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Les besoins en énergie des sociétés sont très importants et ne cessent de croître, non seulement parce que nos sociétés se développent et voient souvent la demande énergétique s’intensifier avec le revenu per capita, mais aussi parce que la population mondiale augmente. Les questions énergétiques et l’aménagement de nouveaux gisements, le transport, les impacts environnementaux des changements climatiques, ainsi que la remise en cause des modes passés d’utilisation de l’énergie pour les remplacer par des approches de substitution ou d’amélioration de l’efficacité énergétique sont des enjeux qui suscitent de plus en plus de vifs débats politiques. Or, comme le rappellent les auteurs, il n’y a pas d’utilisation d’énergie sans nuisance : toute production et toute utilisation d’énergie ont des effets sur l’environnement. C’est pourquoi, chapitre après chapitre, les auteurs élaborent ce qui figure au coeur de leur réflexion : un développement équitable et propre est-il possible ? Et quelles sont les dimensions politiques de la production et de l’utilisation de l’énergie ?

L’Atlas, ici la 3e édition de cet ouvrage, commence par présenter les grandes notions de base : ce qu’est l’énergie, la complexité d’un bilan énergétique, l’énergie primaire et secondaire, l’essor de la consommation, les vecteurs et réseaux énergétiques, les différentes façons de produire de l’énergie, la question des réserves, les coûts de production, les impacts environnementaux et les risques associés à la production énergétique, dont le réchauffement climatique, les pollutions, la gestion des déchets ou la prévention des risques. On regrettera peut-être un peu que la notion de réserve ne soit pas davantage examinée, même si un effort réel a été déployé en ce sens : comment entreprises et États utilisent-ils, voire manipulent-ils, les chiffres de ces réserves, puisque celles-ci constituent de véritables enjeux politiques ?

Les grandes sources énergies sont ensuite passées en revue, en deux parties : les énergies fossiles, puis les énergies renouvelables au coeur de la transition énergétique. Une planche aborde la question, très portée par l’actualité, des hydrocarbures non conventionnels (pétrole et gaz de schiste notamment), mais on aurait aimé en savoir davantage tant les débats sur les impacts appréhendés de l’exploitation de ces ressources, tout comme sur leur ampleur réelle, sont vifs au sein de l’opinion publique. À travers ces deux chapitres, les auteurs abordent les grands problèmes environnementaux liés à l’énergie, de manière un peu rapide mais originale, sur quelques questions qui font débat : le charbon, appelé à demeurer une source d’énergie pendant longtemps, peut-il être propre ? Le nucléaire est-il une solution pour l’environnement ? La voiture électrique est-elle propre ? Les énergies renouvelables sont-elles viables ? Peut-on développer les agrocarburants sans gravement perturber les marchés alimentaires et induire de graves déséquilibres sociopolitiques dans les pays émergents ?

L’Atlas développe ensuite les questions liées à la géopolitique de l’énergie, pour préciser les enjeux de pouvoir portant sur le contrôle de zones de production, le transport et les échanges d’énergie, tout en soulignant les différentes dynamiques de grands producteurs comme de grands consommateurs. Planche intéressante : la question du grand contraste entre le potentiel énergétique de l’Afrique subsaharienne, la faiblesse de la disponibilité actuelle, mais la probable forte augmentation de la demande dans les prochaines décennies du fait de l’accroissement démographique et de la croissance économique.

L’Atlas se clôt sur quelques réflexions qui constituent autant de pistes pour l’action, dont on se permettra de penser qu’elles ne sont pas toujours originales ni réalistes, mais que toutes méritent réflexion et évaluation : report des transports vers des modes moins polluants, projets d’écoquartiers, consommation des appareils électroménagers, aménagement du territoire mieux réfléchi, généralisation des normes pour accroître l’efficacité énergétique. Ce chapitre, comme les précédents, souligne la forte dimension politique de l’énergie. Tant pour produire que transporter et ensuite utiliser les ressources énergétiques, puis gérer les effets de leur production et de leur utilisation, les choix sociétaux et gouvernementaux marquent l’évolution des marchés de l’énergie et reflètent l’importance cruciale de ce secteur pour les sociétés humaines.

L’ouvrage est bien présenté et traduit une volonté de vulgarisation sans trahison de la complexité des enjeux, ce qui est tout à l’honneur des auteurs. Fidèles au format de la collection des atlas chez Autrement, les auteurs associent à des textes sobres, des cartes et des graphiques nombreux et bien montés. Certes, des planches ne contiennent aucune carte et certaines ne sont que des tableaux dont les valeurs sont présentées sur des cartes simples, mais le traitement cartographique et graphique de l’information est souvent efficace et pédagogique. Le format imposé vient avec un prix : il faut être synthétique et concis, donc plusieurs points sont évoqués rapidement sans nécessairement être approfondis : l’ouvrage s’adresse donc davantage au grand public ou aux géographes comme ouvrage de référence ou comme outil de vulgarisation.

Il est évident, malgré tout, qu’il s’agit là d’un ouvrage clair, sérieux, et que la lecture de cet atlas ne peut qu’être fortement conseillée, non seulement aux géographes, mais plus largement à tous les citoyens désireux de disposer d’une information sûre et d’une base de réflexion solide sur les questions énergétiques si présentes dans l’actualité.