Recensions

Eyjólfur Kjalar Emilsson, Lars Fredrik Janby, Panagiotis G. Pavlos, Torstein Theodor Tollefsen, éd., Platonism and Christian Thought in Late Antiquity. London, New York, Routledge, Taylor & Francis Group (coll. « Studies in Philosophy and Theology in Late Antiquity »), 2019, xviii-315 p.[Notice]

  • Kelly Harrison

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  • Kelly Harrison
    Université de Fribourg

L’ouvrage Platonism and Christian Thought in Late Antiquity forme une collection de quinze chapitres portant sur la rencontre fructueuse entre platonisme et christianisme dans l’Antiquité tardive grecque et latine, entre le 2e et le 7e siècle après Jésus-Christ. Précédés d’une introduction générale et se clôturant par quatre index, les chapitres, qui ne dépassent pas la dizaine de pages pour la plupart, sont chacun accompagnés d’une bibliographie primaire et secondaire ainsi que de notes. L’ouvrage livre un riche et stimulant aperçu de la variété des questions qui animaient les penseurs païens et chrétiens de l’époque. Portant sur des thématiques précises — le démon porphyrien tel qu’interprété par Eusèbe de Césarée, la relation plotinienne entre mal et matière, le réalisme immanent de Maxime le Confesseur, les racines épicuriennes de la définition augustinienne du bonheur —, chaque contribution illustre à sa façon la complexité des liens entre platonisme et christianisme ainsi que la profondeur des idées tardo-antiques, encore trop souvent jugées inférieures à celles qui les ont précédées. L’introduction, oeuvre des éditeurs, clarifie l’approche des auteurs. Parmi les thèses, celle selon laquelle le christianisme prend ses racines dans le monde gréco-romain, ce qui implique que l’utilisation de termes et de conceptions philosophiques soit naturelle aux penseurs chrétiens. Ces derniers ne peuvent toutefois être confondus avec les penseurs païens de leur temps, car si les philosophies antiques offrent surtout des clés d’interprétation et de systématisation de la foi aux chrétiens, pour des penseurs comme Plotin et Porphyre, elles servent d’abord à interpréter et systématiser les enseignements de Platon. Ces différences n’empêchent pourtant pas des rapprochements théoriques et méthodologiques. La thèse la plus audacieuse de l’introduction est sans doute l’idée selon laquelle la tradition platonicienne continue de se développer durant l’Antiquité tardive, non seulement à travers le néoplatonisme, mais aussi à travers le christianisme. Ce développement résulte toutefois d’une médiation et d’une transformation active et créative des thèses et méthodes antiques — et avant tout platoniciennes —, qui s’opère par des sélections et des interprétations supposant l’adjonction de perspectives et de sens nouveaux. Les trois chapitres de la première partie de l’ouvrage portent sur la réception de textes païens par des auteurs chrétiens. Sébastien Morlet propose d’abord une histoire de la réception des oeuvres platoniciennes par Justin de Naplouse, Athénagore, Clément d’Alexandrie, Origène et Eusèbe de Césarée. Si aucun des cinq n’accepte la totalité des thèses de Platon, aucun non plus n’a le même accès à ses textes ni la même interprétation de ceux-ci. Si Clément initie un parallèle inédit entre christianisme et platonisme, Eusèbe pousse ces liens plus loin en considérant notamment que l’Église est la réalisation de l’État idéal de Platon. Mais force est de constater que le philosophe a soutenu des thèses contraires aux Écritures, « erreurs » auxquelles les auteurs donnent plusieurs explications. Le deuxième chapitre se focalise sur l’appropriation d’un passage du Timée de Platon par Augustin. L’originalité de la contribution de Christina Hoenig se trouve dans la relecture qu’elle propose de l’Accord des évangélistes et De la trinité. Est défendue l’idée qu’Augustin n’a pas pour cible première les manichéens, mais Porphyre et les homéens, qui nient, au mépris des enseignements de Platon, la divinité du Christ et son égalité avec le Père. La troisième contribution s’intéresse à Sur la philosophie tirée des oracles de Porphyre et la Préparation évangélique d’Eusèbe. Christine Hecht démontre comment Eusèbe, dont l’objectif aurait été d’affirmer la supériorité du christianisme sur le paganisme, dépeint le démon porphyrien. Au moyen de subtiles stratégies rhétoriques, il manipule l’oeuvre du néoplatonicien afin que son lectorat doute de ses intentions et de la qualité de …