Résumés
Résumé
Dans cet article, nous analysons à nouveau les données du deuxième sondage de la Rand Corporation mené en 1978 auprès de détenus incarcérés dans des prisons et pénitenciers américains. L’objectif est d’identifier certains facteurs individuels qui influencent à la hausse ou à la baisse les gains criminels parmi un échantillon de détenus (n = 1 260) qui s’adonnent à la criminalité lucrative. Il sera notamment démontré que les détenus qui ont déclaré des gains criminels plus élevés au cours d’une période de référence précédant l’incarcération sont plus enclins à récidiver (d’après les résultats de l’étude de suivi de la Rand six ans plus tard). Par ailleurs, la criminalité stratégique (plutôt que le type de crime), la spécialisation, l’estime de soi et le fait de ne pas rapporter une consommation abusive d’alcool sont autant de facteurs qui favorisent la réussite de la carrière criminelle. Enfin, les contrevenants qui ont fait usage de violence au moins une fois au cours de la période de référence rapportent des gains criminels généralement plus élevés que les autres. Les revenus ont donc tendance à croître en fonction de la fréquence des agressions.
Abstract
In this paper, we reanalyze the rich data set provided by RandCorporation’s 1978 jail and prison inmate survey. Our distinctive focus is that we analyze individual differences in reported criminal earnings across property and market offenders (n = 1 260). Our first finding is that the higher the offenders criminal earnings (prior to current incarceration) the higher the odds of recidivism (based on Rand’s six years follow probe). Our second finding is that specialization, strategic offending (rather than types of offences), self-confidence, and lack of self-reported alcoholic abuse all contribute to increase the likelihood of a successful criminal career. Our third finding is that offenders who have a record of violence are more likely than other offenders (who do not have such a record) to achieve higher criminal earnings. Indeed, the higher their lambdas of violence, the higher their illegal earnings.
Corps de l’article
Introduction
Le choix de commettre un délit ou de poursuivre une carrière criminelle est, pour bon nombre de délinquants récidivistes, largement fonction des gains monétaires potentiels pouvant découler des activités illicites (Piliavin et al., 1986 ; Tremblay, 1999). Le sens commun incite à croire que si tant d’individus s’engagent et persistent dans des activités délinquantes, c’est sans aucun doute parce qu’ils y trouvent leur compte. Peu d’études ont toutefois examiné en détail les revenus que les délinquants « récidivistes » retirent de leurs activités lucratives, ce qui a pour résultat que les questions que se posent spontanément les témoins de la criminalité lucrative demeurent sans réponse : Le crime est-il payant ? À qui profite le crime ? On semble avoir tenu pour acquis et oublié en cours de route les considérations financières. Les théories économistes présentent pourtant le crime comme étant le fruit d’une analyse coûts-bénéfices de la part du délinquant. Si la recherche s’est longuement attardée aux coûts, elle est demeurée silencieuse quant au niveau espéré de profit que peut rapporter la criminalité à ses auteurs. Une théorie complète devrait cependant pouvoir intégrer les deux composantes de l’équation (Piliavin et al., 1986).
Non seulement la criminologie ne s’est-elle que sommairement intéressée aux gains monétaires, mais un courant majoritaire semble plutôt suggérer que les délinquants sont pourvus de caractéristiques qui font que leur criminalité ne peut qu’inévitablement les conduire vers des échecs à répétition. C’est notamment le cas de la théorie du low self-control de Gottfredson et Hirshi (1990) qui soutient qu’un délinquant multiplie les comportements impulsifs et irréfléchis, que sa criminalité se caractérise par l’absence de planification, le manque de jugement ou l’omniprésence de maladresses. Cusson (1981) soutient également que la majorité des délinquants sont « présentistes ». Incapables de persévérance dans la poursuite de projets à long terme, leur carrière se caractérise trop souvent par une « navrante succession de méfaits sans progression » (p. 230) tandis que leurs gains sont souvent dérisoires. L’auteur ajoute cependant qu’à l’autre extrémité de ce continuum se trouvent vraisemblablement des délinquants qui réussissent et qui sont satisfaits de ce que le crime leur rapporte.
L’étude des gains criminels
Si l’acte criminel est le résultat d’un calcul coûts-bénéfices (Becker, 1968 ; Erlich, 1973 ; Cornish et Clarke, 1986), si le délit est un geste conditionné par le passé, mais surtout, orienté vers l’avenir (Cusson, 1981), les profits que rapporte la criminalité à ses auteurs revêtent alors une grande importance. Ils constituent la partie inconnue de l’équation, celle qui fait probablement contrepoids aux efforts de dissuasion. À la sévérité et à la certitude de la peine s’opposent l’ampleur et la certitude des profits. À la dissuasion générale s’oppose l’image du délinquant qui a réussi à s’enrichir.
Traditionnellement, les tentatives visant à expliquer le passage à l’acte font largement état des causes de la délinquance, mais se dispensent trop souvent d’en étudier le résultat et ses conséquences (Cusson, 1981). Les gains monétaires semblent être considérés par les différentes théories comme une donnée constante n’ayant que peu d’intérêt en comparaison des coûts, le principal élément des théories de la dissuasion. Pourtant, des études soutiennent qu’au moment de passer à l’acte, les délinquants auraient tendance à s’intéresser davantage aux gains potentiels qu’aux coûts éventuels (Piliavin et al., 1986 ; Agnew 1990). Il est donc possible que, selon leurs intérêts respectifs, les acteurs du crime accordent un intérêt particulier aux gains alors que ceux qui tentent de le prévenir s’attardent surtout à l’effet dissuasif des coûts.
L’intérêt qu’auraient les délinquants envers les profits potentiels comporte certaines implications. Si l’acte criminel est influencé par les performances passées, le succès monétaire favoriserait la persistance dans la carrière criminelle et l’échec, le désistement. Dans ce cas, l’effet dissuasif d’une peine et les efforts de réhabilitation deviendraient plus incertains à mesure que les profits augmenteraient.
Seule une poignée d’études se sont penchées sur la distribution des revenus criminels parmi les auteurs de délits. Certains chercheurs (Cobb, 1973 ; Khrom, 1973) ont procédé à des analyses de données agrégées pour une ou plusieurs catégories spécifiques de délits, tandis que plusieurs études ethnographiques (Mieczkowski, 1986 ; Bourgois, 1989 ; Williams, 1989) se sont partiellement intéressées aux profits découlant de la vente de drogues. Enfin, quelques recherches ont présenté les résultats de sondages sur les profits découlant d’activités illicites, menés auprès de vendeurs de drogues (Reuter et al., 1990 ; Fagan 1992) ou de criminels incarcérés (Wilson et Abrahamse, 1992 ; Tremblay et Morselli, 2000). La plupart des ces études ont démontré qu’une proportion significative de délinquants parvenaient à retirer des revenus appréciables de leurs activités criminelles. Seuls Wilson et Abrahamse (1992) en sont venus à la conclusion contraire en présentant la criminalité lucrative comme une avenue peu payante. Leur méthodologie a toutefois été remise en cause par Tremblay et Morselli (2000).
Par ailleurs, le seul fait qu’un délinquant motivé soit en présence d’une situation pré-criminelle favorable n’est pas en soi une garantie de succès de l’entreprise. Encore faut-il qu’il puisse détecter l’opportunité, détenir les ressources et les compétences nécessaires afin d’en tirer avantage et d’en limiter les inconvénients. Ekblom et Tilley (2000) soutiennent à ce sujet que pour qu’un crime soit commis, un délinquant doit avoir certaines prédispositions (penchant au crime), une motivation et un éventail de ressources qui moduleront ses actions. La carrière délinquante satisfaisante dépendrait alors largement de la capacité du délinquant récidiviste à générer ou à exploiter une opportunité potentiellement lucrative (Tremblay, 1999).
Les travaux de Viscusi (1986), Reuter et al. (1990), Fagan (1992), Matsueda et al. (1992) ainsi que Tremblay et Morselli (2000) se sont partiellement intéressés aux facteurs individuels de réussite dans le cadre d’études qui ne portaient pas spécifiquement sur la question. Les résultats des différents sondages, parfois contradictoires, indiquent que les variables démographiques (âge, sexe, ethnie) n’ont que peu d’impact (Reuter et al., 1990 ; Fagan, 1992). Matsueda et al. (1992) ont toutefois remarqué que les jeunes hommes étaient plus susceptibles de générer des gains monétaires illégaux et que ces gains avaient tendance à être plus élevés. À l’inverse, le fait d’avoir un emploi légitime semble être associé négativement aux revenus criminels. Viscusi (1986) et Fagan (1992) ont détecté une relation négative, tandis que Reuter (1990) n’a découvert aucune association statistique.
La fréquence des activités est également associée positivement avec le montant des gains criminels bien qu’une fréquence élevée puisse aussi augmenter le niveau de risque auquel le délinquant est soumis (Reuter, 1990 ; Tremblay et Morselli, 2000). Certains délinquants peuvent miser sur la qualité des opportunités plutôt que sur la quantité pour en arriver à des résultats comparables ou supérieurs (Tremblay et Morselli, 2000).
L’étude de McCarthy et Hagan (2001) est la seule qui propose d’étudier systématiquement les conditions qui favorisent le succès financier d’un délinquant dans le monde illégitime. Leur échantillon se compose de jeunes (n = 480) sans domicile fixe, vendeurs de drogues âgés de moins de 24 ans. Leurs résultats indiquent que les gains criminels sont influencés à la hausse par certaines variables associées au capital personnel, notamment le désir de richesse et la propension à la collaboration. Ils ont aussi constaté que l’appartenance à un groupe ethnique minoritaire, la spécialisation dans la vente de drogues et le nombre de journées dédiées à cette activité avaient également une influence significative. Enfin, les variables de capital humain et social conventionnel (instruction, emploi légitime) n’ont pas d’influence, tout comme l’âge et le sexe des sujets. Notons toutefois que l’échantillon de McCarthy et Hagan (2001) se restreint à une catégorie bien spécifique de délinquants pour lesquels ces caractéristiques sont plutôt homogènes.
Les chercheurs ont également mesuré l’effet synergique de certaines variables individuelles. Ils ont découvert que la compétence (habiletés intellectuelles et maîtrise de sa destinée), lorsque combinée successivement au désir de collaborer, à la spécialisation et à la propension à prendre des risques, avait des effets à la hausse sur les revenus de la vente de drogues. Enfin, ils ont découvert que le goût du risque, combiné à un haut niveau d’instruction, avait plutôt l’effet inverse.
Dans cet article, nous nous proposons d’élargir le champ d’analyse des gains criminels à un ensemble plus varié de délinquants. À l’exception de la récente étude de McCarthy et Hagan (2001) et, dans une moindre mesure, celle de Tremblay et Morseli (2000), peu de chercheurs ont accordé de réflexion au succès financier d’une carrière délinquante. Les quelques études qui se sont intéressées aux variations individuelles des gains criminels n’ont pas abordé la question de façon systématique (Wilson et Abrahamse 1992 ; Tremblay et Morselli, 2000) ou avaient uniquement des vendeurs de drogues pour échantillon (Reuter et al., 1990 ; Fagan 1992 ; McCarthy et Hagan, 2001). L’objectif est d’examiner si les gains criminels se distribuent uniformément entre les contrevenants et, le cas échéant, de vérifier si des facteurs individuels, propres au délinquant lui-même ou relatifs à la situation, favorisent la réussite financière ou, au contraire, l’échec. Ces facteurs seraient en fait ce qui explique qu’un délinquant se retrouve à l’une ou l’autre des extrémités du continuum de la réussite de sa carrière criminelle.
Source des données
L’analyse se base sur des données secondaires issues du « Second Inmate Survey » de la Rand Corporation conçu et administré par Peterson et al. (1978) auprès de cohortes de détenus américains. Les sondages de délinquance auto-révélée de la Rand Corporation font partie d’un programme de recherche sur les carrières criminelles qui visait à distinguer différents types de criminels et à ajuster la pratique du sentencing en conséquence (Visher, 1986). Le système de justice pourrait alors élaborer une politique de neutralisation sélective en fonction des différents types de délinquants et ainsi désengorger les prisons en se concentrant spécifiquement sur les cas les plus lourds (Peterson et Braiker, 1981 ; Chaiken et Chaiken, 1982 ; Peterson et al., 1982 ; Visher, 1986). Certaines données considérées par les chercheurs comme étant de nature subjective (donc peu susceptibles d’être connues et utilisées par le système de justice) n’ont pas fait l’objet d’une analyse systématique. Seules les variables dont on présume qu’elles pouvaient aider les officiers de justice à déterminer des sentences appropriées ont été conservées (Chaiken et Chaiken, 1982). Les gains criminels ne faisaient pas partie de cette catégorie.
Destiné à raffiner une première version administrée dans cinq prisons californiennes en 1976[2], le deuxième sondage de la Rand devait également servir à évaluer la validité générale des questionnaires auto-administrés (Peterson et Braiker, 1981). Il utilise un échantillon plus étendu de détenus (2 190) ayant été condamnés à purger une peine dans une des institutions de trois États américains : la Californie, le Michigan et le Texas[3]. Les détenus des prisons ont été sélectionnés au hasard, tandis que la sélection des détenus des pénitenciers a été pondérée afin de représenter une cohorte au moment de l’admission[4]. L’instrument utilisé est un questionnaire de 60 pages auto-administré dans les établissements par groupes de 10 à 30 détenus.
L’utilisation du deuxième sondage de la Rand Corporation comporte plusieurs avantages :
Il s’agit d’un des rares sondages de délinquance auto-révélée qui s’intéresse directement aux revenus découlant d’activités criminelles.
Il fournit une comptabilisation précise des différents actes criminels posés durant une période fenêtre, qui variait entre 13 et 24 mois selon le moment où le détenu débutait sa sentence.
Il s’intéresse à un large bassin de délinquants adultes aux activités criminelles lucratives diversifiées.
Il renferme plusieurs mesures de comportements stratégiques ou antisociaux, susceptibles de rendre compte partiellement de la réussite ou de l’échec.
Il introduit un numéro d’identification permettant un éventuel suivi de la cohorte étudiée (Klein et Caggianno, 1986).
Choix de l’échantillon
Seuls les détenus ayant révélé le montant estimé de leurs gains provenant du crime ont été retenus. Les détenus qui ont affirmé ne faire aucun revenu de leurs activités criminelles (504) ou pour lesquels nous ne disposions pas de cette information (295) ont été retranchés de l’échantillon. Sept sujets qui ont déclaré des revenus impossibles à quantifier (ex. : « Very little », « A lot ») ont également été écartés.
Par ailleurs, les chercheurs de la Rand ont aussi déclaré un certain nombre (124) de montants fournis comme étant en « dehors des limites permises ». Nous ne pouvons présumer des montants fournis par ces répondants sinon qu’ils devaient être résolument trop élevés pour être considérés valides. Il est possible qu’une part des délinquants aient exagéré le montant des gains criminels mensuels pour une raison qui leur est propre, comme le soutiennent Wilson et Abrahamse (1992). Nous avons donc pris la décision de demeurer prudent dans l’utilisation de ces montants jugés trop élevés en présumant que les personnes qui auraient pu gonfler indûment leurs revenus criminels se trouveraient dans cette catégorie. Comme notre objectif n’est pas tant de calculer avec précision les revenus criminels, mais d’explorer les grandes tendances et les facteurs qui favorisent la réussite financière, nous croyons que l’excision de ces sujets ne devrait pas empêcher les tendances de se manifester et les relations de se matérialiser. Peut-être les résultats seront-ils un peu plus conservateurs qu’ils ne devraient l’être en réalité, mais les facteurs de succès, s’il en est, devraient tout de même émerger. L’échantillon final se compose donc de 1 260 détenus sur 2 190, soit 57,5 % de l’échantillon original.
Gains criminels, coûts du crime et récidive
La principale variable utilisée est le montant des gains mensuels provenant d’activités criminelles tels qu’ils ont été estimés par les délinquants interrogés. Les détenus devaient en effet révéler le montant total qu’ils réussissaient à obtenir grâce à leurs activités criminelles pour un mois typique, tous délits confondus. Plusieurs auteurs (Matsueda et al., 1992 ; Tremblay et Morselli, 2000 ; McCarthy et Hagan, 2001) ont préféré utiliser le logarithme (base 10) des gains monétaires plutôt que de conserver la valeur initiale (Wilson et Abrahamse, 1992). Deux raisons importantes peuvent expliquer le choix de cette stratégie. D’une part, les courbes de distribution des revenus révèlent généralement un aplatissement important. Cette stratégie permet ainsi de réduire les effets extrêmes et de normaliser la distribution. D’un point de vue théorique, la stratégie de ramener le revenu à son logarithme sert également à relativiser les écarts des montants aux extrêmes de la courbe. Suivant la logique de l’utilité marginale décroissante, 100 $ supplémentaires ont beaucoup plus d’impact pour les délinquants à faibles revenus que pour les délinquants à revenus élevés. L’étude de la distribution des montants provenant du crime (voir annexe) nous conforte dans l’intérêt de procéder à cette transformation.
Le revenu criminel mensuel moyen des détenus de notre échantillon est équivalent à 4 376 $ en devise américaine de 2002[5] tandis que le revenu médian est de 2 483 $. La moyenne géométrique se situe par ailleurs à 1 886 $. Le quart des sujets rapportent des revenus mensuels inférieurs à 830 $ tandis qu’un autre 25 % rapportent des revenus mensuels supérieurs à 5 500 $. En tenant compte de l’ajustement à l’inflation, ces montants se comparent aisément à ceux obtenus par d’autres chercheurs. Mieczkowski (1986) et Fagan (1992) ont en effet respectivement estimé les revenus mensuels de revendeurs de drogues à 5 183 $ à Détroit et entre 2 564 $ et 5 770 $ à New-York. Reuter et al. (1990) estimaient quant à eux ces revenus entre 413 $ et 4 954 $. Enfin, Tremblay et Morselli (2000) ont, quant à eux, estimé le montant mensuel des revenus criminels de détenus californiens à 3 476 $. À titre indicatif, le salaire mensuel médian d’un homme célibataire se situe approximativement à 2 617 $ aux États-Unis en 2002 (DeNavas-Walt et al., 2003). En tenant compte de l’inflation, un peu plus de 49 % des détenus de notre échantillon affirment avoir obtenu des revenus criminels supérieurs à ce montant.
La distribution des gains criminels chez les délinquants chroniques ne tient évidemment pas compte d’une réalité incontournable : la criminalité entraîne à sa suite une série d’impondérables ou de désagréments. Évoluant dans un environnement globalement hostile à leurs activités (Tremblay, 1999), les délinquants récidivistes sont confrontés tôt ou tard à des sanctions formelles ou informelles. Les théories économistes associent généralement cette notion aux coûts de la criminalité.
L’évaluation adéquate de ce qu’il en coûte à un délinquant en temps et en argent pour réaliser ses délits n’est toutefois pas aisée. Si toutefois nous acceptons l’idée que la sentence imposée est le prix à payer pour la participation à des activités criminelles, l’évaluation des coûts se calculerait en termes d’incarcération, l’élément principal des théories de la dissuasion. Notre stratégie pour calculer les coûts est la même que celle utilisée par Tremblay et Morselli (2000), soit la probabilité d’être incarcéré multipliée par le nombre de mois d’incarcération durant la période de référence.
Comme la banque de données de la Rand ne nous indiquait pas le nombre total de mois passés en incarcération durant la période fenêtre pour des raisons de confidentialité, nous avons entrepris d’estimer la période d’incarcération présumée durant cette période à partir de la proportion moyenne de temps passé en incarcération au cours de deux périodes fenêtre précédentes de deux ans pour lesquelles nous disposions de l’information[6].
Par ailleurs, l’un des avantages évoqué plus tôt à utiliser le deuxième sondage de la Rand Corporation est que les chercheurs ont entrepris de vérifier dans quelle mesure les détenus interrogés en 1978 ont été arrêtés, condamnés et réincarcérés de nouveau pour des crimes commis après leur sortie de prison (Klein et Caggiano, 1986). En 1984, les employés ont en effet retracé les dossiers correctionnels de près de 63 % des sujets afin d’évaluer les modèles de prédiction de la récidive qui avaient été élaborés. Il nous a donc été possible de retracer et croiser les informations de l’étude de suivi de la Rand de plus de 760 des détenus de notre échantillon.
Toute personne qui a été condamnée à l’intérieur d’une période de 36 mois après sa sortie de prison a été considérée comme étant récidiviste[7]. En plus de cette information sur la récidive, l’étude de suivi fournissait des renseignements sur le nombre total de jours d’incarcération effectivement purgés par le détenu lors de sa sentence. Le tableau 2 présente à nouveau la distribution des gains criminels, mais en incluant cette fois la distribution des coûts du crime, de la durée de la peine purgée et de la récidive pour les contrevenants qui ont été retracés.
Tant pour la proportion de temps passé en incarcération estimé au cours de la période fenêtre que pour la durée de la sentence effectivement purgée, les coûts pénaux ne semblent pas augmenter dans les mêmes proportions que les gains criminels. Si nous concédons aux délinquants la capacité de faire une évaluation adéquate des coûts-bénéfices de leur activité, plus les gains sont élevés, moins les sentences imposées devraient s’avérer dissuasives. Nous devrions logiquement nous attendre à une réitération plus fréquente des activités criminelles lucratives, à mesure qu’augmentent les revenus et que diminue le poids relatif des coûts.
La relation entre les montants déclarés et la récidive est à la fois positive et significative (Rho : 0,123 **). Au fur et à mesure que les gains criminels augmentent, les taux de récidive ont aussi tendance à augmenter, passant de 39 % pour la tranche de détenus dont la rétribution est la plus faible à 55 % pour les détenus aux revenus les plus élevés. Cette relation modérée, mais néanmoins significative, se maintient même lorsque nous contrôlons la fréquence mensuelle des actes criminels.
Ces résultats peuvent contribuer à expliquer pourquoi un si grand nombre de délinquants récidivistes persistent, malgré les efforts de dissuasion et les sanctions imposées à répétition. Plutôt que de les considérer comme des êtres inconséquents qui agissent de façon contraire à leur propre intérêt (Wilson et Abrahamse, 1992), nous soutenons plutôt qu’un bon nombre d’entre eux pourraient, au contraire, être assez réalistes et capables d’accepter les conséquences de leurs gestes, particulièrement si le jeu en vaut la chandelle.
Gains criminels et facteurs individuels de la réussite
L’analyse sommaire des gains criminels déclarés dans ce sondage nous a révélé que ces derniers ne se distribuent pas également entre les délinquants : un petit pourcentage d’individus réussissent à obtenir des gains considérables, tandis que la majorité d’entre eux réussissent tout de même à en retirer des profits « satisfaisants », se rapprochant du salaire médian de l’américain moyen. Pour une autre minorité, les séjours en prison s’accumulent plus rapidement que les billets de banque.
Cette distribution inégale du succès se retrouve également chez les entrepreneurs du « monde légitime ». Sur la multitude de gens qui se lancent en affaires tous les jours, un petit nombre deviennent prospères, plusieurs réussissent à faire des profits acceptables tandis que d’autres déclareront faillite dès la première année, bien souvent par manque d’expérience, de connaissances ou de planification (Baldwin et al., 1997). Pourquoi en serait-il autrement des délinquants ? La variation des gains criminels entre les individus nous incite à croire que les revenus criminels se distribuent en fonction de facteurs individuels susceptibles de conférer un avantage (ou un désavantage) concurrentiel au délinquant.
Notre stratégie d’analyse prévoit l’élaboration d’un modèle de régression linéaire où une série de variables sont intégrées afin de mesurer l’effet relatif de chacune sur les gains criminels une fois les autres facteurs contrôlés. Nous procéderons par la suite à une spécification de notre modèle de base en y intégrant quelques variables supplémentaires, d’une part, et en l’appliquant à certaines catégories d’individus, d’autre part.
Notre première préoccupation consiste à contrôler l’intensité de la criminalité en présumant qu’une fréquence plus ou moins élevée dans la commission de crimes devrait avoir une incidence sur les revenus. Nous avons donc divisé le total des diverses infractions commises durant la période fenêtre par le nombre de mois passés en liberté afin de créer une variable d’intensité. Il n’a cependant pas été possible de calculer l’intensité de la commission d’infractions pour les 234 sujets qui n’ont pas commis l’un des crimes lucratifs proposés par les chercheurs de la Rand mais qui ont néanmoins déclaré des revenus criminels (marginalement moins élevés Eta = 0,065 *). Afin d’ajouter de la précision à notre évaluation des facteurs de la réussite criminelle, notre modèle de régression se concentrera uniquement sur les délinquants (1 031) dont la nature et la fréquence des activités criminelles lucratives puissent être contrôlées à notre satisfaction.
Comme nous nous y attendions, une intensité plus élevée d’actes criminels a globalement un effet à la hausse (r : 0,374 **) sur les revenus illicites et ce, peu importe le type de crimes que l’on considère (cambriolage, vol qualifié, trafic de stupéfiants, fraude, escroquerie, vol de voitures).
Les facteurs antécédents
Nous intégrons par la suite un certain nombre de variables antécédentes pouvant influencer indirectement la pratique criminelle. Nous supposons, en effet, que certaines caractéristiques personnelles, associées au capital social et humain de type conventionnel ou criminel, ont un effet positif (ou négatif) sur le succès de la carrière criminelle (McCarthy et Hagan, 2001).
Les personnes plus âgées devraient jouir d’un capital humain et social conventionnel plus développé favorisant ainsi la réussite[8]. Dans le même ordre d’idées, le niveau d’instruction, allant de l’absence d’éducation aux études supérieures, peut conférer un certain niveau de compétence ou de savoir-faire générique. L’ethnie, que nous regroupons en deux catégories pour plus de simplicité (Noirs et autres[9]), peut à la fois comporter des effets inhibiteurs (influence socialisante) ou au contraire favoriser la délinquance (marginalisation, ghettos). Enfin, le statut d’emploi devrait exercer un effet négatif dans la mesure où la stabilité et l’intégration sociale favorisent la conformité.
Nous posons également l’hypothèse qu’une accumulation de connaissances et d’habiletés spécifiques au milieu criminel devrait favoriser le succès. Nous mesurons ce capital humain et social criminel par le nombre total d’antécédents judiciaires. Nous supposons ainsi qu’une personne qui a une plus longue expérience du milieu criminel devrait avoir été davantage exposée à des modèles déviants (Sutherland, 1947), être plus susceptible d’avoir bénéficié de tutorat de la part d’autres délinquants, d’avoir développé un meilleur réseau de contacts pouvant l’aider à se positionner et être davantage intégrée au milieu criminel (Mc Carthy et Hagan, 1995).
Les facteurs relatifs au passage à l’acte
La criminalité est essentiellement un moyen en vue d’une fin, un geste concret qui produit un résultat positif ou négatif. Ainsi, nous croyons que la capacité du contrevenant à générer des revenus dépend de sa propension à réunir les conditions nécessaires à la réussite d’un délit ou de son habileté à tirer profit d’une opportunité. Nous intégrons donc des variables intervenantes qui renvoient à la notion de la tactique criminelle (Cusson et Cordeau, 1994) et qui distinguent davantage les délinquants à partir de ce qu’ils font plutôt que de ce qu’ils sont.
La première variable s’intéresse aux tactiques qui peuvent être déployées lors de la commission d’un délit à caractère lucratif et que nous jugeons susceptibles de favoriser le succès de l’entreprise. Le délinquant avisé optimisera ses chances de bénéfices et diminuera ses risques. Un choix judicieux de tactiques et l’utilisation de ressources adaptées favoriseraient alors la réussite (Ekblom et Tilley, 2000). Le questionnaire de la Rand pose une série de huit questions sur des comportements jugés stratégiques lors de la commission d’un délit et qu’un délinquant peut décider d’adopter plus ou moins fréquemment (toujours, habituellement, parfois, jamais). Notre échelle se compose de huit items[10] variant de 0 à 3 : (1) établir un plan avant de commettre un crime ; (2) repérer des endroits ou des personnes ayant beaucoup d’argent ; (3) se renseigner sur les alarmes, les heures ou les transferts d’argent ; (4) prévoir sa fuite ; (5) obtenir de l’équipement spécialisé tel que des outils de cambriolage ; (6) organiser une « couverture » ou trouver un acheteur potentiel avant de commettre le crime ; (7) voler une voiture ou obtenir un pistolet qui ne pourra pas être dépisté, (8) filer une personne vers un endroit sûr afin de pouvoir y commettre le crime. L’échelle suit une courbe relativement normale avec un score moyen de 9 sur une possibilité maximale de 24, ce qui semble nous indiquer que les contrevenants ne surestiment pas nécessairement leurs propres qualités, comme le laissaient supposer Wilson et Abrahamse (1992).
L’un des désavantages à utiliser cette échelle, c’est qu’elle a été conçue essentiellement pour rendre compte des tactiques propres à certaines infractions prédatrices. En conséquence, elle sous-estime les qualités de tacticiens de ceux qui s’adonnent à d’autres formes de criminalité, notamment l’escroquerie, la fraude et le trafic de drogues. Cela ne pose pas tant problème dans la mesure où plusieurs contrevenants sont impliqués dans une variété d’activités criminelles et que ceux qui usent de stratégie dans la commission d’un type de crime le seront vraisemblablement tout autant dans la commission d’un autre. Il en résulte néanmoins une perte substantielle de 400 sujets qui, à cause de la nature même des activités dans lesquelles ils étaient impliqués, n’ont pas répondu à la série de questions sur les tactiques criminelles. Une analyse du profil des exclus nous révèle en effet que notre modèle sous-estime vraisemblablement légèrement les contrevenants qui s’adonnent à un éventail plus restreint d’activités criminelles ou à des infractions qui n’étaient pas prévues par les chercheurs de la Rand. Cela dit, rien qui ne puisse remettre en cause l’essentiel de nos résultats.
Diverses études sur la délinquance suggèrent par ailleurs que la criminalité des récidivistes est généralement versatile et polymorphe (Gottfredson et Hirshi, 1990 ; Haas et Killias, 2003). Une deuxième variable tente donc de relever la diversité des activités criminelles afin de déterminer si la variété des actes commis résulte d’un choix stratégique orienté vers un niveau espéré de profits ou, au contraire, d’une tendance déconcertante aux revirements soudains. Nous avons additionné la variété des différents crimes qu’un individu a commis durant la période de référence afin de créer une « échelle de diversification » variant de zéro à huit. Une majorité de détenus ont avoué avoir participé à plusieurs des huit crimes de cette échelle, la moyenne étant de 2,7. Une légère asymétrie positive dans la distribution des résultats nous révèle par ailleurs que peu de délinquants ont une criminalité tout à fait diversifiée et que la plupart concentrent leurs activités dans un nombre limité de délits. La diversification pourrait soit constituer une stratégie délibérée visant à maximiser les profits, soit témoigner d’un manque de persévérance ou de constance dans une sphère d’activités, ayant pour conséquence d’augmenter les risques d’appréhension par la police (Aebi, 1999).
Notre troisième variable consiste à identifier un certain nombre de « spécialistes » parmi les détenus. Le fait de se spécialiser devrait, pour certains individus, favoriser une hausse des gains illicites. C’est du moins ce que laisse sous-entendre la riche littérature du milieu du siècle dernier (Sutherland, 1937 ; Letkeman, 1973) qui abordait les notions de spécialisation ou de professionnalisme en ce qui a trait au « travail criminel ». Il est toutefois possible que la spécialisation n’influence en rien la performance criminelle, qu’elle soit circonstancielle et qu’elle n’ait pas pour effet d’augmenter les chances de réussite. Pire encore, la « répétition » du même scénario pourrait également témoigner d’un manque d’imagination, de souplesse ou d’opportunités à exploiter.
Parce qu’ils ont utilisé une définition restrictive, Peterson et Braiker (1981), tout comme Chaiken et Chaiken (1982) en sont venus à la conclusion que la spécialisation est plutôt rare chez les délinquants. Nous avons abordé la question différemment. D’une part, nous avons déterminé le « crime de prédilection » de chacun des détenus en fonction de sa fréquence au cours de la période fenêtre. D’autre part, nous avons choisi de conserver uniquement les personnes dont le crime de prédilection correspondait à l’image qu’elles avaient d’elles-mêmes, supposant ainsi que les spécialistes s’identifieraient à leur crime de prédilection. Enfin, nous avons accordé aux spécialistes « le droit de pouvoir » commettre un autre crime à l’occasion, mais nous avons présumé toutefois qu’ils devraient commettre leur crime de prédilection plus souvent que la moyenne et devraient avoir un taux de concentration plus élevé que les autres détenus de leur catégorie. Selon notre définition, plus de 28 % des détenus pourraient être considérés comme des spécialistes. Notons par ailleurs que la diversification et la spécialisation ne sont pas nécessairement contradictoires ; les spécialistes étant ni plus ni moins polyvalents que les autres (-0,042). Il est donc possible de participer à une variété d’activités criminelles tout en étant spécialiste.
La fréquence et l’intensité des interactions entre contrevenants peuvent également contribuer au succès financier. Un réseau étendu de contacts significatifs peut générer des opportunités criminelles lucratives jusqu’alors inconnues (MacCarthy et Hagan, 2001) ou fournir un bassin de co-délinquants appropriés pour saisir l’opportunité qui serait autrement insaisissable (Tremblay, 1993). Pour capter cette dimension, nous avons regroupé deux items (variant de 0 à 3) où les contrevenants devaient indiquer à quelle fréquence : (1) ils utilisaient des informations fournies par un tiers pour planifier leur crime ; (2) ils commettaient leur délit en association avec un co-délinquant.
Enfin, une dernière variable discrimine les délinquants qui s’adonnent exclusivement à la criminalité prédatrice des autres contrevenants. Plusieurs auteurs (Cusson, 1981 ; Wilson et Abrahamse, 1992 ; McCarthy et Hagan, 2001) soulignent que la criminalité de marché, basée sur l’échange illégal d’un bien ou d’un service, serait généralement plus rentable que la délinquance qui oppose le délinquant à une victime. Si tel est le cas, ceux qui ne s’adonnent pas à la criminalité de marché devraient déclarer des revenus criminels moins élevés.
Les facteurs comportementaux
Une troisième série de variables introduit des facteurs susceptibles de produire des effets inhibiteurs sur la réussite de la carrière conventionnelle, sans qu’il en soit nécessairement de même pour la carrière criminelle. Ces facteurs sont la violence et l’abus de substances psychoactives.
Plusieurs actes de brutalité peuvent découler de querelles ou de problèmes chroniques dans les rapports interpersonnels (Cusson, 1998 ; Proulx et Cusson, 1999). Dans la mesure où la brutalité, la violence ou l’impulsivité sont rarement reconnues comme étant des atouts personnels mais plutôt comme des signes de pauvreté des ressources ou de difficultés à la maîtrise de soi, les individus qui ont une propension à la violence devraient obtenir des gains criminels moins élevés. Par ailleurs, le délinquant peut commettre des agressions violentes dans le but de se rendre justice (Black, 1983) ou de gérer des conflits reliés à la délation, aux transactions ou issus de la compétition, comme c’est le cas lors des règlements de compte dans le milieu criminel (Cordeau, 1990). Dans un milieu caractérisé par un haut risque de victimisation et l’absence d’institutions destinées à arbitrer les conflits, la violence pourrait alors conférer un avantage compétitif à celui qui sait en faire un usage parcimonieux.
En ce qui a trait aux effets de la consommation abusive d’alcool ou de drogues sur la carrière criminelle, la littérature à ce sujet est abondante. De façon générale, nous croyons que l’abus de substances devrait nuire au succès dans la mesure où il entraîne souvent à sa suite une variété de problèmes sociaux. Par contre, la dépendance envers une drogue qui se transige à prix élevé peut aussi inciter l’usager à multiplier ses sources de revenus, voire même à intensifier la commission d’actes criminels pour soutenir sa consommation. Dans ce cas, l’abus pourrait avoir un effet catalyseur. Il n’en irait pas nécessairement de même pour l’alcool, accessible à un prix beaucoup moins prohibitif. L’abus de substances est donc mesuré essentiellement à l’aide de deux variables dichotomiques : le fait de considérer ou non avoir une consommation problématique d’alcool et le fait d’avoir consommé ou non une « drogue dure » au cours de la période fenêtre.
L’évaluation qu’un délinquant fait de son propre succès dans le milieu criminel peut être le témoin de la confiance qu’il a en ses propres capacités et des ambitions qu’il nourrit face à sa carrière. Ces deux dernières notions semblent par ailleurs être associées à des gains criminels plus élevés (McCarthy et Hagan, 2001). Si le succès de la carrière criminelle se mesure en termes financiers (et du prestige qui en découle ; Matsueda et al., 1992), les personnes confiantes et ambitieuses devraient normalement déclarer des gains criminels plus élevés que les autres et être galvanisées par leur propre réussite lors d’entreprises futures. Nous incluons donc une échelle ordinale où les contrevenants font une évaluation de leur propre succès.
Un premier modèle d’analyse des gains criminels
Les résultats d’un premier modèle de régression multiple des gains criminels sont présentés dans le tableau 3. Soulignons d’entrée de jeu que de trois à cinq sujets aux revenus particulièrement faibles ont généré un résiduel indûment élevé, faisant ainsi augmenter le niveau d’erreur de prédiction de l’équation. Étant donné le peu d’importance théorique que nous accordons à ces exceptions, nous les avons retirées de l’échantillon. Notons également que les valeurs manquantes de 9 des 15 variables ont été remplacées par leur moyenne afin de limiter la perte de sujets. La proportion de remplacement est toutefois inférieure à 3 % pour chacune des variables. Le modèle est globalement significatif et explique 35 % de la variation des gains criminels entre les individus.
Tel qu’il était attendu, les gains criminels mensuels sont subordonnés à la fréquence de la commission d’actes criminels au cours d’un mois typique. Les individus qui commettent plus de crimes ont généralement des revenus criminels plus élevés (0,14 **). L’effet de la fréquence de la commission d’infractions n’est toutefois pas aussi décisif lorsque l’on fait intervenir d’autres facteurs, notamment ceux qui apprécient davantage l’aspect qualitatif de l’acte criminel. En outre, si la fréquence des actes mérite d’être contrôlée lorsque l’on étudie le succès financier, d’autres facteurs semblent avoir un effet tout aussi déterminant, sinon plus.
C’est notamment le cas de la criminalité stratégique. Nos résultats indiquent que le délinquant qui utilise un certain nombre de tactiques pour favoriser le gain maximal, tromper la vigilance des victimes et préparer sa fuite déclare des gains criminels plus élevés que les autres (0,30 **). Ces résultats favorisent les théories de la criminalité de l’acte qui reconnaissent aux délinquants la capacité de faire des choix rationnels et stratégiques, dans une dynamique d’affrontement avec ceux qui veulent les tenir en échec (Cusson et Cordeau, 1994). Non seulement les gains criminels augmentent-ils au fur et à mesure que le délinquant se montre stratégique, mais cette variable a un effet plus puissant que la fréquence des délits qu’il commet. Comme quoi le simple fait de commettre des crimes à fréquence plus élevée ne garantit pas le même succès que la coordination judicieuse des efforts dans l’atteinte d’un résultat.
En contrôlant les autres variables, les personnes que nous qualifions de spécialistes semblent également mieux réussir que les autres (0,11 **). McCarthy et Hagan (2001) étaient arrivés à des conclusions similaires, en démontrant que les profits quotidiens de jeunes vendeurs de drogues augmentaient en fonction du capital humain criminel acquis par l’entremise de la spécialisation. Dans le cas qui nous occupe, la spécialisation se traduit par des gains criminels plus élevés d’environ 1 200 $ par mois. Par contre, le fait que le délinquant soit polyvalent, qu’il concentre exclusivement ses activités dans des crimes de prédation ou qu’il soit enclin à collaborer n’intervient pas de façon significative dans sa quête du succès.
Les résultats nous indiquent également que les gains criminels augmentent en fonction de l’âge (0,17 **) des individus, suggérant ainsi que l’apprentissage et l’expérience dans le milieu criminel revêtent une certaine importance pour expliquer le succès. Le nombre de condamnations antérieures (0,13 **) vient également appuyer cette hypothèse. Si l’on considère que les séjours en prison multiplient à la fois les opportunités d’apprentissages relatifs au milieu criminel, tout en favorisant les chances de nouer des liens utiles et significatifs avec des personnes issues de ce même milieu, l’association positive entre le nombre d’antécédents et les gains criminels témoignerait alors de l’influence du capital humain et social criminel dans l’obtention du succès.
En revanche, l’instruction (0,05) et l’origine ethnique (0,06) semblent avoir un effet plutôt limité sur la capacité des individus à générer des gains criminels. McCarthy et Hagan (2001) avaient aussi obtenu des résultats similaires dans leur modèle de régression multiple appliqué à de jeunes vendeurs de drogues.
Par ailleurs, les personnes qui avaient un emploi légitime avaient tendance à obtenir des gains criminels moins importants (- 795 $ par mois) une fois toutes les autres variables contrôlées. Cette relation significative, quoique plutôt faible, peut à notre avis s’expliquer de plusieurs façons : les personnes qui ont un emploi auraient tendance à avoir une criminalité moins intense, soit par manque de temps (Erlich, 1973), soit parce qu’il ne s’agit pour elles que d’un revenu d’appoint (Holzman 1983), soit, enfin, parce qu’elles jouiraient d’une meilleure intégration sociale et donc seraient moins assimilées au milieu criminel (McCarthy et Hagan, 1995).
Plus troublant et inattendu est le résultat qui indique que l’usage de la violence contribue à majorer les gains criminels. Les personnes qui ont commis au moins un acte de violence au cours de la période de référence ont en effet rapporté des gains significativement plus élevés que les autres, bien que cette relation demeure relativement modeste (0,09 *). Si la relation modérée nous indique que la violence n’est pas une condition sine qua non de la réussite, elle semble cependant bien servir les délinquants : l’écart mensuel se situe à 688 $ en faveur de ceux qui ont avoué avoir commis un geste violent. Évoluant dans un milieu ponctué de conflits et d’incidents violents, la brutalité circonstancielle, mais nécessaire, pourrait leur donner un avantage concurrentiel. Une autre possibilité serait que des enjeux financiers plus élevés soient simplement plus susceptibles de favoriser les conflits violents (Cordeau, 1990).
À l’opposé, la consommation problématique d’alcool semble clairement se démarquer (-0,14 **) parmi les variables qui ont un effet négatif. Le contrevenant qui éprouve des difficultés à contrôler sa consommation et qui avoue avoir un problème avec l’alcool fait environ 1 330 $ de moins par mois que celui qui n’en a pas. Notons que les délinquants aux prises avec un problème d’alcool sont aussi plus nombreux à se considérer comme des mésadaptés, des batailleurs ou des personnes ayant un mauvais caractère, et sont évidemment beaucoup plus nombreux à commettre leurs délits sous l’effet de l’alcool. La consommation de drogues dures ne semble pas avoir d’effet, ni à la hausse ni à la baisse.
Finalement, les personnes qui ont des gains criminels élevés considèrent aussi avoir du succès dans leur criminalité (0,09 *). Ce résultat, qui pourrait en apparence sembler tautologique ne l’est pas si l’on considère que les personnes qui ont eu du succès devraient être galvanisées par leur propre réussite lors d’entreprises futures. De façon générale, les attentes sont modulées par les expériences passées ou celles vécues par les autres. Des attentes élevées favorisent la motivation et les niveaux de performance élevés (Vallerand et Losier, 1993). À ce titre, le succès renforce la confiance en soi qui, elle, nourrit les ambitions.
Analyses supplémentaires
Dans un premier temps, nous avons entrepris d’intégrer à notre modèle de base les différents types de crimes sous leur forme dichotomique afin de vérifier si, toutes choses étant égales, la participation à un délit particulier est susceptible de générer des profits plus élevés. Les résultats du modèle de régression démontrent que la participation à une forme particulière de crime n’a pas d’effet à la hausse ou à la baisse sur les gains criminels des individus. En conséquence, évaluer si le crime est payant en regroupant les contrevenants sur la base de leur crime prédominant comme l’ont fait Wilson et Abrahamse (1992) constitue une erreur de spécification. La réussite financière des délinquants dépend donc davantage de la qualité du modus operandi ou même de la fréquence de la criminalité que du choix de commettre ou non un type de délit. En somme, il n’y aurait pas de bons ou de mauvais crimes au chapitre du succès financier, uniquement de bons ou de mauvais criminels.
Dans le cadre du sondage de la Rand, les détenus ont évoqué plusieurs finalités pour justifier leurs comportements criminels. Ces finalités sont en fait les résultats que se proposaient d’atteindre les délinquants par la criminalité (Cusson, 1981). Certaines finalités peuvent, bien sûr, favoriser une hausse des gains illicites, particulièrement lorsque l’objectif avoué du délit est de nature pécuniaire. Nous avons donc intégré un certain nombre d’entre elles à notre modèle de base. Parmi les motivations que nous avons intégrées à notre modèle, une seule est associée aux gains illicites. La relation est toutefois négative. De toute évidence, les personnes qui commettent des crimes pour vivre des sensations fortes ou pour le simple plaisir de la chose font sensiblement moins d’argent que les autres (-0,118 **). Fait intéressant à noter, les personnes qui désirent se procurer de l’argent pour avoir du bon temps ne sont pas nécessairement celles qui en font le plus, une fois contrôlé l’effet des autres variables. Comme quoi le désir de faire de l’argent ne peut à lui seul garantir que les gains financiers seront effectivement au rendez-vous.
Le lien détecté entre la violence et la criminalité lucrative nous incite par ailleurs à vérifier plus en détail la nature de cette relation. La troisième variante du modèle considère uniquement les personnes qui ont commis des actes de violence au cours de la période de référence. Nous avons toutefois remplacé la variable dichotomique de la violence par la fréquence de la commission d’agressions. Même si les actes de violence demeurent relativement rares, plus les contrevenants de ce sous-groupe commettent des actes de violence, plus élevés sont les gains criminels déclarés (0,141 **). Non seulement les délinquants qui ont fait usage de la violence au cours de la période de référence ont-ils déclaré des gains criminels plus élevés que les autres, mais la fréquence des gestes violents est associée positivement aux revenus criminels. En conséquence, nous croyons qu’il sera essentiel d’étudier plus en profondeur la dynamique particulière qu’entretient la violence avec les gains criminels notamment les contextes particuliers où la violence serait bénéfique ou concurrentielle, voire même rentable.
Enfin, la littérature a souvent fait un lien étroit entre la consommation de drogues et la criminalité lucrative. Certains répondants ont affirmé faire usage de drogues dures au cours de la période fenêtre. Dans une dernière variante du modèle de base, nous avons remplacé la variable dichotomique de consommation de drogues dures (oui-non) par la fréquence de la consommation des sujets toxicomanes. Si, parmi l’ensemble des sujets de notre échantillon, le fait de consommer ou non une drogue dure ne semble pas avoir d’effet significatif sur les gains criminels, la fréquence de la consommation parmi le sous-groupe des toxicomanes a un effet certain (0,163**). La consommation de drogues semble donc avoir un effet motivationnel seulement lorsqu’elle devient plus fréquente.
Discussion et conclusion
La pénurie de travaux sur le succès de la carrière criminelle s’explique vraisemblablement par la motivation première de la recherche en criminologie : celle de servir les besoins du système de justice pénal. Dans ce contexte, le succès et les profits qu’apporte la criminalité à ses auteurs revêtent un intérêt bien secondaire en comparaison des travaux sur la prévention ou la dissuasion. Pourtant, le seul fait qu’il existe une association statistique entre les gains criminels et la récidive justifie, à notre avis, la poursuite de la recherche dans cette direction. En effet, les gains financiers peuvent contribuer à expliquer, en partie du moins, pourquoi un si grand nombre de délinquants récidivent. Peu dissuadés par les coûts du crime en comparaison de ce que le crime leur rapporte, l’abandon de la carrière criminelle n’irait pas nécessairement de soi pour plusieurs d’entre eux, malgré l’imposition de sanctions à répétition. Cette hypothèse comporte à notre avis autant de mérite, sinon davantage, que la théorie du contrôle de soi (Gottfredson et Hirshi, 1990) qui impute au « présentisme » ou « à la conduite d’échec » l’essentiel des causes de la récidive. D’un strict point de vue pratique, le système de justice aurait également tout intérêt, à la lumière de ce qui précède, à apprécier davantage ce que le crime rapporte à ses auteurs, particulièrement lors de la détermination de la sentence, afin que l’effet dissuasif recherché ne soit pas neutralisé d’office par des gains plus élevés.
Nous avons par ailleurs émis l’hypothèse que les gains criminels ne se distribuent pas également entre les délinquants et que les différences observées ne sont pas le fruit du hasard. Nos résultats nous indiquent en effet qu’à l’instar des entrepreneurs légitimes, un petit pourcentage d’individus réussissent à obtenir des gains considérables, tandis que la majorité réussit tout de même à retirer des profits « satisfaisants » sans qu’ils ne soient nécessairement optimaux. Cette distribution inégale des gains criminels entre les contrevenants semble s’expliquer, d’une part, par des facteurs antécédents propres à l’individu lui-même ou son environnement social et, d’autre part, par des facteurs intervenants extérieurs à la personnalité du délinquant et qui se rapportent, cette fois, aux circonstances qui précèdent le passage à l’acte.
Parmi les facteurs antécédents, l’âge et le nombre de condamnations antérieures, que l’on peut associer à la fois à l’accumulation de capital humain et social, sont liés positivement aux revenus criminels. En contrepartie, la participation à un emploi conventionnel, témoin d’une plus grande intégration dans un milieu légitime et conformiste, est associée négativement à l’accumulation de gains criminels. Étant donné l’effet possible de l’attrition dans la carrière criminelle, une étude par panel serait toutefois nettement préférable pour confirmer ces relations. Par ailleurs, le capital humain conventionnel, mesuré ici par le niveau d’éducation, n’explique que bien peu la variation des gains criminels, à moins qu’il ne s’agisse d’une relation antécédente que seul un modèle de séquence causale peut capter. Enfin, la confiance en soi, qui se nourrit du succès mais qui semble également en être le vecteur, est également associée à des gains criminels plus élevés.
En ce qui a trait aux variables intervenantes, les résultats remettent d’abord en question la croyance à l’effet que certains types de crimes devraient nécessairement générer des profits plus importants à leurs auteurs. Ce n’est pas l’acte criminel en soi qui génère les profits mais celui qui le pose. Les individus qui sont en mesure d’élaborer un certain nombre de stratégies pour assurer le succès de leur entreprise, ceux qui déploient une tactique criminelle adaptée, ceux qui planifient leurs délits ou qui se spécialisent font aussi des profits beaucoup plus importants que les autres.
L’autre résultat particulier de cette recherche est le lien persistant et plutôt robuste qui existe entre les gains criminels et les actes de violence. Les personnes qui ont commis un acte de violence au cours de la période de référence ont des revenus criminels plus élevés. Plus la fréquence des gestes violents augmente, plus élevé est alors le niveau de profit chez ces personnes. Vraisemblablement stratégique, la violence (qu’elle soit réelle ou implicite) peut servir à régulariser les transactions, gérer un conflit lié à la compétition, prévenir ou réprimer la délation. Quiconque en fait un usage parcimonieux pourrait en retirer un avantage concurrentiel. C’est du moins ce que supposent nos résultats.
Notre recherche comporte néanmoins sa part de limites. L’analyse des données de la Rand aborde la question de la co-délinquance de façon rudimentaire et ne permet pas de capter adéquatement toute la notion des réseaux criminels. De plus, le questionnaire limitait en grande partie les infractions lucratives aux crimes de prédation, négligeant largement la criminalité de marché et les crimes commerciaux, également des sources appréciables de revenus (Naylor, 2003).
En terminant, une notion formulée à plusieurs reprises par Bourgois (1995) mériterait à notre avis beaucoup plus d’attention dans l’étude du succès de la carrière criminelle. Cette notion est celle de street smart (ou « l’intelligence de la rue »), un concept plus ou moins bien défini, qui se caractériserait notamment par un mélange de perspicacité, de bon jugement, de débrouillardise et de compétence sociale. Les street smart seraient intellectuellement doués, mais pas formellement instruits. Autodidactes, ils auraient tendance à observer, à écouter, à recueillir de l’information auprès d’autres personnes et à la mettre à profit au moment opportun. Leur compréhension instantanée des règles de la rue et des interactions sociales parmi les délinquants en ferait des personnes supérieures à la moyenne. La définition et l’opérationalisation de ce concept auprès des acteurs du crime nous ramèneraient, selon toute vraisemblance, aux dimensions du succès de la carrière criminelle.
Parties annexes
Annexe
Annexe
Notes
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[1]
Cet article reprend l’essentiel d’un mémoire de maîtrise dirigé par M. Pierre Tremblay, professeur à l’École de criminologie de l’Université de Montréal. Les opinions exprimées dans ce texte sont celles de l’auteur uniquement et ne représentent d’aucune façon les positions du ministère de la Sécurité publique du Québec. L’auteur tient à remercier M. Tremblay pour les nombreux conseils lors de la rédaction du mémoire. Plusieurs idées et hypothèses formulées sont en effet les siennes.
-
[2]
n = 624 détenus incarcérés dans 5 prisons californiennes.
-
[3]
La procédure et les caractéristiques de l’échantillon ont été décrites dans plusieurs ouvrages. Voir à ce sujet Peterson et Braiker (1981), Chaiken et Chaiken (1982) ainsi que Visher (1986).
-
[4]
Il s’agit en fait d’une pondération de l’échantillon proportionnelle à 1/Tk alors que Tk représente la durée de la sentence.
-
[5]
L’ajustement est basé sur l’indice des prix à la consommation aux États-Unis publié par le Bureau of Labor Statistics (1978-2002) <http://www.bls.gov/>.
-
[6]
Le temps passé en incarcération au cours de deux périodes de référence antérieures (W1 et W2) est fortement corrélé (0,540 **). De plus, le temps passé en incarcération au cours de ces deux périodes est associé négativement (-0,353 **) au nombre de mois passés en liberté au cours de notre période de référence (W3). Tous les détenus qui ont déclaré ne pas avoir été incarcérés (49 %) durant notre période de référence ont reçu la valeur zéro. Pour les autres, le temps passé en incarcération en W3 a été estimé à partir de la moyenne du temps passé en incarcération au cours des deux périodes fenêtre précédentes (W1 et W2).
-
[7]
Les personnes qui ont été arrêtées ou interrogées par la police, mais qui n’ont fait l’objet d’aucune condamnation, n’ont pas été considérées comme récidivistes.
-
[8]
Une analyse préliminaire nous montre certains signes de curvilinéarité dans cette relation : un accroissement des revenus suivi d’une stabilisation. L’âge sera donc ramené à son logarithme pour tenir compte de cette réalité et assurer une certaine linéarité à la relation. Une stratégie alternative consisterait à inclure une variable (age - µ)2 dans le modèle de régression afin de capter spécifiquement la composante quadratique, mais la faiblesse de la relation une fois les autres variables contrôlées ne semble pas le justifier.
-
[9]
Les Noirs sont à la fois le groupe majoritaire et surreprésentés (45 %) par rapport à leur poids démographique dans la population américaine. Le pourcentage de Noirs aux É.-U. est estimé à 11,7 % de la population totale en 1980 (Source : U.S. Census Bureau, Population Division, Racial Statistics Branch).
-
[10]
(alpha : 0,83).
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