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Le contact entre cultures étant un des sujets clés de la revue depuis ses débuts il y a plus que dix ans, ce volume d’Eurostudia s’attarde aux réflexions sur les régulations et les représentations du contact entre les cultures au sein de l’Union Européenne et, d’une façon transatlantique, entre le Québec, le Canada et l’Allemagne. Il s’agit de deux dossiers qui adoptent chacun une perspective disciplinaire différente : un qui résonne avec les thématiques de la revue ces dernières années, consacré aux recherches contemporaines en science politique et sociales, et l’autre qui dissémine des activités récentes du Centre canadien d’études allemandes et européennes (CCEAE) avec une attention particulière pour la fiction, en termes à la fois littéraires et cinématographiques. Il s’agit donc d’un numéro pluridisciplinaire qui a le transculturel pour dénominateur commun.
Le dossier « Gouverner le religieux dans l’espace européen : entre acteurs politiques, judiciaires et religieux », dirigé par Claude Proeschel et Sylvie Angot, tous les deux membres du Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (CNRS, École pratique des hautes études, Paris), interroge les politiques publiques en matière religieuse en Europe. On observe aujourd’hui dans l’espace européen et nord-américain une augmentation spectaculaire des controverses relatives à des questions aussi diverses que la construction des lieux de culte, la présence de symboles religieux dans les lieux publics, les normes vestimentaires, l’abattage rituel, ou encore la pratique religieuse dans le cadre professionnel. La notion de gouvernance permet de montrer, d’une part, que la régulation du religieux s’exerce aujourd’hui à différents niveaux (local, national, international ou supranational) et, d’autre part, qu’elle relève aussi de plusieurs catégories d’acteurs : politiques, judiciaires, religieux, qui interagissent et interfèrent entre eux.
Ce dossier se propose plus précisément d’analyser l’entrecroisement des différents niveaux de régulation du fait religieux dans ses dimensions politiques et géopolitiques, au sein des sociétés européennes contemporaines. Il s’attache à considérer ensemble des travaux empiriques et des études sur les conflits autour du religieux, afin de confronter la réalité des accommodements locaux aux dispositifs nationaux de régulation du religieux. La réflexion menée s’inscrit dans une approche comparatiste, s’intéressant à différents pays membres de l’Union Européenne tout en intégrant ceux qui sont engagés dans un processus d’intégration, ainsi que des membres du Conseil de l’Europe. L’ambition est également d’étudier le rôle des juridictions internationales ou supranationales, en particulier l’impact des décisions de la Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) ou d’autres instances européennes sur les politiques publiques en matière religieuse à l’échelle nationale. Le niveau de régulation supranationale pose la question de savoir comment les différents niveaux territoriaux s’articulent et comment la gouvernance du religieux s’en trouve affectée (discrimination, droits de l’homme, minorités, etc.).
Le deuxième dossier à paraître, provisoirement intitulé « Les fictions de l’histoire – configurations germano-canadiennes et transculturelles », présentera les résultats de deux journées d’étude tenues à Montréal et à Sarrebruck dans le cadre du programme « Transatlantic Mobility of North American and German Students and Faculty » généreusement soutenu par le DAAD via le CCEAE de l’Université de Montréal. Il s’agit d’un projet de Hans-Jürgen Lüsebrink (Université de la Sarre) en collaboration avec Louise-Hélène Filion (Université du Michigan) et Robert Dion (Université du Québec à Montréal). Si la première journée d’étude a été exclusivement consacrée à des textes et à des films québécois qui intègrent des figurations de l’Allemagne depuis 1945, dans le but d’entreprendre l’inventaire des représentations d’une Allemagne divisée au Québec, jusqu’aux représentations de la chute du mur et de la réunification allemande, la seconde journée d’étude a permis d’envisager, à l’aune de corpus divers, certains constats développés lors des premiers échanges de septembre 2017. Si des oeuvres se situant dans des contextes résolument germano-québécois et franco-allemand ont été abordés au cours de la seconde journée d’étude, des analyses de textes anglo-canadiens et francophones ont également été présentées de manière à élargir la réflexion transculturelle et à se pencher sur les nouvelles configurations du dialogue entre les récits de fiction et l’histoire que propose l’époque contemporaine. Quelles formes littéraires sont aujourd’hui retenues pour évoquer de grandes notions comme l’identité ou la nation ? Des concepts-clés associés à l’écriture contemporaine de l’histoire tels que l’« archive », le « biographique », la « fiction du réel » ou l’« enquête », ont été réfléchis à l’aune de fictions qui sondent des enjeux et des périodes – les décolonisations, les années 1980, etc. – dont la présence est croissante dans les oeuvres de fiction d’aujourd’hui.
Enfin, ce volume d’Eurostudia poursuit la diversité de genres entamée par l’ancienne directrice de la revue Barbara Thériault avec un feuilleton de Julien Voyer (Université de Montréal) qui raconte un après-midi passé avec une ex-membre de l’Association Féminine d’Éducation et d’Action Sociale (AFÉAS) ; une recension de l’exposition « Calliope Autriche : Les femmes dans la société, la culture et la science », un projet au féminin et féministe proposé par le Forum culturel autrichien de l’Ambassade d’Autriche à Ottawa et présenté à la Bibliothèque des lettres et sciences humaines (BLSH) de l’Université de Montréal en décembre 2018 et en janvier 2019 ; ainsi que des traductions de deux extraits de l’oeuvre de l’auteur autrichien Christoph W. Bauer réalisées par Doris Eibl (Université d’Innsbruck).
The 13th volume of Eurostudia presents itself diverse in content and wrapped in new branding yet it continues the journal’s long-established focus of interest as well as presentation of genres. The following two dossiers open this issue: first, the comparative study “Gouverner le religieux dans l’espace européen : entre acteurs politiques, judiciaires et religieux,” guest-edited by Claude Proeschel and Sylvie Angot, both members of the Groupe Sociétés, Religions, Laïcités (CNRS, École pratique des hautes études, Paris), reflects on religion and its regulations in the context of cultural contact and the European Union from a socio-political perspective, in particular looking at public policy making and the role of international or supranational jurisdictions. Second, guest-edited by Hans-Jürgen Lüsebrink (Saarland University) in collaboration with Louise-Hélène Filion (University of Michigan) and Robert Dion (Université du Québec à Montréal), “Les fictions de l’histoire – configurations germano-canadiennes et transculturelles” presents the results of a workshop held at the CCEAE (2017) on the constructions of identity and nation in literary narratives and films from Germany, Québec, and Canada. A feuilleton (Julien Voyer, Université de Montréal) about the Association Féminine d’Éducation et d’Action Sociale (AFÉAS), a review of the exhibition “Calliope Austria: Women in Society, Culture, and the Sciences” shown at the Bibliothèque des lettres et sciences humaines (BLSH) in December 2018/January 2019, and the translations of passages from Austrian writer Christoph W. Bauer’s text Graubart Boulevard (2008) and his poetry collection stromern (2015) add to the volume, which offers a multidisciplinary view on transcultural configurations of regulation and representation.