Il faut savoir gré à la maison De Boeck d’avoir lancé cette collection, à laquelle ont déjà contribué Thierry Verstraete et Estèle Jouisson-Laffitte, avec un ouvrage consacré au « business model pour entreprendre ». Il est important de rappeler, avant tout commentaire sur l’ouvrage dirigé par Frank Janssen, l’objectif de cette collection, à savoir : donner un premier aperçu sur « le fonctionnement et les préoccupations propres aux petites entreprises, en offrant des outils pour aider les dirigeants et les créateurs de petites entreprises à gérer leur entreprise et à relever les nouveaux défis actuels » (souligné par l’éditeur). Il s’agit donc de guides pratiques, offrant des outils applicables, des applications opérationnelles et des aperçus théoriques. Tout chercheur s’étant frotté à cet exercice éditorial en connaît la difficulté, consistant pour l’essentiel à offrir le maximum d’idées en un minimum de texte (et de pages), tout en étant le plus clair et didactique possible. Il s’agit donc d’un travail différent de celui, par exemple, de Robert Wtterwulghe sur les PME ou de Ferrier sur les TPE, chez le même éditeur, ou d’ouvrages plus académiques sur l’entrepreneuriat, tels ceux de Fayolle, Hernandez ou Verstraete (par ordre alphabétique). De même, il devrait en principe se différencier des ouvrages consacrés à la PME, en particulier sous la forme d’études de cas (Carrier et Fourcade) ou d’un « pavé », comme celui dirigé par Louis-Jacques Filion (auquel ont d’ailleurs participé plusieurs auteurs de l’ouvrage dont nous rendons compte). Dans la préface de Pierre-André Julien, puis dans l’introduction de Frank Janssen, il est rappelé combien les choses ont évolué en quelques décennies, voire en quelques années. Après la reconnaissance de « la » PME, on a pris conscience de l’existence « des » entreprises de « taille petite ». Surtout, on observe une explosion de la création de toutes petites entreprises, puisque, pour l’essentiel, elles ne comprennent au départ qu’une à deux personnes et que, par la suite, la plupart d’entre elles ne créent guère d’emplois supplémentaires. Or, on sait bien, pour emprunter une analogie dans le monde du sport, qu’il n’y a rien de comparable entre un club de football de renommée mondiale et une petite équipe de quartier ou de village, même si les règles du jeu sont apparemment les mêmes ! Ce qui finalement caractérise le mieux le monde de « la » petite et toute petite entreprise, c’est l’impossibilité de le spécifier autrement que par son extrême diversité. Il participe par là à l’émergence d’une économie entrepreneuriale, comme le rappelle Frank Janssen en reprenant l’expression d’Audretsch. Le monde qui émerge est celui de l’individuation, de l’idiosyncrasie comme base de création de valeur entrepreneuriale, mais aussi du nomadisme et de l’éphémère. L’entrepreneur de demain n’a guère à voir avec le manufacturier de Say ou Balzac ; mais il n’aura plus guère à voir non plus avec le manager stipendié par le techno-système managérial, largement gouverné par la finance. Par rapport à ces questions en émergence, la discipline vaguement réunie sous le terme d’entrepreneuriat a fort à faire. Il est clair que, comme l’indique d’emblée Frank, il convient de distinguer ce qui tient à l’« esprit d’entreprendre » et ce qui relève de l’« esprit d’entreprise ». Ne faudrait-il pas substituer systématiquement au terme « entrepreneur » deux autres plus précis, par exemple « entreprenant » et « chef d’entreprise » ? On sait bien que ces derniers ne sont pas toujours très entreprenants, alors que des salariés, voire des bénévoles peuvent l’être cent fois plus. On cite à l’envi ces responsables d’ONG ou d’associations ayant monté et réalisé un projet risqué, …
Entreprendre – Une introduction à l’entrepreneuriat, Préface de Pierre-André Julien, Frank Janssen (dir.), Bruxelles, De Boeck, coll. « Petites entreprises & Entrepreneuriat », 2009, 343 p.[Notice]
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Michel Marchesnay
ERFI Montpellier