Volume 138, numéro 2, été 2014
Sommaire (11 articles)
Le mot du président
Botanique
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Redécouvertes du Trichostema dichotomum Linnaeus (Lamiaceae) au Québec, en Montérégie
André Sabourin et Caroline Bélair
p. 4–7
RésuméFR :
Trichostema dichotomum Linnaeus n’avait pas été observé au Québec depuis 1952, à la suite d’une récolte faite à la baie Missisquoi. En 2011, l’espèce a été redécouverte sur 3 sites de la localité de Cazaville, dans la municipalité de Saint-Anicet (MRC Le Haut-Saint-Laurent). En 2013, elle a aussi été localisée sur 2 autres sites de Cazaville et 1 site de Saint-Chrysostome, dans la même MRC. Nous présentons les caractéristiques morphologiques de cette plante, son aire de répartition en Amérique du Nord, ses habitats, les plantes compagnes et autres données concernant ses mentions québécoises. Nous ajoutons quelques notes sur l’importance de la conservation des habitats, surtout à Cazaville.
EN :
Prior to 2011, the last record of the forked bluecurls (Trichostema dichotomum Linnaeus) in Québec was of a specimen collected in the Baie Missisquoi area in 1952. In 2011, this species was discovered growing at 3 sites around Cazaville, in the municipality of Saint-Anicet (regional county municipality (RCM) of Le Haut-Saint-Laurent). In 2013, it was found growing at a further 2 sites around Cazaville and at 1 site in Saint-Chrysostome, which is located within the same RCM. This paper describes the morphological characteristics of the species, its distribution in North America, the habitats in which it occurs, companion plants and additional data associated with the Québec population. The importance of habitat conservation, particularly in the Cazaville area, is also discussed.
Entomologie
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L’aeschne majestueuse, une libellule en situation précaire au Québec
Michel Savard et Alain Mochon
p. 8–15
RésuméFR :
Autrefois plus fréquente au Québec, d’après les données de collections entomologiques muséales, l’aeschne majestueuse (Epiaeschna heros) n’a été capturée en vol qu’une seule fois au cours des 25 dernières années, soit le 24 juin 2013 à Lac-Brome en Montérégie. La destruction et les perturbations anthropiques de l’habitat spécialisé de cette libellule, les étangs temporaires et les marécages fluviaux, ombragés par un couvert forestier, auraient rendu cette espèce rarissime et vulnérable.
EN :
According to historical data from entomological collections, the swamp darner (Epiaeschna heros) was more frequent in Québec in the past. The specimen caught on June 24, 2013 at Lac-Brome, in the Montérégie region, was the first individual of this species to be record in the province for 25 years. In Québec, human activity has resulted in the loss and perturbation of the forest-shaded temporary pools and fluvial swamps favoured by this species, which means that the swamp darner is now rare and potentially vulnerable in the province.
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Découverte de l’épithèque de Brunelle au Québec, une libellule secrète
Pierrette Charest et Michel Savard
p. 16–25
RésuméFR :
La récolte d’exuvies de libellules en 2012 et 2013, sur les berges des rivières Batiscan et Trenche en Mauricie, a mené à la découverte de l’épithèque de Brunelle (Neurocordulia michaeli) au Québec. Cette espèce méconnue, récemment décrite par Brunelle (2000), affiche une distribution plus nordique que celle de l’épithèque de Provancher (Neurocordulia yamaskanensis). Ces 2 espèces, plus répandues dans la zone tempérée que ne le laissent croire les mentions québécoises, peuvent cohabiter dans le même cours d’eau au piémont des Laurentides. Lors d’un inventaire d’adultes, ces épithèques peuvent carrément passer inaperçues en raison de leurs moeurs secrètes et crépusculaires. Une clé de détermination des espèces de l’est du Canada est fournie.
EN :
The collection of dragonfly exuviae along the Batiscan and Trenche Rivers in the Mauricie region of Québec in 2012 and 2013, lead to the first record of the broad-tailed shadowdragon (Neurocordulia michaeli) for the province. This species, which was recently described by Brunelle (2000), has a more northern distribution than that of the stygian shadowdragon (Neurocordulia yamaskanensis). Both these shadowdragons are more frequent in the temperate zone than the Québec records suggest. The lack of observations is due largely to the secretive and crepuscular nature of the adults, which means that they are less likely to be encountered during standard dragonfly surveys. The results of this study show that the larvae of both species can co-occur along the same stretches of river in the Laurentian foothills. An illustrated species identification key based on the characteristics of their exuviae is provided.
Foresterie
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Historique à long terme des feux de forêt de la sapinière de l’île Bonaventure en Gaspésie
Joanie Tremblay, Martin Lavoie et Mathieu Frégeau
p. 26–31
RésuméFR :
Les chablis et les épidémies d’insectes sont les principales perturbations qui régissent la dynamique des sapinières des régions maritimes. Bien que peu fréquents, des feux peuvent aussi survenir à l’occasion, mais on ne connaît pas leur historique à long terme (sur plusieurs centaines et milliers d’années). Nous avons reconstitué l’histoire des feux naturels ayant eu lieu sur l’île Bonaventure à l’aide d’une analyse pédoanthracologique. Située à l’extrémité est de la péninsule gaspésienne, il s’agit d’une petite île dont le couvert forestier consiste en une sapinière à épinette blanche. Au sein d’une place-échantillon de 500 m2, les charbons de bois de taille macroscopique (< 2 mm) de 50 échantillons de sol minéral ont été dénombrés, identifiés et datés. Au total, seulement 7 charbons ont été trouvés. Les identifications botaniques indiquent qu’il s’agissait de feuillus (5 charbons) et d’un conifère (1 charbon), tandis que l’identification n’a pas été possible pour le dernier charbon. Les datations au carbone 14 (14C) ont livré des âges s’échelonnant entre 7 780 et 8 400 ans avant aujourd’hui (années étalonnées). Ces résultats suggèrent que des feux naturels sont survenus sur l’île Bonaventure lors des premiers millénaires ayant suivi la déglaciation. L’île semble avoir été épargnée du feu depuis 7 700 ans, ce qui marquerait l’époque de formation de la véritable sapinière.
EN :
Although windthrow and insect outbreaks are the main disturbance factors that determine the dynamics of balsam fir stands in maritime regions, forest fires also occur. However, such fire events are infrequent and there is little available information on their long-term importance (over hundreds or thousands of years). The present study used pedoanthracological research techniques to reconstruct the history of natural fire events on Bonaventure Island (Québec). This small island is situated at the eastern tip of the Gaspé Peninsula, and the forested area is dominated by balsam fir and white spruce. Fifty samples of mineral soil were collected from across a 500 m2 study plot, and macroscopic (< 2 mm) charcoal remains were extracted, identified and dated. In total, 7 pieces of charcoal were found. Analysis of these revealed that 5 originated from deciduous species, 1 from a coniferous tree, and 1 was of unknown origin. The 14C dating revealed that the age of the charcoal pieces was from 7780 to 8400 years before present (calibrated years). These results suggest that natural fire events occurred on Bonaventure Island during the millenia immediately following deglaciation. The island seems to have been free of natural fire events for approximately 7700 years, and it was at the start of this period that the dense balsam fir stands formed.
Géologie
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Le rôle des icebergs dans la mise en place des méga-blocs de la batture argileuse à Saint-Fabien-sur-Mer
Jean-Claude Dionne
p. 32–42
RésuméFR :
La vaste batture argileuse de la baie de Saint-Fabien, en bordure du parc national du Bic, est en grande partie couverte de cailloux erratiques de nature, de forme et de taille variées. Un relevé effectué en 2010 et 2011 a permis d’identifier et de mesurer 2 442 blocs de taille métrique pesant entre 1 et 440 tonnes, soit 54,7 % d’erratiques ignés et métamorphiques provenant du Bouclier laurentidien, d’âge précambrien, et 45,3 % de blocs sédimentaires provenant des formations appalachiennes d’âge cambro-ordovicien. Dans l’ensemble de la batture, les éléments précambriens sont plus petits que les appalachiens. Dans la catégorie de masse comprise entre 1 et 3 tonnes, il y a respectivement 45,1 % et 27,2 % de l’effectif total constitué de blocs précambriens et appalachiens; dans celle de 3 à 10 tonnes, les pourcentages respectifs sont de 8,6 et 11,8 alors que ceux d’une masse supérieure à 10 tonnes totalisent 1 % et 6,3 %. Les 2 plus gros erratiques précambriens pèsent 63 et 69 tonnes, alors que les 2 plus gros appalachiens atteignent 206 et 440 tonnes. La plupart des méga-blocs reposent à la surface de la batture argileuse; les autres sont, à divers degrés, enfouis dans l’argile fossilifère de la Mer de Goldthwait datée localement à plus de 10 ka. Compte tenu de ces caractéristiques, les méga-blocs précambriens et appalachiens furent d’abord déplacés par les glaciers au Wisconsinien vers la vallée du Saint-Laurent avant d’être transportés et délestés dans la mer postglaciaire par des icebergs issus des fronts glaciaires alors situés en bordure des rives nord et sud de l’estuaire. En raison de l’abondance des méga-blocs sur la rive sud de l’estuaire maritime, la Mer de Goldthwait, durant la déglaciation (13,5 à 9,5 ka), devait être infestée d’icebergs. Leur rôle sédimentologique, en particulier en ce qui concerne les débris clastiques grossiers, mérite certainement d’être souligné d’une façon explicite.
EN :
The erratic boulders that largely cover the extensive clayey tidal flat adjacent to the Parc National du Bic at Saint-Fabien-sur-Mer represent a range of lithologies, shapes and sizes. During surveys conducted across the tidal flat in 2010 and 2011, 2442 mega-boulders weighing between 1 and 440 metric tons, were identified and measured. Of these, 54.7% were igneous and metamorphic Precambrian erratics from the Canadian Shield and 45.3% were Appalachian Cambro-ordovician sedimentary erratics. The Precambrian erratics present at the site are smaller than those of Appalachian origin. Precambrian and Appalachian blocks weighing between 1 and 3 tons account for 45.1% and 27.2% of the total, respectively; those weighing between 3 and 10 tons, for 8.6% and 11.8%, respectively; and those weighing over 10 tons, for 1% and 6.3%, respectively. The 2 largest Precambrian boulders weigh 63 and 69 tons, whereas the 2 largest Appalachian boulders weigh 206 and 440 tons. Most of the mega-boulders are lying on the surface of the tidal flat; the remaining are partially embedded in the Goldthwait Sea clay deposit, which at this site is dated as being over 10 000 years old. Based on their characteristics, the Precambrian and Appalachian mega-boulders were initially moved by the Wisconsinian glaciers toward the St. Lawrence valley, before being transported and released into the postglacial sea by icebergs calved from the glacier edges along the north and the south shores of the St. Lawrence estuary. The amount of mega-boulders situated along the south shore of the maritime estuary, suggests that significant concentrations of icebergs occurred in the Goldthwait Sea during the deglaciation of the St. Lawrence valley between 13 500 and 9 500 years ago. Consequently, the sedimentary role of icebergs in releasing coarse debris deserves to be clearly highlighted.
Lichénologie
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Arthrosporum, un genre de lichen nouveau pour le Québec
Arold Lavoie
p. 43–45
RésuméFR :
L’arthrospore du peuplier (Arthrosporum populorum), un lichen crustacé, a été découvert au mont Saint-Hilaire (MRC de la Vallée-du-Richelieu). Il s’agit d’une espèce et d’un genre nouveau pour le Québec. Un spécimen, récolté en 1996, avait jusqu’alors été attribué à Bacidia schweinitzii. À la suite de recherches sur le terrain, la population a été redécouverte en 2013.
EN :
A specimen of crustose lichen collected on Mont Saint-Hilaire (regional county municipality of La Vallée-du-Richelieu, Québec) in 1996 and initially identified as Bacidia schweinitzii, was recently reidentified as being the poplar dot lichen (Arthrosporum populorum). This represents a new species and genus for the province. The population was rediscovered during fieldwork conducted in 2013.
Milieux aquatiques
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L’invasion de l’écrevisse à taches rouges au lac Brome, en Montérégie
Jean-François Desroches, Louis-Philippe Gagnon et Isabelle Picard
p. 46–49
RésuméFR :
Lors d’inventaires réalisés en 2011 et en 2013 au lac Brome, en Montérégie, dans le sud du Québec, la seule espèce d’écrevisses recensée fut l’écrevisse à taches rouges (Orconectes rusticus). Elle y était très abondante et répartie dans l’ensemble du lac. Cette espèce, reconnue envahissante et nuisible aux écrevisses indigènes, pourrait se répandre en aval pour coloniser d’autres cours d’eau et lacs, de même que le fleuve Saint-Laurent.
EN :
The rusty crayfish (Orconectes rusticus) was the only crayfish species recorded during surveys conducted in Lac Brome (Montérégie, Québec) in 2011 and 2013. This invasive species, which is known to threaten indigenous crayfish, was highly abundant and widely distributed in the lake. This species could spread downstream and reach other water bodies, including the St. Lawrence River.
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Restauration des habitats du lac Saint-Pierre : un prérequis au rétablissement de la perchaude
Véronik de la Chenelière, Philippe Brodeur et Marc Mingelbier
p. 50–61
RésuméFR :
La perchaude (Perca flavescens) du lac Saint-Pierre a connu un déclin majeur à partir du milieu des années 1990. La situation est devenue si critique que le gouvernement du Québec a décrété, en 2012, un moratoire de 5 ans sur les pêches commerciale et sportive. Si la pêche a contribué à cet effondrement, la perchaude a aussi souffert de la détérioration de ses habitats depuis les années 1950. L’analyse de l’utilisation du sol à partir de photographies aériennes, couplée à la modélisation des meilleurs habitats de reproduction dans la zone littorale, indique que 5 000 ha d’habitats printaniers ont été dégradés par plusieurs activités anthropiques. La disparition d’herbiers et la prolifération de cyanobactéries benthiques dans les zones de croissance des jeunes perchaudes, la diminution de la connectivité entre le lac et la zone littorale, l’implantation d’espèces exotiques, l’arrivée d’un nouveau prédateur aviaire et aussi le climat ont contribué à l’échec du recrutement et au déclin de la perchaude. Les constats de détérioration du lac Saint-Pierre indiquent que la situation ne s’améliorera que lorsque les espèces pourront se reproduire et se développer dans un milieu sain, ce qui nécessitera la restauration d’habitats, ainsi que l’amélioration de la qualité de l’eau et de la connectivité entre le lac et la zone littorale.
EN :
In the mid-1990s, the Lake Saint-Pierre (Québec) population of yellow perch (Perca flavescens) started to undergo a sharp decline. By 2012, the situation had become so critical that the provincial government closed the commercial and sport fishing of this species. Although fishery activities contributed to the decline of yellow perch, this species has also suffered from habitat deterioration. An analysis of land-use using aerial photographs, coupled with modeling based on information concerning the best spawning habitat for yellow perch in the littoral zone, revealed that 5000 ha of spring habitat have been negatively modified by anthopogenic activities since 1950. Furthermore, the loss of submerged macrophyte beds, the proliferation of benthic cyanobacteria in the areas used by young yellow perch, the reduction in connectivity between the lake and the littoral zone, competition with exotic species, the arrival of a new avian predator and climate change have also contributed to poor recruitment and to the decline of the yellow perch. These findings suggest that the situation will only improve when this species is provided with a healthy environment in which to spawn and develop. This will require restoration of essential habitats, an improvement in water quality, and an enhanced level of connectivity between the lake and the littoral zone (including the floodplain).