Résumés
Résumé
Mueller (2004) démontre que les intentions entrepreneuriales des femmes sont moindres que celles des hommes surtout dans les pays en voie de développement. Qu’en est-il dans un pays en économie de transition, comme l’Égypte ? Tout en relançant le questionnement de Mueller (2004), cette étude articule une comparaison sexuée et une approche genrée pour mieux comprendre le rôle des rapports hommes/femmes dans la formation de l’intention entrepreneuriale féminine dans une culture donnée. Grâce à une recherche quantitative menée en 2010 auprès de 320 étudiants égyptiens francophones au Caire, les auteurs ont pu démontrer que les étudiantes égyptiennes ont fortement le désir d’entreprendre et de concrétiser assez rapidement leurs projets, qu’elles sont assez confiantes dans leurs compétences à créer et conscientes des obstacles qu’elles rencontreront. La recherche révèle également certaines ambivalences des projets entrepreneuriaux des jeunes égyptiennes liées aux rapports de genre. Notre recherche complète ainsi les conclusions de Mueller (2004) et Langowitz et Minitti (2007). Nous pouvons arguer du fait que dans un pays en économie de transition le déséquilibre des motivations entrepreneuriales des femmes et des hommes est limité.
Mots-clés :
- Intention entrepreneuriale,
- genre,
- entrepreneuriat féminin,
- culture,
- Égypte
Abstract
Mueller (2004) demonstrates that women’s entrepreneurial intentions are lower than those of men especially in developing countries. What about a country in an economy of transition, such as Egypt?, Furthering Mueller’s exploration, we try to articulate in this paper a sex-based comparison and a gender-based approach to better understand the difference between male and female entrepreneurial intentions in the Egyptian culture. Thanks to a quantitative research led in 2010 among 320 French-speaking Egyptian students in Cairo, we are able to demonstrate that female Egyptian students have a strong desire to undertake and to implement rather quickly their projects. Also, they are quite confident in their entrepreneurial skills and aware of obstacles that they will meet. Nevertheless, the study reveals certain Egyptian male students’ ambivalences towards their entrepreneurial future that unveil a set of important gender issues. Therefore, the present study completes Mueller’s (2004) and Langowitz and Minitti (2007) conclusions, we can argue then that in a developing country, the imbalance between men and womens’ entrepreneurial motivations is limited.
Keyword:
- Entrepreneurial intention,
- gender,
- women entrepreneurship,
- culture,
- Egypt
Resumen
Mueller (2004) demuestra que la intención emprendedora en las mujeres es menor que en los hombres, sobre todo en países en vías de desarrollo. ¿Qué ocurre en un país con una economía de transición como Egipto? Al mismo tiempo que relanza la problemática de Mueller (2004), este artículo expone una comparación según el sexo y un enfoque según el género para comprender mejor el papel de las relaciones hombres/mujeres en el nacimiento de la intención emprendedora en mujeres de una cultura dada. Gracias a una investigación cuantitativa realizada en 2010 entre 320 estudiantes egipcios francófonos de El Cairo, pudimos demostrar que las estudiantes egipcias tienen un fuerte deseo de crear empresas y de concretar rápidamente sus proyectos, que tienen suficiente confianza en sus capacidades para crear y que son conscientes de los obstáculos que encontrarán. La investigación revela también ciertas ambivalencias de los proyectos de creación de empresas de las jóvenes egipcias vinculadas al género. Nuestra investigación completa de esta manera las conclusiones de Mueller (2004) y Langowitz y Minitti (2007). Podemos argumentar que en los países con economías de transición, el desequilibrio de la motivación emprendedora entre hombres y mujeres es limitado.
Palabras clave:
- Intención emprendedora,
- género,
- emprendedurismo femenino,
- cultura,
- Egipto
Corps de l’article
Introduction
Au travers des études récurrentes sur l’emploi féminin, le BIT (Bureau International du Travail) souligne combien la participation des femmes au développement économique est source de croissance et d’innovation tant dans les pays développés que dans les pays en voie de développement. L’impact du travail des femmes sur l’économie d’un pays est facteur de leur degré de formation et de leur montée en compétences tout au long de leur carrière. L’entrepreneuriat féminin constitue une étape clé dans cette conquête du salariat par les femmes puisqu’il rend compte de la possibilité des femmes à mobiliser des capitaux et des réseaux pour faire émerger de nouveaux services ou posséder des outils de production et se trouver ainsi à l’origine d’un flux important de création de valeur (Fouquet, 2005).
Cela dit, la question de l’entrepreneuriat féminin est très liée à celle de l’employabilité. D’après l’étude effectuée par le BIT en 2007 sur les tendances mondiales de l’emploi des femmes, les pays du Moyen-Orient enregistrent le taux de femmes actives le plus bas du monde (37 %), alors qu’il est de 75 % en Afrique subsaharienne et de 80 % dans l’Union européenne. Selon la même source, le Moyen-Orient enregistre également le taux de chômage féminin le plus élevé du monde, notamment pour les plus jeunes (15-24 ans). Ainsi, d’après une étude GEM (2007), les Égyptiennes ayant entre 15 et 64 ans représentaient 22 % du marché de l’emploi, sachant que ces emplois étaient concentrés dans le secteur public, bien que, selon la même source, entre 1993 et 2003, le nombre de femmes occupant des postes à haute responsabilité est passé de 7 % à 24 % dans les secteurs du tourisme et des médias uniquement. D’après le même rapport, le taux de chômage des femmes est de trois fois supérieur à celui des hommes, cela concerne notamment les jeunes femmes éduquées habitant dans les zones rurales. L’entrepreneuriat peut constituer une réponse à ce chômage.
Les études entrepreneuriales sur l’Égypte se limitent aujourd’hui à quelques données ministérielles et quelques chiffres communiqués dans des rapports internationaux. En Égypte, 17 % des entrepreneurs sont des femmes (Ministère de l’Investissement en Égypte, 2007) contre 30 % en France (INSEE, 2007) et 50 % en Afrique subsaharienne (OIT, 2006) et ce, en dépit des contraintes culturelles, sociales, éducatives ou financières. Les entrepreneures égyptiennes possèdent néanmoins pour leur majorité des micro-entreprises (moins de 5 salariés), seulement 3 % d’entre elles possèdent une moyenne entreprise. Quant à la répartition de l’activité entrepreneuriale par secteur d’activité, 85 % des femmes possèdent un commerce tandis que 12 % sont à la tête d’une entreprise de services et 3 % dirigent une firme dans le secteur industriel. Ces chiffres rendent compte de la timidité mais de la persistance de l’activité entrepreneuriale des femmes en Égypte et de la nécessité d’en préciser les tendances. En effet, dans des pays du bassin méditerranéen comme la Turquie, Allen, Elam, Langowitz et Dean (2008) soulignent l’émergence de solides aspirations entrepreneuriales chez les femmes de 18-35 ans, qui seront à l’origine de profondes mutations économiques pour la zone considérée.
Par ailleurs, Bayad et Bourguiba (2006) soulignent qu’en tant que facteur exogène, la culture « valeurs, croyances, modèles d’un groupe ou d’un territoire », joue un rôle clé dans l’émergence de l’intention entrepreneuriale et dans le passage à l’acte entrepreneurial. De plus, Mueller (2004) met en évidence combien, d’un point de vue international, les populations masculines et féminines diffèrent plus en termes d’attitudes que de comportement. Il rappelle que, dans le cadre d’études internationales, les comportements entrepreneuriaux des entrepreneurs confirmés féminins et masculins diffèrent peu (Matthews et Moser, 1996). En revanche, il existe des contrastes internationaux forts entre les intentions entrepreneuriales des hommes et des femmes. Mueller (2004), ainsi que Langowitz et Minniti, (2007) notent que ces contrastes sont forts dans les pays développés et moindres dans les pays très peu développés. Qu’en est-il alors de l’Égypte qui présente une économie de transition ? Notre étude vise à extraire des données inédites sur le potentiel entrepreneurial des Égyptiennes afin de contribuer à l’étude des similarités et des contrastes internationaux en ce domaine.
Ainsi, notre recherche sur l’intention entrepreneuriale des femmes égyptiennes permettra de mieux comprendre les mobiles qui les guident et les obstacles qui les freinent afin, in fine, de seconder législateurs et éducateurs dans les dispositifs qu’ils peuvent mettre en place pour que les Égyptiennes entreprennent plus et mieux. Afin de bien appréhender la question du genre et de l’intention entrepreneuriale, notre étude s’est concentrée sur la population étudiante féminine et masculine d’Égypte. Comme le soulignent Binks, Starkey et Mahon (2006), au sein du segment 18-27 ans de chaque population nationale, les étudiants sont à l’origine des initiatives entrepreneuriales les plus pérennes, les plus innovantes et les plus créatrices de valeur. Notre étude vise donc à mesurer l’intention entrepreneuriale des Égyptiennes et à comprendre comment la culture des rapports hommes/femmes propre à ce pays affecte cette intention entrepreneuriale féminine. En effet, en s’appuyant sur les données de multiples rapports internationaux, Gundry, Ben Yoseph et Posig (2002) soulignent que les rapports hommes/femmes ont un impact très fort sur l’ambiance des affaires et le succès des initiatives entrepreneuriales dans toutes les économies. Ainsi, après une revue de littérature sur l’intention entrepreneuriale et l’entrepreneuriat des femmes, nous présenterons la méthodologie de la recherche, puis les résultats et enfin une discussion.
1. Revue de littérature
Dans le domaine de la recherche sur l’intention entrepreneuriale, notre étude se focalise davantage sur l’émergence de l’intention entrepreneuriale que sur le passage de l’intention à l’acte d’entreprendre (Moreau, 2006). Ces deux dimensions sont toutefois liées dialectiquement. Il semble que, dans la majorité des pays, les femmes soient inhibées tant dans l’émergence de l’intention entrepreneuriale que dans son épanouissement (Allen et al., 2008). Nous examinerons donc en premier lieu, le construit de l’intention entrepreneuriale puis les deux modes d’inhibition de l’intention entrepreneuriale féminine.
1.1. L’intention entrepreneuriale
La majorité des travaux portant sur l’entrepreneuriat présente la création comme le résultat d’une action planifiée et donc guidée par une certaine intentionnalité (Shapero et Sokol, 1982 ; Gartner, 1985 ; Bouchikhi, 1993). Cette intention nourrit la prise de décision du porteur de projet tout à la fois rationnelle et personnelle quant à l’opportunité émergente qu’il/elle a créée ou découverte (Hernandez et Marco, 2006). L’intention entrepreneuriale est cette dynamique qui permet à l’individu de dessiner son projet en l’incitant tout à la fois à extérioriser son désir d’entreprendre et à intérioriser un certain nombre de contraintes environnementales (De La Ville, 2001). Plus généralement, l’intention permet au porteur de projet d’entretenir une relation dialogique forte et tourbillonnaire à son projet ce qui lui permet d’y incorporer un grand nombre de changements et de perspectives afin de le rendre viable (Bruyat, 1994 ; Fayolle, 2004).
Comme le suggère le modèle d’Ajzen (1985), l’intention marque, pour l’individu, le moment de convergence des croyances de désirabilité et des croyances de faisabilité. La désirabilité, c’est ce qui amène l’individu à percevoir un certain nombre de comportements (entrepreneuriaux) socialement et personnellement appréciables (Krueger et Brazeal, 1994). La faisabilité, c’est ce qui amène l’individu à considérer des comportements (entrepreneuriaux) comme faisant partie de son champ de compétences (Bandura, 1977). La désirabilité et la faisabilité font toutes deux l’objet d’un apprentissage (Fishbein & Ajzen, 1975) et sont fortement déterminées par des facteurs culturels et sociaux.
Désirabilité et faisabilité sont des perceptions dont l’action conjuguée fait naître l’intention entrepreneuriale (Fayolle, 2002). Il est important de situer l’ancrage normatif de ces perceptions : il nous informe sur les liens de ces perceptions avec les affects (normes subjectives) et les règles culturelles (normes collectives). Bandura (1977) souligne que les représentations collectives constituent la matrice de la culture d’un groupe ou d’une nation. C’est ainsi qu’on peut tracer les impacts directs et indirects de la culture sur le schéma motivationnel et intentionnel. La perception de désirabilité est plutôt guidée par des normes subjectives et celle de faisabilité par une synthèse (actionnable) des normes subjectives et collectives (Ajzen, 1985). Bandura (1977) note, toutefois, qu’il existe des perceptions majoritairement guidées par des normes collectives : il s’agit des perceptions de convenance (Radu et Redien-Collot, 2008).
La théorie de l’action planifiée présente l’intention comme un construit cognitif, résultant de trois dynamiques motivationnelles :
La désirabilité, à savoir une perception qui déclenche une attitude favorable à l’entrepreneuriat, confortée par l’adhésion de l’individu à des normes sociales sélectionnées personnellement (et donc subjectivées) qui créent un sentiment de légitimité ;
La convenance, à savoir une perception qui valorise le caractère normatif (et donc central) de l’entrepreneuriat. La perception de convenance s’appuie sur l’adhésion à des normes collectives ; la convenance donne la capacité de prendre des risques en identifiant les règles communes non comme des contraintes, mais comme des opportunités ;
La faisabilité, à savoir une perception qui désigne l’entrepreneuriat comme possible. Elle résulte d’un sentiment d’auto-efficacité qui débouche sur de la confiance en soi (lieu de contrôle) en contexte individuel et collectif. Elle suppose chez l’individu la possibilité de valoriser ses compétences personnelles au regard de normes subjectives et collectives dans une situation donnée.
Certes, l’enjeu culturel, c’est-à-dire le poids des normes collectives, joue à plein au niveau des perceptions de convenances, mais il est aussi présent dans les perceptions de faisabilité et, in fine, dans celles de désirabilité. En effet, même si la perception de désirabilité se nourrit plutôt de normes subjectives, il faut, pour les affirmer, que l’individu les détache des normes collectives, sans pour autant créer une rupture.
Pour donner une vision synoptique de ces trois types de perceptions supportant l’intention entrepreneuriale, nous avons élaboré le schéma nº 1 comme suit :
Dans une étude sur l’intention entrepreneuriale, nous pouvons extraire les perceptions entrepreneuriales, à savoir l’intensité des perceptions de désirabilité, convenance et faisabilité de sujets donnés. Toutefois, pour bien mesurer le poids de la culture, il faut rapporter cette mesure de la perception à des représentations culturelles circonscrites à un champ donné, celui de la presse, par exemple, comme l’ont fait Radu et Redien-Collot (2008). Lorsque se pose la question des différences des perceptions hommes/femmes, il est judicieux de ramener l’étude de ces perceptions à la représentation des rapports hommes/femmes dans un champ donné, comme celui du travail ou de la réussite (Du Reitz et Henrekson, 2000).
1.2. L’intention entrepreneuriale des femmes
D’après Brush (1992), le sexe joue un rôle assez aisément traçable dans la construction de l’individu et du processus entrepreneurial : c’est là que l’on observe toutes les spécificités d’accès des femmes à l’entrepreneuriat qui sont le fait, le plus souvent, de construits socioculturels qu’il faut aller rechercher souvent très loin dans l’éducation et la petite enfance, quand bien même le système éducatif clamerait l’égalité parfaite ou même la marche vers l’égalité. Par ailleurs, Du Reitz et Henrekson, (2000) déclarent que dans beaucoup de formations entrepreneuriales, des chercheurs observent, par exemple, que les hommes se sentent plus à même de questionner les coaches et donc de progresser plus rapidement, alors que les femmes se sentent généralement exclues, en groupes mixtes, du droit au questionnement, ce qui ralentit le lancement de leurs entreprises.
L’environnement, quant à lui, révèle les barrières bien présentes que doivent affronter les femmes qui entreprennent, à savoir l’hostilité des banques, des fournisseurs ou des réseaux d’entrepreneurs. Fisher, Reuber et Dyke (1993) et Watson et Newby (2005) ont donné une vision d’ensemble des études menées sur les freins à l’entrepreneuriat féminin. Ils soulignent ainsi l’existence depuis la fin des années quatre-vingt de deux courants féministes au sein des études entrepreneuriales :
Le féminisme social qui identifie des différences dans la façon d’entreprendre qui se situent dans les processus de socialisation très précoces à travers des modes récurrents explicites et implicites ;
Le féminisme libéral qui défend la thèse de l’égalité des chances des hommes et des femmes quant à l’accès à l’entrepreneuriat et qui souligne le fait que les femmes rencontrent plus de problèmes que les hommes pour développer leurs entreprises et structurent, de ce fait, leurs entreprises de façon différente parce qu’elles ont un accès difficile à certains types de ressources et sont victimes de différents types de discrimination.
Les féminismes social et libéral, appliqués au champ de l’entrepreneuriat, postulent donc qu’historiquement des inégalités existent et qu’une approche réformatrice appliquant des politiques paritaires permettra de les effacer (Baughn, Chua et Neupert, 2006).
Toutefois, de forts contrastes subsistent entre hommes et femmes en termes d’intention entrepreneuriale. Mueller (2004), s’inspirant des théories de l’action planifiée (Ajzen, 1985), a réalisé une étude internationale comparée, où il a mis en évidence que les intentions entrepreneuriales des femmes étaient moindres que celle des hommes. Ceci s’expliquerait par un contrôle interne et une propension à prendre des risques moindres chez les populations féminines étudiées. Toutefois, comme le notent Bayad et Bourguiba (2006), ces deux facteurs n’expliquent pas à eux seuls le moindre engagement entrepreneurial des femmes. Si l’on veut étudier les biais de genre d’un point de vue culturel, il faut aussi prendre en compte les regards croisés hommes/femmes concernant l’entrepreneuriat féminin et le point de vue réflexif des femmes concernant cet enjeu (Butler, 2004). Notre étude abordera donc la question de l’intention entrepreneuriale des Égyptiennes, à partir des perceptions (Mueller, 2004), mais aussi des représentations, ce qui enrichira l’approche traditionnelle des recherches sur l’intention entrepreneuriale des femmes et ouvrira de nouvelles perspectives d’analyse.
Gundry et al. (2002) soulignent combien le contexte économique favorise le succès entrepreneurial des femmes. Toutefois, comme l’ont démontré Smith, Dugan et Trompenaars (1997), le contexte économique est organisé en fonction de modèles de rôle masculin/féminin où prédominent encore dans la majorité des cultures, des stéréotypes attribuant aux hommes un plus large choix de métiers, de fonctions et de secteurs. Ces stéréotypes façonnent la vie professionnelle et la culture des affaires d’une façon déterminante (Gundry et al., 2002). Selon Mueller (2004), l’émergence de l’intention entrepreneuriale des femmes n’échappe pas à la prédominance de ces stéréotypes.
2. Dessein de recherche
Comme le note Mueller (2004), chaque pays présente des facteurs culturels inhibant ou favorisant l’intention entrepreneuriale des femmes. D’après les résultats de Langowitz et Minniti (2007), l’intention entrepreneuriale des femmes est toujours moindre que celle des hommes et ceci serait dû au fait que leur lieu de contrôle interne et leur propension à prendre des risques seraient modérés (Mueller, 2004). Toutefois, cette étude souligne que le contraste homme/femme en matière d’intention entrepreneuriale est plus fort dans les pays développés et moins fort dans les pays peu développés. L’Égypte de 2010 constitue un cas particulier d’économie de transition qui questionne les résultats de Mueller (2004). Il s’agit donc pour nous, en premier lieu, de faire progresser la compréhension du rôle du contexte culturel, rapporté à la question du genre et plus particulièrement des rapports hommes/femmes, dans la formation de l’intention entrepreneuriale féminine.
Tout en relançant le questionnement de Mueller (2004) ainsi que de Langowitz et Minniti (2007) sur le contraste homme/femme en matière d’intention entrepreneuriale, nous voudrions aller plus loin. Initialement, les chercheurs ont privilégié un modèle d’étude très comparatif de pays à pays et d’hommes à femmes. Ils ont d’ailleurs conclu qu’il y avait des différences de perception sexuée qui s’observent dans la prise de risque et le lieu de contrôle interne. Cette approche comparative peut se révéler réductrice en enfermant échantillons masculins et féminins dans leurs apparentes spécificités et en renforçant les stéréotypes. Comme le rappelle Butler (2004), la notion de genre est éminemment interactive et s’inscrit pleinement dans la théorie interactionniste. Étudier le genre, c’est donc non seulement comparer, mais aussi prendre en compte des points de vue croisés et réflexifs des hommes et des femmes sur un comportement ou une attitude donné, « en l’occurrence le choix de la trajectoire entrepreneuriale par les femmes », puisque, dans chaque culture, le masculin « fait » le féminin et réciproquement. Dans leur critique portée à l’encontre des études de genres en entrepreneuriat qui se limitent pour la plupart à l’étude des différences sexuées, Watson et Newby (2005) rappellent l’importance d’intégrer une vision interactionniste dans les desseins de recherche. Notre étude vise donc à articuler une comparaison sexuée et une approche genrée pour mieux comprendre le rôle du contexte culturel dans la formation de l’intention entrepreneuriale féminine en Égypte.
Dans le domaine qui nous intéresse, la culture « valeurs, croyances, modèles » peut avoir trois types d’impact majeurs sur les perceptions qui sont à l’origine de l’intention entrepreneuriale chez les hommes comme chez les femmes : à travers le poids des normes collectives, elle peut toucher la désirabilité, la faisabilité et le sens de la convenance. Pour mesurer cet impact, il faut donc évaluer les perceptions des jeunes Égyptiennes et les comparer à celles de leurs homologues. Plus précisément, il faut mesurer :
leur désir d’entreprendre (désirabilité) nourri par une attractivité perçue de l’entrepreneuriat ;
leur capacité à prendre des risques, c’est-à-dire à ne pas respecter (entièrement) certaines normes subjectives et collectives pour arriver à leurs fins, autrement dit, leur perception de convenance qui peut les amener à risquer de se montrer, certaines fois, inconvenantes ;
leur confiance en elles-mêmes (le lieu de contrôle interne) et leur sentiment d’auto-efficacité face à un objet nouveau (le projet entrepreneurial) nourrie par une capacité à mettre en regard normes subjectives et normes collectives, autrement dit, leur perception de faisabilité.
3. Méthodologie
3.1. Articuler enjeu culturel, comparaison sexuée et approche genrée
Les points de vue masculins et féminins sur l’entrepreneuriat en général et sur le fait que les femmes puissent entreprendre, en particulier, exercent très tôt et très fortement différentes formes de pression directes et indirectes sur les choix de trajectoires professionnelles (Morgan, Isaac et Sansone, 2001 ; Francis, 2002). Pour cette raison, nous avons mené notre recherche sur un échantillon mixte de filles et de garçons. Comme nous l’avons évoqué auparavant, afin de bien comprendre le rôle d’une culture et le rôle du genre, il est important de rapporter des perceptions à des représentations, et, pour le cas précis de notre étude, les perceptions entrepreneuriales à la représentation des rapports hommes/femmes. Nous examinerons donc dans un premier temps la désirabilité à l’oeuvre dans l’intention entrepreneuriale des jeunes Égyptiennes : c’est là où s’exprime le plus le sujet. Puis nous comparerons la désirabilité des jeunes filles et des jeunes gens. Tout comme Mueller (2004) ainsi que Langowitz et Minniti (2007), nous exploiterons les résultats concernant les perceptions de faisabilité et de convenance pour voir ce qui peut expliquer les décalages possibles de motivations hommes/femmes. Toutefois, pour aller plus loin que nos deux prédécesseurs, nous examinerons plus attentivement les réponses sur les perceptions de faisabilité et de convenance qui révèlent plusieurs tensions entre normes subjectives et collectives. Nous rapporterons ces réponses aux points de vue que portent les hommes sur les femmes et les femmes sur elles-mêmes afin de formuler des interprétations précises sur ce qui fondent ou non la confiance et le goût du risque des Égyptiennes lorsqu’elles s’interrogent sur leur potentiel entrepreneurial. Nous comptons ainsi donner une vue d’ensemble des motivations des jeunes Égyptiennes et de leurs peurs face à l’entrepreneuriat, mais aussi de leurs stratégies professionnelles et, plus particulièrement, de la perception des ressources dont elles peuvent bénéficier pour arriver à leurs fins.
3.2. L’échantillon
Pour étudier l’émergence de l’intention entrepreneuriale au sein d’une population féminine, Brush (1992) suggère qu’il est préférable de s’intéresser à l’intention de celles qui n’ont pas encore connu trop de discriminations salariales. En outre, elles jouissent d’un plus grand accès que leurs aînées à la formation et à l’information qui leur permet de mettre en perspective choix familiaux ainsi que statut salarial et entrepreneurial, d’où notre choix d’échantillon dans la population étudiante.
Ainsi, nous avons adopté une approche quantitative dans l’objectif d’aboutir à des données statistiques représentatives. Il a fallu constituer un échantillon significatif qui rende compte des intentions entrepreneuriales des jeunes Égyptiennes, aussi bien de projets modestes que de visions ambitieuses. Ainsi, nous avons ciblé la population étudiante, et plus particulièrement la population ouverte à l’international, c’est-à-dire les étudiants dans des filières internationales. En effet, Kabasakal et Bodur (2002) notent que dans ces filières, les jeunes ont une plus grande propension à l’initiative économique, qu’il s’agisse de reprendre l’entreprise familiale, de créer un commerce ou de s’engager dans les secteurs de l’innovation. De ce fait, notre échantillon ne reflète pas la population jeune égyptienne dans son ensemble, mais celle qui est susceptible d’exprimer les voeux les plus avancés et les plus diversifiés en matière d’entrepreneuriat. En effet, cette étude ne vise pas seulement à prendre une photo de l’intention entrepreneuriale des jeunes Égyptiennes, mais à comprendre dans son ensemble le contexte dans lequel progressent les éventuelles porteuses de projets. Pour ce faire, il faut que l’éventail des projets envisagés soit le plus vaste possible afin de rendre compte de toutes les stratégies possibles d’affirmation et de construction de soi des entrepreneures.
Cela dit, la filière francophone représente 10 % des étudiants des filières internationales cairotes et 1 % du total des étudiants cairotes (chiffres enquête OCDE, 2010). Le choix de la filière francophone s’est porté pour des raisons de convenance, dans la mesure où il était plus facile pour nous d’accéder à cette population. D’autant plus que la situation politique et économique rentrait dans la phase d’instabilité à cause de la révolution. Donc, au sein de la filière francophone du Caire, nous avons interrogé 320 étudiants sur les 1 100 étudiants inscrits ce qui représente 29 % de la population. Les questionnaires ont été distribués à des étudiants âgés de 18 à 25 ans avec une médiane de 20 ans, de la 1ère année jusqu’à la 4e année, appartenant à différentes facultés : ingénierie, langues, droit, sciences politiques et gestion. Les réponses étant homogènes, nous avons arrêté l’administration des questionnaires à 320.
3.3. Le questionnaire et son administration
Afin d’offrir un panorama vaste et fouillé de l’intention entrepreneuriale des Égyptiennes, notre questionnaire était composé de deux parties, la première partie, administrée aux deux sexes, comportait des questions d’ordre général, mais aussi des questions sur la désirabilité, la convenance et la faisabilité. Les thèmes principaux étaient : l’intention de création, la période de création, les motivations de création et inversement, l’accès à l’entrepreneuriat (est-il facile…), lien entre la culture et l’intention, lien entre le sexe, la culture et l’intention. La deuxième partie administrée uniquement aux femmes comportait des questions d’approfondissement sur la désirabilité, la convenance et la faisabilité, avec comme thèmes principaux : leurs projets d’avenir, le lien entre culture et intention, le domaine de création et les difficultés de création. Quant aux questions, nous avons opté pour des questions fermées dichotomiques ou à choix multiples, dans le but de faciliter l’analyse des réponses. Par ailleurs, ayant choisi des classes entières d’étudiants, nous n’avons pu établir des quotas pour les garçons et les filles; par conséquent, la majorité des étudiants étaient des femmes (74 % de femmes contre 26 % d’hommes). Tous les questionnaires ont été administrés pendant les cours et en notre présence afin de s’assurer de leur validité et répondre aux questions s’il y en avait.
3.4. Analyse des données
L’analyse a été effectuée sur le logiciel d’analyse de données SPHINX selon les variables définies dans le questionnaire, à savoir : un lien de causalité entre le sexe et l’intention entrepreneuriale, les motivations des femmes pour l’entrepreneuriat, les freins perçus, la culture et l’intention entrepreneuriale, la capacité des femmes à créer une entreprise, le domaine de création souhaité, etc.
4. Résultats
4.1. Désir d’entreprendre
D’après le tableau 1, 57 % des étudiants (femmes et hommes confondus) ont l’intention de créer leurs entreprises, contre 27 % qui ne le souhaitent pas et 16 % seulement qui ne savent pas encore. Lorsque l’on croise les données pour obtenir des statistiques par sexe (tableau 1 bis), une étude verticale des données nous démontre que 32 % des étudiants ayant l’intention de créer leur entreprise sont des garçons et 68 % sont des filles, mais notre population de base étant constituée par une majorité de femmes (74 % contre 26 %), il serait plus judicieux d’analyser ces chiffres de façon verticale (tableau 1 bis) afin d’obtenir le réel pourcentage de jeunes filles ayant l’intention de créer leurs entreprises. La proportion filles/garçons change et l’on constate que 52,6 % des filles ont l’intention de créer leur entreprise contre 71 % des garçons. On peut donc en déduire que malgré le taux important de filles (plus de la moitié) ayant l’intention d’entreprendre, il y a une plus grande proportion de garçons désirant entreprendre. Quant aux réponses « je ne sais pas encore », le taux est quasi identique : 16 % pour les filles et 15 % pour les garçons.
Outre l’intention entrepreneuriale, nous nous sommes intéressés à la période de création. Pour cette rubrique, nous avons effectué les mêmes analyses (horizontales et verticales) afin de déterminer le pourcentage exact de réponses selon les filles et les garçons. Ainsi, le tableau 2 nous démontre que 38 % environ des étudiants (hommes/femmes confondus) préfèrent travailler avant de créer leurs entreprises contre 9 % environ qui veulent créer à la fin de leurs études et 11 % qui ne savent pas quand. Lorsqu’on analyse ces résultats de plus près en croisant les réponses avec le sexe (tableau 2 bis), on constate que 71 % de ceux qui ont répondu qu’ils créeront après les études sont des jeunes filles, contre 29 % de garçons. Et paradoxalement, 32 % de ceux qui préfèrent créer une entreprise après avoir travaillé sont des garçons contre 68 % de filles. Par ailleurs, environ 10 % de filles et 14,5 % de garçons se montrent indécis quant au moment à choisir pour créer leurs entreprises. Cela dit, si l’on effectue une analyse horizontale par sexe et par rapport à la population globale, on constate que 48 % des garçons souhaiteraient créer une entreprise après avoir travaillé contre 35 % des filles de la population globale. De plus, 9,6 % des garçons de la population globale souhaitent créer leur entreprise après les études contre 8,5 % des filles.
La somme des pourcentages est différente de 100 du fait des réponses multiples et des suppressions.
Les chiffres issus de ces tableaux démontrent que, même si le nombre de filles qui aspirent à devenir entrepreneures est légèrement moindre que celui des garçons, ces dernières semblent réellement décidées dans la mesure où la question de la création se pose dès le moment des études. Elles essaient de se fixer une fenêtre de temps et d’action bien définie pour arriver à leurs fins. De même, les chiffres obtenus démontrent qu’il y a presque une même proportion de filles (8,5 %) que de garçons (9,6 %) qui ne sentent pas le besoin de travailler avant de créer leurs entreprises. C’est un signe de détermination et de confiance en soi chez ces jeunes filles. Du point de vue de la désirabilité, on peut dire qu’il existe, au sein de la population étudiante, une proportion significative d’Égyptiennes qui expriment le désir d’entreprendre et une part non négligeable d’entre elles qui visent à concrétiser leur projet assez vite.
4.2. Motivation entrepreneuriale : comparaison sexuée
Afin de déterminer les motivations des étudiants, nous avons effectué une double analyse, une première par population globale et une seconde par croisement des données selon le sexe. Ainsi, d’après le tableau 3, 42,5 % des étudiants (les deux sexes confondus) espèrent évoluer dans le domaine qu’ils aiment en créant leurs entreprises. C’est le taux de réponse le plus élevé. En revanche, on retrouve quasiment des chiffres équivalents filles/garçons lorsqu’il s’agit de décrire l’entrepreneuriat comme une quête d’autonomie (34,4 %) ou comme la réalisation de rêves personnels (34 %). La motivation du type « avoir un bon statut social » comptabilise tout de même 27 % des réponses, 17,5 % des répondants déclarent vouloir entreprendre pour « ne pas avoir un chef au-dessus de sa tête » et 2,2 % seulement pour « faire comme leurs parents ». Enfin, 0,6 % des répondants veulent entreprendre pour « aider à développer l’économie de leur pays ». Maintenant si l’on croise les données avec le sexe, on peut trouver que 78 % des étudiantes contre 22 % des étudiants invoquent le besoin d’être autonomes. Parallèlement, 65 % des jeunes filles contre 35 % des jeunes garçons comptent créer pour réaliser leurs rêves.
La somme des pourcentages est différente de 100 du fait des réponses multiples et des suppressions.
Elles sont 61 % à avoir répondu « ne pas vouloir un chef au-dessus de leur tête » alors qu’ils ne sont que 39 % à avoir invoqué ce motif. De même, 77 % des femmes souhaitent créer leur entreprise pour évoluer dans le domaine qu’elles aiment contre 23 % des hommes. Par ailleurs, 73,5 % des femmes disent vouloir créer leur entreprise pour avoir un bon statut social contre 26,5 % pour les hommes (voir tableau 3 bis). Ces chiffres éloquents démontrent que les femmes égyptiennes pensent qu’entreprendre leur permettra d’être autonome, de s’émanciper et de prouver aux hommes qu’elles peuvent réussir et manager une équipe.
4.3. La faisabilité entrepreneuriale : le point de vue féminin
Alors que 75 % des étudiants interrogés pensent qu’il est globalement difficile de créer son entreprise, 31 % seulement trouvent que c’est particulièrement difficile en Égypte, contre 51 % qui déclarent qu’il n’y a pas de lien entre les conditions propres du pays et la difficulté à entreprendre. Par ailleurs, seulement 28 % des étudiants (les deux sexes confondus) estiment qu’il est plus facile pour un homme que pour une femme de créer son entreprise en Égypte : « un homme a plus de connaissances, il est plus disponible et il peut avoir un financement plus facile qu’une femme», contre 43 % qui considèrent que la difficulté est la même pour les deux sexes. Quant au reste des réponses, « ce n’est pas une histoire de genre, mais une histoire de compétences, de capital et d’expérience », 6 % seulement se sentent en confiance et 19 % n’ont pas souhaité s’exprimer sur la question (tableau 4). Par ailleurs, lorsqu’on analyse le tableau 4 bis où l’on croise les réponses avec le sexe, nous pouvons constater que ce sont les filles qui déclarent à 78 % que la création d’entreprise est plus difficile pour elles en Égypte (analyse verticale). Si l’on effectue maintenant une analyse horizontale par rapport au nombre de répondants par sexe, on remarque que les chiffres se resserrent. En effet, 29 % des garçons contre 32 % des filles déclarent qu’il est plus facile pour un homme que pour une femme de créer son entreprise en Égypte contre respectivement 53 % et 48,5 % qui pensent que le facteur « pays» n’a pas de lien avec la perception de la difficulté à entreprendre.
Afin d’approfondir notre recherche sur la faisabilité entrepreneuriale pour les femmes, nous leur avons consacré le reste du questionnaire. Ainsi, les données du tableau 5 regroupent uniquement les réponses des femmes. Encore une fois, les résultats démontrent que les femmes s’estiment capables de créer une entreprise au même titre que les hommes. En effet, 75 % d’entre elles s’estiment avoir la capacité de créer leur entreprise, contre 25 % seulement qui pensent ne pas en être capables. Les raisons invoquées pour expliquer leur incapacité sont le manque de compétences (12 %), 2,8 % déclarent que « personne ne leur prêtera de la crédibilité » et 1,6 % déclarent que « l’entrepreneuriat n’est pas un métier pour une femme » (tableau 5 bis).
Afin de confirmer le souhait d’entreprendre des femmes, nous avons reposé la question de façon différente. Ainsi, d’après le tableau 6, la majorité des femmes (41 %) ont répondu préférer créer leurs entreprises, contre 34,4 % qui souhaitent être salariées et seulement 3,4 % d’entre elles qui souhaitent être femmes au foyer.
Les femmes égyptiennes souhaitent donc travailler, notamment créer leurs entreprises, mais les secteurs de création choisis sont traditionnels et assez fortement féminisés (tableau 7) : 22 % d’entre elles se voient développer une activité dans le secteur du tourisme et des voyages, 17 % dans les services, 12 % dans les boutiques et 9 % environ dans le secteur artisanal, en particulier la couture. Toutefois, 20.6 % ne précisent pas le secteur de leur création : s’agit-il de secteurs qu’elles ne connaissent pas encore, qu’elles estiment masculins et qu’elles comptent découvrir avant de créer ?
Alors que l’étude de Mueller (2004) nous incitait à formuler l’hypothèse d’un certain manque de confiance des jeunes Égyptiennes quant à la création, on constate qu’elles sont assez confiantes dans leur capacité à créer : 74,6 % déclarent avoir les compétences pour pouvoir développer les capacités qui feront d’elles des chefs d’entreprise (tableau 5). Leur perception de la faisabilité de leur trajectoire entrepreneuriale est assez positive. Toutefois, elles font également preuve de lucidité sur les défis éventuels à relever : dans le tableau 5, on note que la majorité de celles qui ne croient pas avoir la capacité de créer pointent leur manque de compétences. Cette peur de n’être pas assez compétente peut se traduire, soit par un découragement, soit paradoxalement par un désir d’apprendre en entreprenant puisqu’un grand nombre d’entre elles désirent davantage créer que devenir salariées (tableau 6). En comparaison, leurs camarades masculins se remettent déjà moins en cause concernant leurs compétences puisqu’ils se voient aisément accueillis dans des entreprises pour devenir ensuite, éventuellement entrepreneurs (tableau 2 bis). On doit donc voir dans cette interrogation des jeunes filles sur leurs compétences, la source d’un degré de confiance en soi moindre qui pourra limiter la croissance de leurs entreprises et leur capacité à devenir de futurs modèles de rôles entrepreneuriaux.
4.4. Convenance et contexte culturel : quels leviers, quels freins pour entreprendre ?
Quant aux aspects culturels, nous avons interrogé des hommes et des femmes sur leur perception de la création d’une entreprise par une femme en Égypte. Les réponses étaient majoritairement favorables aux femmes, dans la mesure où 80 % des hommes interrogés accepteraient que leurs femmes ou leurs filles créent leurs propres entreprises, contre 4 % seulement qui s’y déclarent opposées, car « la femme doit s’occuper de ses enfants et de son foyer ». Cela dit, 12 % des étudiants interrogés estiment que si la femme est capable de réaliser un équilibre entre son travail et son foyer, ils soutiendront le projet de création de leurs futures épouses. Parmi les raisons citées concernant la difficulté de la création d’entreprise au féminin (tableau 8), les démarches administratives viennent en première position (22,5 %), alors que la question de la convenance « c’est mal vu par la société » (16,6 %) constitue le second frein à la création au féminin. Enfin, 1,9 % et 1,3 % seulement invoquent l’autorisation des parents et le respect de la religion comme obstacles au projet entrepreneurial.
Pour aller plus loin dans notre analyse, nous avons interrogé les femmes sur les raisons qui les poussent à ne pas souhaiter créer leurs propres entreprises. La majorité de ces répondantes (12 %) pensent ne pas avoir les compétences, 3 % environ pensent qu’elles manqueront de crédibilité, 1,6 % seulement déclarent que « ce n’est pas un métier pour une femme » et 0,3 % disent qu’entreprendre « c’est mal vu par la société ».
Le poids des convenances est effectif pour les jeunes Égyptiennes en 2010 : les étudiantes égyptiennes savent qu’on les juge et qu’on attend d’elles des résultats, mais des résultats qui doivent demeurer dans la norme domestique et familiale, qui est encore le lot de la majorité de leurs aînées. Elles s’apprêtent à engager une mutation silencieuse, mais il leur faudra beaucoup de soutien pour satisfaire au double objectif d’accomplissement personnel et professionnel qui les attend, surtout si, comme on peut l’imaginer, devenir entrepreneur suppose une vie publique assez importante.
5. Analyse
Ces résultats révèlent, tout d’abord, que les étudiantes égyptiennes sont déterminées à démontrer qu’elles sont les égales de leurs comparses, même dans le domaine de la création d’entreprise. La désirabilité entrepreneuriale des étudiantes égyptiennes est forte. Il est intéressant de voir que 41,3 % des répondantes veulent devenir entrepreneures (tableau 6) et que 19 % des répondantes veulent se lancer directement dans l’entrepreneuriat sans passer par le salariat (tableau 2 bis). Une étude majeure dans le domaine et assez récente sur les intentions entrepreneuriales des étudiants français soulignait que seulement 13 % des étudiantes voulaient créer (Boissin, Chollet et Emin, 2007). De même, 75 % des étudiantes égyptiennes estiment avoir les compétences requises pour créer (tableau 5) contre 39 % des étudiantes françaises (Boissin et al., 2007). Comme le note Fouquet (2005), les étudiantes françaises expriment une certaine anxiété à l’idée de créer, car elles associent la création à l’entrepreneuriat d’opportunité et à l’innovation. En revanche, les étudiantes égyptiennes semblent moins marquées par cette appréhension.
Ce fort taux d’intention entrepreneuriale chez les étudiantes égyptiennes fait écho à certains signes avant-coureurs d’une montée de l’ascendant féminin en matière professionnelle : de 1993 à 2003, la proportion de femmes occupant des postes de responsabilité dans la population active est passée de 7 à 24 %. Mais ce taux d’intention entrepreneuriale élevé rend aussi compte d’un danger perçu par les étudiantes quant aux perspectives salariales puisque le taux de chômage des femmes en Égypte est de trois fois supérieur à celui des hommes.
En terme de regards croisés, il est clair que les jeunes gens ne s’opposeront pas aux projets entrepreneuriaux de leurs compagnes ou de leurs soeurs, voire les soutiendront jusqu’à un certain point. Ceci peut expliquer le point de vue enthousiaste des répondantes au sujet de l’entrepreneuriat : on accepte de les voir entrepreneures et elles assument de le devenir.
Toutefois, on devine dans les réponses données, quant au désir de devenir entrepreneures, des stratégies d’adaptation des jeunes filles aux normes, qui font écho à la prise en compte de certaines pressions sociales sur la place du féminin dans la société égyptienne.
Les répondantes se montrent plus lucides que leurs homologues masculins : elles savent qu’elles ne doivent pas attendre trop longtemps pour entreprendre car, très vite, elles devront compter avec leurs époux et leurs enfants qui requerront une part de leur temps. Les étudiants, eux, ont tout l’avenir devant eux : leur temps est moins dédié à la famille; ils peuvent en disposer pour développer un nouveau projet. Doit-on parler d’un entrepreneuriat de dépit ou d’appoint ? Il est possible que les étudiantes égyptiennes se montrent intéressées par l’entrepreneuriat parce qu’elles savent qu’elles auront moins de facilité que leurs comparses à trouver un emploi salarié.
Le très fort désir d’entrepreneuriat rend compte plus largement d’un besoin d’accomplissement professionnel. L’enthousiasme des étudiantes égyptiennes s’explique par le fait qu’elles voient dans l’entrepreneuriat ce qui leur permettra de trouver le bon compromis entre autonomie et accomplissement domestique. Les secteurs qu’elles choisissent majoritairement sont légitimes pour leur sexe, à ce moment de progrès des droits des femmes en Égypte. Elles doivent trouver un équilibre entre conformité et indépendance. Toutefois, lorsqu’il est question de faisabilité, elles sont très lucides, peut-être même trop, concernant leurs compétences : c’est certainement le frein qui les amène à choisir des domaines de création dans des secteurs tradionnellement féminins ou des services de proximité. Leur crainte face à l’administration en tant que future entrepreneure traduit un malaise général des Égyptiens face à la bureaucratie. Toutefois, il rend compte aussi de la façon dont le féminin est minoré dans le contexte administratif et, en écho, la façon dont le féminin a du mal à construire une légitimité (salariale et entrepreneuriale) et donc la difficulté qu’elle pourra avoir à institutionnaliser son entreprise (Rindova, Barry et Ketchen, 2009).
Armanios (2002) note que, dans l’Égypte du début du XXIe siècle, dans le discours public et les comportements sociaux normés, les femmes des deux grandes communautés religieuses, à savoir les musulmanes et les coptes, demeurent les gardiennes du foyer. De plus, les modèles de succès professionnels féminins restent très limités pour inciter les jeunes filles à prendre des initiatives entrepreneuriales. Leur vie publique et professionnelle est considérée comme un supplément valorisant qui doit refléter leurs grandes qualités de gestion de la vie domestique. Il est donc possible que les étudiantes que nous avons interrogées puissent donc se montrer enthousiastes quant à l’entrepreneuriat, soit parce qu’elles veulent vraiment créer, soit parce qu’elles y voient le meilleur cheminement pour apprendre à devenir un entrepreneur domestique. Toutefois, ce sont encore les modèles de rôles féminins à l’horizon, aujourd’hui ; peut-être évolueront-ils avec la nouvelle génération qui entrera sous peu sur le marché du travail qui, lorsqu’elle étudie, se montre assez favorable aux prises d’initiatives économiques féminines.
Cela dit, les limites de l’étude sont nombreuses : l’échantillon n’est pas pleinement représentatif de toute la population égyptienne jeune et féminine. Les personnes interrogées ont déjà un niveau d’éducation qui leur a permis de discuter à maintes reprises des différents scenarii professionnels qui s’offrent à elles et d’y intégrer celui de l’entrepreneuriat. Similairement, parce que mieux éduqués que la moyenne des jeunes Égyptiens, leurs homologues masculins se montrent peut-être plus tolérants quant à l’émancipation de leurs compagnes, en particulier lorsqu’il est question d’entrepreneuriat. Une autre limite de cette étude réside dans le fait que nous n’avons pas distingué dans notre échantillon les origines confessionnelles, même si Armanios (2002) souligne que les approches musulmane et copte de la condition féminine sont assez proches. Enfin, on devine dans l’échantillon étudié, d’une part, un déplacement des modèles des rôles féminins traditionnels et, d’autre part, un éventuel renforcement de ces mêmes modèles. Les accomplissements des femmes entrepreneures égyptiennes des années qui viennent permettront peut-être de dénouer certaines de ces ambiguïtés et, surtout, de faire émerger des modèles de vie, qui, comme le souligne Cockburn (1998), donnent du courage à beaucoup d’autres femmes, pour négocier au quotidien une meilleure répartition des responsabilités domestiques et introduire une certaine élasticité dans le soutien réciproque des deux membres du couple aux initiatives professionnelles engagées par l’un ou l’autre.
Conclusion
Cette étude a révélé qu’il existait, parmi la population égyptienne étudiante, exposée à une forte ouverture internationale, une proportion significative de jeunes filles qui expriment le désir d’entreprendre et de concrétiser leurs projets. Ces étudiantes se montrent assez confiantes dans leurs compétences pour créer une entreprise, du moins bien plus confiantes que leurs homologues occidentales (Boissin et al., 2007). Toutefois, elles se remettent déjà davantage en cause que leurs homologues masculins. Lorsqu’il s’agira de passer à l’acte, cette attitude présente peut être source de prudence et de pragmatisme tout autant que d’inhibition. Enfin, le poids des convenances amène implicitement la majorité des étudiantes égyptiennes interrogées à circonscrire leur projet de création dans un contexte de responsabilités matrimoniales conséquentes.
Notre étude complète ainsi les conclusions de Mueller (2004), et de Langowitz et Minniti (2007), qui pointent que les femmes présentaient des intentions entrepreneuriales moindres que les hommes dans les pays en voie de développement. Nous pouvons arguer du fait que, dans un pays en économie de transition, le déséquilibre des motivations entrepreneuriales des femmes et des hommes est limité. Toutefois, il nous semble important de préconiser de nouvelles recherches internationales sur l’intention entrepreneuriale des femmes, car nous observons certaines contradictions dans les résultats actuels des études réalisées. En effet, Mueller (2004) démontre que les femmes des pays en voie de développement présentent une intention d’entreprendre moindre que celles des pays développés : la comparaison des intentions entrepreneuriales des étudiantes françaises (13 %) et de celles des étudiantes égyptiennes (41,3 %) pose question. Comme le suggèrent Manev et Manolova (2010) pour l’ensemble de la population, il n’est pas impossible que la transition économique accélère brutalement le désir d’entreprendre des populations féminines pour voir ensuite les inclinations entrepreneuriales se tempérer une fois l’économie développée et les postes salariaux plus nombreux. Il y a là un axe de recherche à explorer.
Si, à partir des résultats de cette étude, on devait réaliser une préconisation majeure pour les acteurs politiques et éducatifs de l’Égypte d’aujourd’hui, on conseillerait la mise en place et le financement de réseaux et d’ateliers ciblant uniquement les femmes entrepreneures éduquées et non-éduquées : leur rencontre, au sein de ces réseaux, serait le meilleur levier pour faire évoluer certains préjugés, en créant une coopération économique et sociale effective. Des étudiantes pourraient s’insérer dans ces réseaux, soit comme créatrices, soit comme accompagnatrices. Quelques expérimentations ont été réalisées grâce, notamment, au Conseil des femmes en Égypte qui portent leurs fruits. Ce dispositif cible les femmes illettrées ou faiblement éduquées. Il devrait permettre la rencontre des populations féminines de niveau d’éducation différent et réunies par un même intérêt, la création d’entreprise. Le défi serait de favoriser des modes de coopération et d’alliances profitables à toutes ces femmes, quel que soit leur niveau d’éducation.
Pour prolonger cette étude, nous identifions plusieurs perspectives. Mesurant combien nous avons réalisé cette étude à un moment de transition fort pour l’économie et la société égyptienne, il faudrait suivre longitudinalement sur les cinq à dix ans à venir les étudiantes qui ont émis clairement le voeu de créer afin d’évaluer ce qu’elles accompliront, mais aussi la façon dont, autour d’elles, dans les milieux éduqués et moins éduqués, certaines normes concernant l’entrepreneuriat féminin évolueront. Il serait important d’étudier le comportement de ces étudiantes, une fois engagées dans leurs projets. En effet, une fois l’entreprise créée, les femmes apprennent à négocier avec des normes de genre que nous n’avons pas abordées ici : le discours d’autorité, la prise de décision, les tactiques d’influence (Redien-Collot, 2009). De plus, cette étude longitudinale nous permettra d’examiner si les Égyptiennes perdent confiance au fil du temps ou non et comment elles perçoivent les aides et conseils prodigués dans ce contexte. Enfin, elle permettra également d’évaluer si les Égyptiennes instrumentalisent le destin entrepreneurial. Autrement dit, il s’agira de savoir si l’entrepreneuriat est ce lieu d’expérience professionnelle qu’elles imaginent clos et où elles espèrent pouvoir rester, certaines de la maîtrise de leurs compétences (Baughn, Chua et Neupert, 2006).
Notre seconde piste serait de mieux comprendre le contexte de l’entrepreneuriat féminin égyptien en engageant des comparaisons internationales :
Comparaison de l’intention et l’activité entrepreneuriales féminines dans les pays arabes, afin de vérifier s’il existe des différences selon les pays. Ces différences peuvent être liées notamment à la religion, à la politique du pays, ou tout simplement à la culture ;
Comparaison de l’intention et de l’activité entrepreneuriales féminines des pays méditerranéens avec les pays euro-méditerranéens, voire européens, afin de mesurer combien de dispositifs spécifiques cette zone géographique met en place pour les femmes entrepreneures. En effet, la grande majorité des études effectuées sur l’intention entrepreneuriale auprès d’étudiants en Europe traitent le sujet de façon globale et ne distinguent pas la différence d’intention selon le sexe. Or cette distinction permettrait de mettre en place des dispositifs de formation et d’accompagnement plus pertinents et de favoriser des transferts de pratiques en ce domaine.
Parties annexes
Notes biographiques
Laurice Alexandre-Leclair est Maître de conférences à l’université Paris Descartes/Sorbonne Paris Cité, chercheure au CEDAG EA1516 et membre du Réseau de Recherche sur l’innovation (RRI). Elle est l’auteure de plusieurs articles sur l’entrepreneuriat et s’intéresse tout particulièrement à l’entrepreneuriat des femmes. Elle est l’auteure d’un ouvrage sur les stratégies de portage commercial à l’international et co-auteure d’un ouvrage sur l’innovation et l’entrepreneuriat à paraître en 2014. Elle est la responsable pédagogique de l’organisation ENACTUS Université Paris Descartes. Elle fait partie des comités de lecture permanents des revues RIMHE, Innovations et Journal of Innovations Economics and Management.
Renaud Redien-Collot est enseignant-chercheur en entrepreneuriat et Directeur des affaires internationales de Novancia Business School Paris. Depuis 2009, il préside le conseil scientifique Women Equity for Growth. Son champ de spécialisation est la transformation identitaire en contexte managérial et entrepreneurial. Il évalue régulièrement des articles pour Journal of Small Business Management, Feministe Economis et International Small Business Journal.
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