des droits ne se limite pas à la période de guerre froide. En fait, depuis la victoire de l’Occident, notamment des États-Unis, sur « l’empire du mal », certains pays du Tiers-Monde, surtout la Chine et quelques pays du Moyen-Orient, dénoncent les résolutions de la Commission des droits humains des Nations Unies comme acte idéologique servant des visées politiques. Pour J. Steans, la mondialisation du discours des droits humains indique jusqu’à quel degré les frontières du droit international sont déplacées. Le discours sert également à reposer les questions de l’universalité des droits et le relativisme culturel.

Si l’on se sert de l’actualité, devenue répétitive, banale même, tout en gardant son caractère parfois frappant, on ne peut que constater que le recours conjoncturel dans les discours politiques concernant les droits humains en général, ceux des femmes et enfants en particulier, est artificiel. La nature périphérique de la problématique des droits n’est guère rassurante; ils restent accessoires et tributaires des questions plus pressantes et existentielles comme la sécurité nationale.

L’adhésion des universitaires à l’une ou l’autre théorie des relations internationales n’est qu’un moyen d’analyse et de compréhension d’un fait social. Confronter ceci ressort de la prérogative des politiques. Toute interrogation sur la mort de la guerre, son utilité et sa nature reste un exercice partagé. Il est essentiellement intellectuel et méthodologique pour les académiques ; tandis que la responsabilité de déclencher ou non une action violente demeure le privilège des décideurs politico-militaires de la scène mondiale en premier lieu. Quoique préoccupante de façon cyclique, la guerre asymétrique continue son évolution dans l’ombre la guerre inter/intra-étatique.

L’euphorie de l’après-guerre froide passée, après la high politics, il fallait revenir aux préoccupations politiques et économiques courantes. Violence globale, guerres, armements et terrorisme[27], guerre, paix et violence[28], technologie militaire et stabilité[29] sont parmi les thèmes qui s’imposent en force à l’agenda des politiques ou encore sont imposés par ces derniers à la communauté des nations.

L’insécurité environnementale ainsi que ses causes et impacts d’ordre social, politique, économique et écologique sont largement débattus par Lorraine Elliott[30], D. Papp[31], Duncan, Jancar-Webster et Switky[32] et Thomas F. Homer-Dixon[33].

Pour Elliott, la dégradation environnementale est un signe évident des pratiques économiques de la mondialisation. Les dommages écologiques, causés par des activités économiques, se produisent à un rythme jamais vu dans le passé et les changements environnementaux ont des impacts possiblement irréversibles non seulement sur l’écosystème, mais aussi sur le développement social et économique des peuples et États. L’auteur qui critique certaines pratiques économiques du libéralisme, détecte, cependant, une certaine sensibilité à la question de la justice sociale et la dégradation environnementale manifestée dans les textes comme le Rapport Brundtland et l’Agenda 21. Après avoir rappelé les problèmes pressants de déforestation, de désertification et de la pollution de l’eau, Elliott analyse des « réponses globales » proposées par les Sommets de Rio et de Kyoto, ainsi que d’autres mesures internationales. Malgré les efforts de conscientisation, la peur de la perte de souveraineté nationale et le ralentissement du développement économique continuent d’empêcher un progrès plus rapide.

John Cooley a étudié la question de l’eau comme source de guerre[34]. Écrit en 1984, son article est d’une actualité frappante. Il démontre comment la consommation des ressources hydrauliques par Israël augmente le risque de conflit avec le Liban sur l’eau du Litani ; les récents ultimatums du premier ministre Ariel Sharon, évoquant la possibilité de guerre avec le Liban sur cette question, démontrent la justesse de l’analyse de Cooley.

Papp étudie la problématique de l’environnement et de la santé et se pose des questions intéressantes sur le sérieux des problèmes environnementaux, des possibilités de stopper et de renverser la dégradation environnementale, l’amélioration de la santé au niveau mondial et la possibilité de réduire le flux international des stupéfiants.

Duncan, Jancar-Webster et Switky se penchent sur quelques questions fondamentales relatives à l’environnement mondial et au problème démographique : Y’a-t-il un problème environnemental global ? Quel rôle ont joué les révolutions industrielle et scientifique dans ce domaine ? Quel est l’impact des systèmes sanitaires, des maladies et de la médecine moderne sur la population ? Quel est l’impact de la technologie sur la planète Terre et les politiques mondiales ? Les questions d’énergie, d’air et d’eau font également partie d’une liste exhaustive proposée par Duncan, Jancar-Webster et Switky qui relatent plutôt les événements au lieu d’apporter des éléments de réponse. Cela dit, les nombreuses cartes, photos, tableaux et graphiques utilisés dans ce livre présentent un attrait visuel et pédagogique facilitant l’apprentissage.

Thomas F. Homer-Dixon s’interroge sur l’éventualité de l’avènement de conflit à cause des changements environmentaux. Le déplacement de la balance du pouvoir entre les États au niveau régional et mondial conduisant à la guerre, la montée de disparité entre le Nord et le Sud en raison des changements climatiques, le réchauffement atmosphérique qui rend l’Arctique et l’Antarctique accessibles, l’appauvrissement de la terre créant des vagues de réfugiés environnementaux et leur effet déstabilisateur sur la sécurité étatique et la possibilité de conflit sur les ressources hydrauliques, sont parmi les mesures que l’auteur identifie comme sources potentielles de conflit notamment entre et dans les pays pauvres. L’auteur s’intéresse aux effets des changements climatiques sur la radicalisation dans les pays pauvres, surtout quand ces derniers sont bien armés et dans un contexte mondial de prolifération des armes de destruction massive. Homer-Dixon critique ceux qui écartent la possibilité de confrontation entre le Nord riche et le Sud pauvre sur la base du seul calcul mathématique selon lequel la supériorité destructrice des capacités militaires du Nord finit par persuader le Sud de son infériorité ; il est irréfléchi pour le Nord de miser pour sa sécurité sur l’appauvrissement et le désordre dans le Sud, rappelle Homer-Dixon.

Conclusion

Le monde évolue dans tous les sens avec une vitesse remarquable. Saisir le changement exige un travail de recherche et de réflexion continu et la remise en question des certitudes dépassées par les événements. Dans un monde obsédé par la vitesse, les forces qui résistent au changement sont toujours très puissantes. Celles-ci sont plus intéressées au maintien des acquis de la guerre froide qu’à se poser des questions gênantes sur les sujets qu’elles jugent négligeables. Il s’agit de la dégradation de l’environnement/l’habitat humain, la problématique de la violation des droits humains, la pauvreté, des effets de la mondialisation sur les sociétés maintenues sous-développées, la démocratisation des systèmes politiques et la (re-)distribution des richesses, ainsi que du renforcement de la participation de la société civile dans le processus décisionnel au niveau national et international.

Depuis le 11 septembre 2001, le combat contre le terrorisme est devenu la nouvelle idéologie des États qui fuient vers l’avant au lieu de remédier aux problèmes à l’origine des actes violents. La sécurité de l’État ne sera point assurée dans un climat où la sécurité individuelle et collective demeure l’objet de négociation et de répression. Même si de plus en plus de textes raffinés cherchent à simplifier la compréhension des rapports complexes entre les États, certains concepts de base en relations internationales doivent être (re)définis de façon urgente : terrorisme, lutte de libération nationale, légitimité du pouvoir, protection des individus, prolifération des armes, autorité internationale, crime de guerre, souveraineté nationale et étatique, etc.

L’effort des observateurs de la scène mondiale pour comprendre, et faire comprendre, les rapports de plus en plus complexes entre les États, les communautés, les individus et leur environnement physique et politique pourrait contribuer à atténuer les effets négatifs et unilatéraux de la mondialisation en rendant ce processus plus inclusif.