Les ateliers de l'éthique
The Ethics Forum
Volume 8, numéro 2, automne 2013
Sommaire (12 articles)
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Liminaire
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Le libéralisme politique et le pluralisme des conceptions du juste. Jusqu’où peut aller la tolérance politique ?
Frédéric Côté-Boudreau
p. 4–27
RésuméFR :
Cet article explore les conséquences pour le libéralisme politique de considérer l’existence d’un pluralisme raisonnable au sujet des différentes conceptions du juste. Comment une conception publique de la justice peut se développer malgré un désaccord raisonnable et profond sur les termes mêmes de cette justice ? En comparant le libertarisme, la justice comme équité et l’égalitarisme strict, il sera montré que les concepts fondamentaux de ces conceptions du juste sont essentiellement contestés. En guise de solution, deux conditions seront suggérées afin de faire en sorte que la conception publique de la justice en soit une de tolérance politique : premièrement, elle devra se baser sur une liste de droits minimaux reconnus par les différentes conceptions raisonnables du juste; et deuxièmement, si la conception publique de la justice a pour ambition de se développer au-delà du dénominateur commun, elle devra offrir des mesures compensatoires à ceux supportant des conceptions du juste plus restrictives. À certains égards, cette problématique et ces accommodements s’apparentent à ce qui est déjà proposé au sujet de multiculturalisme.
EN :
This paper explores the implications for political liberalism of acknowledging that there is a reasonable disagreement among competing conceptions of justice. How can a public conception of justice be designed while still respecting the views of those who strongly disagree with it ? By confronting libertarianism, justice as fairness, and strict egalitarianism, it will be claimed that the core concepts of theses theories are essentially contested. As a solution, two conditions will be suggested in order for the public conception of justice to be one of political toleration: first, it ought to be based on shared agreements with regards to minimal rights; secondly, if it wishes to go beyond that minimal baseline, those who support more restrictive conceptions should receive some compensation. In some aspects, this issue and its accommodations resemble the ones faced in the multicultural contexts.
Dossier : Book Symposium on Pablo Gilabert’s From Global Poverty to Global Equality: A Philosophical Exploration and Mathias Risse’s On Global Justice
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Sous la direction de Peter Dietsch
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Book Symposium on Pablo Gilabert’s From Global Poverty to Global Equality: A Philosophical Exploration and Mathias Risse’s On Global Justice: Introduction
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A Critique of the “Common Ownership of the Earth” Thesis
Arash Abizadeh
p. 33–40
RésuméEN :
In On Global Justice, Mathias Risse claims that the earth’s original resources are collectively owned by all human beings in common, such that each individual has a moral right to use the original resources necessary for satisfying her basic needs. He also rejects the rival views that original resources are by nature owned by no one, owned by each human in equal shares, or owned and co-managed jointly by all humans. I argue that Risse’s arguments fail to establish a form of ownership at all and, moreover, that his arguments against the three rival views he considers all fall short. His argument establishes, rather, a moral constraint on any conventional system of property ownership.
FR :
Dans On Global Justice, Mathias Risse prétend que les ressources premières de la Terre sont la propriété collective de tous les êtres humains de sorte que chacun a le droit moral d’utiliser les ressources premières nécessaires pour satisfaire ses besoins de base. Il rejette également trois points de vue concurrents selon lesquels les ressources premières n’appartiennent à personne ; chaque être humain en est propriétaire à parts égales ; ou elles appartiennent à tous les êtres humains, qui les gèrent conjointement. Je soutiens que les arguments de Risse ne parviennent à établir aucune forme de propriété, et qu’en outre, aucun des arguments qu’il présente contre les trois points de vue concurrents n’est concluant. Son argumentation impose plutôt à tout système conventionnel de propriété une contrainte morale.
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Commentary on Part 3: International political and economic structures
Colin Farrelly
p. 41–52
RésuméEN :
Mathias Risse’s On Global Justice is a unique and important contribution to the growing literature on global justice. Risse’s approach to a variety of topics, ranging from domestic justice and common ownership of the earth, to immigration, human rights, climate change, and labour rights, is one that conceives of global justice as a philosophical problem. In this commentary I focus on a number of reservations I have about approaching global justice as a philosophical rather than an inherently practical problem. To his credit Risse does acknowledge at various stages of the book that a good deal of the applied terrain he ventures into presupposes complex and contentious empirical assumptions. A greater emphasis on those points would, I believe, helpfully reveal the shortcomings of tackling intellectual property rights by appealing to Hugo Grotius’s stance on the ownership of seas, or the shortcomings of tackling health by invoking the language of human rights without acknowledging and addressing the constraints and challenges of promoting health in an aging world.
FR :
La monographie de Mathias Risse, On Global Justice, représente une contribution originale et importante à la littérature croissante sur la justice mondiale. Risse conçoit la justice mondiale comme un problème philosophique, et applique cette perspective à une série de thématiques diverses incluant la justice nationale, la propriété commune de la terre, l’immigration, les droits de la personne, les changements climatiques et les droits des travailleurs. Dans ce commentaire, je souligne un certain nombre de réserves que j’ai à l’idée d’aborder la justice mondiale comme un problème philosophique plutôt que comme un problème fondamentalement pratique. Certes, Risse reconnaît à plusieurs reprises que les enjeux de justice appliquée qu’il traite touchent à des questions empiriques complexes et controversées. Un effort de prendre ces questions empiriques plus au sérieux révélerait, à mon sens, les faiblesses d’une approche qui vise à se prononcer sur les droits de propriété intellectuelle en se basant sur la théorie d’Hugo Grotius sur la propriété des océans, ou les faiblesses d’une approche à la santé qui a recours au langage des droits de la personne sans tenir compte des contraintes et des défis que représente la promotion de la santé dans un monde vieillissant.
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Pluralist Internationalism in our Time
Ryoa Chung
p. 53–61
RésuméEN :
In his 2012 book On Global Justice, Mathias Risse makes an invaluable contribution to the literature on theories of global justice. In this paper, I offer a critique of the fourth and final part of the book, entitled “Global Justice and Institutions,” which deals with the standing of the state within the pluralist internationalism defended by the author. My focus here is on the justification of the state system and the discussion on utopian ideals. I agree with Risse that the state remains the inescapable political structure that any serious theory of global justice must internalize within its conceptual framework. However, I differ from Risse’s approach in that I place greater emphasis on the historical contingency of the state system, including how prescriptions of global justice reflect historical contingencies stemming from globalization. From this point of view, pluralist internationalism should then be understood as a conceptual paradigm that mirrors its own historical contingency as embedded in our current world order. This recognition of the historical contingency of the state system serves two important purposes. One, it is a bulwark against any tendency to discredit too quickly the philosophical and practical relevance of ideal theory. Two, it buttresses the stance that we might still have the moral duty to pursue the goal of global justice beyond pluralist internationalism.
FR :
Dans son livre de 2012, On Global Justice, Mathias Risse apporte à la littérature sur les théories de la justice mondiale une contribution inestimable. Dans cet article, je propose une critique de la quatrième et dernière partie du livre, intitulée « Global Justice and Institutions », qui traite de la position de l’État dans la perspective de l’internationalisme pluraliste défendu par l’auteur. Je me concentre ici sur la justification du système étatique et la discussion d’idéaux utopistes. Je conviens avec Risse que l’État demeure la structure politique incontournable que toute théorie sérieuse de la justice mondiale doit intégrer dans son cadre conceptuel. Cependant, là où je m’éloigne de l’approche de Risse, c’est que j’insiste davantage sur la contingence historique du système étatique, notamment la façon dont les prescriptions de la justice mondiale reflètent les contingences historiques découlant de la mondialisation. De ce point de vue, il faut donc comprendre l’internationalisme pluraliste comme un paradigme conceptuel qui, inscrit dans l’ordre mondial actuel, reflète sa propre contingence historique. Cette reconnaissance de la contingence historique du système étatique sert deux fins importantes. En premier lieu, elle constitue un rempart contre toute tendance à discréditer trop rapidement la pertinence philosophique et pratique de la théorie idéale. Deuxièmement, elle étaye la position selon laquelle nous pourrions encore avoir, au-delà de l’internationalisme pluraliste, le devoir moral de poursuivre l’objectif de la justice mondiale.
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Reply to Abizadeh, Chung and Farrelly
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Special Relationships, Motivation and the Pursuit of Global Egalitarianism
Patti Tamara Lenard
p. 74–83
RésuméEN :
One of the most significant challenges facing global egalitarian theorists is the motivational gap: there is a noted gap between the duties imposed by a global commitment to the equal moral worth of all people and the willingness of the wealthy to carry out these duties. For Pablo Gilabert, the apparent absence of motivation to act justly on a global scale presses us to consider the importance of feasibility in developing a persuasive account of global justice, part of which requires being attentive to what motivates us to act in support of global egalitarianism. In this article, I am critical of Gilabert’s account of the role that relationships between individuals play in conceiving our global justice duties. I begin with an account of some confusion in Gilabert’s account of the actual costs likely to be imposed on citizens of wealthy states as a result of the duties he demands of us and why it is important to resolve that confusion. I will then consider, and critique, Gilabert’s account of special responsibilities. I shall argue that, fundamentally, there is an ineliminable tension between the special responsibilities individuals legitimately possess and the duties they have to eradicate global poverty.
FR :
L’un des défis les plus importants auxquels sont confrontés les théoriciens égalitaristes à l’échelle mondiale est celui de l’écart de motivation : on observe un écart entre, d’une part, les devoirs imposés par un engagement mondial envers la valeur morale égale de toutes les personnes, et d’autre part, la volonté des riches de s’acquitter de ces devoirs. Pour Pablo Gilabert, l’absence apparente de motivation à agir justement à l’échelle mondiale nous presse, dans l’élaboration d’un état des lieux convaincant de la justice dans le monde, de réfléchir à l’importance de la faisabilité, ce qui exige notamment d’être attentif à ce qui nous motive à agir en faveur d’un égalitarisme mondial. Dans cet article, je critique le compte rendu que Gilabert fait du rôle des relations entre les individus dans la conception de nos devoirs en matière de justice mondiale. Pour commencer, je souligne chez Gilabert une certaine confusion quant aux coûts réels susceptibles d’être imposés aux citoyens des pays riches découlant des devoirs qui, d’après l’auteur, leur incombent, et les raisons pour lesquelles il est important de clarifier cette confusion. J’examinerai ensuite et critiquerai le compte rendu que Gilabert fait des responsabilités particulières. Je soutiens qu’il existe fondamentalement une tension inéliminable entre les responsabilités particulières qui reviennent légitimement aux individus et le devoir qu’ils ont d’éradiquer la pauvreté dans le monde.
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Justice and Charity: Positive duties and the right of necessity in Pablo Gilabert
Robert Sparling
p. 84–96
RésuméEN :
This article considers Pablo Gilabert’s attempt to defend against libertarian critics his ambitious argument for basic positive duties of justice to the world’s destitute. The article notes that Gilabert’s argument – and particularly the vocabulary of perfect and imperfect duties that he adopts – has firm roots in the modern natural rights tradition. The article goes on to suggest, however, that Gilabert employs the phrase ‘imperfect duties’ in a manner that is in some tension with the tradition from which it is derived. Indeed, Gilabert’s novel deployment of the phrase contains a number of radical possibilities that are not pursued in his text. The article suggests that Gilabert would do better to break more decisively from a tradition that insists on the essential distinction between justice and charity.
FR :
Cet article examine la tentative de Pablo Gilabert de défendre, contre la critique libertarienne, l’argument ambitieux selon lequel nous avons des devoirs positifs fondamentaux de justice envers les plus démunis du monde. L’article souligne le fait que l’argument de Gilabert — et particulièrement le vocabulaire des devoirs parfaits et imparfaits qu’il déploie — est profondément enraciné dans la tradition moderne du droit naturel. Cependant, la manière dont Gilabert utilise la formule « devoirs imparfaits » entre en tension avec la tradition dont elle est issue. En fait, l’usage novateur que Gilabert fait de cette formule recèle un certain nombre de possibilités radicales qui ne sont pas pleinement considérées dans son texte. L’article suggère que Gilabert ferait mieux de rompre plus nettement avec une tradition qui insiste sur la distinction essentielle entre justice et charité.
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Gilabert on the Feasibility of Global Justice
Colin M. Macleod
p. 97–109
RésuméEN :
In this article, I discuss the analysis of the feasibility of global justice developed by Pablo Gilabert in his recent book From Global Poverty to Global Equality: A Philosophical Exploration. Gilabert makes many valuable contributions to this topic and I agree with most of his analysis. However, I identify a distinction between strategic justification and moral justification that Gilabert neglects. I show how this distinction is useful in addressing objections to the feasibility of global justice. I also claim that Gilabert makes some problematic assumptions concerning the way in which global justice is morally demanding.
FR :
Dans cet article, je traite de l’analyse de la faisabilité de la justice mondiale élaborée par Pablo Gilabert dans son récent ouvrage, From Global Poverty to Global Equality: A Philosophical Exploration. Les contributions de Gilabert sur cette question sont nombreuses et précieuses, et je suis en grande partie d’accord avec son analyse. J’identifie cependant une distinction, que Gilabert néglige, entre la justification stratégique et la justification morale. Je montre en quoi cette distinction est utile dans le traitement des objections relatives à la faisabilité de la justice mondiale. Je soutiens également que certaines des hypothèses émises par Gilabert quant à l’exigence morale propre à la justice mondiale sont problématiques.
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Autonomy, Well-Being and the Order of Things: Gilabert on the conditions of social and global justice
Christine Straehle
p. 110–120
RésuméEN :
Gilabert argues that the humanist conception of duties of global justice and the principle of cosmopolitan justifiability will lead us to accept an egalitarian definition of individual autonomy. Gilabert further argues that realizing conditions of individual autonomy can serve as the cut-off point to duties of global justice. I investigate his idea of autonomy, arguing that in order to make sense of this claim, we need a concept of autonomy. I propose 4 possible definitions of autonomy, none of which seem to necessitate Gilabert’s duties of egalitarian global justice. Instead, I propose that he may have in mind Autonomy 5, which requires that individuals have access to a maximum number of options and not simply a sufficient range of options to choose from. I criticize this premise as too demanding in the global world characterized by fundamental inequality. Second, I argue that if we were to endorse the preconditions for Autonomy 5, we would have to accept that Gilabert’s theory of global justice doesn’t provide for a cut-off point of duties of global justice.
FR :
Gilabert soutient que la conception humaniste de nos devoirs en matière de justice mondiale ainsi que le principe de justifiabilité cosmopolite amèneront l’adoption d’une définition égalitaire de l’autonomie individuelle. De plus, il propose que la réalisation des conditions de l’autonomie individuelle puisse servir de ligne de démarcation par rapport à nos devoirs en matière de justice mondiale. Je me penche sur son idée d’autonomie en avançant qu’il nous faut, pour justifier cette thèse, un concept d’autonomie. J’examine ensuite 4 définitions différentes de l’autonomie individuelle, dont aucune ne nécessiterait l’adoption des devoirs de justice égalitaire mondiale proposés par Gilabert. Je démontre plutôt que Gilabert pourrait soutenir une cinquième définition, Autonomie 5, qui, elle, exige que les individus aient accès non seulement à un choix suffisant d’options, mais au plus grand nombre d’options possibles. Une telle prémisse, dans un monde caractérisé par l’inégalité fondamentale, me semble cependant trop exigeante. Deuxièmement, je soutiens que si nous adoptions et mettions en place les conditions nécessaires à la réalisation d’Autonomie 5, il nous faudrait accepter que la théorie de Gilabert, telle que proposée, ne prévoit guère de ligne de démarcation par rapport à nos devoirs en matière de justice mondiale.
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Response to my Critics