Notes de lecture

ATTANÉ, Isabelle, 2002, La Chine au seuil du XXIe siècle. Questions de population, questions de société. Paris, Les cahiers de l’INED, 148, 601 p. Préface de Nathan KEYFITZ.[Notice]

  • Arlette Gautier

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  • Arlette Gautier
    LPED, UMR 151 IRD-Université de Provence

La Chine est un pays passionnant à bien des égards, non seulement par son immensité géographique et démographique, mais aussi par les expériences extrêmes d’ingénierie sociale qui y ont été menées. Son évolution a un impact certain sur celui de la planète. Aussi accueille-t-on avec intérêt ce livre de 600 pages, qui fait le point sur les questions démographiques et sociales et qui présente la particularité de faire la part belle aux chercheurs d’origine chinoise, qui signent la moitié des 22 chapitres. Dans une introduction lumineuse, Jean-Luc Domenach souligne combien la démographie constitue un point de vue éclairant sur l’histoire politique d’un pays et sur les mutations de son régime. Les travaux réunis confirment pour l’essentiel l’évolution connue de la démographie chinoise. Ainsi, le régime communiste des premières décennies a permis les deux tiers des progrès réalisés dans l’espérance de vie jusqu’à nos jours. Deux périodes ont été particulièrement meurtrières : 1950-1952 et 1959-1961. En revanche la révolution culturelle n’a guère eu d’incidence au niveau démographique, peut-être parce qu’elle ne se serait pas étendue aux campagnes de manière durable. L’évolution de la politique de contrôle des naissances dépendrait non seulement de l’évolution des objectifs généraux du régime, mais aussi de la mutation du pacte implicite qui le liait à la population pour obtenir son obéissance. Dans un premier temps, il aurait échangé la liberté politique contre une nouvelle latitude pour créer de vastes familles et vivre dans leur sein une réelle autonomie privée. Dans les années 1970, le régime change unilatéralement le pacte et accorde plus de liberté, notamment dans le domaine économique, mais contrôle plus rigidement la procréation. Ce pacte a été moins bien accepté et le Parti communiste doit y consacrer ses dernières capacités totalitaires. Par ailleurs, la politique de modernisation économique présente un coût social important, que ce soit la stagnation de l’espérance de vie dans les années 1990 ou l’augmentation des inégalités. En fait, comme le montre Isabelle Attané, la société maoïste était déjà très inégalitaire, mais cette inégalité était cachée alors qu’aujourd’hui elle ne l’est plus. Au total, selon Jean-Claude Chesnais, les inégalités de revenus sont actuellement plus fortes en Chine qu’en Inde ou qu’au Pakistan et aussi élevées qu’aux États-Unis, cela au détriment des ruraux, des inadaptés et dans une certaine mesure des femmes. Les politiques sociales sont d’une efficacité fort variable et dépendent encore de l’implication du Parti communiste chinois. Les exigences sociales d’équité représentent un véritable appel d’État ; cependant l’émergence d’un État moderne n’est pas proche, ce qui marque une profonde crise du régime chinois. Selon Michel Cartier, les historiens disposent d’une abondante documentation chiffrée, officielle et non officielle, notamment prosopographique, qui doit cependant être traitée avec circonspection. L’évolution de la Chine est déphasée par rapport à celle des autres continents. Le pays traverse une longue période de croissance soutenue entre les 15e et 18e siècles, tandis qu’il n’entre que tardivement dans le processus de transition démographique. Alain Monnier montre que dans les vingt dernières années, le taux de la croissance de la population de la Chine est de près de 1 % par an, malgré la baisse rapide de la fécondité, du fait d’un potentiel de croissance considérable. Peng Xizhe souligne d’ailleurs que la transition de la fécondité n’a pas touché toutes les régions ou tous les groupes ethniques avec la même intensité. De plus, si le programme de limitation des naissances a été l’élément déclencheur de cette baisse, il ne faut pas sous-estimer le rôle du développement socio-économique dans l’amorce et surtout l’accélération de ce processus. Selon Li Jianmin, en 2050, la population de la Chine n’excédera …