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Chantale Proulx, Filles de Démeter. Le pouvoir initiatique de la maternité. Sherbrooke, GGC Éditions, 2005, 246 p., bibliogr.[Notice]

  • Stéphanie Arseneau Bussières

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  • Stéphanie Arseneau Bussières
    CERMIM, Centre d’Études et de Recherches
    sur les Milieux Insulaires et Maritimes, affilié à l’UQAR
    22 ch. des Patton
    Fatima, Îles de la Madeleine (Québec) G4T 2G8
    Canada

L’ouvrage de Chantale Proulx se veut d’abord un hymne à la maternité ; ce passage dans la vie d’une femme, trop longtemps dévalorisé voire dénigré dans les sociétés occidentales. Y jetant tout à la fois un regard psychologique, symbolique, spirituel et social, l’auteure de Filles de Démeter propose des réponses au questionnement des femmes de même qu’un outil leur permettant de mieux affronter à cette étape majeure de leur vie. L’ouvrage se divise en trois parties. La première traite de l’instinct maternel, relançant le débat sur son existence. S’il a été nié entre autres par le courant féministe, il est ici présenté comme une évidence, bafouée dans le but d’abolir les inégalités sexuelles. Cette résiliation aurait d’autant plus affecté le maternage et l’attachement mère-enfant, ce qui est à la source des grands maux psychologiques de notre société contemporaine selon le regard historique et transculturel de l’auteure. Le maternage intensif, bien que suscitant toujours la critique et entraînant ainsi les mères dans la solitude et l’isolement (p. 45), est plutôt prôné par Proulx et présenté comme une solution, dans une perspective de santé collective. La deuxième partie présente l’analogie entre la maternité et les rituels initiatiques, disparus de nos sociétés « trop individualistes » pour assumer ce passage servant « à se fondre au collectif » (p. 56). La discussion s’organise selon les trois étapes des rituels identifiées par Van Gennep. La grossesse, ou la séparation de l’état d’origine qui constitue la première étape de tout processus initiatique, est caractérisée par le renoncement. L’accouchement, point culminant du processus, est un déchirement, une douleur nécessaire à la réalisation et l’acceptation du statut subséquent. Or, notre réponse pharmacologique à la souffrance empêche plusieurs femmes d’accomplir ce passage. La douleur assumée permettrait une prise de conscience et « une conversion de la douleur en un pouvoir de pénétrer l’inconnu et l’imprévisible » (p. 110). L’agrégation ou le retour à la communauté est la dernière étape du grand processus de transition. C’est l’étape qui, selon Proulx, fait défaut dans notre société, où les femmes se retrouvent seules pour les relevailles. En ce sens, l’auteur suggère que le manque de valorisation et surtout d’espace pour ce qu’elle nomme le grand continent féminin du « yin », de même que la passivité et l’éloignement obligé d’un monde extérieur, performant et compétitif, sont les causes de plusieurs dépressions postnatales. L’accueil par une communauté de femmes ne se fait plus, alors que la coupure intergénérationnelle laisse la nouvelle mère devant un vide. Suivant une analyse psychanalytique, Proulx suggère encore que la solitude de la nouvelle mère face aux démons de sa propre enfance affecte son psychisme et accentue les difficultés engendrées par la maternité. La troisième partie aborde plus largement la transformation identitaire engendrée par la maternité. À l’image des poupées russes, dont la gente masculine est exclue, l’auteur soutien que les femmes font des femmes, qui à leur tour font des filles, et que chacune d’entre elles doit se guérir de sa relation à sa propre mère non seulement pour mieux vivre sa relation avec sa fille mais pour récupérer sa féminité, sa spécificité. Un regard posé sur l’expérience de la maternité à l’extérieur du monde occidental met en lumière l’individualisme de notre culture et l’isolement dans lequel les mères sont ici confinées. Selon Proulx, l’espace relationnel qui permet aux femmes de témoigner du grand passage qu’est l’accouchement fait cruellement défaut dans nos sociétés, ce à quoi elle propose de répondre par la création de noyaux de vie communautaires féminins (p. 231). En conclusion, l’auteure réitère l’importance d’une maternité maternante, caractérisée par l’allaitement, les contacts et l’attachement, Elle …