Cinémas
Revue d'études cinématographiques
Journal of Film Studies
Volume 3, numéro 2-3, printemps 1993 Le nouveau cinéma chinois Sous la direction de Marie Claire Huot
Sommaire (17 articles)
-
Présentation
-
Marques d’un cinéma moderne : Le Roi des enfants
Dominique Brochu
p. 8–22
RésuméFR :
Au sortir du règne maoïste, le mouvement du nouveau cinéma chinois cherche à trouver son indépendance : indépendance de l’art et de l’artiste, indépendance du contenu et de la forme. Les marques repérées dans le film Le Roi des enfants (1986) de Chen Kaige démontrent l’actualisation de cette démarche réflexive à travers un langage propre au cinéma moderne. Se juxtapose alors une double lecture du film. Le niveau cinématographique et le niveau narratif proposent un même cheminement par leur distanciation et leur questionnement face à la tradition.
EN :
At the end of the Maoist period, the new cinema movement in China sought to regain its independence: independence of art and of the artist, of content and of form. Manifestations of this reflexive process found in the film King of the Children (1986) by Chen Kaige show how it was expressed by means of the particular language of modern cinema. The film thus receives a double reading: the cinematographic and narrative levels follow the same course in distancing themselves from tradition and inciting a questioning of the self in relation to tradition.
-
L’Enfance, la maturité et la mort : la formation d’une identité nationale problématisée
Lü Tonglin
p. 23–37
RésuméFR :
Après avoir précisé le caractère « problématique » de l’identité taiwanaise, l’auteure analyse le film Le Temps de vivre, le temps de mourir (1985) de Hou Xiaoxian, selon le point de vue de la recherche identitaire. Elle démontre que le cinéaste révèle une identité nationale nouvelle, qui aspire à devenir un creuset où tous les habitants de Taiwan, quelle que soit leur origine, peuvent trouver leur place, sauf les femmes. Bien qu’englobante, cette identité reste donc partielle.
EN :
Following an exploration of the "problematic" of Taiwanese identity, the author analyses the film A Time to Live, A Time to Die (1985) by Hou Xiaoxian, as a quest for identity. She shows that the filmmaker uncovers a new national identity, a melting pot where all the inhabitants of Taiwan, whatever their origin, can find a place — with the exception of women. Thus, although it aims at being all-encompassing, this new identity still remains partial.
-
« Ce qui méritait le plus d’être puni était son pénis » : postsocialisme, distopie et la mort du héros
Chris Berry
p. 38–59
RésuméFR :
De nombreux antihéros ayant peu d’estime d’eux-mêmes ainsi que plusieurs représentations distopiques de la masculinité sont apparus dans le cinéma chinois depuis la fin de la Révolution culturelle. Cet article examine deux modes d’interprétation de ce phénomène, en s’appuyant particulièrement sur Samsara de Huang Jianxin (1989) et L’Année de mon signe de Xie Fei (1989). Le point de vue de Francis Fukuyama, considérant que cet état de fait se rattache à la tendance globale vers le libéralisme économique et politique, est rejeté en faveur d’une orientation postsocialiste plus complexe, moins unifiée, reliée à la notion de postmodernisme.
EN :
A variety of self-hating anti-heroes and distopic representations of masculinity have appeared in Chinese cinema since the end of the Cultural Revolution. This paper examines two possible interpretive frameworks for this phenomenon, by investigating in particular Samsara by Huang Jianxin (1989) and This is My Year by Xie Fei (1989). Seeing it as part of the global trend towards economic and political liberalism advanced by Francis Fukuyama is rejected in favour of a more complex, less unified postsocialist formation, itself a part of postmodernism.
-
Oedipality in Red Sorghum and ]udou
Mary Ann Farquhar
p. 60–86
RésuméEN :
This article analyses the representation of masculinity in Red Sorghum and Judou, two films directed by Zhang Yimou. The focus is on oedipality, in particular the murder of the real or symbolic "father" as a condition for the liberation of the son and his wife / mistress. The text is divided into three sections: patriarchy and the social order; patriarchy and the body; and patriarchy and legitimacy. The argument is that oedipality in these films is not presented as a "universally valid" psychic condition (Freud) but as an inevitable result of the patriarchal family system.
FR :
Cet article analyse la représentation de la masculinité dans Sorgho rouge et Judou, deux films réalisés par Zhang Yimou. L’orientation est l’oedipalité, plus précisément le meurtre du « père » réel ou symbolique, comme condition pour la libération du fils et de sa femme / maîtresse. Le texte aborde cette problématique en trois volets : le patriarcat et l’ordre social; le patriarcat et le corps; le patriarcat et la légitimité. Le propos consiste ici à mettre en valeur le fait que l’oedipalité, dans ces films, n’est pas présentée comme une condition psychique « valide universellement » (Freud), mais comme le résultat inévitable du système familial patriarcal.
-
Le Documentaire chinois de la « réforme » : la Chine maquillée par l’État
Élisabeth Papineau
p. 87–102
RésuméFR :
Le cinéma documentaire chinois et les politiques qui le régissent actuellement n’ont pas profité du vent de libéralisme intellectuel qui soufflait à l’heure des politiques de réforme et d’ouverture. L’analyse quantitative de la production de 1990 nous révèle les priorités du Bureau du cinéma; l’analyse rapide de quelques films nous dévoile les traits caractéristiques du genre documentaire tel que pratiqué par les « fonctionnaires » du cinéma chinois. On s’aperçoit que la réforme et l’ouverture, tout en permettant une diversification des tendances au sein du cinéma de fiction, ont par ailleurs provoqué une consolidation du rôle édificateur du documentaire. Celui-ci laissera aux générations suivantes l’image édulcorée d’une Chine idéalisée…
EN :
Chinese documentary cinema and the policies under which it operates have not benefited from the currents of intelectual liberalism associated with recent policies of reform and openness. A quantitative analysis of 1990 documentary productions reveals the priorities of the Bureau of Cinema, and then a brief analysis of a few films highlights the characteristics of the genre as practised by the "bureaucrats" of Chinese cinema. While it is clear that reform and openness have led to a diversification fo tendencies in fiction films, in documentaries it has actually resulted in the consolidation of the idea that films should be edifying. As a result, what future generations will inherit is a watered-down image of an idealized China.
-
Deux pôles yang du nouveau cinéma chinois : Chen Kaige et Zhang Yimou
Marie Claire Huot
p. 103–125
RésuméFR :
Seul deux cinéastes chinois sont connus aussi bien en Chine qu’à l’étranger. Il s’agit de Chen Kaige et de Zhang Yimou. L’article tente de démontrer la polarisation de leur cinéma respectif à partir de leurs positions qui sont diamétralement opposées. Celle de Chen est dite hanxu, allusive qui incite à l’auto-réflexion alors que celle de Zhang est du ressort yanggang, soit en faveur de l’émotion vive et directe. L’article rend compte de ces deux pôles dans leurs différences, mais aussi dans ce qui les unit, leur « impensé » qui touche à la différence sexuelle et à l’écriture chinoise.
EN :
Two Chinese filmmakers, Chen Kaige and Zhang Yimou, are as well known abroad as they are in China. This article seeks to show how the polarisation between their respective approaches to filmmaking derives from the diametrically opposed positions they have adopted. Chen's position is called hanxu or allusive and favours self-reflection, while Zhang's is called yanggang and favours vivid, direct emotion. The article discusses the difference between these two polar opposites, but also explores their underlying unity, the "unthought" dimension, which incorporates sexual difference and Chinese writing.
-
Imagining a Woman's World: Roles for Women in Chinese Films
Carolynn Rafman
p. 126–140
RésuméEN :
Chinese cinema embraces a paradoxical relationship to its own traditions, especially concerning the abusive treatment of women. Films like Yellow Earth, Judou and Raise the Red Lantern which desire to uncover a repressed history, tend instead to reinforce and sustain an image of women's suffering to modern audiences. While exposing discrimination and injustice, some films perpetuate the stigma that women are still second class citizens. Three Chinese women filmmakers have challenged the dominant confusion ethos: "Male honorable, female inferior" (nan zun nü bei) by portraying women as independent and thinking individuals. This article analyses Passion (Zui ai) by Sylvia Chang, Song of the Exile (Ketu qiuhen) by Ann Hui and Three Women (San ge nüren) by Peng Xiaolian.
FR :
Le cinéma chinois entretient un rapport paradoxal à ses propres traditions, spécialement concernant le traitement abusif des femmes. Des films comme Terre jaune, Judou et Épouses et concubines, qui désirent révéler une histoire répressive, tendent plutôt à renforcer et soutenir l’image de femmes souffrantes. Pendant qu’ils présentent la discrimination et l’injustice, certains films perpétuent l’impression que les femmes sont toujours des citoyens de seconde classe. Trois femmes cinéastes ont changé la confusion dominante de l’ethos « L’homme honorable, la femme inférieure » (nan zun nü bei), en décrivant des femmes comme individus indépendants et capables de penser. Cet article analyse Passion (Zui ai) de Sylvia Chang, Chant d’exil (Ketu qiuhen) d’Ann Hui et Trois femmes (San ge nüren) de Peng Xiaolian.
-
Romance du livre et du film : l’adaptation de la Romance du livre et de l’épée par Ann Hui
Stephanie Hoare
p. 141–155
RésuméFR :
Cet article illustre le rapport entre cinéma et littérature dans l’oeuvre d’une des cinéastes « nouvelle vague » de Hongkong. Acclamée internationalement, la réalisatrice Ann Hui a adapté un roman populaire d’arts martiaux de Jin Yong, Romance du livre et de l’épée, en deux films : Romance du livre et de l’épée et Princesse Parfum (1987). Ne consistant pas simplement en la reproduction du roman originel, les deux films gagnent en signification par leur contraste par rapport à l’oeuvre de Jin Yong.
EN :
This paper demonstrates that in the case of at least one Hongkong new wave director's work, the relationship between film and literature is of great importance. Internationally acclaimed Hongkong director Ann Hui has adapted a popular martial arts novel by Jin Yong, Romance of Book and Sword, into two films, Romance of Book and Sword and its sequel Princess Fragrance(1987). Hui does not simply try to duplicate Jin Yong's original narrative; in fact Romance and Princess Fragrance gain in meaning from their contrasting relationship to Jin Yong's novel.
-
Un souvenir d’amour
Rey Chow
p. 156–180
RésuméFR :
Cet article traite du cinéma et de la culture contemporaine de Hongkong. Il est orienté sur le film Rouge (1987), de Stanley Kwan, adapté de la nouvelle Yanzhi kou (1986) de Li Bihua. La femme Ruhua revient du monde des esprits dans les années 80, à la recherche de son amant, des décennies après leur suicide commun. Sa recherche met en valeur les détails d’un romantisme qui semble avoir disparu du monde contemporain. L’article examine le sens profond de la nostalgie, émanant de cette histoire d’amour mélancolique, selon plusieurs perspectives : l’image filmique, l’ethnographie, le hasard comme agent, et le fantasme d’une communauté en pleine crise d’identité dans le Hongkong d’aujourd’hui avec son imminent « retour » à la Chine en 1997.
EN :
This is an essay about contemporary Hongkong cinema and culture. It focuses on the film Rouge (1987), which was adapted from the novella Yanzhi kou (1986) by Li Bihua and directed by Stanley Kwan. Ruhua, a female ghost, comes back from the underworld in the 1980s to look for her lover decades after they committed suicide together. Her search reveals the details of a type of romance which seems to have disappeared in the contemporary world. The essay examines the strong sense of nostalgia emanating from this melancholic love story from several perspectives: the filmic image, ethnography, the agency of chance, and the fantasy of an alternative community in a Hongkong caught in the crisis of its imminent "return" to China by 1997.
-
Gender Trouble in Hongkong Cinema
Tammy Cheung et Michael Gilson
p. 181–201
RésuméEN :
The authors conduct a brief survey of some recent examples of the Hongkong cinema, focusing on questions surrounding the portrayals of female and male characters in them. Today's Hongkong films, society and culture are just now taking tentative steps towards an awareness of gay and lesbian themes, and in some measure, of feminism. How are different types of female characters presented in contemporary Hongkong cinema? How does the traditional Chinese view of "male" differ from the West's? The recent trend that has "gender-bending" characters appearing in a number of Hongkong feature films is also examined. The authors maintain that stereotypical representations of women, men, and homosexual characters persist in the Hongkong film industry, that honest portrayals of gay and lesbian characters are mostly absent from the movie screens of the Crown Colony.
FR :
Cet article fait le point sur le cinéma contemporain de Hongkong en se penchant plus particulièrement sur des questions entourant les représentations de personnages féminins et masculins. Les films, la société et la culture du Hongkong d’aujourd’hui commencent à peine à s’intéresser à la réalité gaie et lesbienne, et, dans une certaine mesure, au féminisme. Comment les différents types de personnages féminins sont-ils présentés dans le cinéma contemporain de Hongkong? Comment le concept traditionnel chinois de « mâle » diffère-t-il de celui que nous connaissons en Occident? La popularité récente de personnages transsexuels dans plusieurs films est aussi examinée. Les auteurs soutiennent que des représentations stéréotypées de personnages féminins, masculins et homosexuels prédominent dans l’industrie cinématographique de Hongkong et que les représentations positives de gais et de lesbiennes y sont le plus souvent absentes.
Articles divers
-
Le Corps dansant au cinéma
Ratiba Hadj-Moussa
p. 205–221
RésuméFR :
Cet article s’intéresse aux relations entre le cinéma et la danse en les concevant comme des rituels où se dit une certaine parole du social. Il prend appui sur le corps pour interroger les modalités qui rendent possible cette parole et qui participent à sa production.
EN :
This article investigates the relationship between cinema and dance in an approach that sees both as rituals through which a particular social communication is expressed. Focusing on the body, it interrogates the modalities that make this communication possible, and that contribute to its production.
-
Le Déplacement et la crise du réel : la socio-sémiotique et la biphobie de Basic Instinct
Ki Namaste
p. 223–238
RésuméFR :
Cet article vise à étudier le film Basic Instinct du point de vue de sa narration et de sa composition sémiotique, afin de démontrer comment le film relève, à sa base, de la biphobie. À cet égard, la réponse militante des communautés lesbiennes et gaies face au film, qui le décrivent comme « homophobique », est nettement insuffisante. L’étude démontre qu’une analyse socio-sémiotique est utile pour le développement d’une théorie et d’une pratique de la bisexualité en tant qu’identité possible.
EN :
The article provides a reading of the narrative and semiotic compositions of the film Basic Instinct, in order to demonstrate its implicit biphobia. The lesbian and gay communities' response to the film, denouncing it as "homophobic", is thus read as a misreading. A social semiotic analysis proves useful, then, for the development of critical bisexual theory and activism.