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Esquénazi Jean-Pierre, 2010, Les séries télévisées. L’avenir du cinéma ? Paris, Éditions Armand Colin, 220 p., bibliogr., index (Julie Payne-Gagnon)[Notice]

  • Julie Payne-Gagnon

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  • Julie Payne-Gagnon
    Département d’anthropologie, Université Laval, Québec (Québec), Canada

Jean-Pierre Esquénazi propose dans cet ouvrage une analyse du développement actuel des séries télévisées en privilégiant des exemples américains, qui sont parmi les plus populaires au niveau international. L’auteur a opté pour une approche multidirectionnelle, chacun des onze chapitres présentant un point de vue différent sur l’univers sériel. Le texte est organisé en quatre sections principales : l’histoire des séries, leur production, leur narration et enfin la critique sociale qu’elles véhiculent. La télévision, lors de son arrivée dans les foyers domestiques, s’est adaptée à la ritualité familiale. Les séries ont poursuivi ce processus en offrant des programmes réguliers, tant au niveau de la grille horaire que dans les régularités apparentes et explicites du contenu, établissant une connivence avec le public. Cela a dès lors favorisé l’émergence de communautés d’interprétation autour des séries. L’établissement et l’entretien d’une connivence entre publics et séries, dimension cruciale de la viabilité de ces dernières, sont dépendants de ce qu’Esquénazi nomme la « formule », à savoir les matrices de références communes mobilisées dans les séries, et qui produisent des incarnations analogues d’un épisode à l’autre. La répétition de la formule permet aux publics de s’y retrouver facilement. Toutefois, la formule n’est pas la seule raison pour laquelle les amateurs se rassemblent en communautés. L’auteur précise que de nombreux projets sériels abordent les problèmes contemporains, ceux-là même qui font le plus débat au sein des divers publics intéressés (par exemple le féminisme). Les séries adoptent aussi le langage du réalisme, tout d’abord au moyen une mise en scène « invisible » (mais tout à fait présente), qui varie les rythmes de narration, ou encore grâce à des procédés alliant la mise en scène du cinéma, de la publicité et de la bande dessinée (par exemple, les bulles de Batman) aux formules narratives de leur univers fictionnel. L’univers sériel est donc particulièrement riche, proposant un monde sans cesse en expansion à l’intérieur d’un temps supposément « illimité », approfondi par une description intimiste des personnages. Le plein et l’intime des séries participent eux aussi au réalisme du style, en présentant des problèmes certes fictionnels, mais exprimant le coeur de la réalité partagée par les publics visés. Sur le plan des effets sociaux des téléséries, l’émergence de communautés d’interprétation est importante au niveau de la production même de ces séries. En effet, toute série est jugée comme produit culturel, possédant initialement une valeur marchande et une valeur culturelle, cette dernière étant attribuée par la communauté. La production de séries exige aussi une impressionnante négociation entre les divers intervenants dans le processus de production, dont le superviseur d’écriture, véritable gardien de la formule de la série. Les séries ont connu plusieurs tentatives de classification, ses nombreuses influences pouvant rendre la tâche ardue (le cinéma, le spectacle de vaudeville, la fiction populaire ou encore la télévision). D’après l’auteur toutefois, trois de celles-ci se sont distinguées, soit les héritages des grands genres de la fiction populaire, les modes génériques en fonction des âges de la télévision et la construction du temps fictionnel autour de la régularité hebdomadaire de la série. Ce dernier point réunit deux catégories non exclusives : les séries « immobiles », où certaines règles demeurent invariables d’un épisode à l’autre, créant un certain statisme narratif (par exemple Columbo) et les séries « évolutives », où l’univers fictionnel se transforme à travers les divers agencements temporels provisoires que l’on retrouve d’un épisode ou d’une saison à l’autre (par exemple Lost). Si le lecteur appréciera la rigueur avec laquelle l’argumentaire est mené à travers le livre, il s’interrogera probablement sur la brièveté (sept pages) du dernier chapitre, …