DocumentationComptes rendus

Awaiss, Henri et Hardane, Jarjoura, dir. (2010) : Jean-René Ladmiral, le dernier des archéotraductosaures, interviewé par l’ETIB, Beyrouth, École des traducteurs et d’interprètes de Beyrouth, Faculté des Lettres et des Sciences Humaines, Université Saint-Joseph, Collection « Sources-Cibles », 122 p.[Notice]

  • Muguras Constantinescu

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  • Muguras Constantinescu
    Université Stefan cel Mare, Suceava, Roumanie

Contribution réalisée dans le cadre du programme CNCS PN-II-ID-PCE-2011-3-0812 (Projet de recherche exploratoire) Traduction culturelle et littérature(s) francophone(s) : histoire, réception et critique des traductions, Contrat 133/2011.

Paru en 2010, « année Ladmiral » par la multitude d’événements organisés un peu partout autour de l’oeuvre et de la personnalité du grand traductologue, l’ouvrage publié à l’Université Saint-Joseph de Beyrouth dans la collection « Sources-Cibles », dirigée par Henri Awaiss et Jarjoura Hardane, innove une formule originale ; il réunit, dans une première partie, les questions des chercheurs, cadres et étudiants, et les réponses du grand chercheur, en la mémorable journée-hommage du 22 avril, placée sous le signe de la créativité. La deuxième partie présente succinctement l’oeuvre de Jean-René Ladmiral. Ce livre collectif commence par un « Prélude » sous la forme d’un conte où, bon esprit, Henri Awaiss raconte à Saint-Exupéry qu’Il est revenu, habillé d’une laine blanche et portant un foulard bleu, pour visiter la huitième planète, celle de la traductologie. Lui, ce Grand Petit Prince est, bien sûr, Jean-René Ladmiral qui, avec plaisir, fraîcheur et une grande disponibilité, se prête à ce jeu de questions-réponses. Le rôle d’animatrice est revenu à Elsa Charabati, qui a su bien gérer le temps d’une journée et d’une rencontre exceptionnelles. La lecture de cet ouvrage éclairant autant qu’agréable par sa formule, nous fait découvrir et redécouvrir le chercheur aux solides repères théoriques mais également celui qui tâtonne, nuance, raffine encore ses idées ou en découvre, avec gravité ou enjouement, de nouvelles, grâce à cet entretien pluriel. Elle nous fait découvrir aussi l’essentiel de la traductologie ladmiralienne, en formule décontractée, métaphorique, « exotérique et accrocheuse » (p. 60), qui laisse pourtant entrevoir aux connaisseurs son fertile noyau scientifique. Le volume respecte le déroulement de la journée-hommage où les interviewers ont posé leurs questions sous forme thématique et se sont succédé en ordre alphabétique ; de ces nombreuses et stimulantes questions, nous n’en retiendrons que quelques-unes. Ainsi, à la question de May Akl sur le statut de la traductologie et de sa scientificité, la réponse de Ladmiral est celle, déjà formulée plusieurs fois dans ses écrits, du praticien de la traduction qui repousse l’idée d’une seule, bonne et vraie théorie, au nom d’un bénéfique pluralisme théorique. D’ailleurs, selon lui, ce pluralisme et l’apparent déficit de scientificité sont spécifiques aux sciences de l’homme en général et, dans le cas de la traductologie, les choses se passent au grand profit « d’une exploration plus fine, plus détaillée de ce phénomène complexe de la traduction » (p. 17) A l’étonnement de Henri Awaiss devant la page 112 des Théorèmes, où son invité affirme que le traducteur est un co-auteur et un ré-écrivain et non pas un auteur et un écrivain tout court, comme on le croit à l’ETIB, répond l’étonnement de Ladmiral qui voit dans tout ré-écrivain un écrivain mais qui travaille sous la pression de l’original ; d’où une « écriture exigeante » et « de précision » (p. 21). Plus tard, au cours de la journée et de l’entretien, le traductologue invité est revenu sur cette idée pour la nuancer et dire que le traducteur est un « ré-écrivain complètement » qui produit un « texte à part entière », qui fait un travail « créatif, inventif, littéraire » (p. 74) mais non pas un auteur car il n’a pas l’autorité du texte et il n’est pas à l’origine du texte traduit qui « s’autorise de ce qui le précède » (p. 75). On retiendra la nuance… La question de Gina Saad sur le salto mortale de la traduction, situé entre la déverbalisation et la reformulation, et son éventuel remède au moyen de l’herméneutique est l’occasion pour l’interviewé de revenir sur la part de mystère qui enveloppe ce moment du traduire …

Parties annexes