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Ce recueil d’études réunit les travaux de sept auteurs ; il soulève des questions de fond sur l’éducation, et plus particulièrement l’éducation scientifique ; il stigmatise l’appauvrissement de cette éducation qui semble de plus en plus éloignée du savoir à proprement parler.

Les auteurs mettent en exergue les tensions entre les pôles scientifique et scolaire de la science ; ils se penchent sur les conditions dans lesquelles la modernité et ses dérives ont progressivement plongé l’éducation. Cette dernière a effectué une longue descente vers l’oubli de la raison (rationalité), vers l’indifférence à l’égard du savoir, au moment même où le sort de l’école semble inextricablement lié à la volonté, la nécessité pour l’homme d’apprendre et de reconstruire des savoirs issus de la science,

À la suite d’une introduction (par Jean Lombart) qui situe la problématique générale du livre, les textes permettent de poser un regard critique sur cette éducation scientifique en adoptant des perspectives diverses. Ainsi, Jean Lechat, dans la perspective de la science classique, oppose une science réduite à informer sur les savoirs scientifiques à la science classique (pour la classe), qui fait état des processus nécessaires à sa construction et à son apprentissage. Charles Coutel adopte la perspective de Condorcet et de la nécessaire élémentarisation des savoirs savants en savoirs enseignables en vue de la formation de citoyens libres, dotés d’un savoir suffisant pour penser la collectivité de façon autonome. Bernard Vandewalle s’inspire de la philosophie critique de Kant pour souligner la nécessité d’amener l’élève à effectuer un passage du registre du subjectif (opinion, croyance, intuition, perception) vers celui de l’objectif (savoir, raisonnement, expérience, concept), pour l’apprentissage de l’abstraction, dans un but de développement de la pensée et de l’autonomie intellectuelle. Bernard Jolibert met en évidence l’importance, pour le monde scolaire, des notions d’obstacle et de rupture épistémologiques de Bachelard, en vue d’une véritable compréhension du processus permanent et infini que représentent l’apprentissage des sciences et le développement de l’esprit scientifique. Bruno Barthelmé inscrit sa réflexion sur la portée éducative de l’enseignement des sciences dans une perspective de contre-révolution épistémologique, qui présente les dérives que provoquent les visées égalitaire et de démocratisation populaire de l’enseignement moderne des sciences. Enfin, Yves Lorvellec aborde la notion de culture scientifique dont, en l’absence d’objet clair, on éprouve des difficultés à définir les contours ainsi que les contenus, en vue de favoriser la formation d’esprits éclairés et critiques et, par là, leur affranchissement du dogmatisme et de l’autoritarisme scientifiques.

Contrairement aux nombreuses études qui traitent de la problématique de l’enseignement des sciences à l’école, cet ouvrage s’avance au-delà des contextes d’enseignement actuels : il propose un cadre d’analyse original pour la compréhension des difficultés que rencontre cet enseignement, tant sur le plan pédagogique que sur celui de sa justification. Ainsi, la perspective des sciences classiques, par exemple, vient informer non seulement sur les conditions d’un enseignement des savoirs scientifiques que l’on voudrait résolument retardataire et ainsi considérer des savoirs établis et leur processus de construction, par opposition à un enseignement qui, dans sa forme actuelle, s’avère plutôt rétrograde dans sa façon de présenter les savoirs scientifiques comme des découvertes miraculeuses. Dans cette perspective, l’enseignement scientifique se présente sous un nouveau jour : il ne s’agit plus de transmettre des savoirs de base prédéterminés, ceux-ci devenant des objets de contexte, mais plutôt d’adopter un regard analytique par rapport à cet enseignement en l’appréhendant comme un processus de construction du raisonnement logique et de développement de l’esprit de l’élève, lequel se situe au coeur même de la mission de l’école et permet de la justifier sur les plans social et citoyen.

Malgré un discours qui accorde plus de place aux réflexions personnelles qu’à des exemples de pratiques sur le terrain, cet ouvrage offre des voies de réflexion intéressantes quant aux raisons qui sous-tendent les obstacles actuels du couple sciences-école. Il s’avère pertinent pour quiconque s’intéresse à l’enseignement des sciences et à la compréhension de ses enjeux.