Rubrique sur la mobilisation des connaissances

Artisanat-Université : quand deux mondes se rencontrent. Création d’une méthodologie de coconstruction d’outils d’aide à la décision[Notice]

  • Isabelle Calmé et
  • Marion Polge

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  • Isabelle Calmé
    IAE de Tours

  • Marion Polge
    Université de Montpellier

En France, les recherches sur les PME et plus particulièrement sur les très petites entreprises (TPE) trouvent leur berceau dans le laboratoire ERFI, à Montpellier, où Michel Marchesnay a oeuvré pendant de nombreuses années pour construire un ensemble de connaissances académiques. Ce capital de connaissances n’a pas échappé aux acteurs institutionnels de l’artisanat qui l’ont sollicité lorsqu’ils ont envisagé un système de travail collaboratif avec les universités. C’est ainsi qu’au début des années 2000, l’Institut Supérieur des Métiers (ISM) a exprimé le souhait de construire, avec les chercheurs, des outils opérationnalisables à destination des artisans. L’Université de Lyon et l’équipe de l’ERFI furent les premiers acteurs universitaires invités à s’associer à ce programme. La démarche proposée par l’ISM présente un double intérêt, à la fois académique et pratique. Le secteur de l’artisanat, peu exploré en sciences de gestion, offrait un espace de construction académique relativement vaste. En France, ce secteur est défini d’une manière très particulière sur le plan institutionnel : au-delà de l’aspect taille, la dimension métier joue un rôle majeur dans les conditions de création puis de développement des structures. Alors que les recherches en PME se multipliaient dans plusieurs universités françaises, les études sur les très petites entreprises, et tout particulièrement sur l’artisanat, restaient en marge des axes de recherche. L’artisanat présente pourtant une grande richesse en raison de la diversité des métiers, des territoires d’implantation, mais surtout des perspectives de développement. La demande des artisans ne se retrouvant pas satisfaite par les outils d’aide à la décision habituellement proposés aux PME, la démarche a suscité l’enthousiasme des acteurs praticiens du secteur (artisans, conseillers, institutions professionnelles). L’essaimage des clubs de dirigeants opéré par l’ISM dans plusieurs universités françaises (quinze clubs actifs au total) a permis d’obtenir progressivement des terrains d’observation variés, des démarches de recherches différentes et d’associer même des disciplines académiques nouvelles (sociologie, histoire ou encore géographie). RAU® devient également un label protégé par l’ISM motivant les chercheurs à participer à l’aventure collective de création de savoir (Fourcade et Polge, 2016). À partir de 2005, la production académique s’est accélérée, donnant au secteur une légitimité naissante à l’Université en tant qu’objet de recherche aspirant à devenir un champ de recherche à part entière. Initiée par la profession, cette démarche a permis d’amorcer une ouverture vers des coconstructions entre acteurs institutionnels, socioéconomiques et universitaires donnant naissance sur les plans méthodologique, académique et managérial à des coproductions d’un nouveau genre. Avec le concours de la DGCIS et les organisations professionnelles, l’ISM a été amené à répondre directement aux sollicitations des acteurs socioéconomiques, élargissant ainsi les missions du RAU®. Nous avons réalisé ensemble l’une des démarches originales issues du protocole de RAU® en conduisant le club national sectoriel du bâtiment durant l’année 2012. Ce dernier est né des préoccupations de la CAPEB, organisation professionnelle du bâtiment, face aux exigences règlementaires nouvelles en matière d’habitat responsable issues du Grenelle de l’environnement. À l’issue des accords obtenus par la profession, il a été stipulé que les artisans de corps de métiers différents devaient travailler ensemble à la conception d’un chantier afin d’assurer une coordination optimale dans la construction d’un habitat isolé selon la norme de règlementation thermique 2012 (couramment appelée RT 2012). Le choix des entreprises associées à un projet de construction incombait au client. Ainsi les artisans devaient collaborer dans le cadre de groupements momentanés, avec des confrères imposés, ce qui a occasionné des réactions plus que défiantes. Les élus de la CAPEB nationale s’interrogeaient sur plusieurs points. D’abord sur le message qui devait être transmis aux artisans sur le terrain puis sur la méthodologie qui pourrait au mieux les …

Parties annexes