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Dans la galaxie des nombreux ouvrages sur les questions liées à la maîtrise des armements et au désarmement, celui dirigé par Jeffrey A. Larsen et James J. Wirtz comporte une caractéristique notable : il est à la fois synthèse judicieuse et analyse didactique, le tout mâtiné de prospective pragmatique. S’il ne s’agit certes pas d’un objet novateur dans l’étude des Relations internationales, force est d’admettre que la maîtrise des armements et le désarmement ont souffert, jusqu’à ces derniers temps, d’une infortune dans l’ordre du jour international et qu’à ce titre un plaidoyer en leur faveur, qui se dégage de la lecture de cet ouvrage, est idoine et adéquat. Si les réquisitoires portés ici et là sont bien connus – souvenons-nous du dossier spécial du Washington Quarterly en 2000 au titre plutôt provocateur « Is Arms Control Dead ? » –, la maîtrise des armements et le désarmement restent effectivement d’une rare pertinence pour la sécurité internationale. Autant l’avancée récente du processus start que l’appel en faveur de l’option zéro, un « monde sans armes nucléaires », lancé en 2007 par d’anciens hauts responsables de l’administration américaine, en sont une illustration saillante.
La dizaine de contributions sont toutes axées autour d’une problématique identique, celle de la plus-value de la maîtrise des armements et de la sécurité coopérative pour la sécurité internationale, véritable fil conducteur de l’ouvrage.
Il existe, tout d’abord, une hypothèque terminologique qu’il convient de lever avant toute étude sur la question. C’est ce à quoi le diplomate américain Ronald F. Lehman, dans l’avant-propos de l’ouvrage, et Jeffrey A. Larsen, dans la contribution intitulée « An Introduction to Arms Control », s’emploient lorsqu’ils apportent quelques éclaircissements sur les termes utilisés dans l’ouvrage. Ainsi, l’expression « maîtrise des armements » (pour Arms Control) qui date du tout début des années 1960, dans un contexte où les États-Unis et l’Union soviétique prirent conscience de la nécessité, pour éviter une guerre nucléaire, de trouver une nouvelle forme de partenariat, est utilisée tantôt dans une conception orthodoxe, tantôt dans une conception extensive. Rappelons que la maîtrise des armements, contrairement au désarmement stricto sensu, cherche à réguler le nombre d’armements (il peut même occasionnellement autoriser une augmentation des forces militaires) et éventuellement leurs caractéristiques et leurs emplois. Les deux termes, aussi différents soient-ils dans leur mise en oeuvre et dans leur philosophie, interfèrent. Dans l’une des autres contributions, intitulée « A Brief History of Arms Control », James M. Smith se penche d’ailleurs sur la profondeur historique des deux phénomènes et montre avec raison que, si le désarmement existe depuis les origines mêmes de la guerre, la maîtrise des armements est un concept bien plus moderne et une stratégie bien mieux adaptée à la situation de la guerre froide. Symbole même de ce concept, le traité de non-prolifération, signé en 1968, gela le nombre d’États autorisés à avoir l’arme nucléaire tout en cherchant à accroître la coopération en matière de nucléaire civil pour, au bout du compte mais à un moment indéterminé, arriver à un monde exempt d’armes nucléaires. James M. Smith poursuit son examen de l’histoire de la maîtrise des armements en analysant notamment sa principale dimension qu’est le bilatéralisme américano- soviétique (russe) nucléaire, le processus salt et start. Le Traité d’interdiction partielle des essais nucléaires, signé au lendemain de la crise de Cuba, est le premier d’une série d’instruments qui vont changer radicalement la nature même des relations entre les deux Grands. Cette évolution est bien analysée dans la contribution écrite par Lewis A. Dunn, « The Role of Cooperative Security ». La sécurité coopérative, alternativement moyen (on désarme pour améliorer les relations entre les parties) et fin (c’est parce que les relations entre les parties sont bonnes qu’on désarme), apparaît donc consubstantielle à cette stratégie qui est, en même temps, une diplomatie. Cette démocratie fut d’ailleurs bousculée par l’administration Bush, qui misait davantage sur des mesures unilatérales et préemptives.
L’ouvrage est aussi complet – les autres contributeurs prolongent avec exhaustivité la réflexion engagée – que pragmatique, rejetant toute vision idéaliste du désarmement. D’ailleurs, son cadre théorique qui fait appel notamment aux paradigmes de Hedley Bull et de Thomas Schelling s’intègre de façon logique et appropriée dans la plaidoirie « réaliste » des auteurs pour la maîtrise des armements. On notera enfin que dans les annexes les auteurs ont eu l’idée astucieuse d’insérer une présentation très claire de tous les régimes de désarmement.
Cet ouvrage, en définitive, n’a qu’un seul défaut, celui d’être excessivement « américano-américain » (ou « anglo-américain », puisque parmi les contributeurs on note toute de même la présence d’une Britannique). On aurait préféré que soit ajouté sur la couverture un sous-titre comme An American Perspective ou alors que plus de contributeurs d’autres régions du monde puissent éclairer le lecteur sur un point de vue moins ethnocentriste. Passé cet écueil, force est de reconnaître que l’ouvrage reste homogène, réaliste, complet, didactique et facile d’accès pour le non-initié aux questions de désarmement.