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D’emblée, le volume de Méard et Bruno se présente comme un ouvrage de référence qui vise à améliorer la formation initiale des étudiants en enseignement, puisqu’enseigner est un métier d’expérience qui s’apprend et qui ne s’invente pas. Cet apprentissage comporte une part de formel, prescrit par les institutions, de même qu’une large part d’informel négocié, présenté comme objets d’interaction entre les stagiaires et les formateurs, que ce soit l’enseignant associé ou le superviseur universitaire. C’est pourquoi l’ouvrage est destiné aux formateurs de stagiaires et il nomme des savoirs qui circulent au cours des actions de formation, notamment par la compréhension des règles du métier (les écarts entre les règles circonstanciées et les règles génériques). La première partie propose des études de cas dans lesquelles les auteurs décortiquent l’acte d’accompagnement, tant du point de vue de celui qui accompagne que du stagiaire, mais aussi des élèves. La deuxième partie présente une analyse des synthèses qui portent sur l’accompagnement des stagiaires, notamment l’éternelle dualité entre l’apport de la théorie et de la pratique.

Les nombreuses illustrations du livre permettent aisément de visualiser la méthode d’analyse des auteurs et de comprendre les écarts qui existent dans la compréhension des règles de métier de même que les difficultés à obtenir un accord entre l’accompagnant et l’accompagné dans l’énonciation des règles. À l’instar d’Argyris, C. et Schön, D.A. (1974), dans Theory in practice : increasing professional effectiveness. [San Francisco, California : Jossey-Bass.], les auteurs nous amènent à mieux comprendre la théorie professée (espoused theory) et la théorie en usage (theory-in-use) dans le métier de supervision des stagiaires, notamment dans l’énonciation des règles du métier, l’utilisation de la controverse et de la découverte. Plus encore, les multiples cas sont illustrés de verbatim en provenance de recherches variées (principalement des études européennes) qui donnent le ton à ce volume qui se veut près de l’action. Pour le lecteur qui connaît peu l’organisation du système scolaire français, certaines mises en situations et explications sur les études de cas (notamment les abréviations) paraîtront laborieuses et nuiront à une compréhension élargie du contexte.

Cependant, là où le livre fait mouche, c’est dans l’élargissement de la formation des stagiaires selon les principes de la communauté de pratique [Wenger, E. (1998). Communities of practice : learning, meaning, and identity. Boston, Massachusetts : Cambridge University Press.], puisque la prise en charge autonome de son développement par le stagiaire, sous une forte influence des prescriptions externes, peut nuire au développement de son identité professionnelle. Ainsi, selon les auteurs, le répertoire partagé par les praticiens (les règles de métier) se doit d’être transparent, afin que les enseignants débutants puissent mieux se développer, sans être accablés et guidés uniquement par les prescriptions du système. Plus encore, la conclusion, pour une réelle communauté de pratique des formateurs, s’applique aussi au contexte québécois, puisque les formateurs ont rarement l’occasion de développer un répertoire partagé et une identité professionnelle durant leur pratique d’accompagnement, cette identité n’étant pas le seul chapeau qu’ils ont à porter.