Comptes rendus : Études stratégiques et sécurité

The Nuclear Challenge. us-Russian Strategic Relations After the Cold War.Bluth, Christoph. Aldershot, Ashgate, 2000, 190 p.[Notice]

  • Jean Lévesque

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  • Jean Lévesque
    Département d’histoire
    Université de Toronto, Canada

Depuis la fin de la guerre froide, l’école dite néo-réaliste en relations internationales, avec à sa tête des spécialistes comme John Mearsheimer et Kenneth Waltz, soutient que la division Est-Ouest est née naturellement de la balance du pouvoir établie à la fin de la Seconde Guerre mondiale entre les États-Unis et l’Union soviétique, que la guerre froide a offert la stabilité et a permis d’éviter les conflits justement à cause de la bipolarité qui s’est établie et que le monde de l’après-guerre froide nécessite l’établissement d’une nouvelle balance du pouvoir. De plus, la décomposition du bloc soviétique et de l’urss elle-même demande que le monde occidental prenne les devants dans la prévention des conflits dans l’ancien espace soviétique et que les États-Unis maintiennent l’otan, renforcent la défense de ses partenaires européens, surtout la Grande-Bretagne et l’Allemagne, et vont jusqu’à proposer, comme le fait John Mearsheimer que l’Allemagne soit équipée d’armes nucléaires afin de dissuader tout sursaut néo-impérialiste en Europe de l’Est. En opposition à cette vision pour le moins hostile à l’ancien bloc soviétique, Christoph Bluth offre ce petit ouvrage sur le partenariat stratégique russo-américain après la guerre froide, un ouvrage influencé par une vision qu’il définit comme constructiviste et qui suggère que même si le système international est disposé à l’anarchie, ses acteurs peuvent surmonter cette anarchie en partageant des normes et des intérêts communs. C’est exactement de cette façon que les États-Unis et la Russie devraient tenter d’éliminer les dangers posés par leur arsenal nucléaire depuis la fin de la guerre froide. Bluth cherche donc à démontrer dans son ouvrage que même si la possession d’importants arsenaux nucléaires par les deux grands a pu constituer une source de stabilité durant la guerre froide, leur existence même doit maintenant être perçue comme une menace majeure à la sécurité internationale et demande une collaboration étroite, fondée sur des valeurs communes. Christoph Bluth, politologue de l’Université de Leeds en Grande-Bretagne a déjà publié abondamment dans le domaine de la sécurité internationale, plus précisément sur les questions de sécurité en Europe et dans l’ancien espace soviétique, et sur le système et la pensée militaire soviétiques. Bluth divise son ouvrage en sept chapitres, même si le premier et le dernier font plus figure d’introduction et de conclusion que de chapitres à proprement parler. Dans le premier chapitre, le politologue de Leeds définit le cadre épistémologique de son étude en passant en revue les conceptions de base de l’école néo-réaliste, en lui opposant l’approche dite constructiviste et en s’attardant sur ce qu’il appelle « le paradoxe stratégique » de l’après-guerre froide, c’est-à-dire la persistance au sein de l’infrastructure stratégique d’éléments caractéristiques de la guerre froide alors que les éléments nouveaux requis par une nouvelle situation internationale ne sont pas encore apparus. L’otan est un de ces élé-ments, pour ne nommer que celui-là. Dans le second chapitre, Bluth se penche tout particulièrement sur la situation nucléaire des États-Unis et surtout sur les tentatives de réduction partielle de l’arsenal nucléaire américain sous les administrations Bush et Clinton. Les tentatives d’un groupe d’élus, de ministres et de conseillers dirigés par l’universitaire de Harvard, Ashton Carter, célèbre pour avoir participé à l’élaboration du concept de « co-operative denuclearization » avec Graham Allison, Steven Miller et Philip Zelikow ont échoué. L’échec de ces tentatives, selon Bluth, peut être surtout attribué à un manque de volonté politique et à une résistance bureaucratique et militaire. Dans le chapitre suivant, l’auteur analyse la politique russe de coopération nucléaire avec les États-Unis qui a subi plusieurs revers depuis 1994. La Russie a vu son potentiel militaire et stratégique décliner …