Volume 47, numéro 1, 2006
Sommaire (8 articles)
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Coup d’oeil sur les multiples facettes de l’intervention du juge dans le contrat
Pierre-Gabriel Jobin
p. 3–11
RésuméFR :
Le tribunal peut intervenir dans les contrats de plusieurs manières : annulation d’une clause ou diminution de ses effets, réduction des obligations d’une partie, autorisation ou refus de l’exercice de la sanction d’une faute contractuelle et condamnation à des dommages-intérêts. Ces pouvoirs sont graduellement apparus avant la réforme du Code civil, et ils ont été renforcés par celle-ci. Il s’agit tantôt de faire respecter une liberté ou un droit fondamental, tantôt d’assurer plus de souplesse dans les sanctions de la faute ou encore de faire régner un minimum d’équité dans les relations contractuelles. D’une certaine manière, ces grands pouvoirs affaiblissent la force obligatoire des contrats et la stabilité contractuelle et déjouent les attentes légitimes des parties. Toutefois, une nouvelle culture contractuelle conciliant ces valeurs opposées est en train de s’implanter.
EN :
There are many ways in which a court can “reopen” contracts : it may strike a clause or restrict its effects, reduce the obligations of a party, authorize, or refuse the enforcement of the remedy for a breach of contract, and condemn to damages. Those powers appeared gradually before the reform of the Civil Code, and were reinforced by it. They allow the judge sometimes to enforce a fundamental right or freedom, or ensure greater fexibility in the sanctions of a breach, or allow a minimum of equity to reign in contractual relations. In a certain way, those great powers weaken the binding force and stability of contracts, and they defeat the parties’ legitimate expectations. However a new contractual culture, reconciling those conficting values, is now taking shape.
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Les frontières de l’ordre contractuel : les traçages économiques et juridiques
Louise Rolland
p. 13–32
RésuméFR :
Ce que les juristes appellent un « contrat » est un « échange » pour les économistes : ces deux systèmes entrent en interaction pour nommer ce phénomène, l’expliquer et le réguler.
L’ordre contractuel est déterminé, circonscrit par l’un et l’autre des systèmes et ses frontières sont tracées par les relations qu’ils entretiennent. Qu’elles s’établissent sur des connivences, des antagonismes ou des stratégies de domination, ces interactions balisent les interventions du juge dans les contrats. L’auteure en propose trois modèles qui, bien qu’ils tendent à s’exclure en apparence, peuvent coexister dans le temps et dans l’espace. Leur comparaison permet de déployer l’éventail des possibilités qui s’offrent aux acteurs judiciaires sans préjuger pour autant de leur attitude réelle.
EN :
What jurists call a contract is an exchange for economists : these two systems interact in order to name, explain and regulate this phenomenon.
The contractual order is determined, circumscribed by one or the other system and its frontiers are drawn by the relations they entertain. Whether based on connivance, antagonism or domination strategies, these interactions map out the judge’s interventions in contracts. The author proposes three models which, although they appear to exclude one another, they may coexist in time and space. Their comparison allows for the display of a wide range of possibilities offered to the judicial actors without predicting their actual attitude as such.
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Le raisonnement judiciaire fondé sur l’équité dans les conflits entre actionnaires de petites sociétés : l’éclairage d’une approche consensuelle
Raymonde Crête
p. 33–87
RésuméFR :
En droit canadien des sociétés par actions, le recours en cas d’iniquité, appelé communément « recours pour oppression », est un terrain fertile pour résoudre les confits entre les administrateurs, les dirigeants et les actionnaires des sociétés. Ce recours permet d’apprécier le caractère juste des actes d’une société en tenant compte non seulement des droits explicitement reconnus mais également des intérêts implicites des personnes protégées. Dans l’hypothèse où ils concluent à l’existence d’un acte abusif ou injuste, les juges disposent d’une discrétion étendue pour rendre l’ordonnance qu’ils estiment appropriée dans les circonstances. En raison de la fexibilité inhérente au concept de l’équité, la tâche qui incombe aux tribunaux en cette matière est périlleuse, car elle exige la prise en considération d’un ensemble de variables en vue d’établir les attentes réciproques des parties au moment de la création de l’entreprise et pendant la vie de celle-ci. Dans le contexte des petites sociétés composées d’un nombre restreint d’actionnaires, les autorités judiciaires sont appelées à évaluer une dynamique complexe de relations d’affaires auxquelles se greffent souvent des liens familiaux ou amicaux.
Sur la base de l’analyse économique du droit, notre recherche a pour but de proposer une méthode de raisonnement judiciaire aux fins de l’application des recours fondés sur l’équité, plus particulièrement ceux qui impliquent les confits entre les actionnaires de petites sociétés. De manière rétrospective, la méthode envisagée pourra servir à évaluer les décisions judiciaires rendues en cette matière et pourra, de manière prospective, guider les tribunaux appelés à intervenir sur cette base. Cette évaluation débouchera sur une remise en question du forum traditionnel d’adjudication judiciaire et mettra en lumière l’utilité de recourir à certaines formes de justice consensuelle, telles la médiation et la conciliation judiciaire, pour résoudre les litiges de cette nature.
EN :
In canadian business corporation law, the remedy in the case of unfairness, commonly referred to as the “oppression remedy”, provides fertile ground for the resolution of conficts between corporate directors, officers and shareholders. It is an approach that makes it possible to surmise the true ambit of corporate acts by taking into account not only explicitly recognized rights but also the straightforward interests of protected persons. Where judges may arrive at a conclusion of abuse or unfairness, they have a wide range of discretionary remedies to rule in the manner they deem appropriate based upon circumstances. Owing to the inherent flexibility in the concept of an equitable remedy, the task devolving to courts in such instances is a precarious one because it requires the counterbalancing of many variables to establish the mutual expectations of parties at the time of the company’s creation and throughout its active existence. Where this involves small corporations having only a limited number of shareholders, judicial authorities must weight the complex dynamics of business relations that are often intermixed with ties of family or friendship.
Based upon an economic analysis of the law, our research seeks to propose a method of judicial reasoning applicable to remedies based upon equity, especially those that delve into disputes between shareholders in small corporations. Retrospectively, the proposed method may be used to evaluate past judicial rulings handed down in such circumstances, and prospectively, to enlighten courts called upon to act on future misgivings between parties. This evaluation will lead to a reassessment of the traditional forum for judicial decision-making and will shed new light on the utility of resorting to certain forms of consensual justice, such as mediation and judicial conciliation to resolve disputes of this nature.
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La gouvernance publique et le droit
Daniel Mockle
p. 89–165
RésuméFR :
Le nouveau modèle de la gouvernance publique englobe la gestion publique (impact du nouveau management public) et la conception des organisations administratives (phénomène des agences de services), ainsi que l’action gouvernementale dans l’évaluation des politiques publiques et le choix des instruments. À la lumière de ces transformations, il est indispensable de s’interroger sur l’existence d’un droit de la gouvernance publique, sur ses traits spécifiques et sur ses rapports avec le modèle classique du type « légal-rationnel » qui a servi de fondement à l’analyse de l’administration publique. De prime abord, la réponse peut paraître incertaine, car les deux composantes de la gouvernance publique, gestion publique et politiques publiques, ne sont généralement pas conçues comme un tout cohérent et le droit reste généralement exclu du champ d’analyse dans la littérature savante.
Malgré les difficultés liées à l’ampleur du corpus et à la disparité des moyens propres à la gouvernance publique, plusieurs indices montrent l’émergence graduelle d’un droit composite en rupture avec le droit public. Tributaire des principales orientations de la gouvernance mondialisée (modèle du marché, dimension relationnelle, horizontalité et pluralité des acteurs, efficacité, évaluation, rendement et analyse du coût des services publics), un nouveau paradigme contribue à inféchir l’action publique vers un conventionnalisme diffus et vers l’apparition de mécanismes de rechange qui concourent au brouillage des catégories traditionnelles du droit. Marqué par l’hybridation et l’apparition de formules peu conformes aux catégories connues, cette évolution montre que le droit n’est plus l’élément central de l’action publique. Par la diffusion de modèles et de mécanismes dans le monde occidental et même au-delà, cette situation contribue à une recomposition du droit public dans le contexte d’une approche convergente de la gouvernance publique. Promue au rang de projet scientifique et gestionnaire, la bonne gouvernance altère ainsi la figure classique du bon gouvernement.
Ce changement ne rend pas pour autant désuet le modèle classique. La gouvernance contemporaine montre l’imbrication subtile de ces deux paradigmes où la configuration traditionnelle du droit public est complétée par de nouveaux dispositifs issus des contraintes structurelles et axiologiques de la mondialisation et de la régulation néo-libérale.
EN :
The new model of public governance encompasses public administration (the impact of new public management) and the development of administrative organizations (i.e. the phenomenon of executive agencies), as well as governmental action in the evaluation of public policies and choices of ways and means. In light of these changes, one must refect upon the existence of public governance within a legal framework, about the specific traits of such a framework and its relationships with the classic « legal-rational » type model that has served as the foundation for the analysis of public administration. At first sight, the response may seem vague, because both components of public governance, public management and public policies, are generally not understood as an overall coherent body, and law generally remains excluded from the felds of analysis in academic writings.
Despite difficulties linked to the vastness of the subject and the disparity of means found in public governance, several indications point towards the gradual emergence of a heterogeneous legal framework that breaks away from the public law paradigm. A new paradigm issuing from the main orientations of globalized governance (the market model, relational dimensions, horizontality and plurality of actors, effciency, evaluation, return and cost analysis of public services) now contributes to the redirecting of public action towards a diffuse conventionalism and the appearance of alternative mechanisms that blur the lines demarcating traditional legal categories. This evolution is characterized by hybridization and the appearance of forms which do not correspond to known categories. The emergence of these new forms demonstrates that the law is no longer the pivotal element of public action. Owing to the distribution of models and mechanisms throughout the western world and beyond, this situation contributes to a reorganization of public law within the context of a convergent approach to public governance. Promoted to the rank of a scientifc and managerial project, good governance distorts the classical face of good government.
This change does not, however, make the classical model obsolete. Contemporary governance illustrates the subtle interweaving of these two paradigms where the traditional confguration of public law is complemented by new mechanisms deriving from the structural and axiological constraints of globalization and neo-liberal regulatory measures.
Chronique Bibliographique
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HUBERT REID, Dictionnaire de droit québécois et canadien (avec table des abréviations et lexique anglais-français), 3e éd., Montréal, Wilson & Lafleur Litée, 2004, 828 p., ISBN : 2-89127-652-3.
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MICHEL MORIN, Introduction historique au droit romain, au droit français et au droit anglais, Montréal, Éditions Thémis, 2004, 395 p., ISBN 2-89400-193-2.
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CLAIRE DOLAN (dir.), Entre justice et justiciables : les auxiliaires de la justice du Moyen Âge au XXe siècle, coll. « Intercultures », Québec, Les Presses de l’Université Laval, 2005, 828 p., ISBN 2-7637-8268-X.