FR :
Cette analyse des débats sur le droit de la faillite au Bas-Canada essaie d'évaluer l'impact du jeu des intérêts socio-économiques et nationaux ou ethniques sur l'évolution du droit privé dans le contexte colonial. L'auteure constate l'élimination, entre 1760 et 1820, des droits anglais et français sur la faillite par suite de la forte opposition des commerçants au droit métropolitain et de leur préférence pour des procédures plus simples dans les cas d'insolvabilité. Pendant cette phase, la question de la faillite ne suscite que des débats sporadiques, à l'occasion de périodes de crise. De plus, les interlocuteurs sont tous britanniques et les facteurs socio-économiques dominent.
Par contraste, entre 1820 et 1839, le débat s'intensifie et devient presque constant. Le conflit national prend de l'importance lorsque les Patriotes proposent la restauration de la cession de biens. Après une décennie de simple résistance, les marchands britanniques commencent en 1830 à préconiser une réforme selon un modèle plutôt anglais.
L'article examine les techniques juridiques propres à chaque système, français et anglais, ainsi que les conséquences pratiques des diverses options et les divergences entre les groupes en présence. A la lumière de cette analyse, l'auteure conclut que, malgré l'importance incontestable des facteurs socio-économiques dans la naissance d'un mouvement de réforme juridique, le débat sur la faillite ne peut s'expliquer que si l'on tient compte du conflit national.
EN :
This analysis of the debate on bankruptcy law in Lower Canada attempts to evaluate the impact of the interaction of socio-economic and national or ethnic factors on the evolution of the private law in the colonial context. The article shows how both English and French bankruptcy law were eliminated after 1760, largely as a result of the determined opposition of colonial merchants to the imperial law and of their preference for simpler procedures in cases of insolvency. From 1760 to 1820, the problem of bankruptcy only occasionally gave rise to debate, during times of crisis. In this initial phase, all the participants in the debate were British, and socio-economic factors appear dominant.
Between 1820 and 1839, however, the debate becomes intense and almost continuous. Ethnic conflict becomes an important factor when the Patriotes propose the re-introduction of the French procedure of "cession de biens". In 1830, after a decade of simple resistance, British merchants begin to agitate for reform on the model of British bankruptcy law.
Both English and French legal techniques relating to insolvency are examined, as are the practical consequences of choosing one or the other, and the attitudes towards them expressed by various groups during the debates. In the light of this analysis, the author concludes that, in spite of the undeniable importance of socio-economic factors in the emergence of a movement in favor of a bankruptcy law, the debate on this legal reform in Lower Canada cannot be properly understood without taking ethnic conflict into account.