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Le monde selon Zuckerberg. Portraits et préjudices, Olivier Ertzscheid, Editions C&F, Collection interventions, 2020, 112 p.[Notice]

  • Gilles Rouet

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  • Gilles Rouet
    ISM-IAE de Versailles St Quentin, Université Paris-Saclay

Olivier Ertzscheid propose sous la forme d’un court essai de 110 pages un bilan provisoire et réussi de l’évolution de l’« ensemble de technologies et d’usages » qui constitue notre environnement et qui aurait désormais atteint un âge adulte. Le livre est divisé deux parties, comme le suggère le titre : 7 « portraits » et 12 « préjudices », soit 19 textes courts et denses, synthèses des analyses de l’auteur et qui peuvent être lus et exploités indépendamment, ce qui constitue un des exploits de ce livre qui est néanmoins cohérent dans son ensemble. Pour autant, à la deuxième ou troisième lecture, on peut s’interroger sur les motivations du choix d’ordonnancement des différents textes, en particulier dans la seconde partie. Il s’agit donc d’un livre qui invite à plusieurs modalités de lecture. Le lecteur qui le lit d’une seule traite peut retenir une écriture précise, sans jargon, avec des formules synthétiques et astucieuses et un vocabulaire accessible. Il est aussi possible de construire son propre cheminement dans le livre en fonction de l’intérêt porté aux différents portraits et préjudices, ou bien en ouvrant au hasard. Il est évidemment très difficile de proposer un résumé ou une synthèse pour un ouvrage qui est déjà, finalement, une synthèse d’une riche activité d’observations, d’interrogations et d’analyses des « médias numériques », comme le précise la présentation de l’auteur, des moteurs de recherche et des plateformes dites sociales. La lecture de ce livre invite d’ailleurs à découvrir ou redécouvrir ses livres précédents, en particulier sur l’identité numérique (2013) ou sur les algorithmes (2017). Ces travaux sont précieux dans le champ du management qui a besoin de telles analyses, pour mieux comprendre et envisager les organisations, les comportements des acteurs, l’environnement international, les stratégies, ou encore l’interculturel ou le « sensemaking ». La partie « portrait » met en évidence les figures emblématiques de Mark Zuckerberg, de Segueï Brin, Larry Page ou encore de Tim Berners-Lee. Ce dernier est peut-être le moins médiatisé des quatre. Il est considéré comme un des principaux inventeurs du World Wide Web, dans les années 1990 et alors qu’il travaillait au CERN. Tim Berners-Lee met au point du langage HTML qui permet notamment d’appliquer le principe de l’hyperlien, il invente aussi le protocole http et le système des URL. Pour Olivier Ertzscheid, « nous sommes en train de perdre tout ce que Tim Berners-Lee a inventé et tout ce qu’il nous a cédé sans contrepartie » (p. 36). Il n’a en effet déposé aucun brevet et les processus de publication, désormais, ne sont plus liés à l’utilisation d’un langage, mais font l’objet d’une démarche imposée au sein des plateformes. Il peut paraître peu essentiel de s’appuyer sur ces individus, leurs choix et leurs destins. Mais il ne s’agit pas d’un prétexte éditorial permettant d’introduire les problématiques traitées. Les quatre personnages ont bien une responsabilité dans l’évolution des dernières années. Ainsi, la personnalisation dépasse l’anecdotique et est bien justifiée. Ainsi, Facebook, « simple rassemblement » de 2 milliards de personnes, s’adresse à des utilisateurs et non à des citoyens (p. 11), et fait tout pour que cela continue ainsi, car il en dépend de son modèle économique. La récente audition de Frances Haugen, ancienne salariée de Facebook, présentée comme une « lanceuse d’alertes », par des commissions de l’Assemblée nationale française le 11 novembre 2021 confirme s’il en était besoin la pertinence et la justesse de l’analyse d’Olivier Erzscheid : « Facebook n’existe que par sa capacité à générer des interactions » (p. 13) qui sont à la source de sa rentabilité économique, grâce aux algorithmes qui optimisent fréquentation et …

Parties annexes