McGill Law Journal
Revue de droit de McGill
Volume 66, numéro 4, june 2021
Sommaire (6 articles)
Essay / Essai
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Quebec Talks Back : nouvelles pratiques linguistiques à la Cour d’appel du Québec
Mireille Fournier
p. 603–634
RésuméFR :
La langue des jugements est au coeur de réflexions sur le rôle de la Cour d’appel du Québec dans le façonnement d’une tradition juridique pour le Québec et pour le Canada. À travers l’histoire de l’évolution des pratiques linguistiques des juges de la Cour, cet article retrace la manière dont les juges de la Cour d’appel ont décidé de contribuer tantôt à une conversation québécoise en français, tantôt à une conversation canadienne pour la plupart en anglais, leur permettant ainsi de faire rayonner leur jurisprudence de même que les arguments des plaideur·euse·s du Québec. Cet article expose également certains des discours et des préjugés qui sous-tendent la diffusion et la réception de la jurisprudence québécoise à l’extérieur du Québec afin d’en préciser la place.
EN :
The language of legal decisions is at the heart of reflections on the Quebec Court of Appeal’s role in shaping the legal traditions of both Quebec and Canada. This article traces how the judges of the Court have contributed to a Quebecois conversation in French and a Canadian conversation mostly in English through the evolution of linguistic practices, and in so doing, have promoted Quebec jurisprudence and the arguments of its litigators. This article also exposes some of the discourses and prejudices that underly the dissemination and reception of Quebec’s case law outside the province in order to clarify its place.
Case Comment / Chronique de jurisprudence
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Locating the People: An Exploration of Non-Resident Enfranchisement and Political Belonging in Frank v. Canada (Attorney General)
Sarah Burton
p. 637–672
RésuméEN :
This piece situates non-resident voting within the larger divide between global and local values. The Supreme Court of Canada held in Frank v. Canada (Attorney General) that disenfranchising certain non-resident citizens violated the Canadian Charter of Rights and Freedoms. I argue that this opinion is driven by a disagreement on the meaning of belonging, in which the constitutional status of non-resident citizens is emblematic of broader questions about political membership in a globalized world. Non-resident voting offers a compelling case study, in which theoretical attempts to reconcile global and local values are exposed as having unexpected contours. The Supreme Court majority’s global stance is notably patriotic, while the dissent’s call for local connections unwittingly brings it in line with cosmopolitan thinkers. These insights offer a better understanding of the strands of thought within the global-local divide and highlight the nebulous nature of arguments based in political belonging.
FR :
Cette chronique de jurisprudence situe le vote des non-résidents au sein de la division plus large entre les valeurs globales et locales. La Cour suprême du Canada, dans Frank c. Canada (PG), a statué que priver certains non-résidents du droit de vote violait la Charte canadienne des droits et libertés. Je suggère que cette décision est motivée par un désaccord quant à la signification de l’appartenance, au sein duquel le statut constitutionnel des citoyens non-résidents est emblématique de questions plus larges d’appartenance politique dans un monde globalisé. Le droit de vote des non-résidents offre une étude de cas intéressante, qui expose les contours inattendus de tentatives théoriques de réconciliation de valeurs globales et locales qui paraissent être en compétition. La position globale de la majorité est particulièrement patriotique, alors que l’appel de la dissidence aux connexions locales l’amène involontairement en ligne avec des penseurs cosmopolites. Ces perspectives offrent une meilleure compréhension des volets de pensée au sein de la division globale-locale et mets en lumière la nature nébuleuse des arguments basés sur l’appartenance politique.
Articles
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Remuer ciel et terre : la dignité et l’autonomie après la mort au regard de l’exhumation
Michaël Lessard
p. 675–720
RésuméFR :
Que diriez-vous d’une excursion dans les catacombes du droit civil? Nous prendrons comme terrain de jeu la jurisprudence relative aux exhumations et explorerons comment la dignité et l’autonomie s’articulent après la mort. Le droit, nous révèle cette jurisprudence, respecte la dignité des défunt·es en protégeant leurs sépultures et en assurant la pérennité des inhumations. Il assure également le respect de l’autonomie corporelle après la mort en permettant les interventions dans les cimetières qui visent à assurer le respect des dernières volontés. En l’absence de volontés explicites, les juges adoptent parfois une approche narrative pour creuser la vie d’une personne décédée et déterrer comment elle aurait voulu que l’on dispose de son corps. À défaut, les tribunaux s’en remettent à la volonté intime des substituts décisionnaires que sont les héritiers, héritières et successibles. Surgissent enfin parfois les responsables de l’administration du repos éternel qui, afin d’assurer la bonne marche de l’activité funéraire, demandent l’exhumation de cadavres pour des fins logistiques.
EN :
What would you say to an excursion into the catacombs of civil law? Through exploring the case law on exhumations, we will examine how dignity and autonomy are deployed after death. The law surrounding exhumations, as the case law reveals, respects the dignity of the deceased by protecting their graves and ensuring the continuity of burials. It also ensures respect for bodily autonomy after death by allowing interventions in cemeteries to ensure that last wishes are respected. In the absence of explicit wishes, judges sometimes take a narrative approach by delving into the life of a deceased person to determine how they would have wanted their body disposed of. Alternatively, courts may rely on the personal preferences of substitute decision-makers that are heirs and successors. Finally, the persons who are charged with the administration of funeral and burial operations will sometimes request the exhumation of corpses for logistical purposes to ensure the industry’s orderly function.
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Keeping It Private: The Impossibility of Abandoning Ownership and the Horror Vacui of the Common Law of Property
Konstanze von Schütz
p. 721–759
RésuméEN :
In the common law of property, it is generally impossible to abandon one’s ownership. In this article, I explore this impossibility. I show that owners cannot abandon land and chattels, let alone have a legal right to do so. I then put forth an account of the common law’s restrictive attitude toward abandonment. I demonstrate how this attitude can only be fully understood in light of the common law’s conception of ownership. This is because the fear that motivates the restrictions on abandonment, the common law of property’s horror vacui, is a fear of the absence of common law ownership in its specific normative significance. Crucial features that characterize common law ownership and that shape the legal rules on abandonment are: 1) its monism, 2) its grounding in a private ownership paradigm, and 3) its assignment of proprietary responsibility exclusively to private owners. Owing to these features, recourse to a model of “public ownership of last resort” to appease the horror—as in France and Quebec’s civil law—is barred. The only way for the common law to appease the horror is to ensure that ownable things are kept in private hands for as long as possible. The common law must “keep it private.” An account that identifies the legal rules on abandonment as catering to the common law’s urge to “keep it private” comprehensively captures the entirety of the legal rules concerning the abandonment of ownership. It shows why obliging owners to continue to assume the responsibility associated with being an owner is warranted.
FR :
En common law, il est généralement impossible d’abandonner sa position de propriétaire, son « ownership ». Cet article se penche sur cette impossibilité. Il souligne que des propriétaires ne peuvent pas se départir unilatéralement de leurs biens, meubles comme immeubles; il n’y a pas de droit à l’abandon. Ensuite, l’article propose un nouveau cadre théorique pour mieux rendre compte de l’attitude restrictive de la common law envers l’abandon. Il démontre que cette attitude restrictive ne peut être comprise qu’à la lumière de l’« ownership » et qu’elle répond à la crainte de son éventuelle absence, l’horror vacui de la common law. Les éléments cruciaux qui caractérisent l’« ownership » en common law et qui façonnent les règles juridiques sur l’abandon, sont: 1) son monisme, 2) l’enracinement de l’« ownership » dans un paradigme de la propriété privée, ainsi que 3) l’attribution d’une responsabilité spécifique qui incombe exclusivement aux propriétaires. Ces caractéristiques font en sorte que la voie vers la « propriété publique de dernier recours », telle qu’elle existe en France et au Québec, n’est pas disponible pour répondre à l’horror vacui de la common law. La common law cherche plutôt à garder les choses entre les mains des propriétaires privés le plus longtemps possible, et donc de « garder cela privé ». En relevant l’importance que la common law accorde au fait de « garder cela privé », le cadre théorique proposé ici permet de rendre compte de l’ensemble des règles de doctrine gouvernant l’abandon. Il met en avant les raisons sous-jacentes justifiant l’obligation qu’ont les propriétaires de continuer d’assumer leur responsabilité à l’égard de leurs biens.