Volume 1, mars 2012
Sommaire (6 articles)
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Éditorial
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Les contributions de la pédagogie comportementale à l’éducation spécialisée
Jacques Forget
p. 7–45
RésuméFR :
La pédagogie comportementale est apparue au début du 20e siècle avec les travaux d’Edward Lee Thorndike, Frederick Lister Burk et Sidney Pressey. Il faudra cependant attendre l’ouvrage de B.F. Skinner, The technology of teaching, publié en 1968, pour que cette conception de l’enseignement trouve une place appréciable parmi les modèles pédagogiques disponibles dans les écoles. Combiné à l’émergence de nombreuses techniques d’analyse de tâche, d’orientation comportementale ou cognitive, l’enseignement programmé et ses variantes se sont développés de manière importante au cours des années 60 et 70. La technologie de l’instruction est alors devenue un domaine de recherche et une orientation pédagogique légitimes. Dix ans plus tard, l’arrivée d’une conception cognitive « globaliste » de l’apprentissage a rapidement dominé la pensée didactique. Quinze ans plus tard, cette orientation s’est transformée en didactique socioconstructivisme, la version pédagogique du postmodernisme qui se situe aux antipodes de la tradition empirique et du doute rationaliste en attribuant, dans sa version radicale, comme celle de von Glasersfeld (2009), la même valeur épistémologique à toutes les formes de connaissances, qu’elles soient scientifiques, intuitives ou mythiques. L’approche soutient aussi que toutes les compétences d’un enfant, qu’elles soient disciplinaires ou transversales, ne peuvent provenir que de sa propre construction subjective. Mais au-delà de ces transformations, l’enseignement programmé a masqué l’apport de nombreux travaux de recherche qui furent développés dans le contexte de l’éducation spécialisée et de projets d’intégration scolaire et qui donnèrent lieu au développement de modèles et de méthodes d’enseignement s’appuyant sur la psychologie comportementale. Le présent article vise à faire un survol de ces principaux modèles. À la fin de ce panorama, quelques expériences réalisées au Canada français au cours des 50 dernières années sont brièvement présentées.
EN :
Behavioral models of schooling have existed since the work of Edward Lee Thorndike, Frederick Lister Burk and Sidney Pressey. The behavioral approach took an important step forward with the book by B.F. Skinner, The technology of teaching (1968) on programmed instruction. For laypeople and professional practitioners, the behavioral approach to education was exclusively associated with this type of technology. However, in the mid 60s and 70s, direct instruction, personalized instruction, and precision teaching represented some of the most important contributions of the behavioral approach to schooling. Since then, other models like CABAS® or Morningside model of generative instruction have been proposed. The purpose of this paper is threefold. First, it describes the characteristics of these models and their contributions to the field of special education. Second, it discusses some studies in behavioral education which have been attempted in some French schools in Canada. The third purpose is to challenge the validity of the socioconstructivist school reforms that have been established in Québec and other countries over the past 15 years. Compared with behavioral models of schooling, those reforms have never presented empirical-evidence to support their claims or their efficiency with disabled children.
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Une analyse des facteurs de risque dans l’apprentissage de la lecture chez l’enfant
Alain Desrochers, Robyn Carson et Daniel Daigle
p. 47–83
RésuméFR :
Le but de cet article est de discuter des facteurs de risque associés aux difficultés que les enfants d’âge scolaire peuvent éprouver dans l’apprentissage de la lecture. D’entrée de jeu, nous posons que l’instruction publique obligatoire expose les enseignants à toute la diversité des aptitudes à cet apprentissage. On estime que l’enseignement universel, en classe ordinaire, répond aux besoins d’environ 75% des apprentis lecteurs. Mais qu’en est-il des autres? Quels sont les facteurs qui, chez eux, peuvent nuire à l’apprentissage de la lecture? Pour tenter une réponse à cette question, nous faisons d’abord le portrait des principales habiletés qui président au développement des normo-lecteurs. Puis, nous distinguons deux classes de facteurs de risque : les risques individuels et les risques environnementaux. Les risques connus et centrés sur les caractéristiques de l’individu sont associés à l’hérédité, aux déficits sensoriels, aux capacités cognitives générales et aux faiblesses dans le traitement de la langue orale ou écrite. Les facteurs connus et centrés sur le milieu d’apprentissage renvoient principalement aux activités d’enrichissement ou de formation dans le foyer familial ou à l’école. Nous discutons de leur nature et de leur impact sur l’apprentissage de la lecture.
EN :
The goal of this article is to discuss the risk factors associated with the difficulties school-age children may experience when learning to read. To begin, we suggest that with mandatory public instruction teachers must deal with the full range of students’ aptitude for learning to read. It is estimated that universal teaching, in a regular classroom, meets the needs of approximately 75% of beginning readers. But what about the others? What are the factors that, for them, may hinder reading acquisition? To address this issue, we first discuss the key skills that govern the development of normal readers. Then, we distinguish between two classes of risk factors: individual risks and environmental risks. Known individual risks are associated with heritability, sensory deficits, general cognitive abilities and oral and written language impairments. Known environmental risks refer mainly to literacy activities or instruction in the home or at school. We discuss the nature and the impact of these risk factors on reading acquisition.
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Gestion positive des situations de classe : un modèle de formation en cours d’emploi pour aider les enseignants du primaire à prévenir les comportements difficiles des élèves
Nancy Gaudreau, Égide Royer, Claire Beaumont et Éric Frenette
p. 85–115
RésuméFR :
Plusieurs auteurs dénoncent depuis quelques années le manque de formation des enseignants pour gérer efficacement les comportements difficiles des élèves. Afin de soutenir la réussite des élèves qui présentent des difficultés de comportement, il s’avère essentiel de développer des modèles de formation en cours d’emploi qui répondent aux besoins des enseignants. Cet article présente le programme de formation à la gestion positive des situations de classe (GPS), spécialement conçu pour les enseignants du premier cycle du primaire à partir des données probantes de recherches dans le domaine. Il vise le développement des compétences professionnelles des enseignants en matière de gestion de la classe et des comportements difficiles. Les formules pédagogiques proposées ont pour but de soutenir le développement des croyances d’efficacité personnelle chez les enseignants afin de favoriser l’implantation de pratiques éducatives permettant de prévenir les comportements difficiles et de les gérer efficacement en classe.
EN :
Several authors question that the preparation of teachers to effectively manage challenging behaviors in the classroom is insufficient. To support the success of students with behavioral difficulties, it is essential to develop models of training that meet the needs of teachers. This article presents the inservice training program of classroom management, the Programme de formation à la gestion positive des situations de classe (GPS), specially designed for first- and second-grade teachers. It aims to develop professional skills of teachers in classroom management and challenging behaviors. The teaching formulas are proposed to support the development of self-efficacy beliefs among teachers to promote the implementation of educational practices to prevent and deal effectively with difficult behaviors in the classroom.
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Développement socioaffectif d’enfants immigrants de pays en développement : impact du programme ÉgALIté
Dominique Côté, Luc Reid et Marie-Claude Guay
p. 117–143
RésuméFR :
L’objectif de cette étude est d’évaluer l’impact d’un programme de stimulation cognitive, soit le programme ÉgALIté, sur le développement socioaffectif d’enfants d’âge préscolaire, issus de familles immigrantes de pays en développement. Quarante-huit enfants provenant de ces pays, accompagnés par leurs parents, ont été assignés aléatoirement au groupe ÉgALIté ou à un groupe en liste d’attente. Les parents ont complété, avant et après le programme, un questionnaire qui mesure le développement socioaffectif des enfants d’âge préscolaire, soit le Profil socio-affectif (PSA, Dumas, Lafrenière, Capuano, & Durning, 1995). Les résultats montrent que les enfants ayant bénéficié du programme ÉgALIté diminuent leurs problèmes intériorisés et améliorent leur adaptation générale. Des mesures de maintien des acquis ont été prises quatre mois après la fin du programme. On ne relève toutefois plus de différence entre les groupes. Cependant, l’attrition élevée des participants commande la plus grande prudence dans l’interprétation de ces résultats.
EN :
This study aimed at evaluating the impact of a cognitive stimulation program named ÉgALIté on the social-emotional development of preschool immigrant children from developing countries. Forty eight children and their immigrant parents were randomly assigned to the ÉgALIté group or to a waiting list group. Parents completed a socioaffective development questionnaire, the Profil socioaffectif (PSA, Dumas, Lafrenière, Capuano, & Durning, 1995), before and after the program. The results show that children of the ÉgALIté group decrease their internalized problems and increase their global adaptation. These gains were not maintained when measured four months after the program. However, these results have to be interpreted cautiously considering the large attrition rate.
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Caractéristiques familiales associées aux trois profils du trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité chez les enfants âgés de 6 à 9 ans
Marie-Claude Richer, Marie-Josée Letarte et Sylvie Normandeau
p. 145–166
RésuméFR :
Selon l’American Psychiatric Association (APA, 1994), le trouble déficitaire de l’attention/hyperactivité (TDA/H) se divise en trois profils : inattention prédominante (TDA/H-I), hyperactivité-impulsivité prédominante (TDA/H-H) et mixte (TDA/H-M). L’objectif de cette étude est d’identifier les caractéristiques familiales associées aux trois profils du TDA/H en exerçant un contrôle statistique sur les variables de sexe et d’âge des enfants, ainsi que sur la prise de médication et la co-occurrence de troubles extériorisés et intériorisés. Les participants sont 110 familles d’enfants d’âge primaire présentant un TDA/H (TDA/H-I : n = 31, TDA/H-H : n = 11, TDA/H-M : n = 68) et prenant tous une médication appropriée. Les résultats d’une analyse de covariance multiple démontrent que les familles des trois profils se différencient uniquement au niveau du stress parental : les parents d’enfants ayant un TDA/H-I ressentent moins de stress que les parents d’enfants ayant un TDA/H-H ou un TDA/H-M. Par ailleurs, les résultats suggèrent qu’il est important de considérer la présence du trouble oppositionnel et la prise de médication dans l’étude des profils diagnostiques du TDA/H.
EN :
Attention deficit hyperactivity disorder (ADHD; American Psychiatric Association, 1994) is divided into three different subtypes : predominantly inattentive type (ADHD-I), predominantly hyperactive (ADHD-H), and combined type (ADHD-C). Whereas several studies have shown differences between these three subtypes in children’s individual characteristics, less is known about differences in their family characteristics. The purpose of this study was to examine whether there were differences in the families of children with ADHD with their diagnostic subtypes when statistically controlling children’s age, gender, medication and co-occurrence with exteriorized and interiorized disorders. Participants were 110 families of children with ADHD (ADHD-I: n=31, ADHD-H: n=11, ADHD-C: n= 68). Children were all in elementary school and were receiving appropriate medication. Results revealed that the three subtypes of children only differed with respect to parental stress, revealing that parents of children with ADHD-I experience less stress than parents with ADHD-H or ADHD-C.