Volume 20, numéro 2, décembre 2022 Sous la direction de Christophe Huynh
Sommaire (5 articles)
Résultats de recherche
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Présenter ou non une utilisation problématique d’Internet : le point de vue de l’usager, du clinicien et de l’Internet Addiction Test
Lily Trudeau-Guévin, Magali Dufour, Mathieu Goyette, Sylvie R. Gagnon, Louise Nadeau, Djamal Berbiche et Émelie Laverdière
p. 1–22
RésuméFR :
Objectifs : L’évaluation de l’utilisation pathologique d’Internet (UPI) repose essentiellement sur des questionnaires autorapportés, sans égard à l’ensemble des points de vue possibles. Cette recherche vise à documenter différentes sources d’information pour évaluer la présence d’une UPI. L’étude compare la perception de jeunes en traitement pour une UPI quant à leur problématique avec celle d’un clinicien et celle d’un instrument de mesure l’Internet Addiction Test (IAT).
Méthode : 74 participants âgés de 14 à 17 ans ont été recrutés à travers des centres de traitement en dépendance. Ils ont complété l’IAT et pris part à une entrevue semi-structurée évaluant la présence d’une UPI et leur perspective par rapport à celle-ci. Au terme de l’entrevue, les cliniciens ont statué sur la présence ou non d’une UPI et expliqué les raisons étayant leur jugement. Les jeunes ont également statué et expliqué leur vision de la nature de leur problématique. La concordance entre les points de vue a été dégagée à partir d’analyse de répartition des fréquences. Une analyse qualitative a aussi été réalisée sur les raisons justifiant la présence d’une problématique.
Résultats : Les évaluations des jeunes, des cliniciens et de l’IAT concordaient dans 59,5 % des cas. Les raisons les plus fréquemment mentionnées par les jeunes et les cliniciens pour expliquer la présence d’une UPI sont : la présence de méfaits, la difficulté de contrôle et le grand nombre d’heures passées en ligne.
Conclusions : Les résultats suggèrent qu’il existe des divergences entre la perception des jeunes, des cliniciens et le score à l’IAT. Les raisons mentionnées par les deux parties pour expliquer leur jugement s’arriment aux critères diagnostiques recensés dans la littérature. Cette étude souligne l’importance de prendre en compte différents points de vue dans l’établissement de critères diagnostiques d’une condition émergente comme l’UPI.
EN :
Aims : An evaluation of problematic Internet use (PIU) is essentially based on self-reported questionnaires, without regard for all possible points of view. The goal of this study is to document different sources of information used to consider PIU. The study compares the perception of adolescents being treated for PIU regarding their condition with that of clinicians’ and to Internet Addiction Test scores (IAT).
Methods : 74 participants aged 14 to 17 were recruited in various addiction treatment centres. They completed the IAT and participated in semi-structured interviews evaluating presence of PIU and their perception of the latter. At the end of the interviews, the clinicians evaluated whether or not there was PIU and provided detailed explanations of their answers. The various reasons given by users and clinicians were established based on the responses given, and descriptive and frequency distribution analyses were carried out. A frequency distribution analysis was used to identify similarities among different viewpoints.
Results : In 59.5 % of cases, all three points of view concerning a participant’s condition were in agreement. The reasons most frequently given by adolescents and clinicians to support their choice of attributing a PIU were presence of risks, control issues, and very high number of hours spent online.
Conclusions : The results suggest that although there are differences between the perceptions of adolescents undergoing treatment and clinicians, and IAT scores, the reasons given by both parties to explain their assessments meet the diagnosis criteria reported in the literature. Our study highlights the importance of considering various points of view to establish emerging condition such as PIU.
ES :
Objetivos: La evaluación del uso patológico de Internet (UPI) reposa principalmente sobre cuestionarios auto presentados, sin tener en cuenta el conjunto de los puntos de vista posibles. Esta investigación apunta a documentar diferentes fuentes de información con el fin de evaluar la presencia de un UIP. El estudio compara la percepción de los jóvenes en tratamiento por un UIP debido a su problemática con la de un clínico y con el instrumento de medida Internet Addiction Test (IAT) (test de adicción al internet).
Método: 74 participantes cuyas edades oscilan entre los 14 y los 17 años y que fueron reclutados a través de los centros de tratamiento de la dependencia, completaron una prueba IAT y participaron de una entrevista semiestructurada para evaluar la presencia de un UPI y su perspectiva con respecto al mismo. Al final de la entrevista, los clínicos determinaron si había o no presencia de un UPI y explicaron sus razones, detallando su opinión. Los jóvenes determinaron también la naturaleza de su problemática y explicaron su visión sobre la misma. La concordancia entre los puntos de vista se estableció a partir de un análisis de repartición de frecuencias. Se realizó asimismo un análisis cualitativo sobre las razones que justificaban la presencia de una problemática.
Resultados: Las evaluaciones de los jóvenes, de los clínicos y de la prueba IAT coincidían en el 59,5 % de los casos. Las razones que los jóvenes y los clínicos mencionaban con más frecuencia para explicar la presencia de un UPI son: la presencia de fechorías, la dificultad de control y la gran cantidad de horas pasadas en línea.
Conclusiones: Los resultados sugieren que existen divergencias entre la percepción de los jóvenes, de los clínicos y del puntaje en la prueba IAT. Las razones mencionadas por las dos partes para explicar sus opiniones se acercan a los criterios de diagnóstico mencionados en la bibliografía. Este estudio subraya la importancia de tomar en cuenta diferentes puntos de vista en el establecimiento de criterios de diagnóstico de una condición emergente como el UPI.
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Cadrage des modèles de régulation du cannabis : entre concurrence et complémentarité
Gabriel Lévesque
p. 23–47
RésuméFR :
Contexte et objectif : Au cours de la dernière décennie, une vague sans précédent de légalisations du cannabis a eu lieu. Plusieurs travaux sur cet enjeu s’intéressent à sa dimension réglementaire, dans une démarche favorisant le débat sur les meilleurs moyens d’encadrer la production, la vente et la consommation de cannabis. Un nombre plus restreint d’études s’intéresse aux discours entourant la légalisation du cannabis. Parmi ces dernières, aucune à notre connaissance ne tente de raccrocher l’analyse du discours aux conceptualisations de son encadrement. Cet article a pour objectif de combler cette faille.
Question de recherche et méthodologie : Nous posons la question de recherche suivante : comment diverses visions de la réglementation du cannabis se reflètent-elles dans les discours entourant les politiques de légalisation du cannabis ? Pour répondre à cette question, nous procédons à l’analyse comparative de cadrage des débats parlementaires et des mémoires en commissions au Québec (projet de loi no 2) et en Ontario (projet de loi no 36) lors de la reformulation de leur politique initiale de légalisation. La grille d’analyse de cadrage est formée à partir d’une typologie des modèles de régulation du cannabis proposée par Beauchesne (2020).
Résultats et implications : Nous montrons en premier lieu que la nature des cadres utilisés et les modèles types de la régulation dont ils témoignent varient en fonction des cas d’étude et des acteurs en présence. Nous montrons en second lieu que plusieurs modèles de régulation sont mobilisés au sein des discours de manière à la fois concurrente et complémentaire. En somme, l’article permet de souligner en quoi le cadrage des politiques en matière de drogues est de nature stratégique, dans un espace de débats où plusieurs visions de l’enjeu tentent de prévaloir.
EN :
Context and objective: Over the past decade, there has been an unprecedented surge in cannabis legalization. Several studies on the issue focus on its regulatory dimension, fostering debates on how best to regulate the production, sale and consumption of cannabis. Fewer studies focus specifically on the discourse surrounding cannabis legalization. Of these, no research to our knowledge attempts to link discourse analysis to conceptualizations of its regulation. This article aims to fill this gap.
Question and methods: I ask the following research question: How are various understandings of cannabis regulation reflected in discourse on cannabis legalization policies? I perform comparative framing analysis of parliamentary debates and committee briefs in Quebec (proposed bill 2) and Ontario (proposed bill 36) as part of the reformulation of their initial legalization policy. The analytical grid for framing analysis is built from a typology of cannabis regulation models laid out by Beauchesne (2020).
Results and implications: I first show that the nature of the frames used and regulation models they reflect vary across cases and policy actors. Second, I show that several regulation models are mobilized within discourse in a competitive and complementary fashion. Ultimately, this paper underlines how framing of drug policies is strategic in nature, in a realm of debates where multiple visions of the issue attempt to prevail.
ES :
Contexto y objetivo: Durante el último decenio tuvo lugar una ola sin precedente de legalización del cannabis. Numerosos trabajos sobre el tema se interesan a su dimensión reglamentaria, con un enfoque que favorece el debate sobre los mejores medios de encuadrar la producción, la venta y el consumo del cannabis. Una cantidad más restringida de estudios se interesa a los discursos que giran en torno a la legalización del cannabis. Entre estos últimos, no conocemos ninguno que intente acoplar el análisis del discurso a las conceptualizaciones sobre su encuadre. Este artículo tiene como objetivo llenar ese vacío.
Cuestión de investigación y metodología: Planteamos la siguiente pregunta de investigación: ¿De qué manera se reflejan diversas visiones de la reglamentación del cannabis en los discursos sobre las políticas de legalización del mismo? Para responder a la pregunta, procedemos al análisis comparativo de encuadre de los debates parlamentarios y de los documentos presentados en comisiones en Quebec (proyecto de ley 2) y en Ontario (proyecto de ley 36) durante la reformulación de su política inicial de legislación. La cuadrícula de análisis del encuadre se formó a partir de una tipología de los modelos de regulación de cannabis propuesto por Beauchesne (2020).
Resultados y consecuencias: Mostramos en primer lugar que la naturaleza de los marcos utilizados y los modelos tipo de la regulación que los mismos expresan varían en función de los casos de estudio y de los actores en presencia. Mostramos en segundo lugar que en el seno de los discursos se movilizan numerosos modelos de regulación de manera a la vez competitiva y complementaria. En síntesis, el artículo permite subrayar en qué medida el encuadre de las políticas de drogas es de naturaleza estratégica, en un espacio de debates en el que varias visiones sobre la cuestión pugnan por prevalecer.
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Surdoses au Québec et inégalités sociales de santé
Antoine Bertrand-Deschênes, André-Anne Parent et Miguel Bergeron-Longpré
p. 48–71
RésuméFR :
À la demande d’un regroupement d’organismes communautaires intervenant auprès d’utilisateurs de drogues, une équipe de recherche de l’École de travail social de l’Université de Montréal a été sollicitée pour procéder à une analyse de contenu des rapports du coroner dans les cas de décès par surdose. Ce travail de recherche s’inscrit dans le contexte de la crise des opioïdes qui touche le Québec et le Canada. Le but de ce projet était de déterminer comment les rapports d’investigation des coroners peuvent améliorer la compréhension de la crise des surdoses et alimenter les actions à prendre face à celle-ci. La recherche propose une analyse de contenu de 340 rapports de personnes décédées en 2017 au Québec et dont la cause probable du décès est liée à la consommation d’au moins une substance. Cet article présente les résultats liés au contexte social et à l’état de santé des personnes décédées de surdose selon les données fournies par les rapports de coroner. Le cadre théorique des déterminants de la santé est utilisé, permettant d’adopter une approche globale peu exploitée en intervention. Démontrant que la crise est bien plus qu’une crise des opioïdes, nos résultats mettent en lumière la surreprésentation des problèmes de santé physique et mentale chez les personnes décédées par surdose en plus des enjeux socioéconomiques sous-jacents. Ultimement, nous espérons que cette lecture plus englobante de la crise des surdoses sévissant au Québec et qui préoccupe intervenants, acteurs de santé publique, décideurs politiques et plusieurs autres contribuera à développer une meilleure réponse face à cet enjeu.
EN :
At the request of a group of community organizations working with drug users, a research team from the School of Social Work of the University of Montreal was asked to conduct a content analysis of the coroner’s reports in overdose death cases. This research project takes place in the context of the opioid crisis occurring in Quebec and Canada. The aim of this project was to determine through a content analysis of investigative reports how they can improve the understanding and actions to be taken against the overdose crisis. The research offers a content analysis of such reports of 340 people who died in 2017 in Quebec and whose probable cause of death is linked to the use of at least one substance. This paper presents the results related to the health and social context of the overdose decedents based on the data provided in the coroner’s investigation reports. The theoretical framework of the determinants of health is used, allowing us to adopt a global approach unfortunately little used in intervention. Showing that the crisis is much more than an opioid crisis, our results highlight the overrepresentation of physical and mental health problems among people who have died from overdoses, in addition to the underlying socioeconomic issues. Ultimately, we hope that this comprehensive reading of the overdose crisis raging in Quebec and which concerns stakeholders, public health actors, policy makers, and many others, will help develop a better response to this issue.
ES :
Una agrupación de organismos comunitarios que intervienen con consumidores de drogas solicitó a un equipo de investigación de la Escuela de Trabajo Social de la Universidad de Montréal la realización de un análisis de contenido de los informes forenses en los casos de muerte por sobredosis. Este trabajo de investigación se inscribe en el contexto de la crisis de los opioides que afecta Québec y Canada. El proyecto tenía como objetivo determinar de qué manera los informes forenses pueden mejorar la comprensión de la crisis de las sobredosis y alimentar las acciones que deben llevarse a cabo para enfrentarla. La investigación propone un análisis de contenido de los informes referidos a 340 personas fallecidas en 2017 en Québec y cuya causa probable de muerte está relacionada con el consumo de por lo menos una sustancia. Este artículo presenta los resultados relacionados con el contexto social y el estado de salud de las personas fallecidas de sobredosis según los datos proporcionados por los informes forenses. Se utiliza el marco teórico de los determinantes de la salud, lo que permite adoptar un enfoque global poco explotado la práctica. Nuestros resultados, al demostrar que la crisis es mucho más que una crisis de opioides, destacan la excesiva representación de los problemas de salud física y mental entre los fallecidos por sobredosis, además de las cuestiones socioeconómicas subyacentes. Finalmente, esperamos que esta lectura más global de la crisis de sobredosis que padece Québec, y que preocupa a los intervinientes, a los agentes de salud pública, a las a autoridades políticas y muchos otros, contribuirá al desarrollo de una mejor respuesta ante este problema.
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Drogues et violence chez les adolescents et les adolescentes d’écoles secondaires québécoises
Elisabeth Lacharité-Young, Natacha Brunelle, Danielle Leclerc, Michel Rousseau, Joël Tremblay et Magali Dufour
p. 72–102
RésuméFR :
L’adolescence constitue une période propice à l’adoption de conduites déviantes. La consommation de substances psychoactives (SPA) et la délinquance figurent parmi ces conduites. Qu’il s’agisse de délinquance lucrative ou violente, cette conduite entretient des relations complexes avec la consommation. Cette étude vise à documenter les habitudes de consommation et la délinquance violente chez des jeunes d’une population scolaire. Il a aussi pour objectif de vérifier si la vente de drogue et le type de SPA consommées permettent de prédire l’appartenance à un groupe ayant commis ou non des délits violents. Enfin, il vise à vérifier le rôle modérateur du sexe et de l’impulsivité dans les relations drogue-violence. Un questionnaire sur les habitudes de consommation (DEP-ADO), un sur la délinquance (MASPAQ) et un autre sur le niveau d’impulsivité (version abrégée d’Eysenck) ont été administrés en 2014 à 1 440 jeunes âgés de 15 à 18 ans. Les résultats montrent que les jeunes qui ont vendu de la drogue étaient plus à risque d’avoir commis des délits violents que les jeunes ne s’adonnant pas à cette pratique. Le type de SPA consommées tendrait aussi à être associé à la commission de délits violents, les consommateurs à la fois d’alcool et de cannabis ainsi que les polyconsommateurs étant plus susceptibles d’avoir commis des délits violents que les non-consommateurs. Les effets d’interactions du sexe et de l’impulsivité sont absents.
EN :
Adolescence is a period that is conductive to the adoption of deviant behaviors, including psychoactive substance use and delinquency. Whether the delinquency is lucrative or violent, this behavior has complex relationships with substance use. This study aimed to document substance use habits and delinquency among boys and girls of this high school sample. The objective was also to verify the influence of selling drugs and the type of substance used on violent crime perpetration. Finally, the goal was to verify the moderating role of sex and impulsivity in drug-violence relationships. One questionnaire on substance use habits (DEP-ADO), one on delinquency (MASPAQ), and another on impulsivity levels (Eysenck’s short version) were administered in 2014 to 1,440 youth aged 15 to 18 years. The results showed that selling drugs tending to predict the perpetration of violent crimes. The type of substance used tending to predict the perpetration of violent crimes too ; alcohol and cannabis users as well as polydrug users were more likely than non-users to have committed violent crimes. Effects of sex and impulsivity interactions were not found.
ES :
La adolescencia constituye un período propicio para la adopción de conductas desviadas. El consumo de sustancias psicoactivas (SPA) y la delincuencia figuran entre estas conductas. Ya se trate de la delincuencia lucrativa o violenta, esta conducta mantiene relaciones complejas con el consumo. Este estudio apunta a documentar los hábitos de consumo y la delincuencia violenta entre los jóvenes de una población escolar. Tiene también como objetivo verificar si el tipo de SPA consumida permite predecir la pertenencia a un grupo que haya cometido o no delitos no violentos. Finalmente, busca verificar el papel moderador del sexo y de la impulsividad en las relaciones droga-violencia. En el 2014 se administró a 1440 jóvenes de 15 a 18 años un cuestionario sobre los hábitos de consumo (DEP-ADO), sobre la delincuencia (MASPAQ) y otro sobre el nivel de la impulsividad (versión abreviada de Eyseneck). Los resultados indican que los jóvenes que habían vendido droga corrían más riesgos de haber cometido delitos violentos que los jóvenes que no lo habían hecho. El tipo de SPA consumido tendería también a estar asociado con la comisión de delitos violentos, siendo los consumidores de alcohol y cannabis juntos y los policonsumidores más susceptibles de haber cometido delitos violentos que los no consumidores. Los efectos de las interacciones del sexo y la impulsividad están ausentes.