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Le monde dans lequel nous vivons réclame, plus que jamais, un renouveau dans la recherche de la vérité et de la sagesse, une réflexion philosophique renouvelée. Il est facile de constater combien, aujourd’hui, tout est confondu, mêlé.

C’est ainsi que l’A. s’exprime dans l’avant-propos de ce petit livre qui devrait se trouver sur tous les bureaux des professeurs de philosophie oeuvrant dans les collèges, tant au Québec que dans la francophonie planétaire.

L’A. insiste, dès le départ, pour dire que son ouvrage est strictement philosophique. Il déplore qu’aujourd’hui beaucoup de chrétiens et de théologiens, délaissant la recherche de la vérité philosophique, ne s’appuient que sur la foi, en négligeant les grandes questions de l’homme, vite considérées comme obsolètes au regard de la Révélation. La philosophie et la foi sont deux regards distincts, mais non opposés. La philosophie ne cherche pas à convaincre, à prouver une opinion a priori dans une attitude apologétique, mais à découvrir la vérité.

Le premier chapitre nous introduit aux deux grands problèmes de l’homme. Le premier est le sens de la vie. Le deuxième, qui lui est forcément lié, est celui de la croissance de la personne. Tout être humain, en ce sens, n’échappe pas au questionnement relié à ces deux grandes interrogations. Pourquoi l’homme doit-il mourir, et la mort est-elle l’anéantissement de la vie ou celle-ci s’ouvre-t-elle sur une autre vie ? Certains répondent par l’absurde. L’A., résolument, a choisi de répondre par la réflexion philosophique. Si certains, devant l’impuissance de la science à répondre à ces questions, se réfugient dans l’apparent confort d’un fidéisme en désaccord avec l’exigence de lumière de leur intelligence, l’A. propose une vraie sagesse philosophique, c’est-à-dire une connaissance humaine qui atteigne la vérité, sur des problèmes ultimes comme l’existence de Dieu, la Création de notre âme spirituelle, la destinée personnelle de l’homme au-delà de la mort. Saint Thomas d’Aquin parle dans sa langue des praeambula fidei.

L’A. nous amène ensuite à réaliser que les sciences exactes ne peuvent pas répondre à toutes les questions de l’homme. Rivées au « comment », elles ne peuvent donner les réponses au « pourquoi ». La philosophie seule a l’intelligence parfaite de l’exercice et de la croissance humaine, car, elle seule peut nous donner l’intelligibilité du devenir, ce qui suppose la découverte de la fin.

L’A. s’attarde ensuite, dans un chapitre magistral, au problème de l’âme et du corps. En passant du mythe à la philosophie, il met en opposition les deux principales conceptions de l’homme : celle de Platon et celle d’Aristote. Si, pour le premier, le corps est la prison de l’âme, pour le second, l’homme implique une unité substantielle d’être et de vie entre l’âme et le corps. L’âme et le corps ne sont pas deux réalités séparées, unies d’une façon accidentelle. L’imaginaire platonicien voit le corps comme un navire portant l’âme, dirigé de l’extérieur par celle-ci. La réalité est autre, selon Goutierre : le corps est porté, animé par l’âme, il est vivant par elle. L’âme, principe radical, cause de vie, est ce par quoi l’homme vivant est vivant. S’il y a une unité substantielle d’être et de vie entre l’âme et le corps, au-delà de la séparation que la mort réalise entre l’âme et le corps, il y a donc encore nécessairement, dans l’âme spirituelle elle-même, un lien mystérieux avec le corps et, dans le corps cadavérique, un certain lien avec l’âme.

Dans cette lumière de la découverte de l’unité substantielle de l’âme et du corps, l’A. affirme, forcément, que la thèse de la réincarnation n’a aucun sens du strict point de vue philosophique. Parce qu’il y a unité substantielle d’être et de vie entre l’âme et le corps, personne ne peut changer de corps : le corps n’est pas un vêtement, il n’est pas une enveloppe. Le corps est un corps personnel. Il fait partie de la personne.

Les derniers chapitres abordent avec lucidité les questions reliées à la survie de l’être humain. L’âme subsiste-t-elle au-delà de la mort ? Subsiste-t-elle au-delà de son union avec le corps ? Rappelant que la personne humaine est une substance individuelle, une âme spirituelle assumant un corps physique, douée d’une nature rationnelle, spirituelle, ayant l’intelligence et la volonté par lesquelles elle s’ordonne et atteint sa fin, l’A. s’attarde longuement à expliquer que la mort n’est pas la destruction de l’être humain, mais une rupture, une brisure, mystérieuse sans doute, mais une rupture qui demeure insupportable. Il est insupportable que ce corps devienne cadavre, parce que la dignité de l’homme implique et exige l’unité substantielle de l’âme spirituelle et du corps.

Les dernières pages de ce génial petit bouquin sont donc consacrées au salut et à l’immortalité de l’être humain. L’âme humaine, principe de vie, est-elle incorruptible ? Pour arriver à répondre à cette question, l’A. aborde le problème philosophique de la découverte de l’existence d’un Être premier, le Créateur et la connaissance que nous pouvons avoir de lui.

Enfin, une dernière question : pourquoi la mort ? Les réponses philosophiques étant épuisées, l’A. nous fait pénétrer dans le vestibule de la foi. Si notre âme spirituelle est unie substantiellement à notre corps, cette blessure, ce déséquilibre entre l’âme et le corps, cette brisure qu’est la mort, n’est pas naturelle à l’homme. Il y a donc dans notre coeur humain un appel à une unité nouvelle entre l’âme et le corps, sans que nous sachions comment cela peut se réaliser. C’est la béatitude éternelle. La philosophie (ou la raison), ici, doit se taire. Elle est au seuil du mystère. La sagesse philosophique nous montre que l’homme est fait pour contempler Dieu, son Père, et que sa destinée immortelle est entre les mains du Père qui le conduit avec sagesse et amour. La foi chrétienne, elle, dans le mystère du Christ mort et ressuscité, révèle à l’homme un salut divin : la vie éternelle, la vie même de Dieu.