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L’ouvrage Droit constitutionnel : principes fondamentaux est destiné aux étudiants, souvent peu familiarisés avec le fonctionnement complexe des institutions politiques québécoises et canadiennes. Ils y trouveront non seulement une synthèse claire et succincte des concepts essentiels, mais aussi des extraits des principaux arrêts de la Cour suprême du Canada de même que les dispositions des lois constitutionnelles de 1867 et de 1982. Véritable « tout inclus » destiné à la formation universitaire des futurs juristes, ce manuel cumule à la fois les fonctions de traité et de recueils de lois et de jurisprudence. L’objectif de l’auteure est clair : réunir en un seul volume tous les instruments de travail nécessaires à la réussite du cours de droit constitutionnel.
Le contenu de l’ouvrage s’organise autour de sept chapitres qui regroupent les thèmes essentiels généralement abordés dans le cours de droit constitutionnel suivi obligatoirement par les étudiants inscrits au programme menant à l’obtention du baccalauréat en droit. Après une brève présentation de l’histoire et des sources de la Constitution canadienne, l’auteure analyse la primauté du droit, la démocratie représentative, l’organisation des tribunaux, le fédéralisme, les droits et libertés de la personne et, enfin, la procédure de modification de la Constitution. À travers ces sept chapitres, se dessine un programme complet et équilibré des enseignements normalement donnés dans le cadre d’un premier cours de droit constitutionnel.
Comme l’indique le nom de la collection auquel il appartient, cet ouvrage est davantage un manuel de l’étudiant qu’un traité de droit constitutionnel destiné aux chercheurs et aux praticiens de cette discipline. En effet, l’auteure propose en quelques centaines de pages un survol de l’ensemble des principes fondamentaux qui caractérisent le droit constitutionnel québécois et canadien. Sans tomber dans le piège de la simplification abrutissante, la professeure Duplé se livre à un véritable exercice de vulgarisation. Les concepts clés sont systématiquement définis, illustrés et analysés dans un style clair et adapté à la quantité de lecture que peuvent raisonnablement absorber les étudiants de première année inscrits à temps plein. Avec discernement, ce manuel cible les éléments essentiels et écarte ou résume brièvement ceux qui sont davantage secondaires. Pragmatique dans son approche, l’auteure fait preuve tout au long de l’ouvrage d’un grand sens de la pédagogie.
Conçu comme un exposé doctrinal destiné à un public estudiantin, l’ouvrage de la professeure Duplé se compare avantageusement aux manuels du même genre qui se trouvent, par exemple, dans le marché français de l’édition juridique et qui ont pour objet au premier chef, de faciliter la formation des futurs juristes. Cette référence au marché français de l’édition juridique est en quelque sorte nécessaire puisque le marché québécois compte peu de parutions de ce genre. En effet, bien que le marché québécois comporte de remarquables traités, il faut reconnaître que ces traités – plus approfondis et plus volumineux – s’adressent le plus souvent à l’ensemble de la communauté des chercheurs et des praticiens et non pas précisément aux étudiants de première année.
L’originalité de l’ouvrage réside également dans la manière dont les extraits pertinents de la jurisprudence de la Cour suprême du Canada sont reproduits in extenso et intégrés à la présentation doctrinale de la matière. Cette façon d’incorporer les arrêts n’est pas sans rappeler la tradition anglo-américaine des cases and materials. Le fait d’insérer l’exposé des motifs de la Cour suprême à la présentation doctrinale de l’auteure donne à l’ouvrage un caractère hybride à mi-chemin entre le manuel à la française et le recueil cases and materials à l’américaine. Puisque l’extrait d’une décision est associé directement à un thème bien précis du volume, la compréhension de la jurisprudence par les étudiants est ainsi facilitée. Autrement dit, cette manière de faire permet de mieux souligner les interactions entre les normes écrites et les principes jurisprudentiels et, de cette manière, d’initier plus efficacement le lecteur néophyte à la tradition de common law qui caractérise le droit public au Canada. Du reste, cela a aussi pour avantage d’opérer un certain tri parmi les nombreuses décisions de la Cour suprême en vue de ne réunir que les extraits les plus utiles et les plus pertinents.
Malgré tous les avantages que comporte l’approche pédagogique privilégiée par l’auteure, certaines personnes regretteront tout de même, par moments, la retenue ou la réserve dont elle fait preuve à l’égard des problèmes qui caractérisent le droit constitutionnel canadien. En effet, il y a au Canada de ces dysfonctionnements dont il vaut mieux prendre la mesure pour bien saisir la nature des institutions. Or, l’ouvrage de la professeure Duplé s’engage rarement dans une approche critique. La présentation se veut d’abord et avant tout descriptive et déclaratoire. Le plus souvent, l’auteure expose le droit positif et analyse les textes constitutionnels et les règles issues de la jurisprudence, sans exprimer d’opinion à l’égard de cet état du droit. À titre d’illustration, elle décrit les nombreuses procédures de modification constitutionnelle sans en dénoncer la rigidité excessive ni la manière dont cela réduit au silence l’expression du pouvoir constituant canadien. Autre exemple, des questions comme celles du rôle du Sénat et du rôle des représentants de la reine (gouverneur général et lieutenant-gouverneur) sont abordées en détail sans pour autant insister sur les problèmes de légitimité que soulèvent ces institutions issues d’un héritage colonial et aristocratique. De même, l’auteure fait état du fonctionnement de la démocratie représentative sans critiquer la concentration des pouvoirs au bureau du premier ministre et les problèmes de transparence que cela pose notamment dans l’exercice du pouvoir de nomination. Si de telles absences peuvent sembler regrettables puisqu’elles nous privent du regard critique de l’auteure, il faut néanmoins convenir que c’est là une conséquence logique de l’approche retenue. Encore une fois, l’auteure reste fidèle à la mission qu’elle s’est assignée, soit fournir aux futurs juristes ou aux juristes étrangers un exposé des principes fondamentaux qui structurent la discipline.
Rédigé avec un souci de clarté et de concision, construit autour des thèmes essentiels de la discipline, ce manuel constitue un apport précieux à l’enseignement et à la vulgarisation du droit constitutionnel canadien. En proposant une synthèse adaptée aux besoins des étudiants inscrits à un premier cours de droit constitutionnel, ce manuel occupe un créneau trop souvent délaissé par la communauté juridique québécoise. Il comble un besoin bien précis en fournissant aux étudiants de première année un instrument de travail complet et adapté à leur parcours académique. C’est là une contribution remarquable qui mérite d’être saluée à sa juste valeur !