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Introduction

L’échec et le décrochage scolaires constituent des préoccupations majeures au Québec où 13,6 % des personnes de 15 ans et plus restent sans diplôme (MEES, 2020). Pour lutter contre ces phénomènes, de nombreux auteurs considèrent gagnant de miser sur l’engagement scolaire (p. ex., Lei, Cui et Zhou, 2018). L’idée sous-jacente est que, pour réussir, l’élève devrait s’impliquer activement à l’école et dans ses apprentissages, sur les plans comportemental (p. ex., participation ; respect des règles/consignes ; absence de comportements perturbateurs), affectif (p. ex., attrait et valorisation de l’école ; sentiments/réactions positives/négatives envers l’école, les apprentissages, etc.) et cognitif (p. ex., investissement psychologique/mental ; stratégies face à la tâche). Plusieurs études montrent d’ailleurs une corrélation positive entre l’engagement et le rendement ou les réalisations scolaires des élèves, à l’école primaire comme secondaire (p. ex., Wonglorsaichon, Wongwanich et Wiratchai, 2014). Cela peut s’expliquer par le fait que les élèves qui s’engagent le plus tendent à développer des comportements, des sentiments et des manières de penser qui répondent mieux aux attentes scolaires, et leur permettent de mieux s’y adapter. Mais comment favoriser l’engagement sans faire porter tout le fardeau sur les épaules des élèves eux-mêmes ? En effet, si les facteurs individuels (p. ex., la préparation scolaire, le style comportemental de l’élève, ses capacités de régulation sur le plan émotionnel) jouent un rôle essentiel dans l’engagement, tout ce qui touche à l’expérience éducative des élèves au sens large est susceptible d’influencer leurs comportements de réussite. Dans cette perspective, les pairs apparaissent comme des acteurs clés de l’expérience éducative, même si leur rôle est encore peu étudié.

Quand s’intégrer parmi ses pairs peut favoriser l’engagement

L’intégration d’un élève dans son groupe de pairs est un phénomène qui ne dépend pas uniquement de ses habiletés sociales ou de sa personnalité, mais implique également un certain degré d’acceptation et de reconnaissance de la part des membres du groupe. L’intégration sociale et son corollaire, l’acceptation sociale, ont de nombreux effets positifs sur l’adaptation et le développement des élèves, ainsi que sur leur réussite éducative (p. ex. Wentzel, Jablansky et Scalise, 2020). Les travaux indiquent, par exemple, que les élèves moins bien intégrés réussissent moins bien à l’école et tendent à se désengager, notamment parce qu’ils développent des attitudes négatives face à l’école. D’une manière plus spécifique, l’intégration pourrait intervenir sur l’engagement à l’école en raison de son influence sur deux mécanismes individuels majeurs : le sentiment d’appartenance et le soutien perçu.

Intégration sociale, sentiment d’appartenance et engagement. S’il est intimement associé à l’intégration sociale, le sentiment d’appartenance au groupe répond à un besoin humain fondamental. Appliqué au groupe de pairs à l’école, il permet aux élèves de se sentir acceptés, respectés et soutenus par les autres (Goodnow, 1993), et il se traduit par le développement et le maintien de relations durables, positives et significatives avec eux. Dans ce contexte, le sentiment d’appartenance au groupe de pairs à l’école jouerait un rôle déterminant sur les dimensions affective et comportementale de l’engagement à l’école. En effet, les élèves qui se sentent davantage liés aux pairs de leur groupe manifesteraient des réactions et un attachement plus positifs face à l’école, ce qui nourrirait leur plaisir à l’école d’une manière générale (Gowing, 2019), comme le plaisir face à la tâche et la volonté de s’investir d’une manière plus spécifique (Furrer et Skinner, 2003 ; Korpershoek, Canrinus, Fokkens-Bruinsma et de Boer, 2020).

Intégration sociale, soutien perçu et engagement. Les études réalisées sur le soutien social sont nombreuses et démontrent combien celui-ci s’avère essentiel au développement des enfants et des jeunes, ainsi qu’à leur adaptation générale et leur bien-être. Dans le contexte scolaire, ces études émettent l’hypothèse que l’intégration au sein du groupe de pairs facilite l’engagement actif de l’élève en ce qui concerne la tâche et les apprentissages en classe en raison du soutien instrumental (p. ex., aide, partage de ressources) et émotionnel (p. ex., réconfort) que les pairs peuvent fournir (p. ex., Ladd, Kochenderfer-Ladd, Visconti et Ettekal, 2012). De fait, les enfants qui se sentent intégrés dans leur groupe ont plus de chance de profiter des effets positifs des relations paritaires, et d’évoluer dans un contexte favorable à l’exercice de leurs compétences et au développement de leur engagement. Se sentant soutenus, les enfants intégrés auraient, en effet, tendance à se sentir plus à leur aise dans les activités scolaires, ce qui les amènerait à participer plus activement en classe, et possiblement, à déployer davantage d’effort face aux difficultés scolaires rencontrées, ce qui, par conséquent, améliorerait leur engagement. Le sentiment d’être soutenu augmenterait également l’attrait pour l’école, les enfants prenant davantage de plaisir à être parmi leurs pairs (Boulton, Don et Boulton, 2011).

Conclusion

Malgré des données encore parcellaires, tout laisse à penser qu’il pourrait s’avérer particulièrement gagnant de miser sur les pairs pour favoriser l’engagement à l’école. Pour cette raison, les personnes enseignantes doivent être en mesure de déployer des stratégies qui encouragent les interactions positives entre pairs et favorisent l’intégration sociale de tous les élèves dans le groupe. Ces stratégies peuvent s’actualiser de plusieurs manières selon les ordres d’enseignement. Ainsi, une personne enseignante pourrait, par exemple, établir avec ses élèves des règles de classe en faveur de l’ouverture aux autres et qui valorisent la différence. Par ailleurs, en attirant l’attention des pairs sur les forces respectives de chacun et en s’assurant que chaque élève puisse assumer des responsabilités et jouer un rôle constructif dans le groupe, la personne enseignante favoriserait un climat de classe positif, facilitant le développement d’un sentiment d’appartenance au groupe et la création de nouvelles affinités entre les élèves.