Note critiqueDESCHÊNES, Gaston et Denis VAUGEOIS (dir.), Vivre la Conquête à travers plus de 25 parcours individuels – tome 1 (Québec, Septentrion, 2013), 249 p.DESCHÊNES, Gaston et Denis VAUGEOIS (dir.), Vivre la Conquête à travers plus de 25 parcours individuels – tome 2 (Québec, Septentrion, 2014), 287 p.IMBEAULT, Sophie, Denis VAUGEOIS et Laurent VEYSSIÈRE (dir.), 1763 : Le traité de Paris bouleverse l’Amérique (Québec, Septentrion, 2013) 420 p.[Notice]

  • Mathieu Perron

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  • Mathieu Perron
    Département d’histoire, Université de Sherbrooke

Le 250e anniversaire de la signature du traité de Paris et de la cession du Canada à la Grande-Bretagne qu’il entérine ne pouvait être passé sous silence par les éditions du Septentrion. Fidèle à elle-même, l’incontournable maison d’édition propose trois ouvrages fouillés adressés à un large public. Les deux tomes de Vivre la Conquête à travers plus de 25 parcours individuels se veulent, en raison de leur nature biographique, des recueils dédiés à un large public. En introduction, les éditeurs annoncent leurs intentions, c’est-à-dire sortir d’un « manichéisme agaçant, désastre vs bienfait ». Il demeure que beaucoup des auteurs pigent dans le champ lexical de la catastrophe. Les personnages choisis (le seigneur Gabriel Taschereau, l’officier Louis Liénard de Beaujeu Villemonde, la mère supérieure des Ursulines Esther Wheelwright, le jésuite Pierre Roubaud, la marchande Marie-Anne-Barbel, le traiteur Jean Amiot, le chef abénaquis Magouaouidombaouit, etc.) appartiennent à un large éventail social et culturel. Les collaborateurs, pour leur part, sont issus d’un large horizon professionnel. D’emblée, Jacques Mathieu explique que ce livre s’approche d’une démarche thérapeutique, la narration de parcours individuels étant une manière de s’approprier un événement traumatique collectivement vécu et d’établir au présent un rapport au passé. Est-ce là réminiscence d’un personnalisme chrétien ? Quoi qu’il en soit, la plupart des textes proposent des analyses cadrant de près l’histoire événementielle et descriptive. Bien que les contributions soient de qualités inégales, Vivre la Conquête constitue une lecture plaisante, instructive et un complément utile au Dictionnaire biographique du Canada. Dans l’introduction signée Laurent Veyssière, l’historien militaire soutient que la négligence des historiens européens à l’endroit du volet américain de la guerre de Sept Ans découlerait de l’envergure limitée des batailles. Aussi, la France n’a pas abandonné sa colonie, elle n’a pas gagné suffisamment de territoire pour la conserver lors des négociations. Si le destin du Canada s’est joué dans les champs boueux du Hanovre, il demeure que, pour Veyssière, la thèse de l’abandon prendrait surtout racine dans la sensibilité meurtrie des Canadiens. Or, où l’historien doit-il creuser pour dénicher cet intangible à travers la documentation historique ? Les parcours individuels explorés dans Vivre la Conquête peuvent, en partie, esquisser l’impalpable. Le cas de Jean Barré, capitaine de vaisseau et entrepreneur de pêche dans la région de Gaspé, raconté par Mario Mimeault et Robert Larin, dépeint l’envergure des pertes matérielles subies par les sujets canadiens du roi de France à l’avancée des troupes de Wolfe. Par ailleurs, le texte de Raymonde Litalien synthétise toute la dimension que la pêche à la morue revêtait dans l’économie atlantique française et met en lumière toute son importance lors des pourparlers de paix. Dans son premier texte, Vaugeois enfile la toge de l’historiographe. Les positions de Maurice Séguin et de Jean Hamelin sur la présence d’une bourgeoisie canadienne sont rapidement mises à dos pour s’annihiler au profit d’un retour aux thèses ethnicisantes de Lionel Groulx. S’appuyant sur les travaux de Denys Delâge et de l’historien Gervais Carpin sur l’ethnonyme canadien, Vaugeois soutient qu’un Canadien est un colon français enraciné au pays et qui a beaucoup emprunté aux manières amérindiennes. Le second texte de Laurent Veyssière aborde le rôle historique en Nouvelle-France de l’alliance amérindienne. Le texte s’intéresse au changement de perception des militaires européens sur les alliés amérindiens à l’occasion de la guerre de Sept Ans. Pour les officiers de Montcalm, les guerriers amérindiens ne jouaient qu’un rôle de corps auxiliaire des troupes régulières au même titre que les Pandours croates. Les quatre contributions suivantes traitent du conflit sous la lorgnette européenne. Michel de Waele expose la logique derrière le retournement d’alliance et son échec pour …