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Introduction

La formation clinique représente une partie importante de la formation des ergothérapeutes, car elle est considérée comme le pont entre la formation académique et la pratique (Roberts, Hooper, Wood et King, 2015). Selon les directives canadiennes sur la formation clinique en ergothérapie émises par l’Association canadienne des programmes universitaires en ergothérapie [ACPUE], la formation clinique renvoie à l’intégration pratique et à l’application des connaissances, compétences et attitudes apprises à l’université dans la pratique professionnelle de l’ergothérapie en situation réelle (Directives canadiennes sur la formation clinique en ergothérapie (ACPUE, 2011). Par ailleurs, Bonello (2001) affirme que la formation clinique en ergothérapie dans le contexte des études supérieures va au-delà de l’application des connaissances apprises à l’université, mais que le temps passé en milieu de stage devient l’occasion de faire de nouveaux apprentissages en tirant des leçons des expériences vécues et de porter un regard critique sur sa pratique, d’où l’importance de développer des compétences pour une démarche réflexive. Aiken, Menaker et Barsky (2001) soutiennent que le futur de la profession en ergothérapie dépend de la qualité de la formation clinique, celle-ci étant tributaire des compétences développées alors et des leçons apprises des expériences. Pour que les compétences se développent, elles doivent nécessairement être accompagnées de réflexion (Guillemette, Renaud, Leblanc, 2017 ; Poumay, Tardif et Georges, 201).

Contexte et Problématique

Une des particularités de la formation clinique en ergothérapie est qu’elle se fait dans une relation dyadique entre le superviseur de stage et le stagiaire. Chez d’autres groupes professionnels, comme chez les enseignants, la supervision de stage implique souvent une relation triadique, c’est-à-dire que trois personnes y sont engagées : le stagiaire, le superviseur (universitaire) et le tuteur (ou le professionnel sur le terrain qui accueille le stagiaire) (Boutet et Rousseau, 2002 ; Rivard, Beaulieu et Caspani, 2009). En ergothérapie, le lien universitaire se fait par le soutien d’un responsable universitaire et par les actions d’un coordonnateur de stage intervenant si des difficultés surviennent en cours de stage. Par conséquent, les superviseurs de stage des milieux cliniques en ergothérapie ont de nombreuses responsabilités à assumer pour la formation du stagiaire. Portelance, Gervais, Lessard et Beaulieu (2009) soutient que les professionnels sur le terrain sont responsables de voir au maintien de relations interpersonnelles et interprofessionnelles de manière à créer un climat propice d’apprentissage, de veiller au développement de l’identité professionnelle des stagiaires, d’appuyer le développement des compétences professionnelles du stagiaire et de soutenir le développement de la démarche réflexive tout en collaborant avec le programme universitaire de rattachement. Les programmes universitaires en ergothérapie (via des responsables de formations cliniques) soutiennent les divers milieux de stage par des rencontres annuelles d’information et de formation (ACPUE, 2011). Ils ont aussi l’opportunité de mettre en place divers dispositifs pédagogiques pour soutenir à la fois les stagiaires dans le développement de leurs compétences et pour appuyer les superviseurs de stage dans l’encadrement, la rétroaction et la supervision des stagiaires.

Or, c’est dans ce contexte qu’un responsable universitaire des cours de formation clinique au baccalauréat et à la maitrise en ergothérapie a mis en place un carnet de stage contenant des fiches réflexives à disposition des stagiaires pendant leur stage du cursus de formation (baccalauréat-maîtrise) de l’Université du Québec à Trois-Rivières, et ce, dès l’implantation des programmes en 2008 (Brousseau, 2014). Comme actuelle responsable des cours de formation clinique, nous avons vérifié son utilisation par les stagiaires dans un souci d’évaluer ce dispositif pédagogique. Des données obtenues auprès de la représentante de classe au comité de programme en ergothérapie ont révélé que seulement 50 % des stagiaires ont rédigé des fiches réflexives (J. Bergeron, communication personnelle, 15 novembre 2017). Parmi ceux-ci, 86 % l’ont fait parce que leur superviseur l’avait exigé (J. Bergeron, communication personnelle, janvier 2017). Par ailleurs, des discussions informelles avec les superviseurs de stage lors des rencontres annuelles organisées par le coordonnateur de stage ont aussi montré que des superviseurs de stage croient qu’une fois que le stagiaire a complété une ou deux fiches réflexives, il peut cesser de le faire. Pour eux, la réflexion faite verbalement est alors jugée suffisante pour attester que l’étudiant est engagé dans une démarche réflexive (L. Tardif, coordonnatrice de stage en ergothérapie, communication personnelle, 31 mai 2017).

Les questions qui se posent alors sont : 1. Quelles sont les retombées des journaux réflexifs en ergothérapie d’où s’inspirent les fiches réflexives ; 2. La démarche réflexive doit-elle nécessairement passer l’écrit ? 3. Comment s’assurer que les stagiaires produisent des réflexions de qualité ? Il y a lieu de croire que d’éduquer les superviseurs de stage sur les fondements théoriques de la démarche réflexive, mais aussi de les outiller pour qu’ils puissent à leur tour donner de la rétroaction sur la qualité des réflexions écrites des stagiaires font aussi partie des responsabilités des programmes universitaires. Pour ces raisons, une démarche d’évaluation du dispositif pédagogique a été entreprise.

Objectif de la démarche d’évaluation

L’objectif de la démarche d’évaluation est de 1. Décrire le bien-fondé du recours aux journaux réflexifs en ergothérapie ; 2. Documenter les retombées de l’écriture réflexive en ergothérapie ; 3. Apprécier sommairement le recours aux fiches réflexives ; 4. Décrire des éléments à considérer pour l’appréciation de la qualité des réflexions. Le présent article expose les résultats de cette démarche d’évaluation visant éventuellement à soutenir les superviseurs de stage afin qu’ils puissent à leur tour fournir de la rétroaction aux stagiaires sur la qualité de leurs réflexions écrites pour les inciter à s’investir dans le développement d’une démarche réflexive, nécessaires au développement de leurs compétences professionnelles.

Méthodologie

Notre démarche (méthodologie) a consisté à faire une recension des écrits sur le recours aux journaux réflexifs et les retombées de l’écriture réflexive en ergothérapie. Une recherche sur les bases de données CINALH (Cumulative Index to Nursing and Allied Health Literature) [une base de données bibliographiques en sciences biomédicales], MEDLINE (en particulier PubMed qui est la version gratuite de MEDLINE) et PSYCHINFO en utilisant les mots-clés « reflective journal » and « occupational therapy  [1]». Ensuite, après avoir fortement incité le dépôt des fiches réflexives sur le portail de cours en janvier 2018, nous avons vérifié le pourcentage de dépôts des fiches réflexives par les stagiaires durant les stages de la session d’hiver 2018 (au baccalauréat et de la maîtrise) et nous avons procédé à une lecture flottante de ces fiches. Avant, ni le responsable universitaire de la formation clinique, ni le coordonnateur de stage n’avaient moyen de vérifier, si effectivement, le recours aux fiches réflexives était fait ni de statuer sur la qualité de la réflexion. Finalement, comme aucune des études recensées en ergothérapie n’avait dévoilé des informations pour aider à apprécier la qualité de la réflexion des écrits réflexifs, la recherche a été élargie en utilisant les mots-clés « reflective journal » et « level of reflection » dans le but de dénombrer des études susceptibles de fournir des éléments en appui à l’appréciation de la qualité de la réflexion chez divers professionnels de la santé, toujours dans les bases de CINALH, MEDLINE, PSYCHINFO. Cette démarche apparait pertinente, car comme le suggèrent Harden, Grant, Buckley et Hart (1999), les interventions pédagogiques en pédagogie médicale doivent se faire sur des évidences scientifiques fortes dans la discipline. À défaut de celles-ci, un appui sur des études comparables auprès d’autres disciplines apparait acceptable et permet d’outrepasser des interventions éducatives fondées sur l’opinion pour adopter celles fondées sur des données probantes. Il y a lieu de croire que cet argument est aussi valable pour l’ergothérapie.

Résultats

Journaux réflexifs en ergothérapie

Une recherche sur les bases de données CINALH, MEDLINE en utilisant les mots-clés « reflective journal » and « occupational therapy » a permis de documenter le bien-fondé des fiches réflexives du carnet de stage. Quelques écrits abordent l’utilisation des journaux réflexifs en ergothérapie (Bennett, 2000 ; Zimmerman, Byram Hanson, Stube, Jedlicka et Fox, 2007 ; Poriel et Tosser, 2017). Bennett (2000) propose d’utiliser le journal réflexif pour maîtriser les étapes de la recherche-action. Elle argumente que c’est par les tâches d’écriture que la réflexion individuelle peut rejoindre celle d’un petit groupe. Zimmerman et coll. (2007) rapportent l’expérience d’essais réflexifs où l’étudiant fait état du développement de ses compétences professionnelles chaque année du programme de formation. Il est invité à commenter l’état de développement de ses compétences nécessaires pour choisir et utiliser des évaluations auprès de clientèles de divers groupes d’âge (enfant, adulte, personne âgée) comme futur ergothérapeute. Il doit y inclure aussi l’état du développement de ses connaissances des concepts de la discipline (dont, entre autres, occupations, processus et outils d’évaluations en ergothérapie, attitudes et valeurs de la discipline, décisions cliniques basées sur les résultats probants). Un autre écrit européen non recensé par les bases de données utilisées faisant état de la pratique scripturale par deux formes de journaux, le journal de stage et le journal occupationnel, est celui de Poriel et Tosser (2017).

Toujours selon Poriel et Tosser (2017), le journal de stage ne sert pas à l’évaluation du stage, mais plutôt d’outillage réflexif. Le journal est lu et analysé par une formatrice, coordonnatrice du dispositif, et quelques jours après, des discussions ont lieu en groupe d’étudiants soutenus par la formatrice. Par ailleurs, le journal occupationnel sert d’outil de médiation dans l’appropriation des concepts en ergothérapie. Selon ces auteures, les étudiants ont recours à l’écriture réflexive ; ils doivent produire un écrit à partir de leurs expériences de participation à leurs occupations personnelles pour comprendre les concepts.

Craig-Duchesne, Rochette, Scurti, Beaulieu et Vachon (2018) ont montré dans une étude réalisée auprès de 32 étudiants en ergothérapie que le journal réflexif était utilisé quotidiennement par 71,9 % d’entre eux au début du stage alors qu’il l’était seulement par 38,7 % à la fin du stage. De plus, seulement 38,7 % des superviseurs de stage ont lu le journal réflexif et discuté avec le stagiaire de son contenu. Holland, Middleton et Uys (2012), dans une analyse de 19 journaux réflexifs tenus par des stagiaires, ont montré que la confiance professionnelle se développe, entre autres, par les liens pouvant être établis entre les savoirs et les compétences, résultant de réflexions faites en stage. Hoppes, Hamilton et Robinson (2007) suggèrent que, durant leurs expériences de stage, les étudiants en ergothérapie tiennent un journal personnel pour y consigner une autobiographie enrichie des expériences professionnelles et personnelles pour distinguer les limites entre leur vie professionnelle et personnelle. Knightbridge (2014) a analysé les journaux réflexifs de 14 stagiaires impliqués dans un stage en pratique émergente. Il fait valoir que les réflexions faites pendant ce stage ont une influence positive sur le développement des compétences professionnelles. Par ailleurs, Richards et Galvaan (2018) rapportent l’utilisation du journal réflexif pour documenter la transformation des croyances et des présupposés essentiels au travail d’un ergothérapeute en milieu communautaire. Pour ces auteurs, les stagiaires sont amenés à identifier leurs a priori pour pouvoir intervenir efficacement auprès de communautés vulnérables. Jung et Tryssenar (1998), dans une étude menée auprès de 13 superviseurs de stage, ont trouvé que les journaux réflexifs aussi tenus par ceux-ci leur ont permis de prendre conscience des éléments faisant d’eux des superviseurs de stage efficaces pour soutenir les stagiaires dans leurs propres réflexions. La recension des écrits soutient le recours aux fiches réflexives durant les stages en ergothérapie et montre qu’alors, la réflexion peut porter sur « soi » comme individu afin de prendre conscience de ses a priori et peut aborder aussi, sur le lien entre les situations rencontrées, les savoirs déployés et les compétences mises à contribution.

Retombées de l’écriture réflexive en ergothérapie

La tenue de journaux réflexifs ou de fiches réflexives renvoie à l’écriture réflexive. Quelques articles documentent les retombées de l’écriture réflexive pour les étudiants en ergothérapie. Ce sont ceux d’Andrews (2000), Hobbs et Luebben (2002), Sinclair et Tse (2001) et Tryssenaar (1995). Andrews (2000) illustre qu’un récit narratif d’une expérience de stage dans un milieu écrit par un étudiant en ergothérapie peut être utile, car il permet à celui-ci de prendre du recul et se distancier de ses expériences. Hobbs et Luebben (2002) après avoir analysé le contenu de journaux réflexifs tenus par cinq étudiants en ergothérapie, ont proposé quatre paramètres pour analyser la réflexion (le contenu ciblé, la temporalité, la rétroaction et l’échange entre pairs). Finalement, Tryssenarr (1995) a observé que la rétroaction d’un formateur sur les écrits produits par les étudiants favorise la compréhension des clientèles vues en ergothérapie. Ils ont pu mieux saisir les difficultés pour entrer en relation avec des personnes aux prises avec des problèmes de santé mentale, façon de cerner les frontières et les limites de l’approche centrée sur le client et de la relation thérapeutique. Brousseau (2017) expose le bien-fondé de l’écriture réflexive en ergothérapie. Dans une étude auprès de 15 étudiants en ergothérapie, Brousseau (2017) a montré que l’écriture réflexive aide à faire des liens théorie-pratique ; permet de prendre conscience de soi comme futur agent thérapeutique, de porter un regard critique sur les compétences en développement et de soutenir le développement de l’identité professionnelle.

En somme, les réflexions produites suite à l’analyse de situations vécues en stage ont une influence positive sur le développement des compétences professionnelles. Les études rapportées montrent l’importance de la prise de conscience de soi comme individu pour développer le métier d’ergothérapeute. Aussi, les récits réflexifs ont des retombées positives pour bien comprendre son rôle, ses interventions auprès des clientèles, contribuant ainsi au développement de l’identité professionnelle.

Fondements théoriques de l’écriture réflexive

L’écriture réflexive est définie comme la production de textes faite dans un contexte de retour sur ses expériences. Snoeckx (2006) soutient que l’écriture réflexive est « une écriture singulière, impliquée, expérientielle, qui comporte des dimensions narratives, descriptives, argumentatives et prospectives » (p. 1), caractéristiques auxquelles Vanhulle (2005) ajoute l’adjectif « heuristique » (p. 8), pour expliciter que l’écriture aide aussi à la découverte des concepts et de la théorie. L’écriture réflexive est une écriture particulière ; elle part d’expériences personnelles et implique un travail de retour sur soi et de synthèse suite à des évènements. Le fait de mettre par écrit ses pensées est certes une étape importante de la réflexion.

L’écriture réflexive repose sur le fait que la pensée se transforme en l’écrivant et que la communication écrite oblige à expliciter sa pensée (Bibauw, 2010 ; Bibauw et Dufays, 2010 ; Buysse et Vanhulle, 2009 ; Desjardins et Boudreau, 2012 ; Pellanda, Dieci et Tosi, 2010 ; Snoeckx, 2011 ; Vanhulle, 2005 ; Vanhulle et Deum, 2006). Rapporter ses expériences et en tirer une leçon pour des actions futures sont essentiels pour que des apprentissages s’effectuent (Boud, Keogh et Walker, 1985). Malgré que les écrits sur l’écriture réflexive suggèrent son utilisation dans la formation professionnalisante (pour exercer une profession), Bibauw et Dufays (2010) soutiennent qu’en contexte de formation générale, elle est tout aussi utile, mais que les enjeux sont différents. L’écriture réflexive dans la formation professionnalisante est une écriture de distance alors que celle en formation générale en est une de l’immédiat (Jorro, 2014 ; Morisse, 2014). Par exemple, dans l’immédiat, la réflexion partirait de qu’avez-vous appris aujourd’hui ? Dans cette situation, la réflexion va d’abord porter sur ses apprentissages et sa propre démarche comme apprenant. L’écriture réflexive lors des stages impliquent aussi, une réflexion sur sa démarche comme apprenant, mais davantage une réflexion sur soi. Elle engage aussi le stagiaire à constater que plusieurs situations suscitent des interrogations et en plus, à reconnaitre qu’il doit relier ses observations sur le terrain aux notions théoriques de la profession. Par exemple, le stagiaire, en présence d’un client, doit reconnaitre que celui-ci vit des insatisfactions importantes de ses occupations signifiantes contributives de sa santé[2] même si ce n’est pas formulé tel quel par le client. De plus, ces situations offrent une occasion d’aller au-delà de l’application de la théorie à la pratique et la réflexion alors suscitée se veut « une conversation avec une situation », tout comme le suggérait Perrenoud (2004) en empruntant le terme à Schön (1983). Il s’agit de trouver comment personnaliser ou singulariser le recours aux principes théoriques à une situation particulière. Cet élément est important, car c’est au stagiaire de trouver ses propres solutions sur le terrain qui l’aideront à construire son expérience professionnelle sur le terrain faisant en sorte que les interrogations rencontrées ne créent pas un frein au développement des compétences en milieu clinique.

Recours aux fiches réflexives par des stagiaires de 3e année et de maitrise en ergothérapie

Comme responsable universitaire des cours de formation clinique, nous avons demandé aux stagiaires de déposer minimalement une fiche réflexive par semaine dans le dépôt de travaux sur le portail de cours. Cette fiche consiste à analyser une situation étant survenue durant la semaine en cours afin d’en approfondir la compréhension des enjeux et trouver des solutions à y apporter (inspiré de Villeneuve, 1991). Nous avons vérifié, si effectivement, les stagiaires déposaient leurs fiches réflexives pendant leur stage sur le portail de cours. Chacun des stages était d’une durée de huit semaines. Durant les deux premières semaines de stage, 89,7 % des stagiaires de troisième année du baccalauréat ont déposé leurs fiches réflexives alors que 73,5 % de ceux de la maîtrise l’avaient fait. Aussi, le pourcentage diminue comme le stage avance dans le temps, et ce, pour les deux groupes de stagiaires. Le tableau 1 donne le détail de ces informations.

Tableau 1

Pourcentage de dépôt des fiches réflexives sur le portail de cours

Pourcentage de dépôt des fiches réflexives sur le portail de cours

*Fin prévue de la vérification

** Nous avons voulu vérifier après le stage si les fiches avaient été déposées durant les quatre dernières semaines pour constater que plusieurs stagiaires avaient rédigé celles-ci après le stage possiblement pour se conformer à la consigne

-> See the list of tables

Les données obtenues renseignent sur le fait que même si le dépôt des fiches est obligatoire, il reste néanmoins que plus les stages avancent, moins de stagiaires le font. Toutefois, on peut constater que l’exigence du dépôt des fiches réflexives a fait en sorte qu’un plus grand nombre de stagiaires a rédigé des fiches réflexives en comparaison aux années antérieures (données citées précédemment, 50 %). Toutefois, ces informations ne fournissent pas d’indications de la qualité de la réflexion. Afin de recueillir des impressions sur la qualité de la réflexion, nous avons procédé à la lecture flottante des 198 fiches réflexives déposées sur le portail. La lecture flottante en recherche qualitative consiste à lire tout le matériel disponible puis à noter les impressions qui s’y dégagent (Savoie-Zajc, 2000). En recherche, cela constitue la première étape d’analyse du matériel qualitatif, l’étape suivante étant l’analyse de contenu à l’aide d’une grille thématique. Cette dernière étape n’est pas incluse dans la présente démarche d’évaluation (elle pourrait faire l’objet d’une recherche ultérieure). Les impressions obtenues suite à la lecture flottante pourraient s’apparenter à celles que tout superviseur de stage en ergothérapie, sans formation préalable en pédagogie de la supervision, pourrait formuler. La dernière étape de notre démarche d’évaluation a consisté à recueillir les éléments contribuant à la qualité de la réflexion, contenus dans une recension des écrits (cet aspect est traité à la section 3.5 du présent article). Les impressions recueillies (par une seule personne) suite à la lecture flottante se regroupent autour des thèmes suivants : absence de réflexion, réflexion technique, réflexion sur le vécu, réflexion incorporant l’interprétation du vécu, réflexion visant à conforter le savoir. Des verbatim tirés des fiches sont exposés ici pour illustrer ces impressions. La démarche n’a pas été une démarche de recherche, elle est faite à des fins évaluatives et éducatives.

Absence de réflexion

La réflexion est parfois absente, le stagiaire va affirmer ne pas savoir comment faire une évaluation avec un nouveau client assigné au stagiaire en ergothérapie. La première réaction du stagiaire sera de mentionner à l’écrit que cet aspect n’a jamais été vu dans ses cours à l’université. Le superviseur de stage pour permettre au stagiaire d’aller plus loin dans ses réflexions pourrait lui refléter « Qu’est-ce que cette situation te dit sur toi ?

Réflexion technique :

La réflexion est parfois très technique. Par exemple, un stagiaire s’interroge si une modalité d’évaluation a bien été utilisée ou un test a été administré selon les normes de passation. Il y aura lieu de demander au stagiaire qu’une fois qu’il sera familiarisé avec cet aspect technique du travail, de poursuivre sa réflexion. Peut-il en tirer des leçons pour le futur ?

Réflexion sur le vécu :

Parfois, les réflexions ont abordé les émotions (le vécu) que font vivre les situations nouvelles. Les réflexions expriment les émotions ressenties durant l’expérience, qui reflète parfois est la peur de plonger dans les activités du stage ou la procrastination. L’extrait suivant illustre ce propos :

« C’est un élément que je traîne depuis quelque temps : ma difficulté à recadrer les clients, en raison, entre autres, de ma gêne et de ma curiosité. Toutefois, il est important dans un but professionnel de recadrer les clients qui s’éparpillent afin d’obtenir des rencontres efficientes ».

Expérience vécue :

Lors de la rencontre, la fillette était opposante, voulait contrôler les activités (entre autres, le moment où on arrête la thérapie).

Réflexion :

« Je ne voulais pas être autoritaire, car je ne voulais pas que ça affecte la relation thérapeutique, surtout que la mère a également une attitude désagréable. De plus, c’est également lié au fait que je suis moins à l’aise d’être autoritaire avec les enfants des autres (je ne veux pas que les parents le prennent mal). »

Réflexion incorporant l’Interprétation du vécu :

Il arrive parfois que des stagiaires soient capables d’interpréter ces émotions et de se projeter dans des actions à entreprendre pour ne pas que les émotions vécues paralysent le stage.

Expérience vécue :

« Je donnais des conseils de posture à un client en ergothérapie ».

Réflexion :

« En réfléchissant plus profondément à cet évènement, je constate que je fais du contre-transfert. Effectivement, il y a une personne de mon entourage qui souffre de maux de dos de façon semblable à mon client et je lui dis de faire attention à sa posture, mais elle n’écoute pas mes conseils. J’ai peut-être répondu aux attentes de mon client, mais pas à mes propres attentes. Peut-être que moi-même, je cherchais une solution miracle pour également venir en aide à la personne proche de moi. … Il serait important que j’apprenne à identifier ces émotions pour être en mesure de les gérer et qu’elles n’influencent pas l’alliance thérapeutique ».

Expérience vécue :

Les participants d’un groupe en thérapie ont énoncé des insatisfactions face à la structure du programme dans lequel ils étaient impliqués.

Réflexion :

« J’ai vécu un contre-transfert en laissant les émotions négatives des participants affecter mon humeur. Les prochaines fois, j’utiliserai un mot (signe) pour que le coanimateur prenne en main l’animation pour quelques minutes lorsque je pense vivre un contre-transfert ».

Réflexion remettant en question les présupposés du stagiaire :

Déclencheur :

« Lors des quelques évaluations avec mes clients cette semaine, j’avais rapidement tendance à offrir des solutions à ceux-ci plutôt que de les questionner et de les amener à les trouver par eux-mêmes. Par exemple, alors que je faisais un exercice avec un client anxieux, celui-ci m’a dit qu’il n’était pas capable de maintenir le focus en groupe avec le bruit et il commençait à paniquer en raison de l’exercice. Je lui ai alors proposé comme stratégie d’aller dans une pièce fermée seul dans l’atelier pour qu’il puisse diminuer son anxiété ».

Réflexion :

« J’aurais toutefois pu lui demander par lui-même de me dire comment régler ce problème. Lors de mes prochaines rencontres, je vais porter une attention à laisser le pouvoir et questionner davantage ». « Je pourrais poser des questions comme « Qu’est-ce que vous pourriez faire dans telle situation ? » « Comment voyez-vous la suite des choses ? ».

Réflexion visant à conforter ses savoirs :

Le stagiaire émet un énoncé comme la liste des choses à faire et un aspect attendu du stagiaire en situation réelle avec un client. Cela correspond dans une certaine mesure, aux principes personnels que se donnent un stagiaire pour s’approprier la pratique professionnelle en ergothérapie.

Réflexion :

« Le non-verbal des clients est un bon signal à tenir compte lors de nos interventions. Il faut s’ajuster en fonction de ce qu’ils nous démontrent ».

Réflexion :

« La première étape lorsqu’on prend en charge un patient, c’est de lire son dossier. Lire les dossiers de mes patients avant d’aller les voir et questionner ma superviseure de stage sur la préparation que je dois faire ».

Réflexion émettant un lien avec les savoirs :

La réflexion est un retour sur les connaissances antérieures pour développer une nouvelle perspective sur les expériences futures en stage :

Expérience vécue :

Lors d’une évaluation par le jeu, simplement faire sauter la balle dans les mains.

Réflexion :

« J’ai vu que l’activité était trop difficile pour elle. Je fais un parallèle avec l’analyse et la gradation d’activités ».

Cette catégorisation des impressions est inductive et la question qui se pose est : Pourrait-on corroborer ces types de réflexion avec des éléments issus d’un savoir savant ? C’est ce qui fait l’objet de la section suivante.

Appréciation de la qualité de la réflexion

Aucune des études recensées en ergothérapie n’a dévoilé des informations pour aider à apprécier la qualité de la réflexion des écrits réflexifs. Une recherche sur les bases de données CINALH, MEDLINE, PSYCHINFO en utilisant les mots-clés « reflective journal » and « quality of reflection » n’avait donné aucun résultat. La recherche a été élargie en utilisant les mots-clés « reflective journal » et « level of reflection » dans le but de faire trouver des études ayant abordé l’appréciation de la qualité de la réflexion chez divers professionnels de la santé (étudiants en médecine, en soins dentaires, en soins infirmiers, en physiothérapie, en pharmacie). Les articles trouvés sont de trois types : des articles d’opinion, des articles synthèses et des articles de recherche. Un premier article recensé, celui de DasGupta et Charon (2004) suggèrent que les écrits produits par des étudiants en médecine doivent suivre la séquence typique de la narration d’évènements (début, milieu et fin). Ceux étant rapportés comme étant de meilleure qualité dégagent alors un message à retenir de la situation vécue.

Les articles synthèse de Dyment et O’Connell (2011) et Tsingos, Bosnic-Anticevich, Lonie et Smith (2015) sur l’appréciation de la qualité de la réflexion des écrits réflexifs chez des d’étudiants ou des stagiaires en médecine, en pharmacie, en soins dentaires, en soins infirmiers et en physiothérapie, montrent que les notions théoriques de Mezirow sur l’apprentissage transformateur (Mezirow, 1991) et de Boud Keogh et Walker (1985) sur l’apprentissage par l’expérience servent fréquemment d’ancrage à l’appréciation de la qualité des écrits réflexifs pour divers professionnels de la santé. Comprendre ces notions est un élément important pour pouvoir éventuellement donner de la rétroaction à un stagiaire sur ses réflexions afin qu’il chemine dans son développement professionnel.

Pour Mezirow (1991), trois dimensions sont à considérer pour qu’une personne puisse apprendre de ses expériences. Ces dimensions renvoient à la compréhension de soi comme individu (dimension psychologique), à la prise de conscience de ses convictions personnelles (révision des systèmes de croyances) et à la prise de conscience de son comportement (son style spontané de réactions). Par exemple, un stagiaire en ergothérapie prenant conscience qu’il est très directif, de façon spontanée, dans ses consignes lors de rencontres avec un client (personne suivie en ergothérapie) se met en porte-à-faux avec son client s’il veut l’accompagner pour qu’il trouve lui-même ses propres solutions dans sa vie courante afin d’adopter de nouvelles occupations signifiantes et contributives à sa santé (Taylor, 2008). Une prise de conscience de son comportement dans les réflexions écrites fait foi de la qualité des réflexions.

Aussi, Boud, Keogh et Walker (1985) soutiennent que lorsqu’une personne est impliquée dans une expérience, elle se doit de reconnaitre les émotions et les idées suscitées par cette expérience afin d’en tirer des leçons pour le futur. Une fois, ces émotions identifiées, la personne trouvera des stratégies pour utiliser à bon escient les positives ou gérer les émotions paralysantes ou négatives afin d’aller plus loin pour poursuivre ses apprentissages. La personne crée ainsi des chances de développer de nouvelles perspectives sur ses expériences. Elle pourra ainsi s’engager dans l’action, c’est-à-dire cheminer vers la résolution de la situation en question.

Balleux (2000) fait référence aux travaux de Boud, Keogh et Walker (1985) en statuant que la réflexion est l’occasion pour qu’une personne reprenne possession de son expérience, élabore des idées personnelles sur celle-ci, les rumine dans sa tête et par la suite, évalue son engagement dans l’action. Selon ce dernier, la réévaluation de l’expérience, qui est de loin la plus importante dans le développement de la démarche réflexive, permet de réexaminer l’expérience à la lumière des intentions de l’apprenant (par exemple en ergothérapie, cette intention est souvent d’habiliter une personne à s’engager dans des occupations signifiantes contributives à sa santé [Polatajko et coll., 2013]), d’associer de nouvelles connaissances à ce qui est déjà acquis et d’intégrer ces nouvelles connaissances au cadre conceptuel de l’apprenant, selon Balleux (2000). Tsingos et al., (2015), dans leur article synthèse, ont répertorié les pratiques d’évaluation de la qualité de la réflexion auprès d’étudiants en médecine, en pharmacie, en soins dentaires, en soins infirmiers, en physiothérapie, en sciences de la santé) en s’appuyant sur le cadre théorique de Boud, Keogh et Walker (1985). Ils proposent d’apprécier la qualité d’écrits réflexifs de stagiaires en pharmacie, par le recours à sept niveaux de réflexion : le retour sur l’expérience, la vigilance de ses propres émotions, l’association, l’intégration, la validation, l’appropriation et les conclusions de la réflexion.

Le premier niveau, le retour sur l’expérience, correspond au fait de donner une description chronologique d’un évènement en étant exempt de tout jugement sur soi. Le deuxième niveau, la vigilance en regard des émotions, se rattache au fait d’exprimer des sentiments et des pensées personnels (positifs ou négatifs) sur l’expérience clinique ou une situation en particulier. Le troisième niveau, l’association, renvoie au fait de clairement établir un lien entre les nouvelles connaissances acquises (ce que je dégage de la situation vécue) et les connaissances antérieures. Par exemple, un stagiaire en ergothérapie reconnaitra que durant la rencontre avec un client, il a fait de l’analyse d’activité. Le quatrième niveau, celui de l’intégration, fait référence au fait d’intégration ses connaissances antérieures à une situation. Il saura reconnaitre les notions théoriques inhérentes à la situation suscitant une interrogation. Le cinquième niveau, celui de la validation, renvoie à la cohérence entre l’introspection, les croyances et hypothèses antérieures en lien avec l’expérience. Par exemple, c’est ainsi qu’un stagiaire pourrait identifier qu’il a déployé une approche centrée sur le client en laissant de la place aux silences lors de la rencontre avec celui-ci, en n’imposant pas son propre point de vue et en ayant invité le client à prendre le temps de réfléchir aux changements que lui-même désire implanter dans ses occupations (Sumsion et Smyth, 2000).

Le sixième niveau, celui de l’appropriation, indique que les déductions sont faites en fonction des connaissances et des expériences antérieures tout en ayant fait une auto-évaluation des croyances, des hypothèses antérieures. Par exemple, un stagiaire désirant implanter un programme de promotion de la santé pour des aînés vivant dans la communauté serait capable d’avoir recours aux étapes de la démarche scientifique et ses réflexions le reflèteraient en y exposant les similitudes et les différences avec d’autres situations antérieures. Le septième niveau, celui des conclusions de la réflexion, montre que la réflexion énonce un changement de comportement ou l’adoption de nouvelles perspectives (de représentations des situations). Un superviseur de stage pourrait ainsi encourager les stagiaires à pousser plus loin leurs réflexions et l’accompagner à ce qu’il franchisse ces niveaux. Quelques études empiriques recensées dans ces deux articles synthèses illustrent aussi comment il est possible d’avoir recours aux notions théoriques de Boud, Keogh et Walker (1985) et de Mezirow (1991). Wong, Kember, Chung et Yan (1995) ont analysé 45 écrits réflexifs produits par des étudiants en sciences infirmières à l’intérieur d’un cours de 30 heures sur l’infirmière en tant qu’éducatrice. Dans un premier temps, ils identifié trois niveaux d’écrits : les non réflexifs, les réflexifs et les réflexifs critiques. Les écrits non réflexifs représentant 13,3 % des écrits se caractérisent par une simple description des évènements. Il n’y a pas d’indices que l’expérience a été revisitée, remâchée pour être analysée. Ce sont des écrits qui apparaissent assez impersonnels. Par ailleurs, les écrits réflexifs, représentant 75,6 % des écrits évalués, contiennent davantage d’information sur comment ces expériences se sont avérées des opportunités d’apprentissage, sur les liens sont faits entre la situation vécue et les connaissances antérieures ou parfois aussi, sur les liens avec les nouvelles connaissances développées. Les écrits réflexifs critiques, représentant 11,1 % des écrits évalués, ont montré que ces écrits reflètent un recadrage de la situation ou une poursuite des possibilités alternatives.

Discussion des résultats

La démarche d’évaluation entreprise fait valoir que le recours aux fiches réflexives est un moyen valable pour soutenir le développement de la démarche réflexive comme le montre les informations issues d’expériences en ergothérapie. Les stages constituent le début de la pratique en ergothérapie. Le développement de la démarche réflexive apparait possible par le recours à l’écriture réflexive. Il apparait donc essentiel que les réflexions couvrent un spectre assez large allant de la prise de conscience des émotions déclenchées par diverses situations, à la mise en place de stratégies pour outrepasser les émotions négatives, à la reconnaissance des liens à établir entre une situation et des savoirs antérieurs. Aussi, comme le proposait Taylor (2008) la reconnaissance de ses modes thérapeutiques spontanées (directif, empathique,) est un bon moyen pour développer de l’introspection de ses attitudes et de son comportement.

Certaines impressions notées à la suite de la lecture flottante des fiches réflexives montrent que des stagiaires ont fait ces prises de conscience. Aussi, elles rejoignent un des niveaux de réflexion proposés par à viser pour les stagiaires tel que suggéré par Tsingos et ses collaborarateurs (2015). L’intérêt des niveaux de réflexion pour des superviseurs de stage n’est pas tant d’étiqueter les écrits comme étant réflexifs ou non-réflexifs, mais plutôt un moyen mis à leur disposition pour donner de la rétroaction aux stagiaires en les invitant à poursuivre leur réflexion.

Aussi, on peut observer une certaine concordance entre les impressions de la qualité de la réflexion suite à la lecture flottante et les niveaux de réflexion recensés dans les écrits. Comme l’objectif n’était pas de corroborer les niveaux inductifs avec ceux des écrits recensés, il s’en dégage tout de même une impression globale que des stagiaires peuvent aller assez loin dans les prises de conscience faites. Ces prises de conscience peuvent s’étendre de la prise de conscience de soi (émotions générées par les situations), de soi comme apprenant [par exemple, qui n’arrive pas préparer à ses rencontres avec les clients], à la prise de conscience de ses convictions personnelles à celle de son comportement. Il y a lieu de croire aussi que les réflexions peuvent porter sur les apprentissages réalisés (sous forme de quelles leçons, je tire de cette situation) et sur les savoirs utilisés. Le stagiaire développe ainsi son expérience professionnelle durant ses stages. Par conséquent, la prise de conscience des savoirs utilisés ou des savoirs manquants est une étape par laquelle tout stagiaire doit franchir. Il y a lieu de croire que les réflexions évoluent tout au long des semaines de stage. Le fait de répéter l’exercice de réflexion est donc un élément important à poursuivre ainsi que de consigner ses réflexions à l’écrit, contrairement aux croyances des superviseurs de stage. Il y aurait lieu aussi de documenter des exemples de la progression d’un stagiaire dans ses réflexions tout au long d’un stage et ces exemples pourraient être utilisés pour habiliter les superviseurs de stage à donner de la rétroaction aux stagiaires.

La présente démarche présente des forces et des limites. La démarche a principalement consisté en des recensions des écrits et les résultats ainsi générés fournissent des arguments de poids, en tant que responsable de la formation clinique, pour soutenir des superviseurs de stage dans leurs tâches d’encadrement et de supervision du développement des compétences réflexives. Toutefois, cette démarche présente aussi des limites. Les éléments retenus pour l’appréciation de la qualité de la réflexion n’ont pas à ce jour, fait l’objet de validation auprès de superviseurs de stage. Ils seraient utiles, mais résonnent-ils dans leur conception de la supervision ? Ils constituent en quelque sorte des principes généraux à appliquer. La question qui se pose aussi est à savoir s’ils sont facilement utilisables par des superviseurs de stage en ergothérapie, ayant peu de formation en pédagogie de la supervision. Aussi, une autre limite se rattache au fait que l’extraction des données issues des écrits ayant été faite par une seule personne puisse avoir introduit un biais pour des résultats favorables.

Conclusion

La présente démarche d’évaluation du recours aux fiches réflexives fournit des éléments importants à retenir afin qu’un stagiaire progresse dans le développement de sa démarche réflexive. Après avoir pris connaissance des niveaux de réflexion proposés par les écrits, le recours à certaines questions qu’un superviseur de stage accompagnant un stagiaire pourrait lui adresser : « La situation vécue te faire prendre conscience de quoi ? » « Quelles sont les connaissances accumulées jusqu’ici qui pourraient t’aider à résoudre le défi auquel tu fais face ? « Quelle leçon tires-tu de la situation vécue ? ». Toutefois, pour pouvoir être utilisés en ergothérapie, les niveaux de qualité de la réflexion doivent faire l’objet d’une étude de validation par la recherche. Cette étape pourrait être réalisée par l’évaluation par un comité d’experts (formateurs universitaires, superviseurs de stages, stagiaires, professeurs-cliniciens en ergothérapie). Leurs commentaires permettraient de peaufiner la compréhension de l’appréciation de la qualité des réflexions dans les fiches réflexives. L’étape suivante consisterait en une étape de transfert des connaissances générées par les écrits et pourrait être le thème d’une formation destinée aux superviseurs de stage pour s’assurer que les stagiaires progressent par des réflexions écrites de qualité. Monter telle formation serait une façon de s’acquitter des responsabilités comme responsable universitaire pour les cours de formation clinique en ergothérapie.