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En ce qu’il est l’un des premiers objets d’étude de l’ethnologie, le conte populaire, appelé aussi « conte proprement dit », « conte oral » ou « conte traditionnel », s’inscrit dans le vaste domaine de l’oralité qu’on désigne par l’expression « littérature orale » ou « culture orale[2] ». Les travaux des premiers folkloristes-ethnologues remontent au milieu du xixe siècle. Ils ont d’abord porté sur deux grands champs d’études : le conte et la chanson de tradition orale (dite aussi « poésie populaire »), domaines qui vont dominer pendant plusieurs décennies la recherche ethnologique et donner lieu, conséquemment, à une imposante production scientifique. Cet article s’articule en deux parties : l’une, historiographique, retraçant les études ethnologiques sur l’objet conte, et l’autre, axée sur la présentation de deux conteurs contemporains reconnus sur les scènes québécoises et internationales. Dans un premier temps, dresser un portrait des travaux sur le conte traditionnel en ethnologie permettra d’en dégager les principales approches puis d’éclairer, en deuxième lieu, les tendances renouvelées de la recherche en les exemplifiant avec la démarche et les pratiques des conteurs Michel Faubert et Fred Pellerin, tous deux passeurs de la tradition bien vivante de l’art du conte et acteurs contemporains de la transmission patrimoniale. Cette mise en relation, entre tradition et modernité, démontre que certains conteurs contemporains sont en phase avec les conteurs d’une autre génération dont ils s’inspirent et qu’ensemble, ils partagent un art verbal bien vivant dans la performance, quelle que soit la scène.

COUP D’OEIL SUR LES ÉTUDES DU CONTE

Les études sur la littérature orale (conte et chanson) se sont longtemps concentrées sur le « texte », se construisant sur le modèle d’analyse de la méthode historico-géographique qui s’intéresse à la question des origines et de la diffusion d’un récit (texte) par la comparaison de ses motifs, variantes et versions à travers divers pays de langue commune. Il s’agissait, pour les chercheurs de cette époque, de collecter, d’inventorier et de « ramasser » systématiquement le plus de récits possible, complets ou partiels, de manière à constituer le matériau qui pourrait par la suite être analysé et interprété. Ces recherches ethnographiques, souvent entreprises par des institutions et des sociétés savantes à l’échelle nationale[3], ont permis de former une base documentaire regroupée dans des fonds d’archives considérables sur le folklore. Non dépourvus d’intérêt, ces inventaires ont débouché sur un début d’analyse grâce à l’examen minutieux de la matière recueillie afin de classer, de regrouper, d’organiser les textes en ensembles homogènes. Ces travaux ont ainsi produit de grandes classifications internationales (Delarue-Tenèze[4]) et des typologies (Aarne et Thompson[5]) montrant l’universalité des types de contes et des motifs dont ils sont constitués[6]. Il s’agissait donc d’une phase préliminaire à l’application de la méthode historico-géographique, laquelle constitue un autre degré d’analyse : identifier les régions ou localités où sont collectés les contes pour ensuite dresser le portrait de l’étendue de leur diffusion sur le plan géographique. Ce volet consiste à trouver la version la plus ancienne et la plus complète pour en analyser les altérations, les récurrences ou la disparition. La première phase des études sur le conte se caractérise donc par l’approche comparative, qui s’impose pendant plusieurs décennies. Ces recherches sont animées par des desseins communs : sauvegarder la littérature orale, la diffuser par des monographies, d’abord pour la faire connaître, mais aussi pour favoriser les analyses comparées. Celles-ci demeurent cependant attachées au texte, à l’objet récit.

En France et ailleurs en Europe, des chercheurs développent diverses voies d’analyse de cet objet d’étude. Avec la traduction française de l’ouvrage sur la Morphologie du conte du Russe Vladimir Propp en 1970[7] s’amorce un mouvement d’études structurales et sémiotiques du texte. Propp conçoit un modèle d’analyse structurale du conte uniquement axé sur les fonctions narratives associées aux personnages. Il détermine 31 fonctions qui constituent le moteur de l’action, en ce sens que chaque fonction permet la progression de la narration et produit une séquence narrative dans laquelle un personnage tient un rôle. La trame narrative se compose donc de personnages tels que le héros, l’antihéros, les adjuvants et les adversaires, et de fonctions telles que l’interdiction, la transgression, la punition, le manque, le méfait, la tromperie, la complicité, etc. Dans la foulée des études françaises sur le structuralisme, des chercheurs souhaitent prendre en compte non seulement le fond (le contenu), mais aussi la forme. Sous l’influence des structuralistes en linguistique (entre autres Brémond et Greimas), une approche fondée sur l’analyse sémiotique des « ethnotextes » (puisqu’ils sont le fruit de la collecte) gagne en popularité. Ces travaux, qui portent d’abord sur le texte, tentent d’intégrer le contexte d’énonciation du texte et la notion d’intertextualité, pour dégager les systèmes de signification des récits. Parallèlement à ces approches, un autre mouvement s’intéresse aux significations symboliques du conte et à ses structures archétypales, voire à ses interprétations psychologiques : le courant de la psychanalyse des contes de fées, entre autres développé par Bettelheim et Von Franz[8]. Ces trois tendances dans la recherche sur le conte connaissent des adeptes qui évoluent en concomitance à partir des années 1970 et qui sont très actifs au cours des deux décennies suivantes. Elles donnent ainsi lieu à plusieurs publications selon les approches des milieux scientifiques et universitaires et s’influencent mutuellement, ce contexte favorisant une forme stimulante d’émulation.

Il faut attendre les années 1970 aux États-Unis et les années 1980 au Québec pour voir se déplacer l’intérêt des chercheurs vers le contexte d’énonciation du conte[9]. Influencée par les travaux sur la morphologie des textes, une nouvelle conception du folklore (surtout les récits) se déploie dans la mouvance de la folkloristique américaine sous l’égide de jeunes chercheurs comme Alan Dundes, Robert A. George, Roger Abraham, Dan Ben-Amos[10]. Leur approche relève du contexte d’énonciation du texte et repose sur le concept de « performance ». Il ne s’agit plus de voir le folklore comme un ensemble d’objets à collecter et à classer, mais de considérer son mode d’être, lequel est un processus. Dans ce sens, les récits sont vus comme des actes complexes de communication. Le conte s’étudie désormais dans la performance de l’acte de conter. Chaque performance suppose en effet la mise en oeuvre de plusieurs éléments, parmi lesquels l’acteur social (le conteur), le destinataire de l’acte social (l’auditoire) et un message (récit, anecdote) qui remplit un ou plusieurs usages sociaux (avertir, divertir, enseigner…). Tout acte de conter relève d’un processus dynamique de communication et de transmission qui varie dans le temps et l’espace. L’approche contextuelle (dite aussi « performantielle ») révèle que l’art du conte est un véritable « art de la parole » ou « art verbal » (verbal art[11]) en constante réélaboration, quels que soient les lieux de performance. Le passage du « texte » au « contexte » a engendré le renouvellement d’études sur le conte dans une perspective multidisciplinaire qui s’abreuve entre autres aux théories de la communication et aux performance studies. Au Québec, cette nouvelle perspective s’inscrit également dans une réflexion plus large sur « l’objet traditionnel » (Du Berger[12]), amorcée dans les années 1990. Dorénavant, l’ethnologue observe les « pratiques culturelles » dans le contexte d’énonciation qu’est la performance. Cette vision délaisse entre autres l’aspect statique et passéiste du conte traditionnel et s’ouvre à son caractère vivant, changeant, plastique. En ce sens, ses formes « modernes » sont multiples et innovantes puisqu’issues d’un processus dynamique. L’art du conte est une tradition bien vivante qui ne se réduit pas à un folklore muséifié. Cuisenier utilisait déjà la métaphore du vivant pour qualifier ce patrimoine ethnologique : « [À] la différence des autres formes de patrimoine, qui consistent en oeuvres, le patrimoine ethnographique est un patrimoine vivant, un ensemble de compétences qui pour s’actualiser requiert les performances d’hommes et de femmes vivants[13]. »

Du reste, l’examen des plus récentes études ethnologiques sur le conte permet d’observer une autre orientation, amenée par la réflexion entourant le patrimoine et ses déclinaisons : patrimoine ethnologique, patrimoine vivant, patrimoine immatériel. Le début des années 2000 et la décennie 2010 sont marqués par une revalorisation de la transmission patrimoniale de la pratique culturelle du conte[14]. Cette nouvelle préoccupation pour le patrimoine, qui transcende les disciplines, galvanise bon nombre de recherches fondamentales plaçant également le vivant au coeur de leur réflexion, lequel passe nécessairement par les acteurs, les performants et les événements où ils se produisent. Le milieu associatif et les festivals deviennent pour ainsi dire le lieu même de l’exercice de l’art du conte et offrent autant d’occasions d’en étudier la vitalité[15]. La recherche s’abreuve ainsi aux milieux, aux communautés et aux acteurs qui « vivent » de leur art. Si la notion de patrimoine s’est développée au point de passer de domaine de recherche à champ d’études presque autonome, les études patrimoniales s’intéressent moins de nos jours à l’objet patrimoine qu’au processus de patrimonialisation qu’il engendre, lui-même non fixé et variable dans le temps et l’espace. Bien qu’il existe des politiques culturelles (UNESCO) qui permettent de désigner telle ou telle pratique culturelle comme élément du patrimoine, l’art du conte n’a pas encore fait l’objet d’une telle mesure, du moins au Québec[16]. Cependant, des initiatives de recherche ont vu le jour dans cette perspective renouvelée de poursuite des études sur la transmission patrimoniale du conte et sa patrimonialisation. Les travaux de Nicolas Godbout[17] sur la pratique du conte dans la famille Fradette de Saint-Raphaël-de-Bellechasse, dont les membres sont porteurs de tradition de génération en génération, et les agents de patrimoine qu’il désigne comme des médiateurs dans la transmission de la grande tradition orale s’inscrivent dans le sillage de cette approche associée à la notion de patrimoine.

De l’objet texte au contexte d’énonciation qu’est la performance, en passant par les notions d’intertexte et de patrimoine, les études sur le conte en ethnologie se sont cristallisées autour de diverses approches, parfois multidisciplinaires et transversales, marquées par différents courants (diffusionnisme, structuralisme, sémiotique, théorie de la communication, performance studies, études patrimoniales). Cela procède également des développements successifs au sein des disciplines des sciences humaines et sociales, lesquelles s’influencent grâce à l’importante production scientifique (publications et colloques) qui est au coeur de la recherche fondamentale et de l’avancement des connaissances. Somme toute, le parcours qu’ont connu les études sur le conte en ethnologie tend à montrer qu’un dialogue entre la recherche universitaire et les milieux associatifs comme lieux de pratique s’est progressivement mis en place, et qu’ils se trouvent aujourd’hui en interdépendance. Si certains projets continuent de promouvoir la diffusion et l’édition du conte oral[18], une étude ethnologique sur le conte en 2020 ne saurait être déconnectée de sa pratique et devrait prendre en considération autant le répertoire que le conteur, la façon de raconter que la réception chez l’auditoire, de même que l’importance de la transmission, garante de la vitalité du conte et de cet art de la parole. Examinons plus en détail ce qui distingue la pratique du conte oral et sa transmission en jetant un regard sur la terminologie qui lui est associée d’abord, puis sur son processus de diffusion.

LITTÉRATURE ORALE, ORATURE ET ORALITURE

Le vaste champ dans lequel s’inscrit le conte en ethnologie a fait l’objet de débats terminologiques. L’expression « littérature orale », généralement attribuée à Paul Sébillot qui l’a employée en 1881[19], serait la plus ancienne et celle qui aurait été le plus souvent en usage dans la littérature scientifique. Trop près du calque de l’anglais « oral literature » pour certains, ils lui préfèrent le terme « orature » par opposition à celui de « littérature », ce dernier donnant préséance à l’écrit plutôt qu’à l’oral. Enfin, d’autres semblent privilégier le mot-valise « oraliture », qui se caractérise par l’oralité, c’est-à-dire le processus ou le canal de transmission[20]. Quel que soit le terme retenu, il présente donc des acceptions multiples aux frontières floues, selon que le conte est considéré comme un genre oral ou un genre littéraire, selon qu’on accorde préséance au procédé de diffusion pour le nommer, ou selon qu’il est observé du point de vue des spécialistes ou des usagers. Pour être qualifié, le conte n’a d’autre choix que de revêtir plusieurs qualificatifs afin de clarifier ses frontières. Le folkloriste-ethnologue parle ainsi de conte populaire, de conte oral, de conte traditionnel, de conte de tradition orale, de conte proprement dit ou de conte merveilleux pour désigner son objet d’étude.

En ce sens, la distinction des genres oraux repose avant tout sur leur processus de diffusion, l’oralité, et sur le mécanisme de circulation, la voix, la parole. Le conte « bénéficie de cette “transmission de bouche à oreille” qui caractérise, selon Pierre Saintyves, le “savoir du peuple”. Chaque conte est un tissu de mots, de silences, de regards, de mimiques et de gestes dont l’existence même lubrifie la parole, au dire des conteurs africains[21] ». Le conte populaire se singularise également par sa relative stabilité/variabilité, concept développé par Arnold van Gennep[22] :

Le conte est, de plus, un récit hérité de la tradition, ce qui ne signifie nullement qu’il se transmette de façon immuable. Le conteur puise dans un répertoire connu depuis longtemps la trame de son récit et lui imprime sa marque propre qui sera fonction de l’heure, du lieu, du public et de son talent spécifique. Le conte populaire est donc à la fois création anonyme, en ce qu’il est issu de la mémoire collective, et création individuelle, celle du « conteur doué », artiste à part entière, qui actualise le récit et, sans en bouleverser le schéma narratif, le fait sien. Le conte participe ainsi, avec la légende, de ce qu’Arnold van Gennep appelle la « littérature mouvante », par opposition à la « littérature fixée » des proverbes et des dictons qui ne se modifient pas[23].

Partant du point de vue que les genres oraux sont des récits narrés, créés pour être dits et entendus, non pour être lus, le débat sur les désignations du conte laisse apparaître la tournure oxymorique de l’expression « littérature orale ». D’aucuns lui préféreront un terme moins associé à la littérature, comme l’ethnologue Bertrand Bergeron, qui qualifie les récits traditionnels de belle « orature » :

[I]l m’a paru utile de proposer le terme « orature », du latin os, oris : bouche, comme l’équivalent populaire du mot « littérature » qui cesserait de faire double emploi. Ainsi nous aurions deux concepts capables de traduire deux modes radicalement différents d’exprimer un imaginaire fictionnel. L’orature s’intéresserait à tout ce qui concerne la transmission orale, c’est-à-dire le bouche-à-oreille ou le bouche en bouche mettant en présence effective un narrateur et un ou plusieurs auditeurs. La littérature serait concernée par la transmission écrite qui consacre l’isolement de l’auteur et de son public, l’oeuvre s’interposant entre eux, alors que la narration soude le conteur à son auditoire sans lequel il ne saurait y avoir de performance[24].

Cette « orature » est portée par des narrateurs populaires, des conteurs, des jongleurs[25], des maîtres de la parole, des magiciens des mots… qui prennent la parole et ne la lâchent pas. Ces narrateurs pratiquent un véritable art verbal qui, pour Jean Du Berger, nous aurait été révélé, du moins au Québec, par les grandes collectes de Marius Barbeau :

Le grand mérite de Marius Barbeau fut de faire découvrir l’art des conteurs, ces créateurs méconnus qui étaient plus que des « récitants » de textes mémorisés. Il découvrit les héritiers d’une tradition narrative qui était la pratique d’un art. Pour ces conteurs, le conte n’est pas un texte, mais une forme n’existant que dans et par l’acte du récit, dans l’espace mental défini par le conteur et son auditoire, tout comme le drame n’existe, selon son mode propre, que dans et par l’acte de la représentation[26].

Décrivant la relation de symbiose qui unit le conte et le conteur, Du Berger rappelle en effet que « le conte n’est pas un objet qui n’existe que par le fait qu’il a été recueilli mais bien une oeuvre d’art qui appartient à celui qui l’a vraiment créé dans l’acte de communication[27] […] ». Autrement dit, le répertoire d’un conteur est étroitement lié à celui qui le porte, d’où l’expression « porteur de tradition ». Artisans et créateurs de la parole conteuse, héritiers de la tradition narrative considérée comme un art, bien plus que des récitants ou des chaînons passifs de la transmission, les conteurs sont au centre du processus de l’art du conte. C’est pourquoi pour l’ethnologue, l’essence même du conte oral est avant tout sa forme verbale, qui a besoin autant d’un conteur que d’un auditoire pour vivre : « Le conte se passe dans l’imaginaire de l’auditoire […]. Le conteur suggère des personnages, des décors, des objets, mais c’est nous qui le créons. Aucune représentation ne peut recréer de façon aussi spectaculaire ce que notre imaginaire peut faire[28]. » Au fond, le conteur de tradition orale ne mémorise pas un texte ou des mots, mais plutôt un canevas, des séquences, des personnages ou des actions, appelés types ou motifs, ouverts, interchangeables et avec lesquels il peut broder une histoire, par ajouts et retraits. Il ne reproduit pas à l’identique, il improvise en puisant dans son répertoire. Le conteur traditionnel possède pour ainsi dire « naturellement » son art, il le pratique intuitivement en laissant libre cours à sa façon d’être dans l’exercice même de la performance. Jadis formé par imitation, par imprégnation, dans la pure tradition de transmission directe d’un savoir, le conteur traditionnel n’avait pas toujours conscience qu’il était un artisan autodidacte dont la réputation et la notoriété lui étaient reconnues par son entourage d’abord, et attribuées après coup par les collecteurs folkloristes qui, lui assignant le statut de conteur, en ont fait une figure emblématique, une race en voie d’extinction. Qu’ont en commun ces conteurs traditionnels et ceux d’aujourd’hui ? Le conte oral existe-t-il toujours ? L’art du conte s’est-il transformé au contact des autres arts ? S’est-il adapté aux différents contextes de sa transmission, de sa diffusion ? L’examen de la démarche de deux conteurs contemporains, de leurs pratiques ainsi que de leurs influences permet d’éclairer leur conception du conte, celle de l’art de raconter des histoires, leur rapport à la tradition et à la transmission patrimoniale. Le choix des conteurs Michel Faubert et Fred Pellerin se justifie par leurs parcours différents mais complémentaires de même que par leur implication à plus d’un titre dans les milieux au sein desquels ils évoluent. Les deux sont à la fois chanteur, conteur et musicien, investis dans la mise en valeur culturelle et sociale de la mémoire collective, et ce, sur diverses scènes comme dans leur milieu de vie, tant professionnel que personnel.

RACONTER : L’ART DE FAIRE SURGIR DES IMAGES

Michel Faubert, chanteur et conteur, est une « figure de proue de la scène trad au Québec[29] » qui, comme le dit Marie-Hélène Proulx,

[…] fait partie d’une clique tissée serrée de « passeurs » de patrimoine vivant — aussi appelé patrimoine immatériel —, sans qui la musique, les expressions, les rites, les légendes, les contes et le savoir-faire artisanal de nos ancêtres, telles la forge, la facture d’accordéons et la fabrication de chaloupes Verchères, mourraient de leur belle mort[30].

Dès l’âge de 19 ans, il découvre la riche tradition orale québécoise grâce à un contrat de collectage obtenu à l’été 1978 pour le compte du Musée régional de Vaudreuil-Soulanges, sa région natale[31]. Son intérêt et sa curiosité sont ainsi aiguisés par ce contact étroit avec des « vieux » qu’il rencontre à ce moment. Séduit entre autres par le répertoire des chansons aux origines anciennes, voire médiévales, et par celui des anecdotes légendaires et des contes, Faubert décide alors de s’approprier cette culture et de la transmettre. Au fil de ses pérégrinations et de ses rencontres avec des chercheurs du milieu universitaire[32], le chercheur autodidacte croise la route d’un conteur traditionnel : Ernest Fradette, avant-dernier de la lignée de la famille Fradette de Saint-Raphaël-de-Bellechasse[33]. Il avoue être privilégié d’avoir connu un « maître » qui ne se prétendait pas conteur comme tous ceux de sa race. Faubert explique que « c’est à Saint-Raphaël qu’il a appris l’art de conter, d’en faire une performance[34] », au fil de ses visites et au contact d’Ernest Fradette dans les années 1990. Il se souviendra longtemps de l’intensité de son regard et du débit rythmé qui faisaient sa marque :

Quand j’allais le voir, on jasait de choses et d’autres et, à un moment donné, Ernest Fradette écrasait sa cigarette, se retournait d’un geste brusque et disait en me regardant droit dans les yeux : « C’est comme une fois… » et ne me lâchait plus des yeux jusqu’à la fin de l’histoire. Ça me clouait sur la chaise[35].

Puis, scrutant la taxonomie des genres oraux en usage chez Fradette, il découvre que différentes formes s’amalgament dans son imagerie et dans son répertoire :

Ernest Fradette a trois sortes d’histoires : il conte des contes appris de son père, qu’il essaie de restituer. Il conte aussi des faits qu’on lui a relatés quand il était jeune. Et il conte à partir de ses propres souvenirs. Ce qui est fascinant pour lui, c’est que les souvenirs et les faits prennent l’allure, la forme et l’imagerie du conte. Le conte, je l’ai compris avec lui, c’est l’art de faire surgir des images[36].

Tout comme celui qui deviendra son mentor, Michel Faubert n’est pas qu’un simple « récitant ». Il ne fait pas que reproduire le fruit de ses collectes dans ses disques et ses spectacles ; il ne cherche pas non plus à « imiter » le maître qui lui a transmis bien davantage qu’un répertoire. Sa démarche est celle d’un créateur qui remanie, adapte à la sauce contemporaine, les récits qu’on lui a transmis. Au contact de Fradette, il apprend que raconter est un art, celui de « faire surgir des images », et que le conte « vit », « prend vie » dans la performance et sous le regard attentif d’un auditoire. Dans le contexte de la performance, le processus de transmission n’est jamais une reproduction à l’identique puisque chaque fois que l’action est répétée, certains facteurs (lieu, temps, atmosphère, ambiance, auditoire) qui participent de son élaboration peuvent varier, produisant dès lors une nouvelle version. Dans la performance, le récit est donc recréé en permanence. L’art du conte est une forme constante d’adaptation du récit qui tient compte à la fois du contexte d’énonciation et de la composition de l’auditoire.

Dans son article « Conter ou donner un show ? » publié à la suite d’une Entrée libre de la revue Jeu, Michel Vaïs rapporte les propos de conteurs, ici André Lemelin, sur la distinction entre conteur traditionnel et conteur interprète :

[L]e conteur de tradition orale est quelqu’un qui a entendu un conte, l’a retenu, l’a mémorisé par répétition orale et l’a transformé en canevas sur lequel il peut broder ses mots. En le répétant, il le reconstitue, donc, il le refait par additions et soustractions et, à la fin, il se retrouve avec une réappropriation. […] En ce qui concerne le conteur interprète, il apprend par coeur, textuellement, un texte (la redondance est voulue), pour ensuite le rendre vivant par divers procédés : images, émotions, souvenirs. Lorsqu’un conteur traditionnel mémorise son conte par répétition orale, son conte n’est jamais totalement fini et reste ouvert au changement, car le conteur n’a pas mémorisé des mots, mais des images, un plan, un canevas. Dans le cas du conteur interprète, le conte est fixé, arrêté, identique. L’un met des mots sur des images, l’autre met des images sur des mots. L’un est devant son conte, l’autre est derrière son texte[37].

Cet extrait montre que la distinction repose avant tout sur la conception orale du conte. S’il y a déplacement du lieu de la performance — de la cuisine ou du chantier de la veillée traditionnelle au spectacle sur scène —, et malgré la mise en scène qui accompagne souvent ces prestations publiques, la forme orale du conte peut-elle être préservée dans sa livraison ? Pour Lemelin, ce changement de lieu (de son contexte naturel à celui, artificiel, de la scène) « transforme le rapport entre le conteur et le public. Le conteur qui était en relation avec le public lors d’une soirée de contes devient quelqu’un qui est en représentation devant le public lors d’un spectacle[38] ». Selon lui, en changeant la forme orale du conte, celui-ci devient nécessairement autre chose qui n’est plus le conte de tradition orale. Et pourtant, si l’art du conte est celui de faire surgir des images, de forger un imaginaire par le seul pouvoir des mots, sans aucun artifice de scène, il est permis de croire que le conte oral existe encore de nos jours, bien qu’il côtoie d’autres formes d’art et d’expression, s’en inspire ou emprunte des éléments scénographiques. La figure phare et fortement médiatisée du conteur Fred Pellerin est intéressante à étudier dans cette optique du conte « en représentation ».

FRED PELLERIN : « CONTEUX » DE VILLAGE

Artiste multidisciplinaire et multi-instrumentiste — chanteur, conteur, musicien, écrivain, scénariste —, Fred Pellerin est lui aussi autodidacte. Malgré un baccalauréat en études littéraires, l’appel de la scène, à ses débuts dans le milieu scolaire et celui des maisons de la culture, se manifeste tôt dans son parcours, et à partir des années 2000, il est de plus en plus sollicité pour donner des spectacles ou des ateliers de conte. Qui est cet artiste ? Que dire de son art de raconter des histoires ? En quoi sa pratique du conte se rattache-t-elle à la tradition ? Né en 1976 à Saint-Élie-de-Caxton, dans la région de la Mauricie où il habite toujours, Fred Pellerin commence à faire parler de lui au tournant du millénaire. Son premier recueil de contes, Dans mon village, il y a belle Lurette…, paru en 2001, réunit quatorze contes, dont cinq sont présentés comme inspirés de la tradition orale[39]. Pour Jeanne Demers, il ne fait aucun doute que la démarche de Pellerin est celle d’un conteur, qui aurait cependant cédé à la demande populaire de le réentendre au-delà de ses spectacles :

Le recueil de Pellerin est moins d’un écrivain que d’un conteur en exercice qui, sans doute à la demande populaire, s’est amusé à rassembler quelques contes de son répertoire. Contes qu’il a été forcé de modifier pour les rendre à l’écrit — une note précise en effet que les versions contenues dans le recueil diffèrent de celles du cédérom intégré — mais qui demeurent très près de leur création orale. [Nous serions devant] une sorte d’intermédiaire […] entre la réécriture de l’oralité et le conte littéraire[40].

Interrogé sur sa façon de travailler et sur son statut, Fred Pellerin lui-même se définit avant tout comme un « conteux » et ne se considère pas écrivain :

Dans le « x » du conteux, il y a la dimension artisanale de l’approche. Je suis conteux comme il y a les violoneux qu’on distingue des violonistes ; les accordéoneux des accordéonistes. Je me suis attribué ce « x » pour avoir vu, avant même de savoir que j’étais conteur, des grands parleurs tels Alain Lamontagne, Jocelyn Bérubé, Michel Faubert. Comme je ne me sentais pas la même taille de semelles jasantes que les leurs, je me suis « ixé » pour distinguer mon artisanat de leur art. […] Je ne me considère pas comme un écrivain. L’idée que je me fais d’un écrivain dépasse de beaucoup ce que je suis. Je doute beaucoup de ma plume, je me préfère par la langue [41] !

Lorsqu’il parle du processus de création du conte, c’est avec des termes tels qu’improvisation, inspiration, adaptation constante et perpétuelle construction qu’il qualifie sa démarche. En cela, celle-ci rejoint celle de Faubert, à la différence que Pellerin n’a pas côtoyé un conteur traditionnel comme Ernest Fradette. Par contre, il a eu accès à cette matière par les archives de folklore et les recueils de contes ; aussi est-il persuadé que des gens de son village, comme sa grand-mère Bernadette qu’il a tant écoutée plus jeune, étaient de cette même race de « beaux parleurs » :

Je construis mes histoires à partir du matériel que je puise dans les mémoires du village, dans les archives de folklore et dans le corpus des contes et légendes traditionnels du monde entier. J’y ajoute parfois un brin d’imaginure. […] Je n’ai pas vraiment de méthode précise. Au départ, il y a mes lectures de contes dans le grand répertoire des traditions orales du monde entier. À travers ça, il y a les faits et anecdotes historiques qui tournent autour des personnages du village. Je me tricote un canevas à partir des fils croisés de ces deux mondes. Ensuite, je tresse ensemble les histoires pour essayer de créer une métahistoire, un récit qui viendrait lier les histoires entre elles. Et je me lance. En improvisant sur mes canevas, devant le public, en y allant fort, en cherchant des pistes, des images. Tranquillement, ça prend sa forme, ça apprend à marcher. Ça évolue toujours. Si mon dernier spectacle a été présenté à plus de 400 reprises, on peut dire qu’il y aura eu 400 représentations différentes. De la construction permanente [42] !

Manifestement, pour Fred Pellerin, « raconter » est un acte de création continuel qui, à toutes les étapes du processus, consiste à adapter un récit — qui part certes d’un canevas et s’inscrit dans une métahistoire — dans l’acte même de la performance, lequel se veut toujours une forme de réélaboration, une « construction permanente », un work in progress. En somme, pour lui, l’art du conte est un art qui demeure vivant dans le contexte d’énonciation de la scène, et sa façon d’amalgamer faits imaginaires, anecdotes historiques et histoires de ses concitoyens caxtonniens n’est pas sans rappeler la taxonomie populaire des trois types de récits d’Ernest Fradette. Tout comme Faubert, Pellerin improvise et cherche avant tout à créer des images.

Entre 2001 et 2020, l’oeuvre de Fred Pellerin se déploie en six spectacles de conte, suivis de six livres de contes reprenant les spectacles et incluant cinq cédéroms[43]. Une étude récente intitulée « L’art de raconter des histoires selon Fred Pellerin : entre conte et humour » a permis d’analyser en quatre volets (narratif, stylistique, énonciatif, culturel) ce qui caractérise l’art du conte chez Pellerin[44], dont l’oeuvre est non seulement régulière, mais également progressive. On dénote chez le conteur un projet, une intention à long terme : d’ailleurs, L’arracheuse de temps est présenté comme « la quatrième suite d’une série de neuf titres à paraître sur les contes de son village[45] ». Un concept en neuf volets, sorte de métaconte ou de métahistoire, semble guider la production du conteur. À première vue, l’ensemble de l’oeuvre est évolutif, et l’analyse de la structure des volumes montre qu’elle tend à se complexifier. Sa démarche comporte deux moments distincts de création : il travaille d’abord à concevoir le canevas de la version orale du conte, qu’il teste en représentation devant public, et c’est seulement une fois les spectacles terminés qu’il s’attaque à la version écrite du livre. Il intègre aussi divers arts comme la chanson, la musique et l’écriture. Pour lui, il existe plusieurs versions de chaque conte sur divers médiums : spectacle sur scène en direct, enregistrement sur CD, livre, enregistrement sur DVD. Il a même écrit les scénarios de deux films à partir de ses contes[46] :

Le livre, pour moi, c’est un exercice de transposition du conte oral ! Ce que je conte sur scène, ça n’a jamais été écrit. […] Il reste que le point de départ est la version orale. Je n’écris pas avant de dire. Je dis, ensuite j’écris. J’ai du plaisir à montrer que la version écrite est une version parmi d’autres. […] Donc, sur le disque, tu as une version, sur le papier, tu as une autre version, et sur scène, tu as encore une autre version, différente à chaque soir[47].

Chaque représentation sur scène est unique ; chaque spectacle produit une performance différente. C’est ainsi qu’il confiait à un journaliste prendre plaisir à réinventer le conte chaque soir :

Il y a des passages nouveaux que parfois je garde et que je jette au bout de trois semaines parce que je ne les trouve plus drôles. J’essaie d’être honnête avec moi-même […] parce que chaque soir tu te challenges. Je me trouve bien fin de dire que je n’ai pas de texte, mais il faut qu’il y en ait un qui apparaisse dans ma tête tous les soirs. Avec le temps, il s’est créé une forme de muscle dans mon cerveau, qui sait qu’à huit heures moins cinq, il doit commencer à pomper, parce qu’à huit heures, je suis sur scène. […] Des fois, je me cherche. En même temps, mon personnage de conteur peut se le permettre. Il peut dire aux gens : « Je suis perdu, on est perdus ensemble. » Il peut tout justifier. Ça aussi, ça participe à l’affaire unique[48].

Se chercher, improviser, se perdre : autant d’éléments qui rappellent la démarche « naturelle » du conteur traditionnel à l’écoute de son auditoire. Même quand il conte sur scène, la relation, voire la proximité avec l’auditoire est primordiale pour Fred Pellerin. En effet, le conteur interpelle régulièrement son public : il fait des apartés et des sorties hors du conte, il vérifie l’adhésion de l’auditoire à ses propos, il scrute la connaissance de ses spectacles précédents ou de ses personnages auprès des auditeurs, il s’adresse directement à la salle en parlant du lieu où se déroule la représentation, il utilise des référents culturels, il prend son public à témoin, il rappelle à ceux qui sont venus l’entendre que ses histoires viennent de sa grand-mère et de son patelin, Saint-Élie-de-Caxton, un village qui existe pour vrai ; bref, il établit une connivence avec les spectateurs et les spectatrices[49]. Et Pellerin est aussi un artiste engagé. Dans son milieu de vie et auprès des médias, il milite pour contrer l’exode rural, il manifeste son sentiment d’appartenance au village chaque fois qu’il le peut pour le faire connaître, il mène une action sociale et bénévole auprès de ses concitoyens pour le développer, pour y attirer des touristes pendant l’été et de nouveaux résidents afin de le revitaliser. Sa parlure, ses histoires et son discours dynamique sont contagieux, voire influents, et font de lui un « porteur de culture » qui multiplie les projets culturels dont les retombées font rayonner Saint-Élie-de-Caxton.

Or, le conteur compare davantage sa démarche à celle de l’interprète qu’à celle du créateur parce qu’il s’inspire beaucoup de la tradition orale, des contes universels partagés par toutes les cultures du monde : « Je bois à ça beaucoup, je ne m’en cache pas. Je bois aussi à la source du Caxton, à ce que les gens me racontent […]. Je me sens comme l’interprète et l’arrangeur d’une mélodie qui m’arrive d’ailleurs. Mon plaisir, c’est de réactualiser, de jazzer ça[50]. » Après 400 représentations du spectacle, la structure se met plus facilement en place et dépasse le canevas ; bref, la performance est bien rodée. C’est alors que le conteur passe à la version écrite : « Au bout d’un an, ça s’est développé, les fleurs commencent à pousser dans le jardin, ça devient fou. Là, je me dis : “Je vais le coucher sur papier.” Parce que pour moi, l’exercice d’écrire est intéressant en lui-même. J’ai le goût d’écrire parce que, déjà, j’aime lire[51]. » Il transpose les contes sans chercher à fixer la version orale ou à faire « la réécriture de l’oralité[52] ». Il s’attaque à l’exigeant exercice d’écrire une histoire, en s’amusant cette fois avec un code, une grammaire, une stylistique dont il connaît parfaitement les rouages et les conventions[53]. S’il se permet des écarts et une grande liberté d’écriture, les versions écrites de ses histoires demeurent une autre interprétation, qu’il pourrait réécrire à l’infini, des histoires qu’il a d’abord inventées et créées à l’oral. Artiste polyvalent, Fred Pellerin est aussi chanteur et auteur-compositeur-interprète. Dans ses spectacles de conte, il intègre quelques chansons qu’il a « endisquées » et qui collent à la trame de ses histoires. Il s’accompagne seul à la guitare et utilise très peu les artifices de la scène (éclairage, scénographie, équipements, etc.). En somme, il recrée une sorte d’intimité avec le public, qu’il souhaite participatif.

L’ART DU CONTE : ART VIVANT ET PERFORMATIVITÉ

Chacun à leur façon, Michel Faubert et Fred Pellerin incarnent l’art du conte jadis associé aux conteurs traditionnels. Au même titre que d’autres sans doute, on peut les considérer comme des héritiers des artisans d’autrefois qui savaient manier la parole conteuse, jongler avec les mots, et faire surgir les images. Véritables « passeurs[54] » de l’art du conte, ils sont des relais importants de la transmission de cette tradition. Bien qu’ils côtoient d’autres artistes-conteurs-créateurs contemporains qui trouvent dans l’expression du conte un territoire à explorer sur diverses scènes et à apprivoiser avec d’autres formes d’art comme le théâtre, c’est d’abord leur conception orale du conte qui fait d’eux des conteurs en filiation directe avec la tradition, puis la relation avec l’auditoire qu’ils mettent de l’avant, même sur scène, les distingue comme conteur. Préserver la forme orale du conte, ne pas le noyer dans les artifices de la scène serait la clé du conteur en représentation pour créer l’ambiance propice à faire vivre l’imaginaire de l’auditoire, à faire surgir les images pour que chaque version de conte soit unique. Pour Faubert comme pour Pellerin, le conte oral vit dans cette relation à l’auditoire, l’art du conte est fondamentalement un art vivant, performatif. Ces conteurs en représentation s’inspirent certes de la tradition orale (le répertoire, le processus, la performance), ce qui ne les empêche pas d’adapter les histoires, d’en inventer d’autres sur des thèmes actuels, de créer des contes en respectant l’oralité. En somme, les futures études sur le conte ont encore une matière riche à exploiter combinant le répertoire, la performance, la transmission, la relation avec l’auditoire, les lieux de transmission, bref, la performativité du conteur.