Résumés
Résumé
Quand, en 1747, Diderot et d’Alembert reprennent la direction de l’Encyclopédie, ils héritent d’un projet conçu au départ comme une traduction de la Cyclopaedia d’Ephraïm Chambers. Celle-ci ayant laissé son empreinte sur ce qui sera présenté par la suite comme un ouvrage original, les éditeurs seront souvent amenés à revenir sur leur relation au modèle anglais. Dans les polémiques autour de la publication des premiers volumes, les emprunts à Chambers, entre autres, ont été relevés par les défenseurs de la religion, qui accusaient les encyclopédistes à la fois de plagiat et d’impiété. À partir de ces remarques, cet article propose de considérer la contribution de l’abbé Mallet, l’un des premiers collaborateurs recrutés par Diderot et d’Alembert, et auteur de plusieurs centaines d’articles de l’Encyclopédie. Définir ce qui y relève de l’emprunt ou de l’invention révèle des erreurs majeures dans l’histoire de la réception de cet ouvrage, ce qui nécessite une réévaluation de son théologien principal.
Abstract
When in 1747 Diderot and d’Alembert took over the direction of the Encyclopédie, they inherited a project initially conceived as a translation of Ephraim Chambers’ Cyclopaedia. The latter work having left its mark on what would eventually be presented as an original enterprise, the editors would often find themselves having to explain their relation to their English model. In polemics surrounding the publication of the first volumes, borrowings from Chambers and other sources came under scrutiny from defenders of religion who accused the encyclopedists of both plagiarism and impiety. Starting from these observations, this article proposes to consider the contribution of the Abbé Edme Mallet, one of Diderot and d’Alembert’s earliest recruits, and the author of hundreds of articles in ancient and modern history, literature, and theology. Identifying what is borrowed or original in these articles reveals important oversights in the history of the work’s reception, necessitating a reevaluation of its main theologian.
Corps de l’article
L’histoire de la publication de l’Encyclopédie, telle qu’elle a été racontée, par exemple, dans les biographies de Diderot, se présente le plus souvent comme une lutte opposant la philosophie à la religion. L’esprit de l’Encyclopédie, selon Arthur M. Wilson, est résumé dans cette citation de Diderot : « Le premier pas vers la philosophie, c’est l’incrédulité[1] ». Pour Pierre Lepape, « l’histoire mouvementée de l’Encyclopédie se situe, dès sa naissance, dans le cadre d’un affrontement entre philosophes et gardiens de la doctrine catholique[2] », ou, d’après Gerhardt Stenger, « entre partisans et ennemis des Lumières[3] ». Que les encyclopédistes aient eu des adversaires religieux n’est pas douteux. Mais il ne s’ensuit pas de là que tous leurs adversaires fussent religieux, ni tous les religieux des adversaires. Quand Lepape, par exemple, déclare que « tous les savants de l’Encyclopédie sont d’accord pour s’attaquer au pouvoir des théologiens[4] », nous sommes en droit de nous interroger sur la place des théologiens ayant contribué à cet ouvrage, qui, eux aussi, sont des savants, à commencer par l’abbé Edme Mallet.
Selon la notice biographique de Sylviane Albertan-Coppola sur le site de l’Édition Numérique et CRitique de l’Encyclopédie (ENCCRE), la participation de Mallet à l’Encyclopédie est « problématique[5] ». Présenté par d’Alembert comme un esprit tolérant, il soutient, néanmoins, dans plusieurs articles, « des positions intransigeantes envers les protestants », envers « les jansénistes » et envers « les incrédules[6] ». Si la plupart de ses articles « relèvent plus de l’érudition que de la dispute », d’autres « ne sont pourtant pas dénués de charge polémique[7] ». « La question se pose dès lors, écrit Albertan-Coppola, de savoir quelles raisons ont pu pousser les directeurs de l’Encyclopédie à employer ce théologien que Malesherbes désigne comme “le plus ardent ennemi de l’Encyclopédie”[8] » ; s’il n’était pas, « comme on l’a dit », un cheval de Troie au service de Jean-François Boyer, ancien évêque de Mirepoix, ou « un garde-fou destiné à éviter des écarts préjudiciables à l’entreprise[9] ». L’ENCCRE a pour objet de diffuser les connaissances et de mettre l’Encyclopédie, « ce grand héritage des Lumières[10] », à la disposition des enseignants et de leurs élèves. On peut se demander tout de même quelle impression doit avoir le novice qui découvre Mallet en lisant sa notice dans l’ENCCRE. Il y a peu d’apparence qu’il en retire une image favorable ; qu’il s’impatiente de mieux connaître ce personnage aux opinions suspectes et désigné comme hostile à l’entreprise de Diderot et d’Alembert. Au xviiie siècle, Mallet jouissait, pourtant, d’une bonne réputation, dont l’éloge par d’Alembert en tête du sixième volume de l’Encyclopédie fut la source principale. Déjà, dans le Discours préliminaire, d’Alembert souligne combien Mallet, « par la variété de ses connaissances et de ses talents, a été utile à ce grand ouvrage et combien l’Encyclopédie lui a d’obligation[11] ». Le regard dubitatif porté sur Mallet ne doit rien aux notices biographiques classiques et doit tout à l’évolution récente des études sur Diderot et sur l’Encyclopédie. J’y reviendrai plus loin.
Jacques Proust, dans Diderot et l’Encyclopédie, observe que « l’arme utilisée de préférence » par les adversaires de Diderot et de d’Alembert vers 1751-1752, dans le Journal de Trévoux notamment, était « la dénonciation du plagiat », et que « l’objet de la lutte [était] de défendre la religion, et accessoirement l’ordre politique[12] ». La défense de la religion passe, selon Proust, par l’accusation de plagiat. De là à l’appropriation et à la traduction, il n’y a qu’un pas.
Quant à celles-ci, ce sont des sujets sur lesquels les éditeurs de l’Encyclopédie reviennent souvent avant même la parution du premier volume. « La traduction entière du Chambers, écrit Diderot dans son Prospectus, nous a passé sous les yeux[13] ». Plus tard, Diderot évoque la manière dont d’Alembert et lui avaient utilisé Chambers pour recruter leurs futurs collègues : « Il n’y a presqu’aucun de nos collègues, écrit-il dans l’article Encyclopédie, qu’on eût déterminé à travailler, si on lui eût proposé de composer à neuf toute sa partie ; tous auraient été effrayés, et l’Encyclopédie ne se serait point faite. Mais en présentant à chacun un rouleau de papiers, qu’il ne s’agissait que de revoir, corriger, augmenter, le travail de création, qui est toujours celui qu’on redoute, disparaissait[14] ». À propos de ce passage, John Lough observe que Diderot aurait pu « porter plus loin la franchise[15] », en estimant qu’il est plus près de la vérité dans le passage suivant du même article : « Que de temps perdu à traduire de mauvaises choses ? que de dépenses pour se procurer un plagiat continuel[16] ? »
Devant des accusations de plagiat, d’Alembert se justifie, dans l’Avertissement du troisième volume, en alléguant que « la ressemblance qui se trouve quelquefois entre un article de l’Encyclopédie et un article de quelque dictionnaire, est forcée par la nature du sujet », pour rajouter, à propos de Chambers et de l’idée d’appropriation : « Peut-on imaginer que dans un dictionnaire, où l’on enterre, pour ainsi dire, son propre bien, on ait dessein de s’approprier celui d’autrui ? Chambers, ce Chambers tant et trop loué, a pris partout, sans discernement et sans mesure, et n’a cité personne[17] ».
Le premier volume de l’Encyclopédie paraît en juin 1751. Dans une série d’articles publiés dans les Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, connus aussi sous le nom de Journal de Trévoux, Guillaume François Berthier relève des emprunts à différents livres et, en particulier, au Dictionnaire de Trévoux. En octobre 1751, Berthier écrit, par exemple :
[C]omme dans l’Encyclopédie, on se sert souvent du Dictionnaire de Trévoux et du Dictionnaire du Commerce, il serait à propos de citer ces sources, de mettre même des guillemets, comme on fait à l’égard de quelques autres livres dont on emprunte des morceaux[18].
En janvier 1752, Berthier revient à la charge :
L’obligation de citer (nous le répétons) est d’autant plus grande pour l’Encyclopédie, que dans chaque article chaque auteur se désigne par une lettre ou marque qui lui est propre. Ces caractères distinctifs avertissent tout lecteur de ne porter ses vues qu’à celui des écrivains encyclopédistes qui s’annonce dans tel ou tel article. Si l’on ne cite pas les livres et les auteurs adoptés, il est impossible que le lecteur soit instruit de la source où il puise actuellement, et il ne peut manquer d’attribuer à l’écrivain désigné par la lettre ou la marque qui se présente, des choses auxquelles cet écrivain n’a point de part[19].
Dans son article de janvier 1752, Berthier souligne un certain nombre d’articles « imité[s] de Trévoux », dont Acéphale, Acrostiches, Acte de foi, Acteur, Actiaques et Adoption, qui sont désignés par la lettre G, la marque de Mallet ; à quoi il rajoute en février Amphicthyons, Anachorète, Antéchrist et Antitrinitaires. À propos de ces derniers articles, Berthier observe : « Tout ceci est ou transcrit presque mot à mot, ou abrégé, ou fortement imité du Dictionnaire de Trévoux[20] ». Les expressions de Berthier sont révélatrices. Il voit que les articles en question sont proches des articles du Dictionnaire de Trévoux sans être identiques. Et si ces articles sont à la fois proches et différents de ceux du Trévoux, c’est qu’ils s’avèrent être non pas des imitations, mais plutôt des traductions de la Cyclopaedia de Chambers ou, plus précisément, des retraductions en français d’articles traduits du Trévoux par Chambers[21].
Ce processus d’exportation et de réimportation transparaît notamment dans l’article Amphictyon, dont Berthier observe qu’il est « abrégé de Trévoux[22] ». Amphictyon dans l’Encyclopédie suit effectivement l’article du Dictionnaire de Trévoux en supprimant à peu près vingt lignes sur cinquante. Si l’on regarde l’article de Chambers, on aperçoit que l’article de Mallet abrège le Trévoux presque exactement de la même façon : quelques phrases au milieu de l’article du Trévoux ainsi que les seize dernières lignes. En ce qui concerne l’expression, en comparant le début des articles respectifs du Trévoux, de Chambers et de Mallet, on voit l’évolution. Chambers s’écarte légèrement du Trévoux ; l’Encyclopédie s’écarte légèrement de Chambers ; d’où une différence assez notable entre l’Encyclopédie et Trévoux :
Les Amphictyons étaient les députés des villes et des peuples de la Grèce qui représentaient la nation, avec un plein pouvoir de concerter, de résoudre, et d’ordonner ce qui leur paraissait convenir aux avantages de la cause commune[23].
Amphictyons, Amphictyones, in antiquity, the deputies of the cities and people of Greece, who represented their respective nations in a general assembly ; having a full power to concert, resolve, and appoint what they should think fit, for the service of the common cause[24].
Amphictyons, s. m. pl. (Hist. anc.) c’étaient des députés des différents peuples de la Grèce, qui dans l’assemblée générale représentaient toute la nation. Ils avaient plein pouvoir de proposer, de résoudre et d’arrêter tout ce qu’ils jugeaient utile et avantageux à la Grèce[25].
De même, l’article Acte de foi dans l’Encyclopédie est traduit de Chambers qui l’avait tiré du Trévoux :
Acte de foi. (Hist. mod.) Jour de cérémonie de l’Inquisition pour la punition des hérétiques, ou pour l’absolution des accusés. Dies damnandis aut absolvendis haereticis dictus, destinatus. On choisit d’ordinaire pour l’exécution un jour solennel, afin que la chose se passe avec plus d’éclat. On conduit tous les coupables à l’église. Là on lit leur sentence d’absolution, ou de condamnation. Les condamnés à mort sont livrés au juge séculier par l’Inquisition, et elle prie que tout se passe sans effusion de sang. S’ils persévèrent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs. Cette solennité s’appelle Acte de foi. Auto de fe[26].
Act of faith. Auto da fe, in the Romish church, is a solemn day held by the inquisition, for the punishment of heretics, and the absolution of the innocent accused. See Inquisition.
They usually contrive the Auto to fall on some great festival ; that the execution may pass with the more awe, and regard : at least it is always on a Sunday.
The criminals are first led to church ; where their sentence is read to them, either of condemnation, or absolution. – Those condemned to death, are here surrendered up by the inquisitors to the secular power, with an earnest intreaty that no blood may be shed. – If they persist in their supposed errors, they are burnt alive[27].
Acte de foi, s. m. (Hist. mod.) dans les pays d’Inquisition en Espagne, auto da fé, est un jour solennel que l’Inquisition assigne pour la punition des hérétiques, ou pour l’absolution des accusés reconnus innocents. Voyez Inquisition.
L’auto se fait ordinairement un jour de grande fête, afin que l’exécution se fasse avec plus de solennité et de publicité : on choisit ordinairement un dimanche.
D’abord les criminels sont amenés à l’église, où on leur lit leur sentence ou de condamnation ou d’absolution. Les condamnés à mort sont livrés au juge séculier par les inquisiteurs, qui le prient que tout se passe sans effusion de sang ; s’ils persévèrent dans leurs erreurs, ils sont brûlés vifs[28].
Chambers reprend, en substance, l’article du Trévoux en supprimant la deuxième phrase, en latin, ainsi que la réitération du titre à la fin de l’article, en précisant au début, « in the Romish church », et en insérant à la fin de la première phrase un renvoi à l’article Inquisition. L’article de l’Encyclopédie suit Chambers avec de légères modifications. La même progression s’observe, d’ailleurs, à propos de l’article Antitrinitaires, mentionné ci-dessus.
De telles comparaisons soulèvent bien des questions, auxquelles nous reviendrons plus tard, concernant la composition de l’Encyclopédie, la signature de Mallet et son appropriation d’articles de Chambers et du Dictionnaire de Trévoux. L’analyse des sources permet aussi de mettre en relief, nous allons le voir, des méprises concernant le style et les opinions de Mallet, ainsi que ses éventuelles relations avec Diderot et d’Alembert. En faisant une recherche rapide sur Internet, le lecteur intéressé par ces questions trouvera aisément confirmation de ce qu’il a pu lire dans l’ENCCRE : « Si l’abbé Mallet fait preuve d’une très grande érudition, indique Wikipédia, ses prises de position dans les articles théologiques et son ton catégorique peuvent amener le lecteur à se demander pourquoi il fut choisi comme rédacteur pour ce genre d’articles[29] ». Comme Albertan-Coppola, Wikipédia oppose l’érudition de Mallet à ses prises de position sur la religion et invite le lecteur à réfléchir sur les raisons pour lesquelles les éditeurs de l’Encyclopédie ont fait appel à lui. À force d’être répétés, ces arguments ont acquis la force de l’évidence.
L’opinion exprimée sur Wikipédia est surtout due à un article en anglais de Walter E. Rex publié dans les années 1970 aux États-Unis et traduit plus tard dans Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie[30]. Une partie importante de cet article concerne le sens de certains mots qui, d’après Rex, échappe aux lecteurs de « notre époque[31] », peu instruits en matière de théologie. Afin d’interpréter les articles religieux de Mallet « selon le sens voulu par l’auteur, écrit Rex, il faut se souvenir qu’ils provenaient de la plume d’un conservateur de droite qui se servait de “mots code” pour susciter des réponses obligées de la part des fidèles[32] ». Pour illustrer ce propos, Rex cite le début de l’article Albigeois où le verbe « s’élever » constituait, selon lui, pour les hommes d’église du xviiie siècle, un signal : « Albigeois, adj. pris subst. (Théol.) secte générale composée de plusieurs hérétiques qui s’élevèrent dans le xiie siècle, et dont le but principal était de détourner les chrétiens de la réception des sacrements, de renverser l’ordre hiérarchique, et de troubler la discipline de l’Église[33] ». Rex commente ce passage de la façon suivante :
En effet, les chrétiens orthodoxes ne « s’élevaient » pas à la manière des hérétiques ; ils n’avaient aucun désir de se placer au-dessus des autres ou de les dépasser, comme ce mot semble l’impliquer. Un orthodoxe savait que le devoir d’un bon chrétien était de rester humblement à sa place, au sein de la pieuse multitude de l’Église universelle. Ainsi, le verbe « s’élever », si fréquemment employé à propos des hérétiques, suggérait automatiquement quelque chose de dangereux et de répréhensible à un orthodoxe ; il pouvait même engendrer un désir pour le terme opposé : « réprimer » ou « abattre »[34].
Le verbe « s’élever » a plusieurs acceptions, y compris, bien sûr, celle que Rex lui donne ici, mais sans doute à tort. Ce verbe peut avoir aussi le sens de « naître », « surgir », « commencer à se manifester », etc. Et c’est ce sens qui est suggéré par la comparaison avec Chambers qui se révèle être la source de l’article Albigeois : « Albigenses, a sect, or party of reformers about Tholouse, and the Albigeois, in Languedoc ; who, in the xiith century, became remarkable for their opposition to the discipline, and ceremonies of the church of Rome. See Reformation[35] ».
Dans Albigenses, comme dans d’autres articles de Chambers[36], le verbe est absent. Mais il y a aussi plusieurs articles semblables de Mallet traduits de Chambers où le verbe se trouve, soit spring, spring up, ou rise. Dans Arabiques, « s’élever » correspond à spring up :
Arabiques, adj. pris subst. (Théol.) secte d’hérétiques qui s’élevèrent en Arabie vers l’an de J. C. 207. Ils enseignaient que l’âme naissait et mourait avec le corps, mais aussi qu’elle ressusciterait en même temps que le corps[37].
Arabici, a kind of heretics, who sprung up in Arabia, about the year 207 ; whose distinguishing tenet was, that the soul died with the body, and also rose again with it. See Resurrection[38].
Dans Chazinzariens, « s’élever » remplace rise :
Chazinzariens, (Hist. eccl.) hérétiques qui s’élevèrent en Arménie dans le vij. siècle[39].
Chazinzarians,* a sect of hereticks, who rose in Armenia in the seventh century[40].
De même, dans l’article anonyme Illuminé, « s’élever » tient lieu du verbe spring up :
Illuminé, nom d’une secte d’hérétiques qui s’élevèrent en Espagne, vers l’an 1575, que les Espagnols appelaient Alambrados[41].
Illumined, Illuminati, is also the name of a sect of heretics, who sprang up in Spain about the year 1575, and called by the Spaniards, Alumbrados[42].
Le verbe « s’élever » est aussi employé de la même manière dans l’article Quaker, signé par Jaucourt qui représente, selon Rex, l’esprit tolérant de l’Encyclopédie[43] :
Les Quakers dont nous parlons, s’élevèrent en Angleterre au milieu des guerres civiles du règne de Charles I[44].
Quakers, a religious sect, who made their appearance in England, during the time of the inter-regnum[45].
Ou encore, mais au singulier, dans des articles signés par Diderot, par d’Alembert et par Jaucourt :
Hieracites, s. m. pl. (Théologie.) hérésie ancienne qui s’éleva peu de temps après celle des Manichéens[46].
Nazareites ou Nazaréens, s. m. pl. (Hist. ecclés.) secte d’hérétiques qui s’éleva dans les premiers siècles de l’Église[47].
Ravendiah, s. m. (Hist. des sect. asiatiq.) nom d’une secte qui s’éleva en Orient au commencement de celle des ismaëliens, et qui avait pour chef un arabe nommé Ravendi[48].
L’article Anabaptistes fournit, d’après Rex, « un autre exemple du caractère anachronique que l’abbé Mallet avait acquis, du moins dans le contexte de l’Encyclopédie[49] ». Mais cet article, comme les précédents, est issu d’un article de Chambers, y compris les phrases suivantes auxquelles Rex fait allusion :
Les Anabaptistes proprement dits, sont une secte de protestants qui parut d’abord dans le xvie siècle en quelques contrées d’Allemagne, et particulièrement en Westphalie, où ils commirent d’horribles excès. Ils enseignaient que le baptême donné aux enfants était nul et invalide ; que c’était un crime que de prêter serment et de porter les armes ; qu’un véritable chrétien ne saurait être magistrat[50].
Those properly called Anabaptists, are a sect of Protestants, who first appeared in the sixteenth century, in some provinces of Germany, particularly Westphalia, where they committed several outrages. – They taught, that baptism was not to be conferred on children ; that it is unlawful to swear, or to bear arms ; that a true christian cannot be a magistrate, etc.[51].
Dans ce contexte, l’observation de Berthier sur le premier volume de l’Encyclopédie, citée au préalable, paraît presque prophétique. Elle peut servir, d’une certaine manière, de commentaire à l’article de Rex : « Si l’on ne cite pas les livres et les auteurs adoptés, il est impossible que le lecteur soit instruit de la source où il puise actuellement, et il ne peut manquer d’attribuer à l’écrivain désigné par la lettre ou la marque qui se présente, des choses auxquelles cet écrivain n’a point de part[52] ».
Dans tout ceci, il s’agit moins de Mallet lui-même que des traductions et des appropriations qui lui sont associées. Si Mallet est critiqué pour des textes qu’il n’a pas écrits lui-même, il lui est arrivé aussi d’être loué à peu près pour les mêmes raisons. On le voit, notamment, à propos d’un volume paru à Londres en 1772, Select Essays from the Encyclopedy, Being the Most Curious, Entertaining, and Instructive Parts of that Very Extensive Work, Written by Mallet, Diderot, d’Alembert, and Others, the Most Celebrated Writers of the Age. Il s’agit donc d’un choix d’articles de l’Encyclopédie, où le nom de Mallet est mis en exergue avec celui des éditeurs.
À propos de l’article Astrologie qui expose « la vanité de cet art ridicule[53] », l’auteur d’un compte rendu paru dans une revue londonienne attire l’attention sur un long extrait d’un livre de John Barclay. Mais il s’avère que cet article, on l’aura deviné, est de nouveau fondé sur Chambers :
To this last part our countryman Goad chiefly keeps, in his two volumes of astrology ; wherein he pretends, that inundations may be foretold, and an infinity of phaenomena explained from the contemplation of the stars[54].
C’est à cette branche que s’en est tenu Goad, auteur anglais, dans l’ouvrage en deux volumes, qu’il a intitulé l’Astrologie. Il prétend que la contemplation des astres peut conduire à la connaissances [sic] des inondations, et d’une infinité d’autres phénomènes[55].
It is to this branch that Goad, an English writer, has confined himself in a work of two volumes, entitled Astrology. He pretends, that a study of the stars may lead us to a knowledge of future inundations, and various other phaenomena[56].
On voit ici comment la syntaxe de la dernière citation suit le passage de l’Encyclopédie et s’éloigne de celui de Chambers : « [M]ay lead us to a knowledge of future inundations » correspond à « peut conduire à la connaissance des inondations » plutôt qu’à « inundations may be foretold ». Vraisemblablement, l’emprunt à Chambers est passé inaperçu à l’époque.
Qui plus est, l’extrait de Barclay cité dans l’article de Chambers, et traduit de l’anglais au français dans l’Encyclopédie, est à nouveau traduit, mais cette fois-ci, du français à l’anglais :
You maintain, says Barclay, that the circumstances of life and death depend on the place and influence of the celestial bodies, at the time when the child first comes to light ; and yet own that the heavens revolve with such vast rapidity, that the situation of the stars is considerably changed in the least moment of time[57].
Vous dites, devin prétendu, dit Barclay, que c’est de l’influence des astres qui ont présidé à notre naissance, que dépendent les différentes circonstances heureuses ou malheureuses de notre vie et de notre mort ; vous avouez d’un autre côté que les cieux ont un cours si rapide, qu’un seul instant suffit pour changer la disposition des astres[58].
Thou takest upon thee to affirm, says Barclay, pretended foreteller of futurity, that the different events, whether happy or the reverse, which happen in the life of a man, depend on the influence of those stars that presided at the hour of his birth. Thou ownest, indeed, on the other hand, that the course of the heavenly bodies is so rapid, that one instance suffices to change the disposition of the stars[59].
Ici encore, le traducteur suit manifestement l’article de l’Encyclopédie plutôt que celui de Chambers, en rajoutant « pretended foreteller of futurity » pour « devin prétendu », et en mettant « the disposition of the stars » pour « la disposition des astres » plutôt que « the situation of the stars ». On peut remarquer surtout, dans la retraduction du passage de Barclay, un style plus solennel et plus archaïque : « Thou takest upon thee to affirm » au lieu de « You maintain ».
Au regard des différents exemples que je viens de citer, on pourrait penser que Mallet n’a donné à l’Encyclopédie que des choses, pour reprendre l’expression de Berthier, auxquelles il n’avait « point de part[60] ». En toute vraisemblance, Mallet a été engagé par les éditeurs de l’Encyclopédie non seulement pour composer des articles originaux, mais aussi pour « revoir », « corriger » et « augmenter[61] » des articles existants ; et la plupart des articles qu’il leur a soumis ont sans doute été modifiés avant la publication[62]. Si Chambers est passé sous silence dans certains articles qui s’avèrent être des traductions, Mallet le cite souvent ailleurs et fait même parfois des commentaires sur lui – dans Agapetes, par exemple, où il affirme que Chambers « avait brouillé tout cet article, confondu les diaconesses avec les agapetes, donné une même cause à la suppression des unes et des autres, et autorisé par des faits mal exposés le concubinage des prêtres[63] », ou encore dans Elevation à la messe : « M. Chambers prétend, mais sans citer aucune autorité, que S. Louis est le premier qui ait ordonné qu’à l’élévation on se mît à genoux, à l’exemple de certains religieux qu’il ne nomme point[64] ».
Les exemples que je viens d’évoquer font surtout valoir ce que Mallet ne fait pas dans certains des articles dont Rex s’est servi contre lui. Nous avons vu, en particulier, l’extrême liberté que prend Rex dans son interprétation d’Albigeois. Non seulement il prête à Mallet des mots qui ne sont pas les siens, puisqu’il s’agit d’une traduction de Chambers, mais en plus il donne à ces mots un sens qu’ils n’ont manifestement pas dans l’original. Et de cette double méprise, Rex déduit l’idée que Mallet veut « susciter des réponses obligées de la part des fidèles[65] » et leur inspirer un désir de réprimer les hérétiques. L’article Albigeois est un exemple, parmi d’autres, de ce que Rex regarde comme l’attitude hostile de Mallet envers les philosophes. Il en conclut à la nécessité non seulement de chercher les raisons du recrutement de Mallet, mais aussi d’expliquer pourquoi d’Alembert l’a « blanchi » dans son éloge « en faisant de lui un avocat de la tolérance[66] ».
À propos d’une expression employée par d’Alembert et traitée avec dérision par Rex – « tolérant même autant qu’un chrétien doit l’être[67] » –, Albertan-Coppola observe qu’un lecteur attentif « ne pouvait manquer d’[en] percevoir l’ambiguïté[68] ». Mais le sens de cette expression semble échapper également à Rex et à Albertan-Coppola. Sans doute faut-il y voir, plutôt qu’une vague ambiguïté, une distinction précise, qui était courante dans les milieux théologiques à l’époque de Mallet, entre la tolérance ecclésiastique et civile, sur laquelle l’abbé André Morellet s’explique dans ses mémoires : « Par la tolérance ecclésiastique, nous entendions l’indifférence professée entre toutes les religions, l’opinion que toutes sont également bonnes ou également fausses. Mais nous prétendions que cette indifférence et cette opinion anti-religieuse n’étaient point du tout liées avec les maximes de la tolérance civile[69] ». De même, l’abbé Claude Yvon insiste sur cette distinction dans la préface de son ouvrage La Liberté de conscience resserrée dans les bornes légitimes :
Pour donner une juste notion de la tolérance civile en matière de religion, et la resserrer dans des bornes légitimes, j’ai été obligé de combattre la tolérance ecclésiastique, qu’on croit assez communément être une suite nécessaire de la première. C’est une erreur de s’imaginer qu’il y ait entre ces deux tolérances une liaison intime. Elles ne sont point tellement unies, qu’on ne puisse, et même qu’on ne doive les séparer, lorsqu’on veut conserver l’esprit du christianisme, et ne point troubler les états[70].
Morellet et Yvon sont tous les deux contemporains de Mallet et contributeurs de l’Encyclopédie. La différence qu’ils font entre la tolérance ecclésiastique et civile est d’ailleurs connue non seulement des théologiens, mais aussi des philosophes, dont d’Alembert qui écrit dans ses Éléments de philosophie : « Il faut donc bien distinguer l’esprit de tolérance, qui consiste à ne persécuter personne, d’avec l’esprit d’indifférence qui regarde toutes les religions comme égales. Plût à Dieu que cette distinction, si essentielle et si juste, fût bien connue de toutes les nations[71] ! »
Une partie de l’article de Rex qui est souvent reprise concerne les relations entre Mallet et l’ancien évêque de Mirepoix, Jean-François Boyer. L’indice le plus révélateur à ce sujet, d’après Rex, est « une brève déclaration[72] » de Chrétien-Guillaume de Lamoignon de Malesherbes, directeur de la Librairie, dans une lettre du 11 juillet 1754, selon laquelle Mallet avait fait l’article Constitution unigenitus pour mériter la protection de Boyer. Une anecdote rapportée dans Les Nouvelles ecclésiastiques – journal janséniste clandestin – permet de préciser, ensuite, que Boyer avait procuré à Mallet une sinécure[73]. Et si Mallet a reçu de Boyer cette faveur, « l’on peut supposer », d’après Rex, que « c’était parce que l’abbé Mallet lui avait rendu des services[74] ». Il en déduit encore d’autres hypothèses :
Il semble, en outre, que les faveurs en question consistaient non seulement en l’article Constitution unigenitus mentionné spécifiquement par Malesherbes dans sa lettre du 11 juillet 1754, mais en douzaines – ou, en réalité, centaines – d’articles remplissant les pages de l’Encyclopédie de dénonciations d’hérésies, d’attaques contre les jansénistes, d’explications édifiantes de points de doctrine, et de défenses d’interventions papales. À n’en pas douter, Boyer espérait que ces articles serviraient de contrepoids au libertinage des autres collaborateurs. En fait, l’importance, aux yeux de Boyer, du rôle de Mallet dans l’Encyclopédie avait peut-être quelque chose à voir avec la nomination, en 1751, de ce médiocre théologien provincial au poste de Professeur Royal de Théologie au Collège de Navarre, honneur qu’il serait difficile d’expliquer autrement. Tout cela est assez spéculatif, certes[75]…
À partir d’une « brève déclaration » de Malesherbes et d’une anecdote des Nouvelles ecclésiastiques, Rex arrive ainsi à une interprétation globale des articles religieux de Mallet et de l’évolution de sa carrière. C’est l’influence de Boyer qui expliquerait non seulement une faveur accordée à Mallet en 1754, mais aussi sa nomination au Collège de Navarre en 1751. De même, c’est pour remplir les espoirs de Boyer de faire contrepoids aux articles impies des autres collaborateurs de Diderot et d’Alembert que Mallet leur aurait donné des centaines d’articles orthodoxes. On observe, d’ailleurs, dans ce passage de Rex, une alternance entre le ton affirmatif et le ton précautionneux. D’une déclaration introduite par « Il semble que », Rex passe à « À n’en pas douter » ; « En fait » en tête de phrase est tempéré par « peut-être » ; et Rex de conclure : « Tout cela est assez spéculatif, certes[76] » !
Que ce récit des relations entre Mallet et Boyer soit « spéculatif » n’a pas empêché qu’il ait été largement adopté par la communauté scientifique, et mis en relief, en particulier, dans l’ENCCRE. La correspondance de Malesherbes à propos de l’article Constitution unigenitus avait pourtant été analysée, avant que Rex ne s’y intéresse, par Dorothy Caiger Senghas, qui en donnait une interprétation assez différente. « Il est évident, d’après elle, que les éditeurs voulaient inclure un article sur ce sujet[77] ». Elle observait, très raisonnablement, qu’un article aussi long que la version imprimée de Constitution unigenitus, n’avait pu échapper à l’attention de Diderot[78]. Et elle concluait qu’il n’y avait aucune évidence, « dans le cas de cet article, ni dans aucun autre cas[79] », que Mallet ait été directement influencé par Boyer.
Si l’interprétation de Senghas diffère de celle de Rex, c’est, d’après lui, « parce qu’elle voit en l’abbé Mallet un libéral éclairé[80] ». Les conclusions de Senghas, à en croire Rex, sont dictées par une opinion préconçue. Mais cela n’est pas prouvé, et le mémoire de Senghas me paraît, au contraire, un modèle d’impartialité, alors que c’est l’approche de Rex qui est assurément biaisée. Comme Rex l’écrit lui-même à propos des articles religieux de Mallet, « afin d’interpréter de tels articles selon le sens voulu par l’auteur, il faut se souvenir qu’ils provenaient de la plume d’un conservateur de droite[81] ».
Selon l’interprétation de Rex, Mallet est un « conservateur », et il est donc nécessairement opposé à Diderot et d’Alembert ; et ce différend s’explique, d’après lui, par un complot dont les contours restent assez flous : « Quel qu’ait été le degré auquel l’abbé Mallet se soit laissé manoeuvrer par “le plus ardent ennemi” de l’Encyclopédie, il est clair, écrit Rex, d’après le contenu de ses articles, qu’il écrivait pour le compte des ennemis de la tolérance religieuse[82] ». Ici, comme dans le passage cité ci-dessus, Rex oscille entre la précaution et l’affirmation. Son incertitude quant au degré d’influence de Boyer sur Mallet se double d’une assurance concernant les services rendus par celui-ci à des personnes anonymes. Mais, dans la mesure où Rex ne fait que spéculer, il est permis de douter que Mallet ne se soit laissé manipuler en quelque manière par Boyer ; et rien n’exclut, évidemment, que Mallet ait composé des articles religieux dont plusieurs furent des traductions de Chambers pour son propre compte et non pour le compte d’autrui.
L’opposition qui ressort de l’article de Rex entre Mallet et les autres encyclopédistes a été consacrée, en quelque sorte, par la critique. « La question se pose, lisons-nous dans l’ENCCRE, de savoir quelles raisons ont pu pousser les directeurs de l’Encyclopédie à employer ce théologien que Malesherbes désigne comme “le plus ardent ennemi de l’Encyclopédie”[83] ». Mais c’est Boyer, et non Mallet, qui est désigné ainsi par Malesherbes[84]. Voilà bientôt cinquante ans qu’on se pose cette question concernant la participation de Mallet à l’Encyclopédie en s’inspirant de Rex. Il serait temps de la poser différemment[85].
L’interprétation de Rex est issue d’une période, à savoir les années 1960-1980, caractérisée, selon Philippe Roger, par « l’hégémonie des “progressismes” qui […] avait ramené les regards sur l’Encyclopédie[86] ». Vu sous cet angle, Mallet n’a pas sa place parmi les philosophes. Pour Rex, il « représente une prise de position hostile contre l’esprit tolérant de l’entreprise de Diderot[87] », ou encore « agissait de façon délibérément subversive envers les objectifs “éclairés” de l’Encyclopédie[88] ». Il ne s’agit pourtant pas de savoir si Mallet était assez tolérant ou éclairé, au sens que Rex donne à ces mots, pour être encyclopédiste, mais de savoir si, entre philosophes et théologiens à l’intérieur de l’Encyclopédie, le dialogue était possible. D’après d’Alembert, Mallet tenait fortement à ce qu’un tel dialogue eût lieu : « Ne nous brouillons point, disait-il, avec les philosophes[89] ». L’abbé Morellet, qui a rencontré Diderot chez l’abbé de Prades, affirme qu’il défendait ses opinions sur la religion « sans aucune humeur, et sans voir de mauvais oeil ceux qui ne les partageaient pas[90] ». On peut imaginer qu’une partie des conversations entre Diderot et Prades est passée dans l’Encyclopédie, particulièrement dans l’article Certitude où Prades critique Les Pensées philosophiques de Diderot, qui réfute Prades dans l’article Chronologie. Si Diderot entretenait des relations plutôt amicales avec les abbés Morellet et de Prades, il pouvait en être de même avec l’abbé Mallet. On sait que Diderot s’est rendu à Pesqueux, près de Vernouillet, pour voir Mallet, peut-être vers la fin de 1747[91], et qu’il lui a servi de témoin en avril 1750 dans une dispute avec le libraire Laurent-François Prault concernant sa traduction de l’Histoire des guerres civiles de France de Davila. D’où l’on voit, d’après Senghas que Diderot « agissait en tant qu’associé amical dans une affaire qui allait au-delà de l’Encyclopédie[92] ». Persuadé comme il l’est de l’hostilité de Mallet envers l’Encyclopédie, Rex écarte sommairement toutes les preuves du contraire, y compris celles fournies par d’Alembert concernant l’affaire de l’abbé de Prades dont la thèse a été condamnée avec les deux premiers volumes de l’Encyclopédie en février 1752. Que Mallet ait refusé « de s’allier à la majorité à la Sorbonne pour voter la condamnation de l’abbé de Prades […] sans avoir préalablement entendu sa défense, écrit Rex, était certainement dû à des considérations de procédure plutôt que de théologie, car il n’y a aucune raison de croire qu’il ait été d’accord avec une seule des doctrines condamnées de la thèse contestée[93] ». Rex déclare ici que Mallet était opposé à la thèse de Prades, mais sans expliquer pourquoi. Il semble présupposer d’abord que cette thèse était réellement impie, et ensuite que la condamnation de telle proposition de la thèse ne pouvait que susciter l’accord des théologiens orthodoxes. Or, la thèse de Prades a été condamnée davantage pour des raisons politiques que pour des questions de doctrine, et si elle a été condamnée in globo, c’est précisément parce que les théologiens de la Sorbonne n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur les propositions méritant condamnation. D’après Morellet, « les deux ou trois propositions qui étaient, dans sa thèse, l’objet des déclamations des théologiens, étaient au fond des moyens de répondre aux objections des incrédules contre l’authenticité des livres de Moïse, contre la chronologie de la Bible, contre l’autorité de l’église[94] ».
Contrairement à ce que Rex prétend, il y a de bonnes raisons de croire que Mallet était d’accord avec une partie, ou même l’ensemble, de la thèse de Prades. D’Alembert affirme que « pendant la dernière Assemblée du Clergé, il fit à la prière d’un des principaux membres de cette Assemblée plusieurs mémoires théologiques qui établissaient de la manière la plus nette et la plus solide la vérité, la concorde, et la paix », en rajoutant qu’il « paya son zèle de sa vie, ce travail forcé ayant occasionné la maladie dont il est mort à la fleur de son âge[95] ». Dans un passage des Remontrances du clergé de France assemblé à Paris en l’année 1755, faites au roi, et présentées le cinq octobre, concernant les conséquences de l’Arrêt du parlement de Paris du 18 avril 1752 sur la faculté de théologie de Paris, nous lisons : « Depuis cette époque, nous avons vu avec douleur les exercices de la faculté, dans un état de langueur et de dépérissement ; les assemblées suspendues ; une thèse supprimée, quoiqu’elle ne contînt qu’une doctrine orthodoxe ; les docteurs qui l’avaient approuvée, décrétés d’ajournement personnel[96] ». La thèse à laquelle il est fait allusion ici est sans doute celle de Prades, et les docteurs « décrétés d’ajournement personnel », les professeurs Hooke, Langle, et Dugard[97]. Mallet est décédé le 25 septembre 1755, dix jours avant la publication de ce texte. D’après ce que dit d’Alembert, Mallet en est vraisemblablement l’auteur, ou l’un des auteurs. Et si ce n’est pas lui, c’est certainement un autre théologien « conservateur », favorable à la Constitution Unigenitus, et qui n’en atteste pas moins l’orthodoxie de la thèse condamnée. Rex se moque de Mallet pour avoir cité la dissertation de Jean le Pelletier pour « éclaircir » des questions relatives à la taille de l’arche de Noé[98]. Mais Prades procède de la même manière, comme il le souligne dans son Apologie, en s’appuyant sur les calculs de Pelletier pour répondre à une objection qui passait, une génération avant lui, pour irréfutable[99].
Entre le portrait de Mallet fait par d’Alembert et sa mise en question récente, il n’y a pas à hésiter. « Ce qui doit principalement faire le sujet de son éloge, écrit d’Alembert, c’est l’attachement qu’il montra toujours pour ses amis, sa candeur, son caractère doux et modeste[100] ». Évoquer l’attachement de Mallet pour ses amis, c’est sans doute aussi une manière pour d’Alembert d’exprimer son affection pour Mallet. Il n’y aurait, d’ailleurs, rien d’étonnant à ce que Mallet ait entretenu des relations amicales avec les éditeurs de l’Encyclopédie tout en restant orthodoxe. Ainsi que l’a montré Albertan-Coppola, Diderot vivait d’amitié avec l’abbé Nicolas-Sylvestre Bergier à une époque où celui-ci s’employait à défendre la religion contre les incrédules[101]. En tant qu’auteur de la partie théologique de l’Encyclopédie méthodique, qui fut l’héritière directe de celle de Diderot et d’Alembert, Bergier était bien placé pour juger le travail de son prédécesseur. Par contraste avec le « médiocre théologien provincial[102] » que nous a légué Rex, l’appréciation qu’il en donne dans le Prospectus général de ce grand ouvrage est des plus élogieuses :
On se fera une loi de conserver en entier tous les articles qui paraissent bien faits, et ils sont en grand nombre, surtout ceux qui sont de M. Mallet, théologien très instruit, judicieux et modéré. C’est un acte de justice de conserver à un auteur estimable tout l’honneur de son travail[103].
Parties annexes
Notes
-
[1]
Arthur M. Wilson, Diderot. Sa vie et son oeuvre, trad. Gilles Chahine, Annette Lorenceau, Anne Villelaur, Paris, Laffont/Ramsay, 1985, p. 119.
-
[2]
Pierre Lepape, Diderot, Paris, Flammarion, 1991, p. 108.
-
[3]
Gerhardt Stenger, Diderot. Le combattant de la liberté, Paris, Perrin, 2013, p. 133.
-
[4]
Pierre Lepape, Diderot, op. cit., p. 108.
-
[5]
Sylviane Albertan-Coppola, « Edme François Mallet (1713-1755) », Les contributeurs, Édition Numérique Collaborative et CRitique de l’Encyclopédie, consultée en ligne le 1er mars 2023, URL : http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/.
-
[6]
Id.
-
[7]
Id.
-
[8]
Id.
-
[9]
Id.
-
[10]
« L’ENCCRE, l’enseignement et la recherche sur l’Encyclopédie », page consultée le 1er mars 2023, URL : http://enccre.academie-sciences.fr/encyclopedie/ressources-pedagogiques/?s=1&.
-
[11]
Denis Diderot et Jean le Rond d’Alembert, Encyclopédie, ou Dictionnaire raisonné des sciences, des arts et des métiers [1751-1765], Paris, Briasson/David l’aîné/Le Breton/Durand, 1751, vol. 1, p. xli.
-
[12]
Jacques Proust, Diderot et l’Encyclopédie, Paris, Armand Colin, 1962, p. 63-64.
-
[13]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. xxxv.
-
[14]
Ibid., vol. 5, p. 644-645.
-
[15]
« Diderot might perhaps have carried frankness a little further at this point » (John Lough, The Encyclopédie, New York, David McKay, 1971, p. 71 ; je traduis).
-
[16]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 5, p. 645. Les idées concernant la propriété intellectuelle et l’appropriation au xviiie siècle étaient, bien sûr, très différentes des nôtres. On fait remonter les premières lois sur le droit d’auteur en France à Beaumarchais et à la Révolution, donc à la période qui suit la publication de l’Encyclopédie. Les encyclopédistes, pour leur part, comme Anne Sechin l’a montré, en suivant Laurence L. Bongie, parlaient volontiers de compilation ou d’emprunt plutôt que de plagiat. Voir « On Plagiarism, Originality, Textual Ownership, and Textual Responsibility », dans Reginald McGinnis (dir.), Originality and Intellectual Property in the French and English Enlightenment, New York, Routledge, 2009, p. 102-124 ; Laurence L. Bongie, « Diderot creator and compiler », Transactions of the Samuel Johnson Society of the Northwest, vol. 15, 1984, p. 35-44.
-
[17]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 3, p. viii. Ces observations de d’Alembert sur Chambers suggèrent que les encyclopédistes vivaient dans un monde où les notions de propriété intellectuelle étaient assez floues, et où les biens littéraires circulaient assez librement. « Il importait peu, semble-t-il, au lecteur du xviiie siècle », écrit Proust, « de savoir de qui était l’article qu’il avait sous les yeux. Il lui suffisait qu’il fût bien écrit et correctement pensé » (J. Proust, Diderot et l’Encyclopédie, op. cit., p. 117).
-
[18]
Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, octobre 1751, p. 2290.
-
[19]
Ibid., janvier 1752, p. 150-151.
-
[20]
Ibid., février 1752, p. 304.
-
[21]
C’est ainsi que l’Encyclopédie, observe Marie Leca-Tsiomis, « retraduit et reproduit » à Jogue un article « traduit et adapté du Trévoux de 1721 par Chambers » (« Du bon usage de l’informatique dans la recherche littéraire et historique », Dix-Huitième Siècle, vol. 46, no 1, 2014, p. 200).
-
[22]
Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, février 1752, p. 304.
-
[23]
Dictionnaire universel français et latin, Paris, Delaulne, 1721, vol. 1, p. 362.
-
[24]
Ephraim Chambers, Cyclopaedia, or, an Universal Dictionary of Arts and Sciences, 4e éd., London, Midwinter, 1741, vol. 1, non paginé.
-
[25]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 376.
-
[26]
Dictionnaire universel français et latin, op. cit., p. 117.
-
[27]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[28]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 116.
-
[29]
Page consultée en ligne le 1er mars 2023, URL : https://fr.wikipedia.org/wiki/Edme-Fran%C3%A7ois_Mallet.
-
[30]
Voir Walter E. Rex, « L’Arche de Noé et autres articles religieux de l’abbé Mallet dans l’Encyclopédie », Recherches sur Diderot et sur l’Encyclopédie, no 30, 2001, p. 127-145 ; article paru sous le titre « “Arche De Noé” and Other Religious Articles by Abbé Mallet in the Encyclopédie », Eighteenth-Century Studies, vol. 9, no 3, printemps 1976, p. 333-352.
-
[31]
Ibid., p. 136.
-
[32]
Id.
-
[33]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 245.
-
[34]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 136.
-
[35]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[36]
Voir, par exemple, l’article Ethnophrones, dans Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 6, p. 56.
-
[37]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 570.
-
[38]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[39]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 3, p. 270.
-
[40]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[41]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 8, p. 556.
-
[42]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[43]
Voir W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 136-137.
-
[44]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 13, p. 648.
-
[45]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 2.
-
[46]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 8, p. 202. Un deuxième article intitulé Hiéracites, signé par Mallet, se trouve à la page 384 du même volume, entre Hyene et Hyeringen. L’article de Mallet est traduit de Chambers ; celui de Diderot est fondé en partie sur le Trévoux.
-
[47]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 11, p. 65.
-
[48]
Ibid., vol. 13, p. 830.
-
[49]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 137.
-
[50]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 392.
-
[51]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[52]
Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, janvier 1752, p. 150-151.
-
[53]
« [T]he vanity of this ridiculous art » (The Critical Review, or, Annals of Literature, London, 1772, vol. 33, p. 51 ; je traduis). Dans un passage de l’Essai sur l’étude des belles-lettres, Mallet qualifie l’astrologie de « science vaine et fausse » et de « fille insensée d’une mère très sage » (Paris, Ganeau, 1747, p. 225).
-
[54]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[55]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 781.
-
[56]
Select Essays from the Encyclopedy, Being the Most Curious, Entertaining, and Instructive Parts of that Very Extensive Work, Written by Mallet, Diderot, d’Alembert, and Others, the Most Celebrated Writers of the Age, London, Samuel Leacroft, 1772, p. 118.
-
[57]
E. Chambers, Cyclopaedia, op. cit., vol. 1.
-
[58]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 781-782.
-
[59]
Select Essays from the Encyclopedy, op. cit., p. 122.
-
[60]
Mémoires pour l’histoire des sciences et des beaux-arts, janvier 1752, p. 151.
-
[61]
Ce sont les termes utilisés par Diderot, on s’en souvient, dans l’article Encyclopédie (Encyclopédie, op. cit., vol. 5, p. 644). Une note de la main de Mallet intitulée « État du travail que j’ai fait pour le Dictionnaire des arts et des sciences depuis le 25 novembre 1747 jusqu’au 10 mars 1749 » fait le bilan de ses articles relatifs à l’histoire ancienne et moderne, aux belles-lettres, à la divination, à la théologie et au commerce, en précisant pour chaque catégorie le nombre d’articles « refaits, retouchés, ou conservés » et d’articles « neufs » : 5 483 articles au total, « dont il n’y a pas cinq cent [sic] conservés en entier » (Lettres autographes de l’abbé Mallet, melunais, précédées de détails sur sa vie, ses ouvrages et de documents particuliers sur sa famille réunis par Gabriel Leroy, Archives de Melun, HL8o 1460). Le Livre de dépense et recette de la société de MM. Le Breton, David l’aîné, Durand et Briasson indique que Mallet a reçu la somme de 91 livres le 11 mars 1749. Ces documents ont été publiés par Louis-Philippe May dans la Revue de synthèse (février-décembre 1938) ; ici juin 1938, p. 50.
-
[62]
Voir « État du travail que j’ai fait pour le Dictionnaire des arts et des sciences depuis le 25 novembre 1747 jusqu’au 10 mars 1749 », art. cit.
-
[63]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 1, p. 166.
-
[64]
Ibid., vol. 5, p. 505. Ces remarques sur Chambers sont en accord avec ce que Mallet écrit concernant la citation des sources, par exemple, dans ses Principes pour la lecture des poètes (Paris, chez Durand, 1745, vol. 1, p. xxxiii, « La fidélité avec laquelle j’ai cité ceux dont j’ai emprunté des lumières, me justifie assez du crime de plagiat ») – et dans la préface de sa traduction de l’Histoire des guerres civiles de France d’Henri Caterin Davila (Amsterdam, Arkstée et Merkus, 1757, vol. 1, p. xxxviii), où il s’étonne du silence de cet auteur sur ses sources.
-
[65]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 136.
-
[66]
Ibid., p. 134.
-
[67]
Ibid., p. 133.
-
[68]
S. Albertan-Coppola, « Edme François Mallet (1713-1755) », art. cit.
-
[69]
André Morellet, Mémoires inédits de l’abbé Morellet, Paris, Baudouin, 1823, vol. 1, p. 33.
-
[70]
Claude Yvon, Liberté de conscience resserrée dans des bornes légitimes, Londres, [s. n.], 1754, vol. 1, non paginé.
-
[71]
D’Alembert, Éléments de philosophie, dans Oeuvres complètes, Genève, Slatkine, 1967, vol. 1, p. 221-222.
-
[72]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 139.
-
[73]
Nouvelles ecclésiastiques ou Mémoires pour servir à l’histoire de la Constitution Unigenitus, 19 juin 1754.
-
[74]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 140.
-
[75]
Ibid., p. 140-141.
-
[76]
Id.
-
[77]
« It is evident that the editors wished to include an article on the subject » (Dorothy Caiger Senghas, « The Abbé Mallet : Contributor to the Encyclopédie », Département d’histoire, mémoire de maîtrise, University of California, Davis, juin 1968, p. 57 ; je traduis).
-
[78]
Voir ibid., p. 58.
-
[79]
Id.
-
[80]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 140.
-
[81]
Ibid., p. 136.
-
[82]
Ibid., p. 141.
-
[83]
S. Albertan-Coppola, « Edme François Mallet (1713-1755) », art. cit.
-
[84]
Voir Mémoire sur la liberté de la presse, Paris, Pillet, 1814, p. 90.
-
[85]
Voir à ce sujet Reginald McGinnis, « Apology for the Abbé Mallet », French Studies, vol. 69, no 2, 2015, p. 159-172 ; « The Abbé Mallet’s Unsigned Contribution to the Encyclopédie », Eighteenth-century Fiction, vol. 28, no 4, p. 691-712 ; « De la théologie au “complot d’impiété” : l’abbé Mallet et les débuts de l’Encyclopédie », Études théologiques et religieuses, vol. 92, no 4, 2017, p. 735-748.
-
[86]
Philippe Roger, « Avant-propos », L’Encyclopédie : du réseau au livre, et du livre au réseau, éd. Robert Morrissey et Philippe Roger, Paris, Champion, 2001, p. 7.
-
[87]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 136.
-
[88]
Ibid., p. 145.
-
[89]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 6, p. v.
-
[90]
A. Morellet, Mémoires, op. cit., vol. 1, p. 30.
-
[91]
Voir D. Caiger Senghas, « The Abbé Mallet », op. cit., p. 17-18.
-
[92]
« Through the above incident we see Diderot acting in the capacity of a friendly associate in a matter extending beyond the Encyclopédie » (ibid., p. 21 ; je traduis).
-
[93]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 139.
-
[94]
A. Morellet, Mémoires, op. cit., vol. 1, p. 28.
-
[95]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 6, p. v.
-
[96]
Procès-verbal de l’assemblée générale du clergé de France, Paris, Desprez, 1764, p. 239.
-
[97]
Voir Jeffrey D. Burson, The Rise and Fall of Theological Enlightenment : Jean-Martin de Prades and Ideological Polarization in Eighteenth-Century France, Notre Dame, University of Notre Dame Press, 2010, p. 263 ; Thomas O’Connor, An Irish Theologian in Enlightenment France : Luke Joseph Hooke 1714-96, Dublin, Four Courts Press, 1995, p. 67-70.
-
[98]
Voir W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 130.
-
[99]
Voir Apologie de monsieur l’abbé de Prades, Amsterdam, [s. n.], 1752, p. xxx.
-
[100]
Diderot et d’Alembert, Encyclopédie, op. cit., vol. 6, p. v.
-
[101]
S. Albertan-Coppola, L’Abbé Nicolas-Sylvestre Bergier, 1718-1790. Des Monts-Jura à Versailles, le parcours d’un apologiste du xviiie siècle, Paris, Champion, 2010, p. 7.
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[102]
W. E. Rex, « L’Arche de Noé », art. cit., p. 140-141.
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[103]
Claude-Henri Watelet et Pierre-Charles Levesque, Encyclopédie méthodique. Beaux-Arts, Paris, Panckoucke, 1788, vol. 1, p. xxxiv-xxxv.