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Dans son livre, l’auteur reprend les éléments majeurs de sa thèse de doctorat en histoire contemporaine, soutenue en juin 2009 à l’Université de Paris VII.

L’ouvrage se divise en deux parties. La première s’attaque à l’histoire de l’autobus à Paris des années 1900 aux années 1970, depuis l’omnibus monoligne jusqu’au système d’autobus intégré moderne. Les périodes-clés s’organisent en quatre chapitres propres à une thématique historique et au rôle joué par ce mode de transport ou à la place qu’il a prise. La seconde partie de l’ouvrage se présente en deux temps : l’autobus se cherchant d’abord une identité, et la trouvant enfin en s’incorporant à la mobilité des Parisiens pour alors constituer un corpus identitaire. Ainsi fait-on, en finale, un parallèle évocateur avec les double deckers londoniens.

Cet ouvrage s’inscrit dans un vaste mouvement d’étude et d’examen des mobilités urbaines dans les villes européennes. Abordant son sujet, qui apparaît être une monographie si l’on se fie uniquement au titre de l’ouvrage, l’auteur fait école en offrant un travail érudit qu’on pourrait qualifier d’holistique, car dépassant largement un cadre conceptuel historique traditionnel. En effet, si le déroulement des faits constitue le fil d’Ariane de la première partie, la seconde partie échappe totalement à cette façon de faire. L’analyse qu’on y fait est large et généreuse et s’inscrit dans un essai d’explication de la mobilité urbaine et de son évolution. L’auteur démontre que l’autobus parisien a profondément marqué des éléments du mode de vie des Parisiens qui l’ont adopté dans leurs déplacements réguliers. Ils se sont en fait approprié l’autobus, autant que celui-ci les a apprivoisés.

La thèse développée par Passalacqua est intéressante et novatrice ; au-delà des aspects techniques, organisationnels, économiques et politiques, l’auteur offre une vision globale du sujet, expliquant la survie de ce type de service public à travers le temps. Sa réflexion s’appuie sur une documentation de premier plan, sur une argumentation bien menée et soutenue, tout cela à travers un texte d’une forte densité qui, à l’occasion, peut exiger une seconde lecture.

Le livre reste particulièrement dédié aux historiens, mais il s’ouvre également aux sociologues, aux spécialistes du comportement, aux aménagistes et aux urbanistes, principalement dans la seconde partie. Le constat qui se dégage est que, par sa flexibilité, son individualité, sa fiabilité, l’autobus a fort bien tiré son épingle du jeu au prix d’efforts et d’ajustements, dans le bon fonctionnement de la mobilité urbaine d’hier et d’aujourd’hui. Cette évidence peut également rejoindre les gestionnaires des systèmes publics de transport et les responsables de la gouvernance urbaine dans leur volonté de poursuivre le travail, de pair, avec les autres modes de transport urbain.

Pour le géographe, l’ouvrage mérite une certaine attention par sa largeur de vue et par le fait qu’il s’inscrit dans le processus de structuration et de fonctionnement d’un espace urbain. Si cet élément se lit dans l’ouvrage de Passalacqua, malheureusement on ne l’a pas rendu visualisable pour un lecteur féru de géographie urbaine ou des transports. Il s’agit ici de la critique majeure qu’on peut faire de l’ouvrage, c’est à dire l’absence totale d’une représentation cartographique, graphique ou photographique en appui, tant pour amener le sujet que pour effectuer l’analyse des faits et développer la preuve. Si cartes et graphiques valent « mille mots », le produit final aurait pu, dans sa forme, s’avérer plus allégé et assimilable, et l’argumentation en serait ressortie encore plus éclatante.