Numéro 158, 2024 Quand la recherche sociale s’engage à façonner le travail social de demain Sous la direction de Sonia De Grand’Maison, Jean-Martin Deslauriers, Frédérik Gagnon, Josée Grenier, Célyne Lalande et Isabelle Le Pain
Sommaire (9 articles)
La perspective en travail social
-
Pour une approche interculturelle critique au XXIe siècle : dépasser la culture pour lutter contre le racisme
Lilyane Rachédi
p. 5–18
RésuméFR :
Dans cet article, nous proposons de poser les balises d’une approche interculturelle dite critique qui dépasserait les concepts clés de l’approche interculturelle, à savoir la culture et les compétences interculturelles (Cohen-Emerique et Rothberg, 2015; Legault, 2000). Au-delà de la considération des aspects communicationnels et subjectifs de l’interaction entre les cultures et les identités, il s’agit pour nous d’identifier, de reconnaître et d’intégrer les inégalités structurelles, les tensions contemporaines et le « nano-racisme » (Mbembe, 2016), c’est-à-dire celui qui se manifeste au quotidien à travers des interactions sociales. En d’autres mots, au-delà d’une approche interculturelle subjectiviste et interactionniste, nous proposons essentiellement de considérer de façon systémique le racisme pour promouvoir une approche interculturelle critique.
EN :
In this article, we propose to lay the groundwork for an allegedly “critical” intercultural approach that goes beyond the key concepts of the intercultural approach, namely culture and intercultural skills (Legault, 2000, Cohen-Emerique and Rothberg, 2015). Beyond considering the communicative and subjective aspects of the interaction between cultures and identities, our aim is to identify, recognize and integrate the structural inequalities, contemporary tensions and “nano-racism” (Mbembe, 2016) manifesting itself in everyday social interactions. In other words, beyond a subjectivist and interactionist intercultural approach, we essentially propose to consider racism systemically in order to promote a critical intercultural approach.
-
Prescriptions émotionnelles au travail dans le milieu communautaire : sources d’influence et mise en pratique
Katharine Larose-Hébert, Isabelle Le Pain, Alexis Hieu Truong, Mélina Pitre et Dominique Deblois
p. 19–35
RésuméFR :
À partir d’une étude menée auprès de 29 intervenantes sociales oeuvrant dans des organismes communautaires et portant sur les difficultés émotionnelles vécues dans le cadre de l’emploi, l’article vise à montrer la particularité du travail d’intervention effectué dans le milieu communautaire. Pour ce faire, nous avons identifié les prescriptions émotionnelles qui sous-tendent l’intervention en milieu communautaire, ainsi que leurs sources d’influence. L’analyse des données qualitatives montre que les émotions sont utilisées de manière consciente dans le cadre du travail (forme de savoir-faire dans le savoir-être). Les émotions affichées sont donc planifiées et balisées par diverses sources d’influence. Cette forme de compétence spécifique est souvent négligée ou considérée comme faisant partie intégrante du travail par les employeurs et la société en général. Or, la gestion des émotions (celles de l’intervenante afin d’agir sur les émotions des usagers) est le socle des relations sociales au travail et au coeur des relations d’aide et d’accompagnement. À partir des récits des intervenantes, l’article présente les acteurs et institutions qui participent à déterminer les attendus en regard de la production des émotions au travail au sein du milieu communautaire. Ces prescriptions émotionnelles, telles que perçues par les participantes à l’étude, seront décrites et analysées à la lumière de la sociologie interactionniste des émotions. Nos résultats mettent en lumière une structuration des relations sociales au travail particulière au milieu communautaire, qui se perçoit à travers le travail émotionnel produit par ses travailleuses. Ce constat renforce l’importance du maintien de l’autonomie de gouvernance des organismes communautaires au Québec, car celle-ci permet le déploiement de pratiques d’intervention accessibles et flexibles, plus susceptibles de répondre aux besoins des populations vulnérabilisées.
EN :
According to a study surveying 29 social workers working in community organizations that focused on emotional difficulties experienced in the context of employment, the purpose of this article is to demonstrate the particularities of intervention work carried out in the community sector. To this end, we identified the emotional requirements underlying interventions in community settings, as well as their sources of influence. Analysis of the qualitative data shows that emotions are used consciously in the course of work (a form of know-how within life skills). The emotions displayed are therefore planned and shaped by various sources of influence. This specific type of competence is often neglected or regarded as an integral part of the job by employers and society in general. However, managing emotions (those of the caregiver so as to act on those of service users) is the foundation of social relations at work and is at the heart of supportive relationships. Based on social workers’ accounts, the article introduces the players and institutions involved in defining the “expectations” of showing emotion at work within the community sector. These emotional requirements, as perceived by the participants, will be described and analyzed in light of the interactionist sociology of emotions. Our findings highlight a structuring of social relations at work that is specific to the community sector and perceived through the emotional work of social workers. This conclusion reinforces the importance of maintaining the autonomous governance of community organizations in Quebec, as it enables the deployment of accessible and flexible intervention practices, more conducive to meeting the needs of vulnerable populations.
-
Récit de pratique : contexte d’émergence et obstacles au développement de l’Association québécoise des travailleuses sociales et travailleurs sociaux
Gaelle Troude, Marie-Michèle Doiron, Angie Gilbert, Amélie Levesque et Guylaine Sauvé
p. 37–45
RésuméFR :
Sous forme de récit de pratique, le présent article décrit le processus ayant mené à la création de l’Association québécoise des travailleuses sociales et travailleurs sociaux (AQTS). Les auteures, dont les efforts ont permis la fondation de cet organisme, sont membres du comité de travail et du premier conseil d’administration de l’AQTS. Par le partage de leur expérience, elles souhaitent illustrer que le contexte ayant généré la motivation de créer l’AQTS est également responsable des obstacles ayant nui à sa création. Afin d’assurer son existence future, des gestes concrets et créatifs doivent être posés.
EN :
In the form of a practical account, this article describes the process that led to the creation of the Association québécoise des travailleuses sociales et travailleurs sociaux (AQTS). The authors, whose efforts contributed to founding this organization, are members of the AQTS working committee and its first Board of Directors. In sharing their experience, they wish to highlight that the motivation behind the creation of the AQTS also generated the obstacles that hindered its inception. In order to ensure its future existence, concrete and creative steps must be taken.
L’organisation des services sociaux au Québec, les politiques publiques dans le domaine social et les conditions de pratique
-
Analyse du rapport Laurent à la lumière de la perspective des systèmes de Munro
Marie-Joëlle Robichaud, Rosita Vargas Diaz, Isabelle-Ann Leclair Mallette, Célyne Lalande, Mélanie Bourque et Camille Bourgelas
p. 47–63
RésuméFR :
Étant donné la complexité et les hauts risques associés à la pratique en contexte de protection de la jeunesse (PJ), les « erreurs » ou les « drames » sont inévitables (Munro, 2005). En ce sens, dans sa perspective des systèmes, Munro argumente que pour les réduire au maximum et améliorer la performance globale des systèmes de PJ, il faut que les « erreurs », qui sont souvent individualisées au niveau des professionnelles, soient plutôt analysées au sein d’un système managérial et organisationnel plus large (2005; 2011; 2019). Plus précisément, il faut prendre en compte 1) les facteurs liés aux individus, 2) les ressources et les contraintes ainsi que 3) le contexte organisationnel, et comprendre comment ceux-ci influencent l’exercice des professionnelles et la qualité des services aux jeunes et à leurs familles (Munro et Hubbard, 2011). L’objectif de cet article est de présenter, à la lumière des trois niveaux de la perspective des systèmes (Munro, 2005; 2011; 2019), une analyse critique des conditions de pratique des professionnelles des services de PJ telles que présentées dans le rapport de la Commission spéciale sur les droits des enfants et la protection de la jeunesse (CSDEPJ, appelée commission Laurent). L’analyse thématique complète du rapport a permis d’identifier trois axes thématiques transversaux aux conditions de pratique : 1) la gestion de la performance; 2) la culture du risque et 3) le vécu des professionnelles. Les constats découlant de ces trois axes présentent des cohérences, mais aussi certaines tensions et discontinuités avec la perspective des systèmes : 1) la prépondérance de recommand’Actions qui s’intéressent aux professionnelles en comparaison des deux autres niveaux, soit les ressources et l’organisation; 2) des propositions qui posent le risque de resserrer le contrôle des pratiques plutôt que de valoriser l’expertise des professionnelles; 3) des stratégies qui misent sur l’adaptation plutôt que sur le changement vers une culture d’apprentissage. Les similitudes, les écarts et les discontinuités entre les constats et les recommand’Actions sont discutés afin d’illustrer certains angles morts du rapport Laurent, notamment la valorisation d’une culture d’apprentissage cohérente avec l’incertitude et l’exceptionnalité du travail en contexte de PJ.
EN :
Given the complexity and high risks associated with practice in child protection services (CPS), “errors” are inevitable (Munro, 2005). Based on her perspective of systems, Munro argues that to fully minimize risks and improve the overall performance of CPS, “errors”, which are often individualized at a professional level, must be analyzed within a broader managerial and organizational system (2005; 2011; 2019). More specifically, it is necessary to consider: 1) the factors related to individuals 2) the resources and constraints, and 3) the organizational context, and to understand how these influence professionals’ practice and the quality of services to young people and their families (Munro and Hubbard, 2011). The purpose of this article is to present, in light of the systems perspective (Munro, 2005; 2019), a critical analysis of CPS professionals’ practice conditions as presented in the report of the Special Commission on Children’s Rights and Youth Protection (known as the “Laurent Commission”). A full thematic analysis of the report identified three thematic areas: 1) performance management 2) risk culture, and 3) professional experience. The findings arising from these three areas are consistent with the systems perspective but also present certain tensions and discontinuities: 1) the prevalence of recommend’Actions that focus more on individuals rather than on the other two system levels , i.e., resources and organization 2) proposals that risk tightening control over practices rather than valuing professional expertise, and 3) strategies that focus on adapting rather than transitioning to a learning culture. The similarities, gaps and discontinuities between the findings and the recommend’Actions are discussed in order to illustrate some of the blind spots in the Laurent report, notably the promotion of a learning culture on par with the uncertainty and exceptionality of child protection practices.
-
La réforme Barrette et sa mise en oeuvre dans les services sociaux : perceptions des travailleuses sociales
Mélanie Bourque, Mylène Barbe, Maxime O. Leroux, Josée Grenier et Nathalie St-Amour
p. 65–80
RésuméFR :
Cet article vise à partager les résultats préliminaires du projet de recherche « Les travailleuses sociales cinq ans après l’implantation de la réforme Barrette : standardisation de la pratique ou nouvelles normes locales des établissements? ». Ce projet de recherche a pour but de mieux comprendre la mise en oeuvre de la réforme du système de santé et des services sociaux de 2015 au Québec. De juin à décembre 2022, près de 60 personnes participantes ont accepté de répondre à un entretien semi-dirigé. La très grande majorité d’entre elles détiennent plus de dix ans d’expérience, ce qui permet de comprendre l’avant et l’après réforme Barrette et de saisir les effets de cette réforme sur les équipes de travail, mais aussi sur la prestation des services fournis à la population. L’analyse initiale des données met en lumière la poursuite, voire l’accentuation, de la perspective descendante (top down) du processus décisionnel, de la reddition de comptes par le biais de mesures quantitatives et de l’harmonisation des services s’illustrant en standardisation des pratiques, en dépit des particularités territoriales inhérentes aux différentes régions du Québec. Par rapport à notre recherche précédente, force est de constater que les méthodes de la nouvelle gestion publique se sont accentuées au sein du réseau de la santé et des services sociaux, qualifié de « maison des fous » par plusieurs personnes participantes.
EN :
The purpose of this article is to share the preliminary findings of the research project “Les travailleuses sociales cinq ans après l’implantation de la réforme Barrette : standardisation de la pratique ou nouvelles normes locales des établissements» (Social workers five years after implementation of the Barrette reform: Practice standardization or new local standards for institutions?). This research project seeks to better understand the 2015 implementation of reforms to the health and social services system in Quebec. From June to December 2022, some 60 respondents agreed to participate in a semi-structured study. Most of these individuals have over 10 years of experience, which makes it possible to understand the pre- and post-Barrette reform, and to grasp the effects of this reform on work teams and the delivery of services provided to the population. The initial analysis of the data highlights the continuation, or even the accentuation, of the top-down perspective of the decision-making process, the accountability through quantitative measures and the harmonization of services translated as the standardization of practices, despite the territorial particularities inherent in the different regions of Quebec. Described as a “madhouse” by participants, New Public Management methods seem to have become more pronounced within the health and social services network as compared to in our previous research.
-
Nouvelle gestion publique et travail social au Québec : actions stratégiques en réponse aux contraintes organisationnelles
Valérie Roy, Gabrielle Leblanc-Huard et Josée Grenier
p. 81–92
RésuméFR :
Depuis son implantation progressive dans le réseau de la santé et des services sociaux, la Nouvelle gestion publique (NGP) a entrainé des modifications majeures dans les conditions de pratique des travailleuses sociales. L’imprégnation d’une logique gestionnaire, la standardisation des pratiques ainsi que le recours de plus en plus fréquent aux données probantes et à l’intelligence artificielle pour baliser l’intervention ont contribué à réduire l’autonomie professionnelle des travailleuses sociales. Dans ce cadre de plus en plus contraignant, il devient difficile pour elles d’exercer des pratiques éthiques, c’est-à-dire de déployer au quotidien une pensée critique et une réflexivité basées sur les savoirs et valeurs du travail social, sur les normes déontologiques de la profession et sur leur identité professionnelle. Elles ont également de moins en moins de marge de manoeuvre pour déployer des interventions inclusives et différenciées auprès des personnes issues de groupes minoritaires auprès desquelles elles sont appelées à agir. Les changements entrainés par la NGP engendrent aussi chez les travailleuses sociales des conflits de loyauté, entre les attentes de leurs gestionnaires et leurs valeurs professionnelles, ce qui a de nombreux effets délétères : détresse psychologique, démobilisation, épuisement professionnel, changement de carrière, etc. Si plusieurs recherches se sont intéressées à ces impacts des réformes managériales, très peu se sont attardées aux stratégies déployées par les travailleuses sociales dans leurs pratiques quotidiennes pour y faire face et pour assurer un exercice éthique de leur profession. Cet article propose ainsi une analyse des répercussions de la restructuration de l’État engendré par la NGP sur les conditions de pratique du travail social, ainsi que des réponses émergentes introduites par les actrices de terrain.
EN :
Since its gradual establishment in Quebec’s healthcare and social services network, New Public Management (NPM) has led to major changes in the working conditions of social workers. The permeation of managerial logic, standardization of practices and increasing use of evidence-based practices and artificial intelligence to guide interventions have reduced the professional autonomy of social workers. In this increasingly restrictive environment, they struggle to carry out ethical practices in their daily work. As a result, it becomes harder and harder for social workers to use their critical thinking skills and reflexivity based on social work knowledge and values, ethical standards of the profession and on their professional identity. What’s more, when working with various minorities, using inclusive, personalized practices is also becoming a challenge. NPM changes are also creating loyalty conflicts among social workers who are caught between the conflicting expectations of their managers and their professional ethos. These tensions have numerous harmful effects such as psychological distress, demobilization, burnout and resignation. While several studies have investigated the impacts of these managerial reforms, very few have examined the strategies deployed by social workers in their daily practices to cope with NPM and ensure an ethical exercise of their profession. This article proposes an analysis of the repercussions of managerial (NPM) reforms on the practice of social work, as well as emerging responses initiated by frontline practitioners.
-
Évolution des politiques sociales et des programmes sociaux dédiés aux jeunes et aux familles au Québec : enjeux pour le travail social contemporain avec les familles
Mylène Barbe
p. 93–105
RésuméFR :
Depuis longtemps, le travail social joue un rôle central dans le champ de l’intervention familiale au Québec. Que l’on pense aux agences de service social diocésaines, aux centres de services sociaux, aux services de protection de l’enfance ou au secteur Famille Enfance Jeunesse dans les CLSC, les personnes travailleuses sociales occupent une place importante dans les interventions avec les familles. Cet article s’intéresse à l’évolution des politiques sociales et des programmes sociaux développés pour soutenir les parents et promouvoir le bien-être des enfants au Québec. S’appuyant sur les idées développées par l’autrice dans le cadre de son projet de doctorat, une recension de la littérature empirique et théorique sera présentée sur les courants qui ont influencé cette évolution, ainsi que les enjeux et défis qui en découlent sur la pratique contemporaine du travail social avec les familles. Une exploration de certaines pistes d’action proposées dans la littérature pour une collectivisation des problèmes sociaux et un renouvellement des pratiques en travail social sera proposée en conclusion de l’article.
EN :
For a long time, social work has played a central role in family intervention in Quebec. Whether we think of diocesan social service agencies, social service centers, child protection services or the “Famille Enfance Jeunesse” sector in CLSCs, social workers play an important role in family intervention. This article focuses on the changes in social policy and social programs developed to support parents and promote the well-being of children in Quebec. Based on ideas developed by the author as part of her doctoral project, an empirical and theoretical literature review will be presented on data that have influenced these changes, as well as the resulting issues and challenges affecting the contemporary practice of social work with families. An exploration of certain courses of action proposed in the literature for a collectivization of social problems and renewal of social work practices will be presented in the conclusion of the article.
La formation initiale en travail social
-
Transformer les réalités vécues en savoirs à partager : quand les usagers-entraineurs deviennent acteurs de la formation en travail social
Annie Lambert, Laurence Scalabrini, Maxime-Édouard Crête, Alexandre Roberge, Karine Huppé, Émilie Pothier-Tessier, Julie Doyle et Dominique Dufour
p. 107–119
RésuméFR :
Depuis plusieurs années, la pédagogie universitaire en travail social s’ouvre à l’implication des usagers et au recours à leurs savoirs expérientiels, laissant place à des pédagogies qui favorisent le croisement des savoirs. Depuis 2015, l’École de travail social de l’Université de Sherbrooke déploie différents projets à ce niveau s’appuyant sur le concept de réduction de la distance qui promeut des relations égalitaires et la reconnaissance des savoirs de chacun. Notre article s’inscrit comme un récit de pratique appuyé sur les réflexions et les analyses des différents acteurs impliqués et illustré par les propos des personnes usagères participantes. Il permet d’exposer les principes et modalités de nos projets et leur valeur ajoutée dans la formation des étudiantes. Dans un contexte de mouvance et de questionnement du travail social, rendre compte de nos projets nous porte à soulever des pistes de réflexion permettant de défendre l’idée que la transformation des réalités vécues par les usagers en savoir à partager aux futures travailleuses sociales est un incontournable pour les formations universitaires actuelles.
EN :
For several years, university teaching in social work has opened up to involving users and using their experiential knowledge, giving way to pedagogies that foster the merging of knowledge. Since 2015, the École de travail social de l’Université de Sherbrooke (School of Social Work at Sherbrooke University) has deployed various projects in this regard grounded in the gap-mending concept, which promotes equal relationships and the acknowledgement of each person’s knowledge. Our article serves as a practical account based on the thoughts and analyses of the various players involved and participants’ statements. It allows us to expose the principles and methods of our projects and to highlight its added value for student training. In a context of change and inquiry in the area of social work, exposing our projects give us new avenues of thinking to defend the idea that transforming users’ realities into knowledge to be shared with future social workers is essential for current university social work training.