FR :
Ce texte se propose de livrer une enquête historique sur les cultures sensorielles dans les missions iroquoises du 17e siècle afin d’évaluer le rôle que la lumière, comme matière et comme symbole, a joué dans la rencontre des mondes iroquois et jésuite. L’analyse respective des relations entre la vue et l’audition dans ces cultures permet de mieux comprendre la promotion des matériaux brillants en contexte missionnaire. Alors que les jésuites opposent le langage aux images, l’audible au visible, les Iroquois posent la vue comme l’équivalent de la voix. Cette équivalence se matérialise par l’utilisation de matériaux brillants comme, par exemple, l’emploi des colliers de coquillage (wampum) dans la transmission de discours importants. La lumière à la surface des choses subsume les différences entre vision et audition. Il se pourrait que cela soit la raison pour laquelle les missionnaires privilégient les scénographies lumineuses dans leur apostolat auprès des Iroquois. En créant des décors composés de luminaires, de wampums ou de textiles, les jésuites tentent de « convertir » les Amérindiens à leur conception d’un au-delà incommensurablement plus lumineux et vivant que des éclats lumineux à la surface des choses. Il reste que, pour les Iroquois, ces reflets intermittents sont précieux pour eux-mêmes : ils vitalisent le tissu social, revigorent les forces, distribuent à l’ensemble de la communauté un bien inestimable.
EN :
This essay offers an historical investigation of the crossing of sensory cultures in the Iroquois missions of the seventeenth century in an attempt to assess the role that light played, as matter and as symbol, in the encounter between the Jesuits and the Iroquois. The analysis of the relations between vision and audition in these two cultures permits us to better understand the popularity of shiny materials in the missionizing context. While the Jesuits opposed word and image, the audible and the visible, the Iroquois saw vision as the equivalent of the voice. This equivalence was manifest in the use of shiny materials like, for example, shell bands (wampum) in the transmission of important speeches. The play of light on the surface of things subsumed the differences between sight and hearing for the Iroquois. It could be that this was the reason the missionaries privileged luminous décor in their apostolic activities among the Iroquois. Through creating interiors adorned with candles, wampum and textiles, the Jesuits sought to “convert” the Amerindians to their conception of a beyond that was immeasurably more luminous and life-giving than the glints of light off the surface of things. It remains that, for the Iroquois, these intermittent reflections were precious in themselves : such glimmers vitalized the social fabric, replenished forces, and distributed an inestimable bounty to the whole community.
ES :
Este texto trata de dar cuenta de una investigación histórica sobre las culturas sensoriales en las misiones iroquesas del siglo 17e con el fin de evaluar el rol que la luz, en tanto que materia y símbolo, jugó en el encuentro del mundo iroqués y jesuita. El análisis respectivo de las relaciones entre la vista y la audición en dichas culturas permite comprender más cabalmente la promoción de materiales brillantes en contexto misionario. Mientras que los Jesuitas oponen la lengua a las imágenes, lo audible a lo visible, los Iroqueses plantean a la vista como equivalente de la voz. Esta equivalencia se materializa en el uso de materias brillantes como, por ejemplo, el empleo de collares de conchas (wampum) en la trasmisión de discursos importantes. La luz de las conchas subsume las diferencias entre visión y audición. Es posible que esta sea la razón por la cual los misioneros privilegiaron las escenografías luminosas en su apostolado entre los Iroqueses. Al crear decorados compuestos de luminarias, wampums o de textiles, los jesuitas tratan de “convertir” a los Amerindios a su concepción del más allá inconmensurablemente más luminoso y vivo que el brillante esplendor de la superficie de las cosas. Sin embargo, para los Iroqueses, esos reflejos intermitentes son preciosos en sí mismo: revitalizan la trama social, tonifican las fuerzas y distribuyen al conjunto de la comunidad un bien inestimable.