PrésentationSanté et politiques urbaines[Notice]

  • Carole Clavier et
  • Renaud Crespin

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  • Carole Clavier
    Professeure — UQAM

  • Renaud Crespin
    Chargé de recherche — CNRS — Sciences Po, Centre de sociologie des organisations (CSO) — UMR 7116

Si vous vivez à Montréal, votre espérance de vie est de 81,3 ans en moyenne selon les données de 2006-2008. Elle est un peu plus élevée si vous êtes une femme (83,6 ans), et encore meilleure si vous êtes une femme riche (85,3 ans) (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011 : 14-15). Sociologues et épidémiologistes démontrent depuis longtemps l’effet du sexe et des écarts de revenus sur la santé et l’espérance de vie (Marmot, 2015; Wilkinson, 1996). Mais saviez-vous que votre espérance de vie sera écourtée de 10 ans si vous vivez à Hochelaga-Maisonneuve (74,2 ans), un ancien quartier industriel défavorisé, plutôt qu’à Ville Saint-Laurent (85 ans), un arrondissement beaucoup mieux nanti (Agence de la santé et des services sociaux de Montréal, 2011 : 16) ? La mise en évidence de tels écarts d’espérance de vie entre les microterritoires d’une même ville concourt à la réémergence d’une idée ancienne : les villes contribuent à la santé de la population. Au cours de la deuxième moitié du 19e siècle, la santé des habitants des villes s’est considérablement améliorée grâce à des transformations des conditions de vie et de l’environnement bâti, en particulier avec la construction de réseaux d’égouts, d’installations de traitement des eaux usées et la collecte des ordures ménagères (De Swaan, 1995; Frioux, 2013; Murard et Zylberman, 1996). L’âge d’or de l’hygiénisme municipal est riche d’exemples témoignant des effets positifs de ces innovations sur la santé, y compris la célèbre histoire de John Snow. Ce médecin britannique a mis fin à l’épidémie de choléra qui sévissait à Londres en 1854 en fermant la pompe d’un puits municipal qui approvisionnait le quartier en eau potable. Outre le fait d’avoir identifié la transmissibilité du choléra par l’eau, son action fait état de l’importance de l’environnement urbain sur la santé de la population. Plus près de nous, on sait désormais que les personnes vivant à proximité d’une autoroute à Montréal risquent davantage de souffrir de problèmes de santé respiratoire et de maladies cardiovasculaires. La superposition d’une carte de la qualité de l’air (présence de particules fines) et d’une autre de la prévalence des maladies cardiovasculaires illustre le lien entre les deux phénomènes (Reeves, 2011). Les îlots de chaleur, ces zones urbaines fortement bétonnées, peu protégées par la canopée et qui emmagasinent la chaleur du soleil, sont aussi responsables de malaises cardiaques et respiratoires, parfois mortels pour les plus jeunes et les plus âgés (Smargiassi et al., 2009). On sait également que l’inactivité physique cause près de 200 000 décès par an aux États-Unis, et qu’elle y est la deuxième cause de mortalité prématurée (Gordon-Larsen, Nelson et Beam, 2005; Killingsworth, Nazelle et Bell, 2003; Sallis et al., 2004). Une augmentation de l’activité physique, aussi minime que de marcher de courtes distances pour se rendre à l’école ou au travail, peut avoir des conséquences positives sur la santé (Giles-Corti et al., 2010; Killingsworth, Nazelle et Bell, 2003). Alors, qui sont les responsables du (mauvais) état de santé des urbains et des urbaines ? Les particules fines, les bactéries et l’accès à un médecin de famille, certes, mais aussi le revenu, l’accumulation de béton, la ségrégation spatiale entre les riches et les pauvres, les difficultés d’accès à des aliments frais, l’absence de pistes cyclables ou de trottoirs adéquats, les logements insalubres, etc. En somme, la santé des urbains (et des ruraux) est en grande partie créée en dehors du système de soins, sous l’influence de ce que l’on nomme les déterminants sociaux de la santé (Marmot et Wilkinson, 2006). L’urbanisation massive des dernières décennies conduit à ce …

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